Avis relatif à l'assistance médicale à la procréation

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  • Assemblée plénière du 20 novembre 2018 - Adoption : 27 voix « pour », 3 voix « contre », 8 abstentions


    1. Depuis la naissance du premier « bébé éprouvette » en France, il y a presque quarante ans, le recours aux techniques d'assistance médicale à la procréation (AMP) (1) s'est considérablement accru : en 2018, 1 enfant sur 30 (3,4 %) aura été conçu en France grâce à l'une de ces techniques, qu'il s'agisse d'une fécondation in vitro (FIV) ou d'une insémination artificielle (IA) (2). Plus largement, l'AMP recouvre l'ensemble « des pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, la conservation des gamètes, des tissus germinaux et des embryons, le transfert d'embryons et l'insémination artificielle » (3). Quatre-vingt-quinze pour cent des enfants conçus par AMP en France le sont aujourd'hui avec les gamètes de leurs deux parents (à peu près 24 000 naissances par an), le recours à un tiers donneur ne concernant qu'à peu près 1 250 enfants par an (4). Les chances de réussite de l'AMP varient de 10 à 20 % selon la technique utilisée et l'état de fertilité des personnes concernées. L'AMP se présente pourtant en pratique comme la seule option envisageable par les couples ayant des difficultés à concevoir, dans la mesure où l'adoption présente désormais encore moins de chances d'aboutir que naguère - en raison du faible nombre d'enfants adoptables en France comme à l'étranger.
    2. Récemment, dans une tribune publiée dans la grande presse, des spécialistes de la médecine reproductive ont alerté les pouvoirs publics sur les difficultés de la prise en charge des couples confrontés à un problème d'infertilité (5). Etait notamment pointée la pénurie d'ovocytes qui ne permet pas de répondre aux besoins actuels d'AMP. Des couples, aiguillés par leurs médecins, n'hésitent dès lors plus à se rendre dans des pays voisins, en Espagne tout particulièrement, pour bénéficier des ovocytes issus de donneuses rémunérées. Enfin, ces médecins ne se cachaient pas d'apporter leur aide, en informant et en assurant un suivi de la grossesse, à des couples de femmes ayant bénéficié d'une AMP dans des pays où cette technique leur est ouverte, au risque théorique, pour l'instant non avéré, d'être poursuivis sur le fondement du volet pénal de la loi bioéthique (6). A ce bref état des lieux des difficultés suscitées par le cadre légal actuel, s'ajoute l'incertitude entourant la filiation des personnes issues d'une AMP pratiquée par un couple de femmes à l'étranger. Enfin, depuis de nombreuses années déjà, des enfants issus d'un don de gamètes ont introduit dans les médias le débat concernant l'accès à des informations sur les donneurs.
    3. Les techniques à l'œuvre en matière d'AMP repoussent toujours plus loin le champ des possibles, laissant craindre ainsi parfois chez certains l'expression d'une démesure biotechnologique qui pourrait déboucher sur une « ingéniérie de la procréation » (7). La complexité de la réflexion en la matière résulte en grande partie des incertitudes quant aux conséquences, à la fois pour la société et pour les individus, présents et à venir, des manipulations du vivant auxquelles procède la médecine reproductive aujourd'hui. On voit alors poindre parfois, dans le débat public, les spectres de l'eugénisme ou du transhumanisme. C'est pourquoi il est essentiel pour la CNCDH de rappeler que la technique, et plus généralement la science, doivent toujours s'inscrire dans un cadre de valeurs, et tout particulièrement dans le respect de la dignité de la personne humaine et des droits humains. A ce titre, le droit ne saurait, à l'évidence, s'aligner aveuglément sur les possibilités offertes par les nouvelles technologies. Sans être diabolisée ni considérée comme neutre, la technique doit demeurer ce qu'elle est, à savoir un outil et non une fin en soi, outil qui résout des problèmes, mais qui est aussi susceptible d'engendrer de nouvelles questions sociétales. Le cadre légal actuel a été bâti sur des équilibres issus d'une conciliation entre des aspirations et des valeurs en tension qu'il est nécessaire de réinterroger régulièrement, au regard de la pratique, d'une part et, d'autre part, d'un respect effectif des droits humains, dans un domaine d'autant plus complexe qu'il engage les représentations du monde et de la vie ancrées au plus profond de chacun.
