Monsieur le Président de la République,
La présente ordonnance est prise sur le fondement du V de l'article 199 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.
Conformément à l'habilitation, il contient les mesures relevant du domaine de la loi :
1° Nécessaires à la transposition de la directive (UE) 2016/2341 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (dite IORP2) ;
2° Aménageant les règles applicables aux organismes de retraite professionnelle mentionnés à l'article L. 381-1 du code des assurances, à l'article L. 214-1 du code de la mutualité et à l'article L. 942-1 du code de la sécurité sociale afin de renforcer l'attractivité de ces organismes, de simplifier les règles qui leur sont applicables, d'étendre le champ des risques qu'ils couvrent et de favoriser les transferts de portefeuille vers les organismes nouvellement créés.
La directive (UE) 2016/2341 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (IRP), dite IORP 2, actualise et renforce les exigences de la directive 2003/41/CE, dite IORP 1. Cette directive vise à organiser des règles minimales de gestion pour les institutions de retraite professionnelle en Europe.
La possibilité de créer ce type d'organisme a été introduite dans le droit français en 2017 par l'ordonnance n° 2017-484 du 6 avril 2017 relative à la création d'organismes dédiés à l'exercice de l'activité de retraite professionnelle supplémentaire et à l'adaptation des régimes de retraite supplémentaire en unités de rente.
Afin d'assurer une meilleure stabilité de la norme dans le temps, les éléments les plus notables de la directive IORP 2 avaient été anticipés lors de l'introduction en droit français de ce cadre par l'ordonnance précitée. Il avait notamment été prévu dès leur création que les organismes dédiés disposent d'un cadre de gouvernance, de procédures d'anticipation des risques et d'information du public sur leur situation financière similaire à celui prévu par les piliers 2 et 3 du cadre prudentiel en assurance dit « Solvabilité II ». Ces exigences constituent une des évolutions majeures du cadre de gestion applicable aux institutions de retraite professionnelle en Europe.
Malgré l'anticipation de cette refonte du cadre européen lors de la mise en place des organismes dédiés à l'exercice de l'activité de retraite professionnelle supplémentaire dans le cadre de l'ordonnance du 16 avril 2017 précitée, certains éléments importants de la directive restent à transposer. La directive précise notamment les conditions de fonctionnement du marché européen des services proposés par les institutions de retraite professionnelle et précise le cadre applicable à la souscription et à l'information au cours de la vie des contrats. Ces éléments concernant l'ensemble des acteurs européens, il avait été fait le choix de ne pas transposer par anticipation ces dispositions afin de ne pas compromettre l'égalité concurrentielle sur le marché intérieur.
La directive prévoit également d'introduire des obligations d'information sur la prise en compte des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance liés aux actifs de placement lors des décisions de placement. Il est également prévu une communication publique sur la façon dont sont pris en compte ces facteurs dans la gestion.
Depuis l'introduction du cadre de gestion des organismes dédiés en droit français, trois organismes ont obtenu un agrément permettant leur exercice. D'autres organismes devraient être mis en place à l'issue de la réforme de l'épargne retraite ouvert par l'article 71 de la loi du 22 mai 2019 précitée. Le statut des organismes dédiés permet en effet d'offrir un cadre de gestion adapté aux activités de long terme comme les engagements de retraite supplémentaire aujourd'hui gérés par des organismes d'assurance. Le durcissement des exigences prudentielles, induit par l'entrée en vigueur de la directive Solvabilité II en 2016, avait entraîné une limitation des capacités d'investissement de ces acteurs dans des actifs de diversification de long terme, pourtant bien adaptés au profil des activités de retraite.
Le développement d'un nouveau cadre français adapté à l'exercice de la retraite professionnelle supplémentaire est apparu d'autant plus nécessaire que la refonte de la directive IORP qui a débouché sur la publication de la directive (UE) 2016/2341 le 23 décembre 2016 a pour effet de confirmer l'écart actuel entre les exigences prudentielles applicables aux organismes d'assurance (Solvabilité II) et celles applicables aux institutions de retraite professionnelle sous le régime IORP. Cette différence aurait pu ainsi rapidement avoir pour effet d'inciter les entreprises souhaitant mettre en place un régime de retraite professionnelle supplémentaire au profit de leurs salariés à se tourner vers des fonds de pension étrangers qui, au regard de règles prudentielles plus adaptées au profil de long terme de cette activité, auraient pu investir plus largement dans des actifs générant, sur la durée, un rendement plus attractif pour les affiliés de ces régimes.
Dans le cadre des mesures législatives portant transposition de la directive et de l'habilitation, la présente ordonnance permet également de rendre plus attractif le cadre de gestion des organismes dédiés. Il sera désormais notamment possible à ces organismes de souscrire des engagements de retraite à adhésion individuelle. Cet élargissement est cohérent avec les dispositions de l'article 71 de de la loi du 22 mai 2019 précitée et avec le produit pan-européen de retraite individuel, en passe d'être adopté dans les instances européennes.
