Monsieur le Président de la République,
La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 habilite le Gouvernement à prendre dans un délai de trois mois à compter de sa publication, toute mesure pouvant entrer en vigueur à compter du 12 mars 2020, afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, de la propagation du covid-19 et des mesures pour limiter cette propagation (titre II article 11, I 2°).
Afin de faciliter la reprise de l'activité juridictionnelle malgré les mesures d'urgence sanitaire prises pour ralentir la propagation du virus covid-19, la présente ordonnance modifie et complète l'ordonnance n° 2020-304 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété.
L'article 1er de la présente ordonnance modifie l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-304 afin de ne pas limiter à la matière non pénale le champ d'application de l'article 6-1 relatif à l'accès aux juridictions.
L'article 2 de la présente ordonnance modifie l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-304 afin de prévoir que les délais des procédures de saisies immobilières sont suspendus, non plus jusqu'à la fin de la période juridiquement protégée, mais jusqu'à la date du 23 juin 2020.
L'article 3 de la présente ordonnance modifie l'article 5 de l'ordonnance n° 2020-304, qui permet à la juridiction de statuer à juge unique en première instance comme en appel.
S'agissant du conseil des prud'hommes qui peut, en vertu de l'article 5, statuer en formation restreinte, il indique qu'en cas de départage, l'affaire est renvoyée devant le même bureau de jugement en formation restreinte, présidée par un juge du tribunal judiciaire dans le ressort duquel est situé le siège du conseil de prud'hommes. Une précision identique est apportée en cas de départage en référé ou devant le bureau de conciliation.
L'article permet en outre, d'imposer un juge rapporteur en procédure écrite ordinaire devant le tribunal judiciaire.
Enfin, cet article précise que ces dispositions sont applicables dès lors que la date de l'audience de plaidoirie ou la date de mise en délibéré de l'affaire - dans l'hypothèse d'une procédure sans audience -, est fixée pendant la période juridiquement protégée.
Si l'article 4 de la présente ordonnance supprime les dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 2020-304 prévoyant que le président de la juridiction peut décider que les débats se dérouleront en publicité restreinte et, si nécessaire, en chambre du conseil, l'article 5 crée un article 6-1 qui limite l'accès à la juridiction et aux salles d'audience aux personnes qu'il désigne. Il est toutefois précisé que les chefs de juridiction peuvent autoriser l'accès à la juridiction, notamment aux services qui accueillent du public, dans les conditions qu'ils fixent pour garantir le respect des consignes sanitaires. Cet article précise en outre que dans le respect de ces conditions, peuvent assister aux audiences les personnes autorisées par le juge ou le président de la formation de jugement ainsi que les journalistes.
L'article 6 de la présente ordonnance modifie l'article 7 de l'ordonnance n° 2020-304 qui prévoit la possibilité de tenir des audiences et des auditions de manière dématérialisée. Il précise tout d'abord que cet article s'applique lorsque l'audience ou l'audition a lieu pendant la période juridiquement protégée. Il étend ensuite la possibilité d'utiliser un moyen de télécommunication audiovisuelle en autorisant son usage entre la juridiction et les techniciens ainsi que pour procéder à une audition pendant la période juridiquement protégée. Il étend la possibilité de recourir à tout moyen électronique, y compris téléphonique, aux auditions. Il dispose enfin que lorsqu'un moyen de télécommunication audiovisuel ou un autre moyen de communication électronique est utilisé pour tenir une audience ou une audition, les participants à l'audience peuvent se trouver en des lieux distincts.
L'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304, qui permet à la juridiction de statuer sans audience, selon une procédure écrite lorsque la représentation par avocat est obligatoire ou que les parties sont représentées ou assistées par un avocat, est modifié par l'article 7 de la présente ordonnance. Il énonce que la décision de procéder selon la procédure sans audience peut intervenir à tout moment de la procédure. Il exclut ensuite la possibilité pour le juge des libertés et de la détention d'imposer la procédure sans audience en matière de soins psychiatriques sans consentement.
L'article 8 de la présente ordonnance modifie l'article 10 de l'ordonnance n° 2020-304. Il précise que les décisions peuvent être portées par tout moyen à la connaissance des parties intéressées et pas seulement à celle des parties à la procédure. Il remplace par ailleurs les convocations et les notifications par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du greffe par une lettre simple. Il tire ainsi les conséquences de l'arrêté du 15 avril 2020 qui modifie temporairement l'arrêté du 7 février 2007 fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux en supprimant la signature du destinataire de la lettre recommandée pour y substituer, après vérification orale de sa présence, une déclaration sur l'honneur établie par l'employé chargé de sa distribution attestant de la distribution de la lettre dans la boîte aux lettres.