    4. Le Parlement reprendra prochainement l'examen du cadre légal relatif à l'AMP dans le contexte de la révision des lois de bioéthique (8). Le rapporteur sur le projet de loi relatif à la première révision de ces lois déclarait en 2002 : « la protection des droits de l'homme est et demeure le but de la législation bioéthique » (9). C'est particulièrement vrai s'agissant de l'AMP avec tiers donneur qui engage une pluralité d'intérêts (celui de l'enfant à naître, celui des donneurs, celui des personnes ayant un désir d'enfant qu'elles ne peuvent assouvir simplement et, enfin, celui de la société), parfois convergents, parfois divergents. Toute réflexion sur le dispositif actuel et ses éventuelles évolutions doit articuler ces intérêts avec les piliers des lois de bioéthique (notamment le consentement libre aux atteintes à l'intégrité du corps humain, le caractère gratuit de la mise à disposition des éléments et produits du corps, l'anonymat des échanges de ressources corporelles (10)), les principes constitutionnels qui chapeautent le droit de la bioéthique (le respect de la dignité humaine, l'égalité) et les conventions internationales (telles que la Convention internationale sur les droits de l'enfant, ou encore la Convention européenne des droits de l'homme). Plus fondamentalement encore, ce qui pose problème en la matière, ce sont les parts respectives des volontés individuelles (lesquelles peuvent du reste être en conflit) et de l'action de l'Etat - dont on attend à la fois qu'il protège les individus et qu'il favorise les conditions de leur épanouissement personnel - dans le champ de la procréation. C'est pourquoi la CNCDH s'est auto-saisie de la question de la révision des lois bioéthique en matière d'assistance médicale à la procréation.
    5. Afin d'alimenter sa réflexion sur la question, la CNCDH a procédé à de nombreuses auditions de médecins spécialistes de la reproduction, de juristes, de sociologues, de psychologues, de psychanalystes, ainsi que de représentants d'associations, en veillant tout particulièrement à garantir une diversité de points de vue (11). Les auditions ont notamment permis aux membres de la CNCDH d'être alertés sur l'infertilité accrue au sein de la population, non seulement pour des raisons liées aux grands changements des cycles de vie - le recul de l'âge du premier enfant principalement, conséquence d'une entrée plus tardive dans la vie active, ou encore l'amplification des recompositions familiales conduisant elles aussi à des grossesses tardives -, mais également pour d'autres raisons : le tabagisme, l'obésité et les expositions environnementales à certains polluants organiques persistants tels que les polychlorobiphényles (PCB) ou aux métaux lourds. Ces observations invitent à inscrire la réflexion relative à l'AMP dans un questionnement plus large sur les évolutions de la société et les orientations politiques en matière économique, sociale et environnementale.
    6. Comme elle a pu le rappeler à plusieurs reprises dans le passé, la CNCDH souhaiterait préciser à titre liminaire qu'il n'existe pas de « droit à l'enfant ». En effet, aucun texte ni aucune jurisprudence ne consacrent un tel droit dont on ne voit, du reste, pas très bien qui pourrait en être le débiteur ni quels en seraient les contours. Ce préalable appelle à relativiser les craintes parfois suscitées sur ce point par l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes ou aux femmes célibataires. D'abord, parce que de manière générale les techniques d'AMP n'ont jamais consacré la reconnaissance d'un tel droit : les médecins s'efforcent simplement de répondre à un désir d'enfant, à un projet parental, sans d'ailleurs pouvoir en garantir la concrétisation. Ensuite, et surtout, la CNCDH rappelle que tout projet parental formulé dans le cadre d'une AMP est soumis au respect de l'intérêt de l'enfant à naître (12).
    7. A l'issue de ses travaux, la CNCDH estime que l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes célibataires procède autant d'une consécration du principe d'égalité de traitement que de la cohérence de notre système juridique. Les hommes transgenres qui n'ont pas procédé à des opérations de réassignation sexuelle ont aujourd'hui la possibilité de faire reconnaître leur genre à l'état civil. Ils gardent donc la possibilité biologique d'être enceintes et peuvent avoir besoin de recourir à la PMA s'ils sont en couple avec une femme ou un autre homme transgenre. La CNCDH est favorable à ce que ces personnes puissent aussi y recourir au regard de ce même principe d'égalité. Elle considère également qu'il est essentiel de sauvegarder les trois piliers du régime juridique du don de gamètes - liberté, gratuité, anonymat, tout en y apportant les aménagements requis par le respect des droits des femmes et des droits des personnes conçues au moyen d'un tiers donneur.


    L'encadrement de l'AMP
    Les conditions d'accès


    8. Revenir sur les conditions d'accès à l'AMP invite à réinterroger des évidences et des pratiques jusque-là entretenues par le modèle du « ni vu ni connu » (13) : l'insémination artificielle avec les gamètes d'un tiers donneur a en effet été conçue à l'origine afin de faire passer le père stérile pour le géniteur. L'ouverture éventuelle de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes célibataires amène ainsi à reconsidérer des différences conceptuelles, telles que celle qui est souvent entretenue entre le « médical » et le « social », mais également des pratiques, comme l'appariement et, plus généralement, la place et le rôle du médecin à l'égard d'un projet parental.
    9. Actuellement, l'accès à l'AMP est réservé aux couples hétérosexuels souffrant d'une infertilité « médicalement diagnostiquée » ou dont l'un des membres est susceptible de transmettre une « maladie grave » au conjoint ou à l'enfant à naître (14). Or, les revendications en faveur de l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes célibataires ont gagné en visibilité et en légitimité ces dernières années (15), particulièrement depuis l'adoption de la loi de 2013 qui a ouvert le mariage aux couples de personnes de même sexe. Ces revendications se fondent en grande partie sur une aspiration à l'égalité des droits, d'une part et, d'autre part, sur un processus d'acceptation de l'homoparentalité.
    10. Le Conseil d'Etat a estimé dans son rapport de juin 2018 que le principe d'égalité n'impliquait pas par lui-même une modification du cadre juridique actuel, dans la mesure où les couples de femmes ou les femmes célibataires sont placés « dans des situations différentes de celle des couples hétérosexuels infertiles puisque l'impossibilité de procréer à laquelle ils sont confrontés ne résulte pas d'une pathologie » (16). Pour apprécier cette différence de situation, il a mis en avant l'objectif poursuivi par le législateur avec l'AMP : « remédier à l'infertilité pathologique d'un couple sans laquelle celui-ci serait en capacité de procréer ». Dans un arrêt encore plus récent, la Haute juridiction administrative a confirmé cette position (17). La CNCDH souhaiterait apporter quelques réserves à cette interprétation du principe d'égalité, en particulier s'agissant de la finalité de l'AMP.
    11. Les interventions dans le débat public autour de l'ouverture de l'AMP à des couples de femmes sont souvent articulées autour de la différence entre le médical et le social, l'AMP ayant vocation à traiter un problème d'ordre médical et non un problème d'ordre social. Autrement dit, elle répondrait à un besoin médical pour les couples hétérosexuels qui ne parviennent pas à concevoir un enfant, tandis que, si cela était autorisé, les médecins pratiqueraient pour les couples de femmes et les femmes célibataires une « assistance sociétale à la procréation ». Cependant, outre qu'en elle-même la distinction entre le « médical » et le « social » manque de clarté (la médecine étant une activité sociale à part entière), le médical et le social se recoupent déjà en partie dans le cadre légal actuel de l'AMP(18). En effet, pour les couples à qui l'on propose les gamètes d'un tiers, la médecine de la reproduction ne remédie pas à une infertilité au sein du couple mais elle organise le recours aux gamètes d'un tiers pour la pallier. De ce point de vue, la CNCDH relève qu'au terme d'une comparaison entre la situation d'un couple de femmes et celle d'un couple hétérosexuel ayant des problèmes de fertilité, sans autre possibilité que de faire appel à une insémination artificielle avec le sperme d'un donneur extérieur, il est possible de trouver plus de ressemblances que de différences « au regard de la procréation » : dans chacun de ces deux cas, ni l'un ni l'autre de ces couples ne parviendra à concevoir un enfant sans l'aide d'un tiers et sans l'assistance de la médecine. On peut dès lors considérer que la différence de situation entre ces couples n'est pas pertinente, au regard de l'objet de la loi, pour justifier une différence de traitement à leur encontre.
    12. En outre, se fondant sur le fait que la reproduction humaine est sexuée, la loi a conçu le dispositif de l'AMP de façon à ce qu'il offre à l'enfant un cadre parental considéré comme « traditionnel ». Cependant, depuis 1994, la société a largement évolué sur ces questions, et des modes de parentalité alternatifs - les familles recomposées, les familles homoparentales - ont gagné en visibilité et en légitimité. Surtout, la loi relative au mariage pour tous a consacré la reconnaissance des couples de même sexe et de l'homoparentalité, via l'adoption. Tout en admettant la filiation adoptive au sein d'un couple homosexuel, le législateur s'est en quelque sorte arrêté au milieu du gué. Il n'est alors pas étonnant que, tirant les conséquences de la loi et refusant d'entrer dans un débat sur les circonstances de la procréation d'un enfant, la Cour de cassation ait admis l'adoption de l'enfant par la conjointe d'une femme ayant accouché d'un enfant issu d'une AMP réalisée à l'étranger (19). La CNCDH constate toutefois que la voie de l'adoption intra-familiale n'est pas satisfaisante en raison de la longueur de la procédure et de la précarité de la situation dans laquelle elle laisse, durant plusieurs années, l'enfant et le couple parental.
    13. La CNCDH a été très attentive aux objections tirées de l'absence, en cas d'ouverture de l'AMP, de lignée paternelle ou de référent paternel, soulevées par un certain nombre de juristes, d'une part, et de psychanalystes, d'autre part. Elle constate toutefois que cette question demeure controversée dans les champs tant du droit que de la psychanalyse, et plus largement de la psychologie. En outre, les objections émises par certains psychanalystes se fondent sur des représentations de ce qu'est un « père » ou une « mère », en opposant entre eux les registres biologiques, imaginaires et symboliques. La CNCDH souhaiterait, pour sa part, rappeler la distinction fondamentale qui existe entre les catégories juridiques de parenté, assimilées à des liens juridiques établis entre des personnes, et les catégories sociales de parentalité, susceptibles d'investissements psychologiques, imaginaires, marqués par la plus grande diversité. Si cela peut avoir un sens, pour un individu donné, d'assimiler à un « père biologique » celui qui a contribué à sa naissance en donnant son sperme, cela n'a pas de sens en droit. Comme toute catégorie juridique, celle de père est définie en fonction des valeurs jugées essentielles par le législateur : en privant les enfants issus d'une AMP avec tiers donneur d'une action en recherche de paternité à l'égard de leur géniteur, le législateur a voulu garantir la cohérence d'un dispositif dans lequel le donneur de gamètes doit être préservé de tout engagement parental. Plus fondamentalement, autant la CNCDH trouve enrichissant l'apport de la psychanalyse clinique à la réflexion de la société et de chacun sur la famille, autant elle ne pense pas qu'une somme de cas cliniques puisse fournir une base solide à une réflexion à visée normative. Sur le terrain des représentations collectives, la commission s'interroge d'ailleurs sur l'image négative qui serait renvoyée aux enfants actuellement élevés par des femmes seules ou des couples de femmes si le législateur était amené à maintenir le dispositif actuel d'accès à l'AMP. Pour toutes ces raisons, la CNCDH recommande l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes.
    14. S'agissant des femmes célibataires, certains membres de la CNCDH se montrent plus réservés. En effet, selon eux, la protection de l'intérêt de l'enfant à naître, telle qu'elle est prévue par l'article L. 2141-10 du code de la santé publique (20), ne suffit pas à considérer que la loi offrirait un équilibre satisfaisant entre cet intérêt et le projet parental d'une femme seule. D'un autre côté, la loi a depuis longtemps reconnu la légitimité d'un projet monoparental (21). C'est pourquoi la CNCDH préconise l'ouverture de l'AMP aux femmes célibataires, tout en invitant les équipes pluridisciplinaires chargées d'apprécier l'intérêt de l'enfant à naître à être vigilantes à l'égard des motivations des personnes célibataires souhaitant accéder à une technique d'AMP.
    15. Afin de pallier l'infertilité d'une femme célibataire engagée dans un processus d'AMP et, plus généralement, pour les couples dont les deux membres sont stériles, la CNCDH recommande de lever l'interdiction du double don. Si la justification de cette prohibition réside principalement dans l'existence d'embryons surnuméraires, dont les couples doublement stériles pourraient bénéficier, la Commission rappelle que « l'accueil » d'un embryon d'un autre couple répond à une procédure complexe qui requiert l'autorisation d'un juge, au terme d'investigations sociales et psychologiques approfondies (22). La CNCDH invite donc également le législateur à reconsidérer les modalités de cette procédure, en s'attachant à la prise en compte de l'intérêt de l'enfant à naître, sur le modèle de ce qui existe de manière générale en matière d'AMP, plutôt qu'en reprenant les conditions requises pour l'adoption.
    16. La CNCDH observe enfin que l'ouverture de l'AMP avec tiers donneur aux couples de femmes et aux femmes célibataires invite à s'interroger sur certaines pratiques, quel que soit le type de couple ou de personne auxquels elles sont appliquées. La recherche de la « vraisemblance » physique du lien de filiation entre l'enfant et ses parents a présidé dès l'origine, et préside encore, au choix du donneur par les médecins : il s'agit donc pour eux de trouver un donneur qui ressemble le plus possible au parent stérile. Cette pratique dite de l'appariement, longtemps demeurée sous le boisseau, peut donner lieu à des difficultés quand le membre du couple qui ne transmettra pas son patrimoine génétique possède des caractéristiques physiques plus rarement représentées chez les donneurs de gamètes. C'est pourquoi la CNCDH recommande un encadrement de cette pratique, en prévoyant notamment la reconnaissance du droit pour les parents de renoncer à l'appariement de leurs phénotypes avec celui du donneur.
    Prise en charge
    17. Sur la base de ces considérations, la CNCDH ne voit pas de raison légitime de réserver aux couples hétérosexuels la prise en charge par l'assurance maladie d'un projet parental mis en œuvre dans le cadre d'une AMP, si le dispositif évolue vers une ouverture aux couples de femmes et aux femmes célibataires. En tout état de cause, le principe d'égalité ferait obstacle à une telle différence de traitement. Par ailleurs, un certain nombre de praticiens auditionnés ont insisté sur l'obstination déraisonnable de certains couples à recourir à la totalité des FIV auxquels ils auraient « droit » (23). Cependant, si les médecins estiment déraisonnable une demande, il leur revient de formuler une opposition argumentée aux personnes concernées. Les auditions ont à cet égard alerté la CNCDH sur les effets pervers de la tarification à l'activité (T2A), et du classement des centres de PMA, qui incitent certains établissements à orienter prioritairement les couples vers des FIV, notamment, sans leur donner la possibilité de recourir simplement à une insémination artificielle en cycle naturel. La CNCDH souhaite insister sur la nécessité d'un dialogue informé entre patient et médecin sur les mérites respectifs de chaque technique, en privilégiant la moins invasive.
    Etablissement de la filiation
    18. Puisque la CNCDH est favorable à l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes, il lui faut se prononcer sur l'établissement du lien de filiation des enfants ainsi nés, en tenant compte tant de l'intérêt de l'enfant que de celui du membre du couple de femmes qui n'a pas porté l'enfant et des règles générales relatives à la filiation. Dès lors que le droit actuel ne prévoit, pour les couples homosexuels, que la filiation adoptive (voir article 6-1 du code civil), une modification de la loi s'avère nécessaire, sauf si l'on s'en tient à la mention, dans l'acte de naissance, du seul nom de la femme qui a accouché puis de celui de sa conjointe qui adopte l'enfant. Trois options sont alors envisageables, toutes nécessitant une modification du cadre législatif et présentant des avantages et des inconvénients :
    a. - Etendre, mutatis mutandis, le bénéfice de l'article 311-20 du code civil (24) aux couples de femmes en supprimant dans cet article les références aux différences sexuées. L'actuel consentement donné devant le juge ou le notaire, avant réalisation de l'AMP, aurait alors pour effet, d'une part, de recueillir le consentement du couple et de l'informer des effets de l'AMP avec donneur sur le lien de filiation et, d'autre part, de prendre acte du projet parental formé par les deux femmes. Ensuite, la femme qui accouche serait la mère de l'enfant et sa conjointe deviendrait la co‐parente de l'enfant par présomption de co‐maternité. Hors mariage, la compagne de celle qui porte l'enfant remettrait à l'officier d'état civil une attestation du consentement, préalablement reçu par le juge ou le notaire, et reconnaîtrait l'enfant.
    b. - Instituer une « déclaration commune anticipée de filiation » ne dissimulant pas le recours au don et qui concernerait tous les couples, mariés ou non, hétérosexuels ou homosexuels. La déclaration serait reçue en la forme authentique par un juge ou un notaire qui informerait les futurs parents de leur obligation de la transmettre à l'officier d'état civil, lequel porterait la déclaration sur l'acte de naissance. Telle est la proposition du rapport Leroyer-Théry (25).
    c. - Etablir un régime d'établissement de la filiation ad hoc pour les couples de femmes. Il s'agit du même mécanisme que le précédent mais il ne s'appliquerait qu'aux couples de femmes. Telle est l'option privilégiée par le Conseil d'Etat (26).
    19. La CNCDH privilégie la première option. En l'état actuel du droit relatif aux actes de l'état civil, la seconde présente un inconvénient majeur au regard du respect de la vie privée des parents qui ne souhaitent pas que le mode de conception de l'enfant puisse être connu de tiers ou même de l'enfant. En outre, elle singularise à l'excès, dans le droit de la filiation, la procréation avec tiers donneur. La mise en place d'un régime spécifique aux couples homosexuels ne paraît pas, quant à elle, susceptible d'être justifiée par un quelconque objectif d'intérêt général. Rien en définitive ne paraît devoir s'opposer à l'adoption de la première option, qui se présente comme la plus respectueuse des droits des deux parents et des enfants, issus d'une assistance médicale à la procréation, sinon qu'elle donne à la présomption et à la reconnaissance un sens différents de celui qu'ils ont traditionnellement en droit de la filiation, à savoir le reflet de la réalité biologique.


    Le régime du don de gamètes


    Un consentement libre
    20. L'encadrement légal actuel du don de gamètes prévoit deux hypothèses dans lesquelles une personne peut préserver ses gamètes : lorsqu'elle est soumise à un traitement médical compromettant sa fertilité et en contrepartie d'un don.
    21. Les auditions menées auprès des professionnels de santé ont permis de mettre en évidence que, de fait, les femmes ne bénéficient pas d'une préservation de leurs ovocytes en cas de stérilisation volontaire, contrairement à ce qui est prévu pour les hommes (27). La CNCDH invite les pouvoirs publics à revenir sur cette différence de traitement qu'aucun motif légitime ne justifie. Le respect des droits fondamentaux des femmes, engagées dans un processus de stérilisation, implique de leur reconnaître un droit à la préservation de leurs ovocytes. Par ailleurs, la CNCDH estime que les personnes transgenres engagées dans un parcours de réassignation sexuelle devraient également pouvoir bénéficier d'une préservation de leurs gamètes (28).
    22. La possibilité ouverte par la loi de 2011 de conserver une partie des gamètes issues d'un don n'est pas satisfaisante en l'état actuel de la réglementation (29). L'ensemble des personnes auditionnées ont souligné l'incohérence d'un système qui mêle deux démarches de nature différente. Certains ont même évoqué le « chantage au don » institué par la loi. La CNCDH relève d'ailleurs que le décret d'application de cette disposition est particulièrement défavorable aux femmes désireuses de conserver leurs ovocytes, puisqu'il réserve les ovocytes ponctionnés en priorité au don : la femme ne pourra en conserver qu'une petite partie, voire aucun s'ils sont en nombre insuffisant (30). La question ne se pose évidemment pas dans les mêmes termes pour les donneurs de sperme, puisqu'ils peuvent, sans traverser les épreuves physiologiques et médicales auxquelles sont confrontées les femmes, préserver leurs spermatozoïdes.
    23. La CNCDH estime donc que ce sont tout à la fois les principes d'égalité et de liberté qui plaident en faveur d'une abrogation du décret de 2015 relatif au don de gamètes et d'une reconnaissance de la possibilité pour les femmes d'auto-conserver leurs ovocytes.
    24. Face à ce qui pourrait être perçu comme une assignation des femmes à leur fonction maternelle, la CNCDH invite cependant à la prudence. Sans doute n'est-il pas opportun de rappeler trop souvent aux femmes les impératifs de l'« horloge biologique » : une information ciblée et adaptée, à certains âges de la vie, pourrait être donnée par les gynécologues ou les médecins généralistes, le planning familial, etc., sur le fait qu'en tout état de cause, il est physiologiquement préférable d'avoir des enfants quand on est encore relativement jeune et, plus généralement, que certains facteurs comme l'âge ou l'environnement affectent la fertilité. Des limites d'âge pourraient également être posées à l'autoconservation : en s'alignant sur la pratique en cours dans les Centres d'étude et de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS) à l'heure actuelle pour les dons d'ovocytes, 37 ans pourrait constituer un âge maximum. Les médecins auditionnés préconisaient 35 ans (31), dans la mesure où la fertilité décline fortement chez les femmes à partir de cet âge. La CNCDH n'a pas d'avis tranché sur la question, ni sur la fixation d'un âge minimum.
    25. L'autre crainte parfois exprimée à ce sujet concerne la pression susceptible d'être exercée par certaines entreprises sur leurs employées. La CNCDH rappelle à cet égard que le code du travail interdit à l'employeur, lors d'un entretien d'embauche, de l'interroger sur sa vie personnelle (32). Les dispositions relatives au harcèlement ou au respect de la vie privée des salariées pourront aussi constituer un rempart juridique face aux pressions le cas échéant exercées en ce sens par un employeur. Mais il est vrai que, plus généralement, la CNCDH estime préférable de travailler sur les conditions sociales et économiques qui pourraient expliquer que les couples et les femmes reculent le moment où ils auront des enfants, plutôt que de prendre acte du fait que les contraintes actuelles du marché du travail inciteraient aujourd'hui les personnes qui le souhaitent à avoir des enfants plus tardivement.
    26. S'agissant de la prise en charge financière, la CNCDH considère que les avantages attendus d'une légalisation de l'autoconservation des ovocytes justifient un remboursement des frais par la sécurité sociale. D'une part, ces autoconservations d'ovocytes favoriseront les chances de réussite d'une AMP réalisée ultérieurement. D'autre part, un système permettant de réorienter vers le don des gamètes qui ne seraient pas utilisés avant un âge donné - l'âge limite pour accéder à l'AMP (33), pourrait accompagner cette réforme.
    27. La légalisation de l'autoconservation des ovocytes devrait, selon la CNCDH, s'accompagner d'une réflexion approfondie de la part des médecins et de l'assurance maladie concernant la limite d'âge retenue pour bénéficier d'une AMP. Le code de la santé publique réserve son accès aux hommes et femmes « en âge de procréer », sans plus de précision. En raison du taux d'échec des AMP pour les femmes de plus de 40 ans (34), l'âge maximum fixé par la sécurité sociale pour qu'une femme en bénéficie, et qui coïncide avec la pratique médicale actuelle, est de 42 ans révolus. S'agissant des hommes, un avis de 2012 du Conseil d'orientation de l'Agence de biomédecine s'estimait favorable à ce qui est manifestement l'usage : 59 ans. Sans pouvoir trancher cette question délicate, la CNCDH souhaiterait néanmoins formuler deux observations. Le don d'ovocyte hier, l'autoconservation éventuellement demain, renouvellent la problématique puisque la femme en AMP n'a plus l'âge de ses gamètes : les chances de grossesse ne sont donc plus déterminées par son âge, mais par celui des ovocytes, plus jeunes. Il est cependant avéré qu'une grossesse tardive peut faire peser des risques sur la santé de la femme : ces risques accrus doivent-ils exclure, de manière générale après 42 ans, les femmes d'un accès à l'AMP ? Par ailleurs, s'agissant des hommes, un nombre croissant de travaux mettent en évidence les risques qu'une paternité tardive, tout particulièrement après 50 ans, fait peser sur le bon déroulement de la grossesse et sur la santé de l'enfant (35). La CNCDH recommande donc la mise en place d'une réflexion sur le sujet, dénuée de surcroît des stéréotypes de genre parfois à l'œuvre lorsqu'il est question de parentalité tardive.
    La gratuité
    28. Le don de gamètes ne peut pas faire l'objet d'une rémunération en raison du principe de non-patrimonialité du corps humain et de ses éléments. Face à la pénurie actuelle de don de gamètes, et particulièrement de dons d'ovocytes, certains préconisent une évolution du cadre légal en la matière pour les donneuses d'ovocytes. Au soutien de leur rémunération, il est souvent invoqué que le don implique un traitement lourd pour ces femmes, ainsi qu'une intervention chirurgicale sous anesthésie générale, non dénués de risques pour leur santé. D'aucuns dénoncent également l'hypocrisie qui consiste à l'interdire sur le sol français, alors que dans le même temps la sécurité sociale prend partiellement en charge les dons d'ovocytes pratiqués à l'étranger : la sécurité sociale rembourse à peu près 1 500 euros, ce qui suppose toutefois qu'un médecin français ait fait une ordonnance à la femme en partance pour l'étranger (36).
    29. La CNCDH est toutefois attachée au principe de non-patrimonialité du corps et des éléments du corps : c'est pourquoi elle préconise le maintien de la gratuité de tous les dons. La Commission insiste cependant sur la nécessité de garantir la pleine effectivité de la prise en charge des frais engagés pour la réalisation du don, en particulier quand l'objet du don requiert des techniques plus invasives (à l'évidence, le don d'ovocytes n'est pas assimilable au don de sperme) (37), et de mettre fin aux disparités susceptibles d'exister à ce sujet entre les CECOS (38).
    30. La CNCDH s'inquiète aussi d'une pratique en vigueur dans les CECOS, susceptible de remettre en cause le principe de gratuité, couramment désignée sous la formule du « don relationnel croisé » : les couples en attente d'un don d'ovocytes sont invités à trouver une donneuse dans leur entourage. En vertu de l'anonymat du don, les ovocytes de cette dernière ne serviront pas au couple « recruteur », qui bénéficiera cependant, en contrepartie, d'une réduction de son délai d'attente. En raison des risques de pression exercées sur des femmes, voire des risques de transaction financière entre la donneuse recrutée et le couple recruteur, la CNCDH recommande de mettre un terme à cette pratique.
    L'anonymat
    31. Le don de gamètes est soumis au principe général de l'anonymat des dons de matière corporelle. Cependant, ce principe est battu en brèche depuis quelques années par des sociétés étrangères qui proposent des tests génétiques directement disponibles sur internet, alors que ces tests sont interdits en France. En permettant d'identifier des personnes partageant les mêmes caractéristiques génétiques, ces tests peuvent conduire à identifier les parents plus ou moins proches d'un donneur. Plusieurs personnes conçues par don de gamètes ont ainsi réussi à découvrir l'identité du donneur. La CNCDH appelle donc les pouvoirs publics à renforcer un cadre légal garantissant les droits de chacun dans une matière délicate.
    32. En effet, depuis quelques années, l'anonymat est remis en cause par certains enfants issus d'un don, quand d'autres s'en satisfont pleinement. Cette remise en cause, parfois formulée dans les médias en référence au « droit d'accéder à ses origines », recouvre plusieurs choses : la divulgation d'informations permettant d'identifier l'auteur d'un don, les informations non identifiantes, tout particulièrement de nature médicale. A l'heure actuelle, en effet, la règle de l'anonymat s'oppose non seulement à ce que l'identité du donneur puisse être révélée, mais également à ce que les enfants accèdent directement aux informations médicales. Un médecin peut accéder à ces dernières en cas de nécessité thérapeutique (39).
    33. Le Conseil d'Etat a estimé récemment que ce dispositif n'était pas contraire à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (40). L'affaire est actuellement pendante devant la Cour européenne des droits de l'homme.
    34. La CNCDH souhaiterait attirer l'attention sur le risque de confusion, lorsqu'il est question d'anonymat du don, entre, d'une part, le secret concernant le recours à un tiers donneur et, d'autre part, la privation d'accès aux informations identifiantes et non identifiantes relatives au géniteur. Il est sans doute regrettable que les parents n'informent pas toujours, ou parfois trop tardivement, ces enfants sur leur mode de conception mais cela relève de leur liberté de parents. Il conviendrait de renforcer l'accompagnement des parents qui bénéficient des gamètes d'un tiers, au sein des CECOS, afin de favoriser l'information, dans des conditions satisfaisantes, de leur enfant issu d'un don.
    35. La CNCDH tient ensuite à souligner que la revendication des enfants issus d'un don d'« accéder à leurs origines » est légitime. En 2003, la Cour européenne des droits de l'homme, saisie d'une requête relative à l'accouchement sous X, admettait que le droit au respect de la vie privée, protégé par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, recouvrait le « droit à la connaissance de ses origines », étant précisé que cela incluait les origines biologiques (41). Cette affaire peut d'ailleurs constituer une référence pertinente pour apprécier le respect du régime actuel au regard de la Convention européenne. La Cour a en effet considéré qu'une conciliation équilibrée entre le droit au respect de la vie privée d'un enfant né sous X et le respect de la vie privée de la mère d'accoucher de manière anonyme était garantie en France par la mise en place du Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOPS), organe indépendant servant d'intermédiaire entre les deux. La loi de 2002 qui a mis en place ce Conseil a prévu la réversibilité du secret de l'identité de la mère sous réserve de son accord (42).
    36. En s'inspirant de cette jurisprudence, la CNCDH recommande une évolution du dispositif actuel dans le respect de la vie privée des donneurs, de celle des parents et de celle des enfants. D'abord, il convient de souligner l'importance de conserver l'anonymat des donneurs et donneuses avant la conception de l'enfant, d'une part car l'anonymat et la gratuité vont de pair, d'autre part car la levée de l'anonymat avant la conception favorise les démarches de sélection des donneurs par les candidats à l'AMP. Ensuite, il conviendrait de permettre aux enfants d'accéder à des informations non identifiantes, médicales notamment, relatives à leur donneur. Enfin, s'agissant de la divulgation de l'identité du donneur, il existe principalement deux modèles :


    - le donneur a le choix de demeurer anonyme ou d'accepter la levée de l'anonymat, à la majorité de l'enfant ;
    - l'anonymat est révolu et les donneurs s'engagent à voir leur identité dévoilée à la demande de l'enfant devenu majeur.


    Le premier système, parfois appelé du « double guichet », est celui que le Danemark a retenu en 2012. Le second système est, depuis 2005, en vigueur au Royaume-Uni qui autorise la transmission d'informations identifiantes sur le donneur aux personnes majeures concernées (43). Le premier système présente un inconvénient majeur : celui d'engendrer une discrimination dans l'accès aux origines entre les enfants ayant bénéficié des gamètes d'un donneur attaché à son anonymat et ceux qui seront nés à partir des gamètes d'un donneur favorable à la levée de cet anonymat. Si le second système paraît plus conforme au respect des droits des enfants issus d'un don, il expose à un risque de baisse des dons, dans un premier temps toutefois, avant que le profil des donneurs ne change.
    37. Compte tenu du caractère complexe et sensible de la question et de la légitimité des divers intérêts en présence, la CNCDH recommande aux pouvoirs publics de faire évoluer le régime actuel en retenant le principe d'une levée de l'anonymat, à confirmer ultérieurement par le donneur. Le CNAOPS, fort de son expérience développée depuis 2002 en matière d'adoption, pourrait constituer un intermédiaire entre un enfant, désireux d'en savoir plus sur l'identité de son donneur, et ce dernier. Les enfants issus d'un don auraient ainsi la possibilité, en s'adressant au CNAOPS, d'accéder à des informations relatives à leur donneur, tout en préservant, le cas échéant, le droit du donneur de ne pas acquiescer à la demande de levée de l'anonymat. Par ailleurs, rien ne s'opposerait à ce que soient sollicitées les personnes ayant réalisé un don sous le régime antérieur de l'anonymat, si un enfant issu d'un don en faisait la demande, en garantissant aux donneurs le droit de refuser la révélation d'informations identifiantes.


    (1) Avant l'adoption de la première loi en la matière, en 1994, et l'encadrement de pratiques déjà en vigueur depuis les années 70, on parlait davantage dans les milieux médicaux de « procréation médicalement assistée » (PMA). Soucieux de ne pas promouvoir ce qui aurait pu s'apparenter à un modèle alternatif à la procréation naturelle, le législateur, à la suite d'un amendement des sénateurs, a privilégié l'expression d'« assistance médicale à la procréation » (AMP) : en ce sens, ce n'est pas la procréation qui est régie, mais seulement l'activité médicale.


    (2) E. de La Rochebrochard, « 1 enfant sur 30 conçu par assistance médicale à la procréation en France », Population et Sociétés, juin 2018, n° 556.


    (3) Art. L. 2141-41 du code de la santé publique (CSP).


    (4) E. de La Rochebrochard, art. cit. L'accueil d'embryons représente 0,01 % des naissances AMP, soit environ 25 à 30 enfants chaque année.


    (5) Tribune signée par 130 médecins et biologistes, Le Monde, 17 mars 2016.


    (6) A cet égard, la CNCDH s'interroge sur la cohérence du dispositif législatif français qui prévoit de lourdes sanctions pénales à l'encontre des personnes et des médecins qui contournent des interdits posés par les lois de bioéthique, sans qu'elles ne soient appliquées.


    (7) R. Libchaber, « L'ouverture de l'assistance médicale à la procréation à toutes les femmes », Recueil Dalloz, 4 octobre 2018, p. 1875.


    (8) Depuis les premières lois relatives à la bioéthique, adoptées en 1994, un mécanisme de réexamen régulier est mis en œuvre. La dernière loi en date, celle de 2011, prévoyait un nouvel examen d'ensemble par le Parlement dans un délai maximal de sept ans après son entrée en vigueur (art. 47).


    (9) AN, Alain Claeys, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique, Discussion publique, séance du 15 janvier 2002.


    (10) Voir les articles 16 et suivants du code civil, not. l'article 16-1 d'après lequel le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial.


    (11) En raison de sa composition pluraliste, la CNCDH a également pu profiter des débats contradictoires entre ses membres.


    (12) Voir l'article L. 2141-10 du CSP : « (…) [L'AMP] ne peut être mise en œuvre par le médecin lorsque les demandeurs ne remplissent pas les conditions prévues par le présent titre ou lorsque le médecin, après concertation au sein de l'équipe clinicobiologique pluridisciplinaire, estime qu'un délai de réflexion supplémentaire est nécessaire aux demandeurs dans l'intérêt de l'enfant à naître ».


    (13) Selon l'expression de la sociologue Irène Théry. Voir I. Théry et A.-M. Leroyer, « Filiation, origines, parenté. Le droit face aux nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle », Rapport pour le ministère des affaires sociales et de la santé, 2014.


    (14) L. 2141-2 du code de la santé publique.


    (15) La question a commencé à être discutée au Parlement à partir de l'examen de la deuxième révision des lois de bioéthique (la loi de 2011).


    (16) CE, Rapport sur la bioéthique, juillet 2018, p. 51.


    (17) CE, 28 septembre 2018, Req. n° 421899.


    (18) Plus fondamentalement, la nature « médicale » d'un acte est susceptible de recouvrir plusieurs réalités : les évolutions de la médecine au 20e siècle, avec la chirurgie réparatrice, puis la chirurgie esthétique, d'une part, et l'avortement d'autre part, laissent à penser qu'un acte médical n'est rien d'autre qu'un acte réalisé par un médecin.


    (19) Ccass, Avis n° 15011 et 15010 du 22 septembre 2014 : « le recours à l'assistance médicale à la procréation, sous la forme d'une insémination artificielle avec donneur anonyme à l'étranger, ne fait pas obstacle au prononcé de l'adoption, par l'épouse de la mère, de l'enfant né de cette procréation, dès lors que les conditions légales de l'adoption sont réunies et qu'elle est conforme à l'intérêt de l'enfant »


    (20) Le code de la santé publique prévoit à ce sujet une concertation au sein d'une équipe pluridisciplinaire.


    (21) Loi du 11 juillet 1966, portant réforme de l'adoption, qui ouvre aux personnes célibataires le droit d'adopter.


    (22) L. 2146-6 du code de la santé publique : « (…) L'accueil de l'embryon est subordonné à une décision de l'autorité judiciaire, qui reçoit préalablement le consentement écrit du couple à l'origine de sa conception. Le juge s'assure que le couple demandeur remplit les conditions prévues à l'article L. 2141-2 et fait procéder à toutes investigations permettant d'apprécier les conditions d'accueil que ce couple est susceptible d'offrir à l'enfant à naître sur les plans familial, éducatif et psychologique (…) ».


    (23) L'assurance maladie prend en charge, jusqu'au 43e anniversaire de la femme, 4 tentatives de FIV/ICSI et 6 tentatives d'insémination intra-utérine (IIU) pour l'obtention d'une grossesse. En cas de grossesse, les actes IIU et FIV/ICSI peuvent être de nouveau pratiqués dans les limites prévues.


    (24) L'article dispose :


    « Les époux ou les concubins qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l'intervention d'un tiers donneur, doivent préalablement donner, dans des conditions garantissant le secret, leur consentement au juge ou au notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation.


    Le consentement donné à une procréation médicalement assistée interdit toute action aux fins d'établissement ou de contestation de la filiation à moins qu'il ne soit soutenu que l'enfant n'est pas issu de la procréation médicalement assistée ou que le consentement a été privé d'effet.


    Le consentement est privé d'effet en cas de décès, de dépôt d'une requête en divorce ou en séparation de corps ou de cessation de la communauté de vie, survenant avant la réalisation de la procréation médicalement assistée. Il est également privé d'effet lorsque l'homme ou la femme le révoque, par écrit et avant la réalisation de la procréation médicalement assistée, auprès du médecin chargé de mettre en oeuvre cette assistance.


    Celui qui, après avoir consenti à l'assistance médicale à la procréation, ne reconnaît pas l'enfant qui en est issu engage sa responsabilité envers la mère et envers l'enfant.


    En outre, sa paternité est judiciairement déclarée. L'action obéit aux dispositions des articles 328 et 331 ».


    (25) Rapport précité, p. 176 et s.


    (26) Rapport CE 28 juin 2018, préc., p. 62 et s.


    (27) Cette pratique est attestée par le livret d'information sur « la stérilisation à visée contraceptive », édité par le ministère de la santé, qui propose aux hommes candidats à la vasectomie une conservation de leurs gamètes, alors que rien de tel n'est envisagé pour les femmes sollicitant une ligature des trompes. Dans les deux cas, pourtant, il est précisé que l'intervention doit être considérée comme irréversible.


    (28) Dans le même sens, voir not. l'avis du Défenseur des droits, MSP - 2015 - 009, du 22 octobre 2015.


    (29) La loi de 2011 a ouvert le droit aux personnes n'ayant pas procréé de faire un don de gamètes. La possibilité de la conservation d'une partie des gamètes (donc du couplage don/auto-conservation), notamment des ovocytes, a alors été justifiée par les risques que la ponction ovocytaire pouvait faire peser sur la fertilité future des femmes.


    (30) Décret n° 2015-1281 du 13 octobre 2015 relatif au don de gamètes, complété par l'arrêté du 24 décembre 2015 pris en application de l'article L. 2141-1 du code de la santé publique et modifiant l'arrêté du 3 août 2010 modifiant l'arrêté du 11 avril 2008 relatif aux règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques d'assistance médicale à la procréation.


    (31) C'est également l'âge recommandé par l'Académie de médecine dans son rapport de 2017 consacré à la conservation des ovocytes.


    (32) Art. L. 1221-6 du code du travail.


    (33) Dans son rapport sur la conservation des ovocytes de 2017, l'Académie de médecine signale qu'en l'état actuel des données, moins de 10 % des femmes utilisent leurs ovocytes congelés « auto-conservés ». Les autres, 90 %, sont entre temps devenues enceintes, ou bien ont renoncé à leur projet.


    (34) Si l'Union nationale des caisses d'assurance maladie s'est prononcée en ce sens en 2005 pour des raisons médicales, les préconisations comparables formulées un an plus tôt par la Commission nationale de médecine et biologie de la reproduction (à laquelle a succédé l'Agence de biomédecine) évoquait de son côté des « raisons associant l'efficacité des techniques d'AMP et l'intérêt de l'enfant ».


    (35) Agence de la biomédecine, Conseil d'orientation, « L'âge de procréer », juin 2017.


    (36) Au titre de la prise en charge des soins dispensés dans un autre Etat membre de l'UE, prévue à l'art. R 160-2 du code de la sécurité sociale.


    (37) Actuellement prévu par l'article L. 1244-7 du code de la santé publique.


    (38) Voir le rapport de l'IGAS sur les dons d'ovocyte, 2011.


    (39) Art. L. 1244-6 du CSP : le médecin ne peut accéder qu'à des informations non identifiantes.


    (40) CE, 28 décembre 2017, n° 396571.


    (41) CourEDH, 13 février 2003, Odièvre c. France, n° 42326/98.


    (42) Consciente des limites du système actuel, la CNCDH consacrera un prochain avis à la question de l'accès aux origines des enfants issus d'un accouchement anonyme.


    (43) L'Allemagne a adopté le même système en 2017 : les enfants de plus de 16 ans conçus par insémination artificielle avec donneur pourront avoir accès au fichier de leurs origines, au sein d'un registre central des donneurs de sperme et des femmes receveuses créé pour l'occasion.

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