Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l'urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale

NOR : JUSX2008202P
ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/rapport/2020/3/28/JUSX2008202P/jo/texte
JORF n°0076 du 28 mars 2020
Texte n° 2

Version initiale


  • Monsieur le Président de la République,
    La présente ordonnance est prise en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.
    Le d) du 1° du I de son article 1er habilite le Gouvernement à prendre dans un délai de trois mois à compter de sa publication toute mesure pouvant entrer en vigueur à compter du 12 mars 2020, pour adapter les dispositions du livre VI du code de commerce et celles du chapitre Ier du titre V du livre III du code rural et de la pêche maritime afin de prendre en compte les conséquences de la crise sanitaire pour les entreprises et les exploitations.
    Le projet d'ordonnance joint au présent rapport porte sur :
    1. La fixation dans le temps de l'état de cessation des paiements.
    L'article 1er gèle au 12 mars 2020 l'appréciation de la situation des entreprises ou exploitations agricoles s'agissant de l'éventuel état de cessation des paiements. Cette cristallisation des situations permettra aux entreprises de bénéficier des mesures ou procédures préventives même si, après le 12 mars et pendant la période correspondant à l'état d'urgence sanitaire majorée de trois mois, elles connaissaient une aggravation de leur situation telle qu'elles seraient alors en cessation des paiements. Cette disposition concerne principalement les procédures de conciliation et les procédures de sauvegarde.
    Toutefois, dans ce dernier cas, le débiteur - et lui seul - pourra demander l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, ou le bénéfice d'un rétablissement professionnel, du fait de cette aggravation. Ainsi, la prise en charge des salaires par l'institution de garantie compétente sera possible, dans les limites prévues par les textes restés sur ce point inchangés.
    La fixation au 12 mars 2020 de la date de l'appréciation de l'état de cessation des paiements ne peut être conçue que dans l'intérêt du débiteur, ce qui évite, en outre, qu'il ne s'expose à des sanctions personnelles pour avoir déclaré tardivement cet état. Toutefois, il convient de réserver les possibilités de fraude aux droits des créanciers, tant de la part du débiteur que d'autres créanciers, ce qui justifie également l'application des dispositions de l'article L. 631-8 du code de commerce, relatif aux nullités de la période suspecte.
    Le même principe de cristallisation a été appliqué pour l'exploitation agricole dans le cadre d'une procédure de règlement amiable relevant du code rural et de la pêche maritime (article 3 de l'ordonnance).
    Tel est l'objet du 1° de cet article 1er.
    2. L'adaptation des contraintes chronologiques des procédures.
    Pour éviter que la période correspondant à la mise en œuvre des mesures de police administrative, et celle suivant de peu, ne compromette tout effort de recherche d'une solution préventive ou pour la mise en place d'un plan de sauvegarde ou de redressement, les II, III et IV de l'article 1er assouplissent les contraintes de temps imposées par les dispositions relatives à la conciliation, d'une part, et à l'exécution d'un plan de sauvegarde ou de redressement, d'autre part. L'alinéa 2 du II, en outre, permet, pendant cette période exceptionnelle, de reprendre des négociations sans attendre, en cas d'échec d'une première recherche d'accord. S'agissant de la durée des plans, outre les dispositions de l'article 2, trois niveaux de prolongations possibles sont prévus ; le premier correspond à la seule période de l'état d'urgence sanitaire, majorée de trois mois ; le président du tribunal pourra porter à un an la prolongation de la durée du plan, sur la demande du ministère public. Passé le délai de trois mois après la cessation de l'état d'urgence sanitaire, c'est le tribunal, qui sera seul compétent pour accorder des délais pendant une période qui correspond à la durée prévisible de des désordres que la crise pourra avoir provoqués dans la trésorerie des entreprises. Il convient de préciser que ces prolongations de la durée du plan sont possibles sans devoir respecter la procédure contraignante d'une modification substantielle du plan initialement arrêté par le tribunal, laquelle reste par ailleurs envisageable, et vient en complément des dispositions plus générales prises dans le cadre de l'habilitation relatives aux délais (ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période).