L'ordonnance est composée de neuf articles. Le code des assurances regroupant l'ensemble des dispositions transverses aux organismes de retraite professionnelle supplémentaire, c'est dans ce code que sont introduites les modifications les plus importantes, qui sont portées, dans la présente ordonnance, par les articles 1 à 4. L'article 5 permet d'ajuster les dispositions du code monétaire et financier. L'article 6 comporte les modifications nécessaires au code de la mutualité. L'article 7 ajuste le code de la sécurité sociale. L'article 8 prévoit une entrée en vigueur différée pour la mise à disposition par les organismes dédiés et les entreprises d'assurance, aux bénéficiaires de contrats, d'informations sur l'estimation du montant de la rente viagère. Enfin, le dernier article est un article d'exécution.
L'article 1er adapte les dispositions du livre Ier du code des assurances comportant les règles relatives aux contrats d'assurance et de retraite. C'est dans ce livre qu'il est prévu d'intégrer les dispositions qui renforcent les exigences d'information des bénéficiaires pendant l'ensemble de la vie du contrat, de la phase d'information précontractuelle à la phase de service de la rente en passant par la phase d'accumulation. Il est ainsi prévu d'introduire des obligations de transparence vis-à-vis des bénéficiaires avant toute couverture ou lors de la réalisation d'un aléa qui pourrait leur être défavorable.
Ces exigences de transparence complètent les exigences déjà existantes d'information annuelle dont la forme est adaptée pour être la plus claire possible en fonction de la phase de vie du contrat : constitution des droits ou décumul de ces derniers.
Conformément au cadre IORP 2, la loi française prévoira que les organismes dédiés doivent recourir à un dépositaire chargé de conserver les actifs gérés par l'organisme. La directive IORP 2 renforçant les conditions d'exercice de l'activité de ce dépositaire, l'article 1er transpose les règles applicables à ces prestataires. Ces règles correspondent à celles habituellement applicables à cette profession dans d'autres régimes.
L'article 2 ajuste la livre III du code des assurances pour y clarifier le fait que l'activité de réassurance permet de porter des risques cédés par des organismes dédiés.
L'article 3 refond le titre VII du livre III du code des assurances, qui encadre les conditions d'exercice des institutions de retraite professionnelle d'un autre pays de l'Union européenne sur le territoire national. La section 1 prévoit que l'activité de couverture d'engagements de retraite professionnelle soit soumise à l'obtention d'un agrément dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen. Cette section précise également que l'exercice de cette activité est soumise au respect des dispositions du droit français en matière de droit des contrats de retraite, de souscription, d'information, de droit social, et de droit du travail. Les conditions de coopération entre les autorités nationales sont enfin précisées afin d'assurer une supervision efficace de l'ensemble des institutions de retraite professionnelle sur l'ensemble du marché européen.
Une seconde section est introduite au sein du titre VII du livre III du code des assurances. Elle transpose les dispositions de la directive qui fixent la procédure à suivre lorsqu'une institution de retraite professionnelle demande qu'un portefeuille de contrats dont elle a la gestion soit transféré à une autre institution de retraite professionnelle implantée dans un autre pays de l'Union européenne. Cette procédure précise les délais, le contenu des dossiers, les critères d'évaluation des autorités et le formalisme que doivent respecter leurs échanges. Il est notamment prévu que, à l'inverse de la procédure applicable aux organismes d'assurance, l'autorité de l'institution receveuse du portefeuille soit celle qui prend la décision de transfert.
L'article 4 adapte le titre VIII du livre III du code des assurances, qui comporte les dispositions relatives au cadre de constitution et de gestion des organismes dédiés. Il est introduit la possibilité pour ces organismes de couvrir des engagements de retraite souscrits individuellement. Il est également introduit une obligation de prise en compte des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance liés aux actifs de placement lors des décisions de placement. Par ailleurs, il est précisé que les organismes dédiés n'ont pas vocation à se financer par l'emprunt.
L'article 5 modifie le code monétaire et financier afin d'intégrer les organismes dédiés dans le champ des organismes pour lesquels l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) peut échanger des informations avec d'autres autorités publiques. Cette mesure assure la conformité de la loi française avec les dispositions de la directive IORP 2, qui fixe des règles communes s'appliquant au contrôle des institutions de retraite supplémentaire en Europe.
L'article 6 modifie les dispositions du code de la mutualité. Bien que le code des assurances regroupe les dispositions relatives à l'ensemble des organismes dédiés, certaines mesures de coordination doivent être prises pour assurer la cohérence de la législation applicable à l'ensemble de ces organismes, qu'ils soient ou non à forme mutualiste. Ainsi, à l'instar de ce que prévoit l'article 4 pour les fonds de retraite professionnelle supplémentaire, le périmètre des engagements que pourront porter les mutuelles de retraite professionnelle supplémentaire est élargi afin d'y introduire une possibilité pour ces organismes de couvrir des engagements de retraite souscrits individuellement. Les dispositions précisant le rôle du dépositaire et celles renforçant l'information à fournir aux bénéficiaires sont également reproduites au sein de ce code.
L'article 7 prévoit d'introduire au titre III du livre IX du code de la sécurité sociale des dispositions analogues à celles que prévoient d'introduire l'article 6 dans le code de la mutualité, pour les organismes dédiés à forme paritaire. Ces dispositions permettent une homogénéité de la norme pour l'ensemble des organismes concernés.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.Liens relatifs
Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2019-575 du 12 juin 2019 relative aux activités et à la surveillance des institutions de retraite professionnelle