La Commission régulièrement convoquée et constituée, réunie le 19 février 2020,
Après en avoir délibéré,
Considérant que le bien pour lequel le certificat d'exportation est demandé constitue un dessin remarquable du grand écrivain français Victor Hugo (1802-1885), réalisé à Jersey le 21 mai 1855, la veille de la Sainte Julie, et destiné à être offert pour sa fête à Juliette Drouet (1806-1883), la fidèle amante de l'auteur depuis 1833, qui l'avait suivi dans cet exil ; qu'il s'agit d'une composition au caractère onirique où les initiales, de taille disproportionnée, entrelacées de l'auteur et de sa maîtresse, affichant ainsi leur liberté de s'aimer au-delà du carcan social, flottent dans un ciel inquiétant au-dessus de la maison isolée, nommée Marine Terrace, qu'occupa à Jersey la famille Hugo du 16 août 1852 au 31 octobre 1855 ; que cette résidence provisoire, située au sud-est de Saint-Hélier sur la grève d'Azette, qui a été un lieu de riche activité poétique pour Hugo et qu'il a plusieurs fois dessinée, est représentée dans un halo de lumière étrange, apparentant ce dessin à une photographie de son fils Charles et marquant son intérêt pour ce médium ; que le thème du monogramme est susceptible de tirer son origine d'un projet de chiffre que Hugo devait dessiner pour être brodé par une proche du cercle familial, Augustine Allix, sœur du docteur Émile Allix, et qui a joué ensuite un rôle notable dans la relation amoureuse du couple, en particulier dans les décors de Hauteville II, la seconde maison de Juliette à Guernesey, que Victor Hugo réalisa en 1863-1864 ; que cette « splendide relique d'amour et d'art », selon l'expression utilisée par Juliette dans une lettre à Victor Hugo du 22 mai 1855, était placée, au feuillet 88, à la fin de l'album dit Album des proscrits, recueil composé principalement de portraits photographiques des membres de la proscription, prises par Charles Hugo et Auguste Vacquerie, pour conserver la mémoire de l'exil et qui contenait un autre dessin de Victor Hugo en frontispice ; que l'album, passé par héritage au neveu de Juliette Drouet, Louis Koch, avant d'être acheté par Paul Meurice, en 1902-1903, avec la quasi-totalité de la collection de Juliette Drouet qu'il destinait au musée de la place des Vosges et dont Marine Terrace, d'abord séparé de l'album, a sans doute été exclu du don pour des raisons de morale et de convenance, apparaissant alors incompatibles avec une exposition publique ; que ce dessin emblématique, par sa force iconographique, par sa qualité d'exécution, par la symbolique à connotation autobiographique des motifs de Marine Terrace et des initiales imbriquées, proclamant au-dessus de la demeure familiale l‘union avec Juliette, représente un témoin sans équivalent de l'œuvre graphique d'Hugo, notamment du fait de son caractère « surréaliste » précurseur ;
Qu'en conséquence, cette œuvre présente un intérêt majeur pour le Patrimoine national du point de vue de l'histoire et de l'art et doit être considérée comme un trésor national ;
Emet un avis favorable au refus du certificat d'exportation demandé.