    Le 2° du I de l'article 1er permet, pendant cette période correspondant à l'état d'urgence majorée de trois mois, une prise en charge plus rapide par l'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS). Il n'écarte pas le représentant des salariés ni le juge-commissaire, mais permet, sans attendre leur intervention, une transmission par le mandataire judiciaire à l'AGS des relevés de créances salariales qui déclenchent le versement des sommes par cet organisme.
    Le IV de l'article 1er tire les conséquences de l'impossibilité, pour les mandataires de justice désignés par le tribunal qui ouvre une procédure collective, de respecter les délais habituels. Il appartiendra au président du tribunal d'apprécier, au cas par cas, dans quelle mesure les circonstances exceptionnelles justifient une prolongation de ces délais. Tel sera le cas, par exemple, du délai imposé au liquidateur pour la réalisation des actifs du débiteur dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire. Le président devra veiller à la cohérence des délais ainsi accordés avec ceux du II de l'article 2
    Le 1° du II de l'article 2 tire également les conséquences de l'impossibilité de respecter certains délais prévus par le livre VI du code de commerce. Il prolonge, de plein droit, sans qu'il soit nécessaire de tenir une audience ou de rendre un jugement, la durée de ces délais. Il s'agit, principalement, de la durée de la période d'observation et celle du plan. Pour le plan, la prolongation de droit est limitée de manière plus stricte que la prolongation décidée judiciairement et elle est de portée plus générale.
    Egalement pendant la durée correspondant à l'état d'urgence, prolongée d'un mois, il n'apparaît pas justifié de tenir systématiquement une audience intermédiaire pour s'assurer de la possibilité, pour l'entreprise, de maintenir son activité pendant la période d'observation du redressement judiciaire. C'est pourquoi le 1° du I de l'article 2 écarte l'application de la disposition l'imposant. Cette adaptation ne fait pas obstacle à ce que le tribunal puisse, le cas échéant, être saisi d'une demande de conversion de la procédure.
    Les 2° et 3° du II de l'article 2 tirent les conséquences de l'impossibilité, pour le mandataire judiciaire, l'administrateur judiciaire, ou le liquidateur, de respecter les délais imposés pour la prise en charge de salaire ou indemnités par l'AGS. Il est, en effet, impossible, par exemple, de procéder à la rupture des contrats de travail dans le délai de quinze jours à compter du jugement d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire. Or, le non-respect de ce délai est une cause de refus de prise en charge par l'AGS. La prolongation du délai accordé au mandataire de justice n'aurait pas de sens si les limites de la garantie de l'AGS n'étaient pas adaptées, ce qui justifie le 3° de ce II de l'article 2.
    3. L'assouplissement des formalités.
    Pendant la période exceptionnelle définie dans la présente ordonnance et lorsque les acteurs de la procédure collective ne disposent pas de moyens de communication électronique organisés par les textes, il est nécessaire d'assouplir certaines formalités.
    Tel est l'objet du 3° du I de l'article 2, tandis que le 2° écarte la formalité du dépôt au greffe, afin de faciliter le respect des règles de sécurité sanitaire mises en œuvre.
    Enfin, en complément des dispositions de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, le débiteur est incité à solliciter sa non-comparution devant le tribunal de commerce (2° du I de l'article 2) et les dispositions du droit local applicables en Moselle et dans les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin sont provisoirement écartées pour faciliter la tenue d'audiences dans des conditions compatibles avec les mesures d'urgence sanitaire (article 5).
    4. Un complément apporté à l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale à l'épidémie de covid-19.
    L'article 4 de l'ordonnance complète l'article 18 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.
    Il précise que les dispositions de cet article 18, qui augmente d'un mois les délais impartis à la chambre de l'instruction pour statuer dans des dossiers où des personnes sont placées en détention provisoire, s'appliquent également aux appels concernant des ordonnances du juge d'instruction renvoyant la personne mise en examen devant la juridiction et aux décisions concernant les déclarations d'irresponsabilité pénale en raison d'un trouble mental.
    Les précisions ainsi apportées à l'article 18 seront applicables à la date d'entrée en vigueur de cet article, fixée par l'article 15 de l'ordonnance du 25 mars 2020 à la date de publication de ce texte au Journal officiel, soit le 26 mars 2020.
    Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
    Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.

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