L'article 9 de la présente ordonnance crée quatre articles (11-1, 11-2, 11-3, 11-4) dans l'ordonnance n° 2020-304. Il permet tout d'abord la communication, après le jugement, de la décision d'ouverture d'une mesure et du dossier des majeurs protégés aux mandataires professionnels, par voie dématérialisée (article 11-1). Il précise ensuite que la durée des mesures de droit de visite et de remise d'enfant fixées en espace de rencontre par décision du juge aux affaires familiales est réputée avoir été suspendue à compter de la fermeture de l'établissement et jusqu'à la reprise effective de la mesure par l'espace de rencontre (article 11-2). Il dispose par ailleurs que lorsque le bureau de conciliation et d'orientation n'a pas statué dans un délai de 3 mois à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, l'affaire est renvoyée, sauf opposition expresse du demandeur, devant le bureau de jugement à une date que le greffe indique aux parties par tout moyen (article 11-3). Enfin, cette disposition prévoit la possibilité d'une remise des actes de procédure au service d'accueil unique du justiciable par tout moyen, y compris par courrier électronique, à charge pour la partie de régulariser l'envoi dématérialisé par le dépôt de l'original au plus tard à l'audience. Sont inclus dans cet article tous les actes non pénaux qui peuvent être déposés au service d'accueil unique du justiciable selon l'article R 123-28 du COJ, y compris les demandes d'aide juridictionnelle (article 11-4).
Les articles 10 à 13 de la présente ordonnance portent sur l'assistance éducative. Les nouvelles dispositions relatives à l'assistance éducative visent à concilier la reprise rapide d'un fonctionnement normal de la justice des mineurs avec le respect des règles de distanciation sociale. Elles prennent en compte les contextes locaux différents et la nécessité d'organiser dans des salles plus grandes que les bureaux des magistrats les audiences en assistance éducative qui regroupent souvent de nombreuses personnes. C'est pourquoi l'essentiel des dispositions de l'ordonnance a été conservé, à l'exception de celles portant sur les placements et de celles portant sur la suspension des droits de visite et d'hébergement, qui devront faire l'objet d'audiences. Le prolongement dans la durée de la crise sanitaire commande également de limiter le renouvellement des autres mesures sans audience à une seule fois par affaire.
Ainsi, l'article 10 modifie l'article 13 de l'ordonnance n° 2020-304 en limitant la prorogation de plein droit à une seule fois et aux seules mesures de milieu ouvert et d'aide à la gestion du budget familial.
L'article 11 modifie l'article 14 de l'ordonnance n° 2020-304, qui permet au juge de renouveler une mesure éducative sans audience avec l'accord écrit d'au moins l'un des parents est limité aux mesures de milieu ouvert. Le service éducatif doit désormais transmettre au juge l'avis du mineur capable de discernement qui le demande et un tel renouvellement ne peut être prononcé qu'une seule fois.
L'article 12 supprime l'article 19 de l'ordonnance n° 2020-304 qui autorisait le juge à suspendre ou modifier un droit de visite ou d'hébergement sans audition des parties.
L'article 13 supprime le second alinéa de l'article 21 qui permettait de prendre sans contreseing et de notifier par voie électronique des décisions suspendant ou modifiant des droits de visite ou d'hébergement.
En raison de l'épidémie de covid-19 et des interdictions de regroupement qu'elle entraine, les copropriétés se trouvent dans l'impossibilité matérielle de tenir des assemblées générales dans des conditions normales. Cette situation étant amenée à perdurer au-delà de la période d'état d'urgence sanitaire, il est important de permettre aux syndicats de copropriétaires de prendre les décisions nécessaires au bon fonctionnement des copropriétés sans qu'il y ait lieu de convoquer une assemblée générale par présence physique, ce que la loi du 10 juillet 1965 et son décret d'application ne permettent pas. Dès lors, il est apparu nécessaire de permettre la tenue d'assemblées générales totalement dématérialisées.
Il est ainsi créé un article 22-2 s'insérant dans l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, ouvrant la possibilité au syndic de convoquer une assemblée générale, sans présence physique, les copropriétaires pouvant alors participer à l'assemblée par visioconférence, ou voter par correspondance (article 14).
Cet article prévoit également de permettre, dans les hypothèses où le recours à la visioconférence ne serait pas possible, que les décisions du syndicat des copropriétaires soient prises au seul moyen du vote par correspondance.
Il est en outre permis au syndic qui aurait déjà convoqué une assemblée générale d'avoir recours à ces nouvelles possibilités à condition d'en informer les copropriétaires au moins quinze jours avant la tenue de cette assemblée.
Il est prévu que ces dispositions entrent en vigueur le 1er juin 2020, date à laquelle les dispositions relatives au vote par correspondance prévu par l'ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété entreront en vigueur. Il parait également nécessaire que ce dispositif puisse s'appliquer jusqu'au 31 décembre 2020, date jusqu'à laquelle les autres dispositions dérogatoires relatives à la copropriété s'appliquent.
Pour compléter le dispositif, il est créé trois articles dérogeant pour la même période à certaines dispositions du décret du 17 mars 1967.
L'article 22-3, d'une part, aménage les règles de convocation et de tenue des assemblées générales lorsqu'il est fait application du dispositif prévu à l'article 22-2.
L'article 22-4, d'autre part, augmenter jusqu'à 15 % au lieu de 10 % le nombre de voix dont peut disposer le mandataire qui reçoit plus de trois délégations de vote de copropriétaires.
L'article 22-5, enfin, permet le recours à la visioconférence sans qu'il soit nécessaire que l'assemblée générale ait décidé au préalable des modalités de sa mise en œuvre.
L'article 15 dispose enfin que l'ordonnance entre en vigueur immédiatement, qu'elle s'applique aux procédures en cours et l'article 16 que l'ordonnance est applicable à Wallis et Futuna.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.Liens relatifs
Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 modifiant l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété