Avis sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice tel que présenté en conseil des ministres le 20 avril 2018 - analyse des dispositions relatives à la procédure pénale et au droit des peines (assemblée plénière du 20 novembre 2018 - adopté à l'unanimité)

Version initiale

  • 1. La CNCDH salue le principe de ce projet de loi d'ampleur relatif à la réforme de la justice. Le réalisme commande en effet qu'une réforme d'ensemble soit menée. Cependant, si certaines de ses dispositions vont dans le sens d'une véritable simplification et amélioration de la justice, le mouvement général de rationalisation et de gestion des flux fait craindre un accès au juge et à la justice dégradé. Cela est particulièrement prégnant pour la réforme envisagée de la procédure civile, de l'organisation des juridictions et du numérique. Sous prétexte de simplification et d'allègement des procédures, le projet de loi, au lieu de rapprocher la justice des citoyens, risque de les en éloigner davantage, en particulier, les plus vulnérables et les plus démunis, alors même que l'accès à la justice est un droit fondamental.
    2. L'envergure et le foisonnement extrêmes du projet de loi ont contraint la CNCDH à concentrer son avis sur les seuls domaines de la procédure pénale et du droit des peines. De plus, dans l'impossibilité d'être exhaustive face aux innombrables modifications apportées aux dispositions concernant ces deux domaines, la Commission n'analysera dans le présent avis que quelques dispositions les plus emblématiques du projet de loi tel que présenté en conseil des ministres le 20 avril 2018 (1). De plus, une nouvelle fois la CNCDH regrette l'utilisation de la procédure accélérée s'agissant d'une réforme qui porte sur des sujets touchant aux libertés et droits fondamentaux.
    3. La CNCDH comprend l'objectif de simplifier et de renforcer l'efficacité de la procédure pénale et du droit des peines, et au premier chef de renouer avec le sens de ces dernières, dans un souci d'améliorer la justice et de répondre aux préoccupations des citoyens. Elle rappelle néanmoins que cet objectif doit se concilier avec le respect des droits fondamentaux de la personne, tels que garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention européenne des droits de l'homme, la Charte des droits fondamentaux et bien sûr les dispositions de l'article préliminaire du code de procédure pénale. C'est pourquoi, en qualité d'institution de conseil et de contrôle de la situation des droits fondamentaux en France, la CNCDH s'attachera dans cet avis à aborder les deux thématiques précitées, à savoir les dispositions de procédure pénale (I) et celles relatives au droit des peines (II).

    I. - DISPOSITIONS PORTANT SIMPLIFICATION ET RENFORCEMENT DE L'EFFICACITÉ DE LA PROCÉDURE PÉNALE

    4. A titre liminaire, la CNCDH salue certaines dispositions de procédure pénale, dès lors qu'elles réalisent soit une amélioration de la protection des droits du justiciable soit une simplification de certaines procédures.
    5. Ainsi, la CNCDH approuve la simplification du dépôt de plainte (2), qu'il s'agisse de la plainte simple pour laquelle la signature électronique en ligne devient possible ou encore de la plainte avec constitution de partie civile possible en ligne également devant le tribunal correctionnel (3). La CNCDH rappelle toutefois que la situation des personnes démunies doit être prise en compte, afin que les plus vulnérables d'entre elles ne soient pas écartées de ce dispositif. En conséquence, elle recommande que de vrais moyens soient déployés pour rendre effectif l'accès de tous à la numérisation, notamment par la mise en place d'un accompagnement pour les personnes maîtrisant insuffisamment la langue française ou l'outil informatique. Par ailleurs, elle rappelle la nécessité de veiller à ce qu'un tel dispositif constitue réellement un outil pour aider les victimes et non un frein à leur action. C'est pourquoi, elle recommande le maintien d'un accueil physique et la possibilité de déposer une plainte auprès d'un fonctionnaire de police, notamment pour les infractions qui relèvent des atteintes à la personne, comme les violences sexuelles (4).
    6. De même, la CNCDH approuve l'ajout dans le code de procédure pénale, à la demande du Conseil d'Etat (5), d'un article 802-2 permettant à la personne ayant fait l'objet d'une perquisition ou d'une visite domiciliaire et non poursuivie six mois après cette mesure, de demander, dans l'année, son annulation au juge des libertés et de la détention (JLD), ce qui renforce le droit à un recours judiciaire (6). Cependant, la CNCDH craint que ce recours ne soit seulement formel (7), dès lors qu'en pratique, les recours contre des perquisitions déjà effectuées sont très rares, comme on a pu le constater pendant l'état d'urgence (8). En outre, si la réforme du 8 août 2016 (9) a fait du JLD un juge spécialisé à part entière, nommé par décret du Président de la République après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, pour autant, ce magistrat ne dispose pas encore des moyens d'exercer son office à égalité avec le juge d'instruction (10).
    7. En matière criminelle, la CNCDH salue également les dispositions visant à réduire les délais des procédures d'assises bien qu'elle regrette qu'aucune réflexion approfondie sur une refonte de cette procédure n'ait été menée (11). Ainsi, le projet de loi prévoit l'obligation de motivation de la peine, imposée au demeurant par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 2 mars 2018 (12). La CNCDH se félicite de cette mesure qui rétablit un équilibre procédural en alignant l'exigence de motivation des peines criminelles sur celle des peines correctionnelles, et même des amendes contraventionnelles (13). Elle approuve également la faculté offerte aux magistrats de mettre en délibéré ou de renvoyer la décision sur l'action civile, dans un objectif d'allègement des audiences, ou encore la faculté offerte au condamné de ne faire appel que sur la peine afin de simplifier les débats en appel. En ce qui concerne la réduction du principe de l'oralité par la mise à disposition du dossier aux assesseurs, la CNCDH peut comprendre cet impératif lorsque le premier assesseur est appelé à remplacer le président et qu'il doit impérativement connaître le dossier (14). S'agissant de la faculté offerte au président d'interrompre la déposition d'un témoin ou de lui poser une question sans attendre la fin de sa déposition " lorsque cela lui paraît nécessaire à la clarté et au bon déroulement des débats " (15), la CNCDH estime bienvenu l'assouplissement d'un cadre qui peut être considéré comme trop rigide. Pour autant, elle s'inquiète de cette réduction du principe de l'oralité des débats, d'ordre public devant la cour d'assises : " intimement lié à un autre principe fondamental de la procédure pénale, celui du contradictoire (…) c'est la condition essentielle d'un procès équitable au sens de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme " (16).
    8. En revanche et plus généralement, la CNCDH regrette le nombre de dispositions du projet de loi qui, sous couvert de " simplification et de renforcement de l'efficacité de la procédure pénale ", poursuivent un objectif avéré de gestion toujours accélérée des flux, sans égard au droit du justiciable à une justice de qualité. Ainsi, pour souligner deux lignes de force du projet de réforme qui l'inscrivent d'ailleurs dans la continuité d'une dérive de la procédure pénale (17), ancienne et encore aggravée (18), et non dans la rupture, d'une part, les pouvoirs de la police se voient une nouvelle fois accrus et le rôle du parquet également renforcé sans même que le statut de ce dernier eut fait l'objet de la réforme constitutionnelle tant attendue (1). D'autre part, le droit d'accès à un juge stricto sensu, c'est-à-dire, un magistrat pleinement indépendant, devient corrélativement résiduel en matière correctionnelle, aux dépens notamment des droits de la défense et du principe du contradictoire (2). La CNCDH tient également à présenter quelques brèves observations sur la création à titre expérimental du tribunal criminel départemental (3).
    1) L'accroissement des pouvoirs de la police et du parquet aux dépens des droits et libertés du justiciable :
    9. La CNCDH considère que certaines mesures relatives au contrôle de l'activité de la police satisfont assurément l'objectif de simplification affiché par le projet de loi mais non sans risques, notamment celui de sacrifier la qualité de la justice à la célérité à tout prix (A). Les plus nombreuses s'inscrivent dans un mouvement continu d'accroissement des pouvoirs policiers en enquête, sous le contrôle d'un ministère public encore plus fort (B), avec pour conséquence, la marginalisation, elle aussi continue, de la phase d'instruction (C).

    A. - La réduction des contrôles par l'autorité judiciaire

    10. La CNCDH s'inquiète du mouvement qui tend à déposséder progressivement l'autorité judiciaire de ses prérogatives de contrôle.
    11. En premier lieu, le projet de loi prévoit, par exemple, une habilitation unique et définitive des officiers de police judiciaire (OPJ) (19), alors qu'actuellement celle-ci fait l'objet d'un examen au cours duquel le procureur général doit s'assurer que l'OPJ est affecté à un emploi comportant l'exercice des attributions attachées à sa qualité et qu'il présente en outre les qualités professionnelles et morales requises (20). Auditionnée dans le cadre du chantier relatif à l'amélioration et la simplification de la procédure pénale (21), la CNCDH avait émis un avis défavorable sur ces dispositions, dès lors qu'elles marquent un recul du pouvoir de surveillance exercé par l'autorité judiciaire sur la police judiciaire (22). C'est pourquoi, la CNCDH recommande le maintien d'un contrôle régulier.
    12. En second lieu, dans le contexte cette fois de l'enquête, le projet de loi prévoit de rendre facultative la présentation au procureur de la République en cas de prolongation de la garde à vue (23) sauf si celui-ci " subordonne " son autorisation à cette présentation (24). La CNCDH rappelle que la garde à vue est une mesure grave car privative de liberté qui doit faire l'objet non seulement d'un encadrement mais aussi d'un contrôle par l'autorité judiciaire (25). Certes, la présence de l'avocat en garde à vue est un progrès significatif (26), pour autant, cette présence ne saurait se substituer au contrôle du parquet. De plus, l'absence de présentation au procureur risque de renforcer l'automaticité de la prolongation des gardes à vue. La CNCDH estime que la réduction du contrôle du parquet sur la prolongation de la garde à vue est inacceptable.

    B. - Le renforcement des pouvoirs des acteurs de l'enquête

    13. Ce renforcement se manifeste d'abord par les nouvelles prérogatives reconnues aux APJ (a), ensuite par l'élargissement de la notion de flagrance (b), enfin et surtout par l'accroissement du champ des mesures policières (c).
    a) Les nouvelles prérogatives des agents de police judiciaire (APJ) :
    14. Alors que, contrairement aux OPJ, les APJ ne sont ni formés ni habilités au sens de l'article 16 alinéa 8 du code de procédure pénale, le projet de loi prévoit de leur confier certains des pouvoirs actuellement réservés aux OPJ (27). Ils pourraient ainsi procéder à des réquisitions judiciaires (28) notamment celles adressées à des organismes privés ou publics, y compris lorsque les informations délivrées sont issues d'un système informatique ou d'un traitement de données personnelles, effectuer des prélèvements externes (29) et examens scientifiques ou techniques (30). Il est à craindre que, ajoutée à la réduction du contrôle de l'autorité judiciaire précédemment rappelée, l'augmentation des prérogatives des APJ n'accroisse les risques d'atteintes portées aux droits fondamentaux, voire ne présage d'un transfert progressif des compétences des OPJ vers les APJ : à quand la faculté de placement en garde à vue offerte à un APJ ?
    b) L'élargissement de la notion de flagrance :
    15. Le projet de loi (31) prévoit d'une part, de doubler la durée de l'enquête de flagrance ab initio (16 jours au lieu de 8 actuellement) en matière de terrorisme et de criminalité organisée et, d'autre part, en matière de droit commun, d'appliquer la durée classique de 8 jours ab initio, renouvelable une fois par le procureur de la République, aux infractions punies de 3 ans seulement ou plus d'emprisonnement (et non comme aujourd'hui aux infractions punies d'une peine supérieure ou égale à 5 ans) (32). La CNCDH souligne que cette réforme, qui accroit les pouvoirs donnés à la police judiciaire en raison de l'urgence et de l'évidence de la situation, doit conserver une durée limitée et respecter les principes de nécessité, de proportionnalité (33) et de garantie judiciaire (34). En effet, les actes accomplis peuvent porter atteinte aux libertés individuelles, cette enquête laissant fort peu de place aux droits de la défense et au principe du contradictoire (35).
    c) L'accroissement du champ des mesures policières :
    16. La CNCDH s'inquiète d'une tendance générale à accroitre le champ d'application des mesures policières attentatoires au premier chef à la vie privée (36), par l'abaissement du seuil de la peine encourue. Ainsi, géolocalisation (37) et perquisition (38) connaissent-elles un seuil commun de trois ans d'emprisonnement pour leur mise en œuvre. Si la CNCDH comprend les objectifs poursuivis par le projet de loi, chacune des mesures, prise isolément, pouvant se justifier dans un certain contexte, elle redoute l'effet produit par leur addition, et les risques d'atteinte aux libertés individuelles en découlant. Elle examinera certaines d'entre elles :
    c-1) Les interceptions téléphoniques :
    17. Le projet de loi prévoit d'étendre les interceptions téléphoniques (39), ouvertes par la loi Perben II (40) au parquet en enquête préliminaire ou flagrante en matière de terrorisme et de crime organisé (41), à tous crimes et aux délits punis d'au moins 3 ans d'emprisonnement, sur autorisation et sous le contrôle a posteriori du JLD. Bien plus, dans les situations d'urgence, l'autorisation serait donnée par le procureur de la République et non le JLD, qui aurait 24 h pour confirmer la mesure. Or, saisi de la constitutionnalité des lois de 2004 puis de 2013, le Conseil constitutionnel avait justifié la mise en œuvre de ces mesures par la " gravité " des infractions visées et leur particulière " complexité " (42). La CNCDH s'inquiète donc de l'extension de cette mesure à des infractions de moindre gravité et complexité, rendant sa constitutionnalité sujette à caution. De plus, alors que le JLD, désormais assujetti à des permanences, peut être saisi en urgence, la CNCDH s'interroge sur l'opportunité de lui substituer le procureur dans ces situations (43).
    c-2) L'enquête sous pseudonyme :
    18. Le projet de loi prévoit d'étendre l'enquête sous pseudonyme (ou cyber infiltration) à tous les crimes et délits lorsque ces infractions sont commises par un moyen de communication (44). L'enquête sous pseudonyme a été introduite dans la procédure pénale française par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance (45), afin d'infiltrer les réseaux, puis elle a progressivement été étendue à de nombreux crimes et délits (46), sans toutefois qu'en soient unifiées les dispositions procédurales. C'est pourquoi la CNCDH salue le regroupement envisagé des dispositions existantes. Cependant, elle rappelle qu'à l'instar de l'infiltration dont elle est la variante électronique, l'enquête sous pseudonyme est à haut risque pour le respect des droits fondamentaux, notamment le droit au respect de la vie privée ou le principe d'égalité devant la loi. Pourtant, la cyber infiltration ne bénéficie pas de l'encadrement procédural applicable à l'infiltration ordinaire (47). En outre, dès lors que la constatation de l'infraction se rapproche parfois dangereusement de la provocation à sa commission, le risque est grand d'une violation du principe de loyauté et du procès équitable (48). En conséquence, si la CNCDH a recommandé, en tant que rapporteur national sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie (49), l'extension de l'enquête sous pseudonyme aux infractions racistes commises sur Internet, elle déplore la volonté de généraliser cette mesure, sans qu'au préalable son régime procédural soit précisé et complété.
    c-3) Les techniques spéciales d'enquête :
    19. S'agissant des " techniques spéciales d'enquête " (50), le projet de loi unifie leur régime (51), ce que la CNCDH salue. En revanche, elle s'inquiète des risques d'atteintes portées aux libertés du mis en cause, par l'extension de ces techniques à tout crime même dépourvu de complexité et même non aggravé par la " bande organisée " et ce, pour une durée unifiée plus longue qu'auparavant. Il faut en effet rappeler que, mises en place pour certaines d'entre elles (sonorisation de certains lieux, fixation de certaines images et captation de données informatiques) par la loi Perben II, modifiées ultérieurement à de nombreuses reprises, elles n'ont été admises par le Conseil constitutionnel, qu'en raison de la " gravité " et de la " complexité " des crimes et délits concernés (52), s'agissant de mesures de surveillance très intrusives.
    20. L'accroissement du domaine de l'enquête réduit par ricochet l'intérêt d'ouvrir une information judiciaire, mouvement déjà amorcé depuis plusieurs années, et ce aux dépens des droits de la défense et du contradictoire.

    C. - La marginalisation continue du juge d'instruction

    21. Ainsi, le projet de loi prévoit l'allongement à 7 jours de la période pendant laquelle, alors même que le procureur de la République requiert l'ouverture d'une information judiciaire, il peut autoriser les policiers à poursuivre leurs investigations (53). En effet, depuis la loi du 3 juin 2016 (54), l'article 706-24-2 du code de procédure pénale permet aux policiers, en matière de terrorisme, de poursuivre les interceptions téléphoniques, la géolocalisation et les techniques spéciales d'enquête pendant une durée de 48 h maximum à compter de la délivrance du réquisitoire introductif. Le juge d'instruction peut y mettre un terme à tout moment, ou les prolonger. La CNCDH s'inquiète de l'extension de ce dispositif, prévu initialement à titre exceptionnel et limité aux infractions les plus graves ; en effet, il entérine un recours massif par le parquet à des investigations attentatoires aux libertés individuelles, qui devraient être réservées au cadre plus protecteur de l'information judiciaire (55).
    22. Le projet de loi prévoit également la création d'une nouvelle procédure (56), la comparution différée qui serait une voie intermédiaire entre la comparution immédiate et l'ouverture d'une information judiciaire (57). Alors que cette dernière serait jugée inutile faute de " bénéficier d'une quelconque plus-value de fond autre que d'attendre le versement de la pièce attendue " (58) et que la comparution immédiate est exclue, la procédure n'étant pas en état d'être jugée par manque d'éléments d'investigation (réquisitions, examens techniques, examens médicaux …), le parquet pourrait saisir le JLD afin de prononcer un placement sous contrôle judiciaire, sous assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE) ou en détention provisoire, pour une durée de 2 mois, à condition que la peine encourue soit égale ou supérieure à 3 ans. A l'issue de ces 2 mois, le tribunal doit statuer. Si la CNCDH peut comprendre l'espoir d'un gain de temps motivant théoriquement la création de cette nouvelle procédure, pour autant, à l'instar du Conseil d'Etat, elle observe qu'en réalité, en ce qu'elle risque de susciter des demandes de renvoi en cas d'impossibilité pour la juridiction de juger, cette procédure contreviendra aux objectifs de simplification et de célérité. Par ailleurs, elle risque également d'accroitre le nombre de placements en détention provisoire, qui plus est à l'initiative du parquet, confortant là encore son rôle de juge de l'enquête au détriment du juge d'instruction (59). La comparution différée traduit, de manière particulière, un recul plus général du droit du justiciable à l'accès à un juge stricto sensu.
    2) Le recul constant du droit d'accès à un juge du siège :
    23. L'accès à un juge indépendant, c'est-à-dire, à une justice de qualité, se voit entamé de différentes manières : raccourcissement de certains délais, multiplication des modes rapides de saisine, juge unique supplantant la juridiction collégiale, extension du recours à la visioconférence etc. Ce qui est parfois vrai pour la victime (A) l'est surtout pour le mis en cause (B).

    A. - Pour la victime : un parcours judiciaire du combattant

    24. La CNCDH déplore le traitement paradoxal dont la victime fait l'objet dans le projet de loi. D'un côté, le dépôt de plainte est facilité avec la plainte en ligne, comme rappelé précédemment en introduction. D'un autre côté, les conditions d'accès au juge sont durcies (60), avec l'objectif de limiter les dépôts abusifs de plainte avec constitution de partie civile (61), alors qu'actuellement la victime peut être condamnée à une amende civile en cas de plainte avec constitution de partie civile abusive ou dilatoire. Le projet de loi prévoit ainsi de doubler le délai d'attente de la réponse éventuelle du procureur de la République pour pouvoir saisir le juge d'instruction (62). La victime devrait désormais attendre 6 mois, alors même qu'il n'est pas certain que les trois mois supplémentaires permettent au parquet de mener une enquête plus approfondie (63). En bref, la CNCDH déplore cette complexification du droit d'accès au juge. En outre, à l'issue des 6 mois, si le procureur, malgré l'existence de " charges suffisantes contre une personne majeure " d'avoir commis les faits reprochés, n'a pas mis en mouvement l'action publique, il pourra, s'il l'estime nécessaire, requérir du juge d'instruction qu'il rende une ordonnance constatant " l'inutilité de l'information " et " invitant la partie civile à engager des poursuites par voie de citation directe ". La CNCDH s'inquiète de cette relative incohérence marquant là encore une volonté d'éviter l'ouverture d'une information judiciaire : d'un côté, les faits paraissent constitués et sérieux, mais de l'autre, l'ouverture d'une information judiciaire n'apparaît pas nécessaire (64). La CNCDH estime que cette disposition limite l'accès non seulement au juge d'instruction mais également à la justice, dès lors que c'est au justiciable qu'il appartiendra de saisir le juge, par la voie de la citation directe. En effet, bien que la représentation par avocat ne soit pas obligatoire devant le juge correctionnel, elle est fortement recommandée, surtout s'il s'agit de faits qui auraient pu faire l'objet d'une information. La victime devra donc payer outre les frais d'huissier pour la signification de la citation, le cas échéant les frais d'avocat. Ces obstacles, procéduraux et financiers, risquent de dissuader de nombreuses victimes de saisir la justice. Non seulement cette mesure contrevient à l'objectif de simplification de la loi en ajoutant aux ordonnances de refus d'informer (65) et de non-lieu immédiat (66) une nouvelle ordonnance à l'objet incertain, mais encore on peut craindre un risque de filtrage accru du parquet dans les affaires dites sensibles (67). La CNCDH s'étonne de l'incohérence ainsi constatée entre les discours de protection accrue des victimes et la complexification croissante de leur accès au juge.
    25. Enfin, la CNCDH s'inquiète de ce que le recours accru aux procédures alternatives aux poursuites (68) tend également à raréfier l'accès au juge pour les victimes, celles-ci étant insuffisamment associées à ces procédures.

    B. - Pour le mis en cause

    26. La CNCDH regrette, sous couvert de simplification, la complexification de l'avis de fin d'information (a) la multiplication des procédures rapides de jugement (b) et l'extension tant du juge unique (c) que du recours à la visioconférence (d).
    a) La réécriture discutable de l'article 175 du CPP (avis de fin d'information) :
    27. Le projet de loi prévoit la réécriture de l'article 175 du code de procédure pénale (69). Depuis la loi du 5 mars 2007 précitée (70) le délai dans lequel les parties doivent faire connaître au juge si elles souhaitent présenter des observations ou, plus important, former des demandes d'actes complémentaires ou des requêtes en nullité, a été considérablement allongé dès lors qu'à l'expiration de ce délai la partie privée est forclose (71). Or, au prétexte que de nombreux praticiens se seraient plaints de la longueur et de la rigidité des délais fixés par l'article 175 (72), le projet de loi prévoit qu'à partir de l'envoi de l'avis de fin d'information, les parties seront soumises à un nouveau premier délai, de 10 jours seulement, pour faire connaître au juge d'instruction leur volonté, notamment de demander des actes ou de former une requête en nullité, sous peine de forclusion. Pour l'heure, la CNCDH considère que cette disposition, au demeurant ambiguë, ne satisfait à aucun des objectifs de la loi : si l'on estime que, dans ce délai contraint, l'avocat du mis en examen doit, au moins sommairement, expliciter ses demandes et requêtes, l'atteinte aux droits de la défense est caractérisée. Si au contraire, il ne s'agit pour l'avocat que de prendre date afin de faire obstacle à la forclusion, on peut penser qu'il fera systématiquement cette déclaration d'intention quitte, ultérieurement, à ne pas la concrétiser, auquel cas on cherche vainement le gain de temps. En outre, la CNCDH regrette cette tendance à faire peser sur les parties la responsabilité de l'allongement de l'information, après réception de " l'avis 175 ", alors que les lenteurs souvent déplorées reposent le plus souvent sur la phase antérieure au prononcé de ce dernier (73).
    b) La tendance au retardement de l'intervention du juge :
    b-1) L'extension de l'amende forfaitaire :
    28. Le projet de loi envisage d'étendre l'amende forfaitaire délictuelle (74) notamment à l'usage de stupéfiants (75). La CNCDH déplore le caractère automatique et déshumanisé de la répression envisagée, alors qu'aujourd'hui ce délit (76) est le plus souvent réprimé par une alternative aux poursuites, à savoir soit un simple rappel à la loi soit une orientation vers une structure sanitaire (77). C'est pourquoi elle s'oppose catégoriquement à l'extension de l'amende forfaitaire au délit d'usage de stupéfiant. La CNCDH réitère également sa recommandation d'insérer un article 131-15-2 au code pénal prévoyant que, pour toute contravention de la cinquième classe sanctionnant l'usage illicite de l'une des substances ou plantes classées comme stupéfiants (hors cannabis), la juridiction peut prononcer, à la place de la peine d'amende, l'orientation vers une structure sanitaire ou sociale, l'obligation de suivre un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de stupéfiants, ou une injonction thérapeutique. Elle rappelle l'attention particulière qu'il convient de porter aux usagers de substances illicites, qui, le plus souvent, nécessitent des soins plutôt qu'une sanction pénale.
    b-2) L'extension de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) :
    29. Le projet de loi prévoit également d'étendre la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) (78) à tous les délits au motif, selon l'étude d'impact, que cette procédure connaîtrait un succès avéré. Or, pour la CNCDH, le recours croissant à la CRPC est surtout lié à l'encombrement du tribunal correctionnel qui pousse les parquets à recourir à ce mode de justice accélérée. Si, donc, la CNCDH n'est pas opposée à une extension en soi de son champ d'application, dans la mesure où elle peut faciliter le jugement de délits mineurs, avec l'accord de la personne poursuivie, elle s'inquiète du champ d'application très large envisagé par le projet de loi et des peines encourues, alors que cette procédure tend à marginaliser l'audience et le rôle du juge du siège (79). Par ailleurs, le projet de loi prévoit la possibilité pour le parquet de proposer une CRPC à une personne à l'issue de son placement en garde à vue. Or, à l'instar de l'ANJAP, la CNCDH s'interroge sur le caractère libre et éclairé du consentement ainsi émis, dès lors que, pour éviter au premier chef une comparution immédiate, l'intéressé aura tendance à accepter la CRPC, y compris le prononcé d'une peine d'emprisonnement (80). En outre, dans la mesure où la CRPC ne prévoit pas de débat sur la personnalité, le renforcement de cette procédure va à l'encontre de l'un des objets de la réforme, à savoir une meilleure prise en compte de la personnalité du mis en cause. A cet égard, la CNCDH rappelle l'importance de prononcer une peine individualisée.
    b-3) L'extension de l'ordonnance pénale :
    30. Enfin, la CNCDH regrette l'extension de l'ordonnance pénale à tous les délits relevant de la compétence du juge unique (81). Si cette procédure allégée permet sans aucun doute d'aller vite, dès lors que le président statue sans audience ni débat, elle constitue néanmoins une atteinte au principe du contradictoire et des droits de la défense, justifiant que son application soit circonscrite à des infractions simples (82). D'une part en effet, loin d'être dépourvue de conséquences, cette procédure conduit à une condamnation inscrite au casier judiciaire et pouvant constituer le premier terme d'une récidive conduisant dans le futur au possible prononcé d'une peine d'emprisonnement. D'autre part, le faible taux d'opposition relevé contre les ordonnances pénales est la marque non pas de leur " succès ", comme le souligne l'étude d'impact, mais plutôt celui d'une relative incompréhension du justiciable qui préfère s'abstenir, soit par ignorance, soit par crainte que son recours devant le tribunal ne se traduise par le prononcé d'une peine privative de liberté lorsque le délit reproché est sanctionné par de l'emprisonnement.
    c) La réduction constante de la collégialité :
    31. La CNCDH s'inquiète du recul de la collégialité. En effet, le juge unique en matière correctionnelle est " en soi critiquable puisqu'il constitue une régression dans les garanties de bonne justice offertes au citoyen (si l'on considère qu'on se trompe moins à trois que tout seul), et qu'il n'est mis en place que pour des raisons d'économie budgétaire (trois juges jugeant séparément sont plus rentables qu'en collégialité)… " (83).
    c-1) Le contrôle de l'instruction par le président de la chambre de l'instruction :
    32. Le projet de loi prévoit, aux seules fins de désencombrement des juridictions (84), de substituer le président de la chambre de l'instruction à la collégialité y compris pour le contentieux des nullités de l'information lorsque " la solution paraît s'imposer de manière manifeste ". La CNCDH peine à comprendre les hypothèses dans lesquelles cette solution évidente pourrait s'imposer, alors que les contentieux concernés sont le plus souvent d'une grande technicité, faisant courir le risque d'une censure de la Cour de cassation. (85) C'est pourquoi, elle recommande l'abandon de ces dispositions.
    c-2) L'extension des délits pouvant être jugés à juge unique :
    33. Le projet de loi augmente de façon considérable le nombre d'infractions relevant du juge correctionnel unique (86) : non seulement de nouveaux délits sont ajoutés (87) mais encore la peine encourue peut être de 5 ans d'emprisonnement, ce qui est une sanction lourde en matière correctionnelle (88). Lors de son institution par la loi du 20 décembre 1972, le juge unique traitait principalement de délits dépourvus de complexité, comme les délits routiers (89). Or, ses compétences n'ont cessé de s'accroître depuis. En outre, pour la première fois, le projet de loi prévoit d'étendre la compétence du juge unique en appel, y compris lorsque l'intéressé a déjà été jugé à juge unique en première instance. Bien que l'étude d'impact précise que le principe de la collégialité n'a pas de valeur constitutionnelle, la CNCDH s'inquiète de la régression de ce principe, qui, en soumettant la prise de décision à une discussion utile entre les magistrats, contribue à une justice de qualité. La collégialité est aussi un gage d'indépendance et d'impartialité du juge (90). La CNCDH tient à rappeler, de manière générale, et dans quelque matière que ce soit, son opposition à l'extension des procédures à juge unique qui sont source d'atteinte au droit à un procès équitable et au droit d'accès à un juge (91).
    d) Le recours renforcé à la visioconférence :
    34. Le projet de loi prévoit de rendre obligatoire le recours à la visioconférence (92) lors du placement et de la prolongation de la détention provisoire (93) alors qu'actuellement le mis en examen peut s'y opposer, sauf risques graves de trouble à l'ordre public ou d'évasion. La CNCDH rappelle régulièrement son opposition à la visioconférence imposée au justiciable, en quelque matière que ce soit (94), car elle est potentiellement source d'atteinte aux droits de la défense et au droit d'accès physique à un juge, et plus généralement à la qualité de l'échange judiciaire (95). La visioconférence porte également atteinte au principe d'unité du lieu du jugement dès lors que l'avocat doit choisir entre être présent auprès de son client ou du juge (96). Si la CNCDH comprend les arguments du coût et de la célérité mis en avant par les pouvoirs publics (97), elle rappelle, à l'instar du CGLPL (98), que son utilisation doit être assortie de conditions claires et respectueuses des droits du justiciable, comme l'avait également affirmé la Cour européenne des droits de l'homme. L'extension du recours obligatoire à la visioconférence marque encore une fois le recul de l'audience et consomme, pour le justiciable, son éloignement physique du juge.
    3) L'expérience annoncée du tribunal criminel départemental : vers une disparition de la cour d'assises ? :
    35. Le projet de loi envisage la création, à titre expérimental, pour une durée de trois ans minimum et dans des ressorts circonscrits, d'un tribunal criminel départemental composé de cinq magistrats (99) pour juger des crimes punis de 15 ou 20 ans de réclusion criminelle. Si la CNCDH n'a jamais eu l'occasion de se prononcer sur une réforme de cette nature, les auditions menées en son sein n'ont pas davantage fait ressortir d'opinion consensuelle à son sujet. La CNCDH entend les arguments en faveur de cette expérience dès lors que la procédure actuelle, unanimement jugée trop longue, produit des conséquences délétères sur la durée des détentions provisoires et, plus généralement, affecte toutes les parties au procès, accusé ou victime (100). De plus, cette situation conduit à des correctionnalisations, plus ou moins subies (101).
    36. Si du point de vue de la méthode, la CNCDH ne peut désapprouver le choix d'une " expérience ", elle s'interroge néanmoins sur la poursuite cachée d'un autre objectif : la suppression, à terme, de la cour d'assises. On peut craindre, en effet, qu'en 2022, une fois le bilan de l'expérimentation dressé, les gains de temps et d'argent sans aucun doute réalisés, non seulement ne s'opposent à tout retour en arrière mais encore ne conduisent à l'extension du tribunal criminel départemental : d'abord, à toutes les cours d'assises de première instance et à tous les crimes, y compris ceux punis de 30 ans de réclusion ou de la réclusion perpétuelle, ensuite, stade ultime, aux cours d'assises du second degré. Or, mis à part la longueur excessive des délais d'audiencement, la cour d'assises est considérée comme une juridiction " qui fonctionne bien " (102), et présente en outre l'avantage de faire le lien entre les citoyens et la justice. Selon Henri Leclerc, " les jurés citoyens sont aussi des témoins nécessaires de l'acte de justice, dont ils sont coacteurs " (103).
    37. C'est pourquoi, la CNCDH regrette qu'aucune réflexion d'ampleur sur la procédure d'assises n'ait précédé ce projet de réforme (104). Elle recommande en conséquence qu'une étude approfondie soit menée sur le fonctionnement actuel de ces juridictions, et que la réforme poursuive un objectif plus ambitieux que celui de la seule réduction des délais et des coûts, car " il ne faudrait pas que le remède soit pire que le mal " (105).

    II. - DISPOSITIONS VISANT À RENFORCER L'EFFICACITÉ ET LE SENS DE LA PEINE

    38. En 2014, dans son avis sur le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines (106), la CNCDH avait regretté l'occasion manquée d'une réforme d'envergure traduisant une vision politique d'ensemble des réponses apportées à la délinquance. Elle se réjouit que le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ait pour ambition de favoriser la décision sur la peine au stade du jugement afin que le juge correctionnel s'approprie effectivement le pouvoir de l'aménager. En effet, la CNCDH a toujours affirmé l'importance des aménagements ab initio. Cependant, elle souligne que, pour assurer correctement ce rôle, le juge correctionnel devrait disposer d'un temps bien supérieur, à savoir le temps actuel pour juger auquel s'ajouterait un second temps pour réfléchir au prononcé de la peine la plus adéquate, en lien avec le Service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP). La conséquence en serait la multiplication par deux du nombre des audiences correctionnelles, avec des ajournements afin de laisser au SPIP le temps de trouver les solutions les plus appropriées. Néanmoins, une réforme de ce type risque d'être vouée à l'échec dès lors qu'en l'absence de moyens complémentaires conséquents elle risque d'entraîner un allongement des procédures, partant, une augmentation du nombre des personnes placées en détention provisoire, à l'inverse du but recherché de lutte contre la surpopulation carcérale (107). De plus, alors qu'il conviendrait dans le même temps de renforcer le rôle du juge de l'application des peines (JAP), on observe que c'est l'objectif inverse poursuivi par le projet de loi, l'action de ce magistrat semblant même en voie de marginalisation.
    39. En fin de compte, la CNCDH constate que les dispositions du projet de loi ne modifient qu'à la marge le droit existant. Si certaines mesures de droit commun sont précisées ou érigées en principe, la CNCDH s'interroge sur leur portée, alors même que la pratique en a montré la faible appropriation par le juge correctionnel, liée en fait à un manque de moyens (108). La CNCDH regrette également une certaine incohérence de l'étude d'impact sur les analyses chiffrées. Ainsi, certaines mesures comme le travail d'intérêt général (TIG) ou les stages font l'objet d'un chiffrage peu précis tandis que d'autres comme la suppression des peines d'emprisonnement de moins d'un mois ou la libération sous contrainte se voient en partie justifiées par des données chiffrées - elles concerneraient respectivement environ 300 et 600 détenus, alors qu'elles restent minimes par rapport aux 70 000 détenus comptabilisés au 1er octobre 2018 (109).
    40. De même, la CNCDH, très circonspecte sur le plan prison, tient à rappeler que la création de nouvelles places n'est pas une solution pour réduire la surpopulation carcérale (110) Elle rappelle l'impératif d'une véritable politique réductionniste (111) à travers notamment une réflexion sur la contraventionnalisation de certains délits voire la décriminalisation de certains agissements (112). Elle regrette que la partie relative au plan prison soit très " budgétée " et que des moyens soient prévus en ce sens, alors que c'est moins le cas de la partie relative à la réinsertion.
    41. La CNCDH analysera quelques-unes des mesures, qui pour chacune d'elles présentent des avancées, mais appellent également des réserves. Elle étudiera ainsi : la réécriture de l'échelle des peines et la meilleure prise en compte de la personnalité (A), les modifications des seuils d'aménagement des peines (B), la détention domiciliaire sous surveillance électronique (C), la contrainte pénale (D) et la libération sous contrainte (D).

    A. - La réécriture de l'échelle des peines et la meilleure prise en compte de la personnalité du mis en cause

    a) La réécriture bienvenue mais peu cohérente de l'échelle des peines :
    42. Le projet de loi (113) redéfinit l'échelle des peines encourues (114). La CNCDH salue cette mesure mais rappelle la nécessité de conduire une vraie réflexion sur la peine d'emprisonnement, alors qu'elle reste la peine de référence malgré la situation pénitentiaire française, comme l'a souligné le Sénat dans son " rapport d'information sur la nature, l'efficacité et la mise en œuvre des peines " (115). Le rapport souligne que " près de la moitié des peines principales prononcées en 2016 par les juridictions judiciaires étaient des peines d'emprisonnement ". Les auditions menées à la CNCDH ont révélé, pour la déplorer, une tendance des magistrats à prononcer des peines de plus en plus lourdes, avec l'emprisonnement comme but ultime (116). L'absence de connaissance concrète du milieu carcéral par les magistrats crée un phénomène de " déréalisation " de ce qu'est la détention (117) qui les conduit à ne pas réduire le nombre de peines d'emprisonnement prononcées. A titre d'exemple, même la nouvelle peine de détention domiciliaire sous surveillance électronique (DDSE) (118) se trouve encore liée à l'emprisonnement dès lors qu'elle peut donner lieu à un placement en détention, si la personne ne respecte pas ses obligations. Sa dénomination même exprime son rapport étroit avec l'enfermement, quand bien même elle s'exécuterait à domicile.
    43. La CNCDH se réjouit également de l'intégration de la peine de stage dans la définition des peines correctionnelles tout en regrettant, d'un côté le caractère payant du stage (119), d'un autre côté une certaine confusion quant à son autonomie puisque le texte mentionne " les peines de stage " au pluriel. De même, le projet de loi manque de clarté sur le caractère principal ou complémentaire de la peine de stage, ce qui relativise là encore sa transformation en peine autonome (120).
    b) Vers une meilleure prise en compte de la personnalité du mis en cause :
    44. La CNCDH se réjouit des dispositions du projet de loi qui visent à une meilleure connaissance de la personnalité du prévenu par le tribunal correctionnel (121). En effet, il est envisagé de confier, au stade des poursuites, les enquêtes de personnalité alternativement (et non plus subsidiairement) au SPIP, à des associations habilitées ou à la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Cela doit permettre au tribunal correctionnel de juger les mis en cause au vu d'un dossier plus complet et, en conséquence, de rendre une décision véritablement individualisée. La CNCDH rappelle que le principe constitutionnel de l'individualisation de la peine, auquel elle est très attachée, nécessite que " le juge conserve un pouvoir d'appréciation pour moduler la peine au regard des circonstances de l'espèce et de la personnalité du délinquant ". Cette individualisation ne peut s'opérer qu'avec une connaissance suffisante de la personnalité de la personne prévenue. C'est pourquoi la CNCDH considère souhaitable l'évolution prévue mais à la condition, comme le relève avec pertinence l'étude d'impact, d'être accompagnée des moyens nécessaires pour le SPIP comme pour les structures associatives impliquées à ce stade judiciaire, afin que puissent être menées des enquêtes approfondies (122).
    45. La CNCDH regrette toutefois qu'il n'ait pas été envisagé de créer un véritable outil d'aide à la décision qui aurait pu se concrétiser par exemple, par la création d'une cote de personnalité pour les prévenus réitérants, ce qui permettrait au tribunal de connaître, a minima, le déroulement de l'exécution des peines précédentes et certains éléments, comme le parcours judiciaire, les expertises psychologiques ou psychiatriques, les enquêtes sociales, etc. (123). Un tel outil permettrait une réelle amélioration de la connaissance de la personnalité du prévenu, contrairement au B1 jugé insuffisant, mais elle nécessiterait l'allocation de moyens dédiés (124).
    46. Cette orientation du projet de loi vers une meilleure connaissance de la personnalité du condamné se traduit également par l'ajournement du prononcé de la sanction par la juridiction de jugement aux fins d'investigations complémentaires sur la personnalité (125). Une telle innovation, introduite par la loi du 15 août 2014, avait été saluée par la CNCDH (126) qui avait alors rappelé que les investigations complémentaires devaient plutôt porter sur la " situation de la personne et sa personnalité " que sur la seule " personnalité ". L'ajournement permet, en effet, à la juridiction de se réapproprier le pouvoir de punir.
    47. Cette mesure va dans le sens d'une véritable césure du procès pénal, que la CNCDH considère comme opportune dès lors qu'elle est destinée à favoriser les aménagements de peine. Cependant, dans la mesure où l'ajournement n'est pas impératif mais reste une faculté pour le juge, la CNCDH craint qu'il ne reste symbolique. Depuis son entrée en vigueur, cette mesure a été peu utilisée car elle est souvent vécue par les juges correctionnels comme une source de déstabilisation et de désorganisation du planning des audiences (127). Ils continuent ainsi à renvoyer l'aménagement des peines aux JAP (128), étant observé à leur décharge que, trop souvent, les éléments relatifs à la personnalité et la situation du condamné sont inexistants. Instaurer une véritable césure du procès pénal nécessite des moyens et un changement des pratiques judiciaires. Or, aussi longtemps que, dans une logique de gestion des flux, il sera recouru massivement à des procédures accélérées, telle la procédure de comparution immédiate qui ne permet pas au juge de prendre connaissance de la personnalité du prévenu, une césure du procès pénal sera difficile à mettre en place (129).

    B. - La rigidification des seuils d'aménagement des peines

    a) Sur l'interdiction de prononcer des peines inférieures à un mois d'emprisonnement :
    48. La CNCDH rappelle régulièrement que les courtes peines de prison peuvent " revêtir une dimension symbolique au moment de la condamnation ", mais aggravent généralement la situation du condamné lorsqu'elles sont mises à exécution (130). Le condamné rencontre " davantage d'obstacles à sa réinsertion après un séjour en maison d'arrêt, avec un risque de récidive aggravé " (131). A cet égard, la CNCDH accueille favorablement la disposition du projet de loi prévoyant l'interdiction de prononcer des peines inférieures ou égales à un mois d'emprisonnement, bien qu'il s'agisse d'une mesure qui ne concernerait qu'environ 300 détenus par an (132). Il convient, en effet, de rappeler les effets dommageables des courtes peines pour les personnes condamnées : risque de perte d'emploi, de séparation familiale et relationnelle… Au surplus, les personnes condamnées à des courtes peines privatives de liberté bénéficient d'un accompagnement moindre par l'administration pénitentiaire et les SPIP en vue de leur réinsertion que les condamnés à des peines plus lourdes faute de temps pour mettre en place cet accompagnement (133). Ainsi, elles ne peuvent pas utiliser le temps de la détention pour mener un véritable travail de réinsertion et de lutte contre la récidive (134). Les courtes peines, qui concernent souvent une population jeune, incarcérée pour des délits d'atteinte aux biens de faible gravité, conduisent en conséquence à une probabilité de récidive importante (135).
    49. C'est pourquoi la CNCDH propose régulièrement qu'une réflexion soit menée pour supprimer totalement le prononcé des peines inférieures à 6 mois d'emprisonnement (136), en prenant exemple sur l'Allemagne : ceci pourrait permettre de lutter contre la surpopulation carcérale, de réduire les coûts occasionnés par ces détentions, et de mieux lutter contre la récidive (137). La CNCDH avait recommandé en 2014 que soit développé le recours à d'autres peines, telles les peines privatives ou restrictives de droits, érigées en peines autonomes (138). Elle recommande à nouveau de réfléchir au prononcé de véritables alternatives aux courtes peines d'emprisonnement : mesures alternatives, sanctions pécuniaires, mesures de probation (139).
    b) Sur le principe de l'aménagement sous écrou des peines de moins de 6 mois et l'abaissement du seuil d'aménagement (réécriture de l'article 723-15 CPP) :
    50. Le projet de loi prévoit la modification des modalités d'aménagement de peine (140). Ainsi, les peines inférieures à 6 mois feraient l'objet d'un des modes de placement sous écrou (141) et seraient prononcées par le tribunal correctionnel sauf impossibilité (au lieu du tribunal de l'application des peines - TAP - ou du JAP actuellement). Cette mesure participe de la volonté de développer les aménagements ab initio, ce que la CNCDH ne peut qu'encourager. Toutefois, elle s'inquiète de la création d'un effet de seuil qui pourrait conduire les juges à prononcer une peine d'emprisonnement de plus de 6 mois afin d'éviter d'avoir à l'aménager.
    51. En revanche, la CNCDH déplore la volonté d'abaisser le seuil d'aménagement de l'article 723-15 du code de procédure pénale à un an, et ce quel que soit le statut de la personne. S'il est louable de ne plus distinguer entre récidivistes et non récidivistes au stade de l'exécution de la peine, cette avancée ne doit pas faire perdre de vue les conséquences inquiétantes de cet abaissement. Déjà en 2014, lorsque le projet de loi envisageait d'abaisser ces seuils, la CNCDH s'y était fermement opposée au motif qu'il s'agissait d'une régression difficilement acceptable (142). Elle soulignait que cette modification aurait pour conséquence d'accroître la population carcérale, observation toujours valable aujourd'hui (143). La CNCDH peine à comprendre, comment au sein d'un même projet de loi, peuvent coexister des mesures visant à restreindre le quantum des peines aménageables et en même temps à prévoir la libération anticipée des personnes détenues (144). Surtout, l'abaissement des seuils tend à accréditer l'idée -erronée- selon laquelle un aménagement de peine serait toujours une faveur, alors qu'il s'agit d'une prise en charge dont la contrainte peut parfois être ressentie comme aussi lourde que celle née de l'exécution d'une peine privative de liberté.
    c) Le mandat de dépôt différé pour les peines comprises entre 6 mois et un an : une atteinte au droit à un recours effectif :
    52. Le projet de loi prévoit la possibilité de décerner un mandat de dépôt à effet différé pour les peines d'emprisonnement ferme d'au moins 6 mois (145), en ordonnant que le condamné soit convoqué, dans un délai qui ne saurait excéder un mois, devant le procureur de la République afin que ce dernier fixe la date de son incarcération. La CNCDH s'inquiète de ce mécanisme qui marque un recul des droits des personnes condamnées. Il est peu compréhensible que le mandat de dépôt ait un effet différé alors qu'il s'agit généralement d'une mesure d'urgence, dont l'objet est d'ordonner au chef d'un établissement pénitentiaire " de recevoir et détenir " (146) la personne mise en examen à l'encontre de laquelle le JLD a pris une ordonnance de placement en détention provisoire pour différents motifs (147), ou encore le tribunal correctionnel (148) ou la cour d'assises (149). Cette mesure risque là encore de créer un effet de seuil, le juge pouvant être tenté de prononcer une peine de 6 mois au minimum afin de pouvoir décerner ce mandat. Au surplus, elle introduit encore une distance entre le prononcé de la peine de prison et le juge correctionnel dès lors que sa mise à exécution reposera sur le parquet.
    53. De plus, le mandat de dépôt différé porte atteinte, à deux titres, au droit à un recours effectif (150) : d'une part, la saisine du JAP par le procureur de la République est exclue par le projet de loi, alors même que la situation de la personne aura pu évoluer dans le mois qui suit la convocation, et d'autre part, l'intérêt de former appel se voit réduit dès lors que le mandat de dépôt aura déjà été exécuté au jour où il sera statué sur le recours.
    54. Encore, la CNCDH estime que cette mesure crée une rupture dans l'égalité de traitement entre les prévenus qui seront incarcérés rapidement sur la base d'un mandat de dépôt à effet différé et les personnes condamnées à une peine comprise entre 6 mois et un an, voire deux ans si le dispositif actuel de l'article 723-15 du code de procédure pénale est maintenu, qui, elles, pourront faire l'objet d'un aménagement de peine.
    55. Enfin, cette nouvelle mesure se trouve en contradiction avec l'objectif de réduction de la surpopulation carcérale dès lors que, s'agissant d'une mesure coercitive (151), elle risque d'augmenter le nombre de personnes placées en détention.

    C. - La détention domiciliaire sous surveillance électronique (DDSE) : une mesure aux contours et aux effets flous

    56. Le projet de loi prévoit de créer une peine autonome de détention à domicile. La CNCDH note l'intégration de cette mesure dans l'échelle des peines, bien qu'elle fasse toujours référence à la notion d'enfermement. La CNCDH souligne néanmoins qu'il était déjà possible pour le tribunal correctionnel de prononcer cette peine ab initio (depuis la loi Perben 2 du 9 mars 2004), ce qui, de fait, en faisait déjà une peine autonome, mais peu prononcée par les juges (152). L'étude d'impact (page 409) précise d'ailleurs que " faire du placement électronique une nouvelle peine autonome pourrait inciter les magistrats à y recourir davantage dès le stade du prononcé de la peine ", ce qui confirme qu'ils y avaient peu recours. La CNCDH recommande aux juges de s'en saisir davantage, dès lors que l'évaluation de la situation et de la personnalité du condamné suggère qu'elle est adaptée.
    57. Cependant, la CNCDH regrette que les modalités d'exécution de cette peine ne soient pas suffisamment précisées, ce qui lui fait perdre de son attrait. En 2013 (153), la CNCDH avait demandé l'inscription dans la loi de l'obligation que le placement sous surveillance électronique soit accompagné d'un suivi socio-éducatif pour assurer la réinsertion et la resocialisation du condamné, au lieu de le soumette au seul respect de conditions coercitives. La Commission réitère cette demande aujourd'hui. En effet, à défaut d'un accompagnement socio-éducatif, la mesure apparaît comme une forme d'assignation à résidence sans objectif de réinsertion, qui, en cas d'exécution défaillante par l'intéressé, risque d'accroître le nombre de placements en détention (154). Par ailleurs, en pratique on constate que la mesure est difficile à supporter au-delà d'une certaine durée, que les personnels qui travaillent auprès des détenus évaluent autour de 6 mois (155) (OIP, SPIP CGT, SM). C'est pourquoi, la CNCDH recommande qu'une attention particulière soit portée, lors du prononcé de la décision, aux conditions de vie de la personne (type de domicile, pérennité du logement, accès à l'électricité, etc.) afin que la peine soit véritablement adaptée à la réalité de sa situation (156).
    58. La CNCDH s'inquiète également du silence conservé par le projet de loi en cas d'impossibilité d'exécution non imputable à la personne condamnée. En l'état actuel du texte, la peine deviendrait inexécutable, créant ainsi un flou juridique contraire à l'objectif d'efficacité de la peine. En outre, le projet de loi prévoit qu'en cas de non-respect des interdictions ou obligations imposées à la personne condamnée, le JAP pourra soit limiter les autorisations d'absence soit ordonner l'emprisonnement pour la durée de la peine restant à exécuter. Cette disposition conduit, d'une part, à cantonner une fois encore le JAP dans un rôle de contrôleur des horaires des placements sous surveillance électronique, et, d'autre part, à enfermer l'intéressé pour une courte durée, celle de la détention domiciliaire sous surveillance électronique ne pouvant excéder un an, et ce en rupture totale avec la volonté affichée du projet de loi de réduire les courtes peines (157).
    59. Enfin, la CNCDH déplore un manque de clarté des textes dès lors que l'ancien placement sous surveillance électronique (PSE) est dénommé détention domiciliaire lorsqu'il s'agit d'un aménagement de peine. Cette confusion entre une mesure d'aménagement de peine et la peine elle-même ne concourt assurément pas à améliorer la lisibilité du droit des peines, et ce d'autant plus que les deux mesures peuvent être ordonnées par la même juridiction (158).

    D. - La suppression de la contrainte pénale en qualité de peine autonome

    60. Le projet de loi prévoit de fusionner la contrainte pénale avec le sursis mise à l'épreuve et le sursis TIG pour créer un régime unique des peines de probation (159). La CNCDH se réjouit de cette mesure au nom justement de l'exigence de lisibilité de la loi. Lors de la création de la contrainte pénale (160), par la loi n° 2014-896 du 15 août 2014, la CNCDH avait souligné un sérieux problème en ce sens, dès lors que la mesure était très proche du sursis avec mise à l'épreuve, et qu'elle constituait non pas une peine autonome mais une simple alternative à l'emprisonnement. La CNCDH avait recommandé que les nouvelles dispositions liées à la contrainte pénale ne négligent pas sa dimension réinsérante étant rappelé que le suivi et l'accompagnement social devraient être les composantes essentielles de toutes les peines s'exécutant en milieu ouvert.
    61. Depuis sa création, le recours à la contrainte pénale par les juridictions a été faible, car elle nécessite des conditions exigeantes d'évaluation ainsi qu'un travail conjoint avec les conseillers d'insertion et de probation (161), afin qu'ils puissent éclairer le JAP. Mais, faute de moyens (162), les SPIP n'ont pas pu mener à bien la réforme. De même, l'accompagnement par le JAP prévu dans le cadre de la contrainte pénale (auditions régulières par le magistrat, entretiens dédiés pour tout incident commis…) (163) recentrait le magistrat sur son office en faisant de lui le juge de l'accompagnement. Or, le projet de loi continue à le marginaliser.
    62. Enfin, le projet de loi continue à faire de la probation, non pas une peine principale, comme l'avait préconisé le Chantier de la justice " efficacité et sens des peines " (164), mais une modalité d'exécution de la peine d'emprisonnement, cette dernière demeurant la peine de référence. La contrainte pénale permettait de sortir de la logique de l'enfermement, ce qui n'est plus le cas avec le sursis probatoire. Aussi, afin de poursuivre l'objectif de réinsertion affiché, la CNCDH recommande-t-elle la création d'une peine de probation qui favoriserait le travail présententiel entre les SPIP et les juges, au cœur de l'objectif d'individualisation de la peine.

    E. - L'ambiguïté de la libération sous contrainte

    63. La libération sous contrainte, créée également par la loi précitée du 15 août 2014, est un aménagement décidé par le JAP au profit du détenu parvenu aux deux tiers de sa peine (165), sans que celui-ci doive la solliciter, bien que son consentement à la mesure soit nécessaire. Le projet de loi prévoit que ce principe sera désormais acquis, sauf si le juge s'y oppose par ordonnance motivée ou si le détenu la refuse (166). L'examen obligatoire de la situation des personnes qui refusent la mesure de libération sous contrainte serait alors supprimé, afin d'alléger le rôle des commissions d'application des peines (CAP).
    64. La CNCDH se réjouit que la libération sous contrainte soit explicitement érigée en principe et que, comme précisé dans la circulaire du 26 décembre 2014, ce dispositif obéisse aux conditions de l'article 707 du code de procédure pénale relatives aux aménagements de peine. En 2013 (167), la CNCDH avait recommandé que fût créé un système similaire de libération conditionnelle, à savoir " une libération conditionnelle automatique, aux deux tiers de la peine, pour les personnes condamnées à des peines d'emprisonnement inférieures ou égales à cinq ans, sauf opposition motivée du juge de l'application de peines ". Cependant, la Commission regrette l'absence de garanties suffisantes de ce dispositif. En effet, cette décision, ne fait pas l'objet d'un débat contradictoire et les délais de recours sont inférieurs à ceux applicables aux mesures d'aménagement des peines classiques (168).
    65. La CNCDH souligne que cette mesure doit s'insérer dans un véritable projet de réinsertion du détenu. Or, l'aménagement accordé, non individualisé, ne favorise pas la construction, par le condamné, avec l'aide des conseillers d'insertion et de probation, d'un projet d'insertion mais tient compte des seuls critères objectifs de l'article 707 du code de procédure pénale, ce qui peut obérer ses chances de succès (169). En effet, l'automaticité du dispositif pourrait avoir un effet pervers en détournant les détenus de toute volonté de s'engager dans un processus d'aménagement dès lors qu'ils bénéficieront de plein droit d'une libération sous contrainte (170). A cet égard, la CNCDH rappelle les dangers des sorties " sèches ", qui sont facteur de récidive. Elle recommande en conséquence que soit mis en place un système progressif qui permette d'aménager la peine d'emprisonnement au fur et à mesure de son exécution. Dans ce contexte, la CNCDH souhaite que soit opérée une révision du régime de la libération sous contrainte afin qu'y soit intégrée une exécution au moins partielle en milieu ouvert (171).
    Addendum : Sur la diversification des modes de prise en charge des mineurs délinquants :
    66. La CNCDH a rendu un avis relatif à la privation de liberté des mineurs au mois de mars 2018 (172), sur saisine de la garde des Sceaux, dans lequel elle a émis des critiques sur le fonctionnement actuel des centres éducatifs fermés (CEF) et sur leurs effets sur la récidive. Aussi salue-t-elle l'expérimentation de la nouvelle mesure éducative d'accueil de jour permettant aux mineurs sortant de CEF de bénéficier d'un accompagnement pluridisciplinaire (173). La CNCDH a, en effet, souligné les liens insuffisants des CEF avec le milieu ouvert ainsi que les trop nombreuses sorties " sèches ", créatrices de récidive et donc d'un risque d'enfermement accru. C'est pourquoi, elle se réjouit de la disposition du projet de loi visant à mieux préparer la sortie des mineurs des CEF, en favorisant notamment le retour en famille et les liens avec d'autres structures d'accueil, ce qui va dans le sens d'un véritable parcours d'exécution de la peine.
    67. La CNCDH réitère sa recommandation de ne pas ouvrir 20 nouveaux CEF si le fonctionnement prévu est le même que celui des CEF déjà existant mais de leur préférer au moins 20 nouveaux établissements ouverts à pédagogie diversifiée.

    Synthèse des recommandations

    Recommandation générale : la CNCDH recommande une réécriture de l'ensemble des dispositions du code de procédure pénale et une redistribution du rôle de chacun de ses acteurs dans un véritable souci de protection des droits du justiciable compatible avec celui, légitime, de simplification et d'efficacité de la procédure. En ce sens, la réforme du statut du ministère public doit impérativement être mise en œuvre. Evidemment, seuls des moyens budgétaires consistants et effectivement dédiés à la justice doivent être déployés.
    Recommandation n° 1 : la CNCDH recommande de renforcer le contrôle des opérations d'enquête par l'autorité judiciaire au lieu de multiplier et d'accroitre les pouvoirs donnés aux acteurs de l'enquête.
    Recommandation n° 2 : la CNCDH exige que soit maintenu le contrôle du parquet sur la prolongation de la garde à vue.
    Recommandation n° 3 : la CNCDH recommande que l'enquête sous pseudonyme ou cyber-infiltration, actuellement insuffisamment réglementée, soit entourée de véritables garanties procédurales.
    Recommandation n° 4 : la CNCDH recommande qu'il soit mis un terme au mouvement continu de marginalisation du juge d'instruction alors que, magistrat indépendant, il devrait au contraire voir son action renforcée et disposer des moyens nécessaires..
    Recommandation n° 5 : la CNCDH recommande de supprimer les mesures visant à complexifier lourdement l'accès au juge d'instruction pour les victimes.
    Recommandation n° 6 : la CNCDH recommande de garantir un accès effectif au juge correctionnel. Elle attire l'attention des pouvoirs publics sur l'importance pour le justiciable d'être jugé collégialement et en sa présence.
    Recommandation n° 7 : la CNCDH s'oppose catégoriquement à l'extension de l'amende forfaitaire au délit d'usage de stupéfiant.
    Recommandation n° 8 : la CNCDH recommande de ne pas multiplier les cas de recours à la CRPC et à l'ordonnance pénale, qui confinent le juge dans un rôle de simple homologation.
    Recommandation n° 9 : la CNCDH s'oppose à l'extension du recours à la visioconférence sans accord du justiciable.
    Recommandation n° 10 : compte tenu du projet expérimental de tribunal criminel départemental, la CNCDH recommande qu'une étude approfondie soit conduite sur le fonctionnement actuel des cours d'assises, afin d'améliorer la procédure existante.
    Recommandation n° 11 : la CNCDH recommande à nouveau que l'emprisonnement cesse d'être la peine de référence et que l'échelle des peines soit réécrite de ce point de vue.
    Recommandation n° 12 : la CNCDH recommande une meilleure prise en compte de la personnalité et de la situation des personnes mises en cause et, lors de la phase de jugement, l'instauration d'une véritable césure du procès pénal.
    Recommandation n° 13 : la CNCDH recommande qu'une réflexion soit conduite sur le prononcé de véritables alternatives aux courtes peines d'emprisonnement. Elle rappelle sa préconisation de supprimer totalement le prononcé des peines inférieures ou égales à 6 mois d'emprisonnement. Elle recommande également la restauration des seuils prévus par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.
    Recommandation n° 14 : la CNCDH recommande l'abandon du mandat de dépôt à effet différé, source de complexification et d'atteinte au droit à un recours effectif.
    Recommandation n° 15 : la CNCDH recommande que la détention domiciliaire sous surveillance électronique soit systématiquement accompagnée d'un suivi socio-judiciaire et tienne compte de la situation matérielle et personnelle des intéressés.
    Recommandation n° 16 :: la CNCDH recommande la création d'une peine de probation qui favoriserait le travail présententiel entre les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) et les juges, au cœur de l'objectif d'individualisation de la peine.
    Recommandation n° 17 : : La CNCDH recommande qu'une réflexion soit conduite sur la révision du régime de libération sous contrainte afin qu'y soit intégrée une exécution au moins partielle en milieu ouvert.
    Recommandation n° 18 : : la CNCDH recommande de favoriser le placement extérieur et plus généralement de créer d'autres modes d'exécution des peines de ce type.
    Recommandation n° 19 : : la CNCDH recommande de favoriser le parcours d'exécution de la peine du mineur placé en centre éducatif fermé (CEF). Elle réitère sa recommandation de ne pas ouvrir 20 nouveaux CEF si le fonctionnement prévu est le même que celui des CEF déjà existants mais de leur préférer au moins 20 nouveaux établissements ouverts à pédagogie diversifiée.

    Liste des personnes auditionnées ou ayant contribue à l'avis

    Laurence BLISSON, magistrate, secrétaire générale du syndicat de la magistrature - 6 septembre 2018.
    Evelyne BONIS-GARCON, professeure de droit privé et sciences criminelles à l'université de Bordeaux - 10 octobre 2018.
    Béatrice BRUGERE, magistrate, secrétaire générale d'Unités-Magistrats FO - 6 septembre 2018
    Marie CRETENOT, Juriste, responsable du plaidoyer à l'Observatoire international des prisons (OIP) - 19 septembre 2018.
    Jean DANET, avocat honoraire, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l'université de Nantes, membre du Conseil supérieur de la magistrature - 19 septembre 2018.
    Lucie DELAPORTE - magistrat instructeur au TGI de Bobigny - vice-présidente de l'Association française des magistrats instructeurs (AFMI) - 25 septembre 2018
    Carine DENOIX-BENTEUX, avocate, membre du CNB et présidente de la commission textes - 6 septembre 2018.
    Franck DYMARSKI, avocat, membre de la conférence des bâtonniers - 6 septembre 2018.
    Christiane FERAL-SCHUHL, avocate, ancien bâtonnier de Paris, présidente du Conseil national des barreaux (CNB) - 12 septembre 2018.
    Ludovic FOSSEY, premier vice-président chargé de l'application des peines au TGI de Créteil, secrétaire général de l'ANJAP- 19 octobre 2018.
    Catherine GAZZERI, avocate, membre de la conférence des bâtonniers et du CNB - 6 septembre 2018.
    Pascal GASTINEAU, président de l'Association française des magistrats instructeurs (AFMI), magistrat instructeur au pôle financier de Paris- 25 septembre 2018.
    Marc Emmanuel GOUNOT, secrétaire général de l'Association française des magistrats instructeurs (AFMI), magistrat instructeur au TGI de Lyon - 25 septembre 2018.
    Marc LIFCHITZ, magistrat, secrétaire général adjoint d'Unités-Magistrats FO - 6 septembre 2018.
    Laurent MAGNIER, secrétaire national de la CGT insertion probation (SPIP CGT) - 25 septembre 2018.
    Vincent PENARD, avocat, membre du CNB - 6 septembre 2018.
    Juliane PINSARD, secrétaire nationale du syndicat de la magistrature - 6 septembre 2018.
    Emmanuel RASKIN, avocat, membre du CNB - 6 septembre 2018.
    Flavie RAULT, directrice adjointe en charges des politiques partenariales, maison d'arrêt de Paris-La Santé, secrétaire nationale MA de La Santé, Syndicat national des directeurs pénitentiaires (SNDP) - 17 octobre 2018.
    Laurence ROQUES, avocate, présidente du syndicat des avocats de France (SAF) - 6 septembre 2018.
    Roy SPITZ, avocat, membre du CNB - 6 septembre 2018.
    Gérard TCHOLAKIAN, avocat, membre du SAF - 6 septembre 2018.

    (1) A la date du 20 novembre, le projet de loi est en débat devant l'Assemblée nationale.

    (2) Article 26 du PJL.

    (3) Articles 15-3 et 10-2 du CPP

    (4) V. CNCDH, Avis sur les violences sexuelles : une urgence sociale et de santé publique, un enjeu de droits fondamentaux, adopté le 20 novembre 2018.

    (5) Conseil d'Etat, Avis sur un projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022, 12 avril 2018.

    (6) V. J.-B. Perrier, La procédure pénale en chantier. Présentation des dispositions du projet de loi de réforme de la justice, Dalloz 2018, 1027. L'auteur souligne le rôle de juge de la légalité de la mesure ici reconnu au JLD (§5).

    (7) Audition d'Unité-Magistrats FO -6 septembre 2018.

    (8) CNCDH, Avis sur le suivi de l'état d'urgence, adopté le 18 février 2016, JORF n° 0048 du 26 février 2016, texte n° 102 ; CNCDH, Avis sur le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, adopté le 17 juillet 2017, JORF n° 0269 du 18 novembre 2017, texte n° 76.

    (9) Loi organique n° 2016-1290 du 8 août 2016.

    (10) Auditions d'Unité-Magistrats FO et du syndicat de la magistrature (SM) -6 septembre 2018.

    (11) Voir I. 3) L'expérience annoncée du tribunal criminel départemental : vers une disparition de la cour d'assises ?

    (12) N° 2017-694 QPC.

    (13) Crim. 30 mai 2018, n° 16-85.777, Droit pénal 2018, 144, note E. Bonis-Garçon.

    (14) Droit pénal 2018, Etudes n° 13, H.-C. Le Gall.

    (15) Article 332 du CPP.

    (16) " La pratique de la cour d'assises " H. Angevin, Lexis Nexis, 6e édition, mise à jour par H.C Le Gall, n° 517 p. 217l.

    (17) V. en ce sens Ch. Lazerges, La dérive de la procédure pénale, RSC 2003 p.644.

    (18) Notamment depuis la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite loi Perben II, V. également CNCDH, Avis sur la refondation de l'enquête pénale, adopté le 25 avril 2014, JORF n° 0108 du 10 mai 2014, texte n° 84.

    (19) Article 30 du PJL.

    (20) Articles R. 15-1 et suivants du CPP.

    (21) Rapport " Amélioration et simplification de la procédure pénale ", Chantiers de la justice, Jacques Beaume et Franck Natali.

    (22) Article 16 du CPP.

    (23) Article 31 du PJL.

    (24) L'actuel article 63, al.5, du code de procédure pénale dispose que " L'autorisation ne peut être accordée qu'après présentation de la personne au procureur de la République. " Mais, " à titre exceptionnel ", l'autorisation peut être accordée " par une décision écrite et motivée, sans présentation préalable. "

    (25) Pour un rappel de la notion, européenne et constitutionnelle, " d'autorité judiciaire ", voir F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, Economica, 4e Ed. 2015 n° 381 et. s. p 270 et s.

    (26) Article du Point.Fr du 27/02/2014 : " Garde à vue : chute de 37% en 4 ans ! "

    (27) Article 30 du PJL.

    (28) Article 77-1-1 du CPP.

    (29) Article 76-2 du CPP.

    (30) Article 77-1 CPP par exemple, les prises d'empreintes et autres prévues par l'article 55 du CPP

    (31) Article 32 du PJL.

    (32) Articles 53 et suivants du CPP. Le nombre de délits concernés serait considérable - audition du SM - 6 septembre 2018.

    (33) Sur les exigences de nécessité et de proportionnalité : v. CEDH 22 avril 1992, Rieme c/ Suède, § 69 ou CEDH 4 juillet 2006, Ramirez Sanchez c/ France, § 136.

    (34) L'article préliminaire du code de procédure pénale mentionne ces trois principes directeurs de la procédure pénale, ainsi que la CEDH, v. CEDH 6 septembre 1978, Klass et a. c/ Allemagne, §55

    (35) Audition du syndicat des avocats de France (SAF) - 6 septembre 2018.

    (36) Crim. 22 octobre 2013, n° 13-81.949, Bull. crim. 2013, n° 197.

    (37) Article 27 du PJL.

    (38) Article 32 du PJL.

    (39) Article 27 du PJL.

    (40) Elles furent étendues par la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance financière.

    (41) Articles 706-95 du CPP

    (42) Décisions DC du 2 mars 2004 n° 2004-492, cons. 19 puis du 4 décembre 2013 n° 2013-679, cons. 75.

    (43) Audition du SM - 6 septembre 2018.

    (44) Article 28 du PJL.

    (45) Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

    (46) Mobilisée dans un premier temps pour les infractions relatives à la traite des êtres humains, au proxénétisme et aux atteintes aux mineurs, l'enquête sous pseudonyme a ensuite été successivement étendue au domaine de la lutte contre les jeux d'argent illicites (loi n° 2010-476 du 12 mai 2010), puis au délit de provocation à la commission d'un acte de terrorisme ou d'apologie de tels actes (loi n° 2011-267 du 14 mars 2011), au domaine de la lutte contre des infractions du code de la santé publique (ordonnance n° 2013-1183 du 19 décembre 2013) et enfin à l'ensemble des délits et des crimes relevant de la criminalité organisée (loi n° 2015-993 du 17 août 2015), notamment lorsqu'elle est financière prévue à l'article 706-87-1 du CPP.)

    (47) V. articles 706-81 à 706-87 du CPP : autorisation judiciaire préalable, motivation écrite et détaillée de la mesure, rapport de synthèse versé au dossier de la procédure et stricte limitation temporelle. Dumenil, La nécessité urgente d'encadrer procéduralement la mesure de cyber infiltration, Droit Pénal 2018, Etudes n° 22.

    (48) En ce sens v. CEDH 9 juin 1998, Texeira de Castro c/ Portugal §39 CEDH 9 juin 1998, v également Crim. 7 février 2007, pourvoi n° 06-87.753, Bull. crim. 2007, n° 37 ; 4 juin 2008, pourvoi n° 08-81.045, Bull. crim. 2008, n° 141.

    (49) V. les rapports de la CNCDH sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie, années 2015, 2016, 2017.

    (50) La sonorisation et la fixation de l'image de certains lieux ou véhicules, la captation de données informatiques, et surtout, reprise de la loi 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement (art. L. 852-1, I, du CSI), la surveillance de masse permise par l'IMSI-catcher (articles 706-96 et suivants, articles 706-102-1 et suivants en matière de criminalité organisée). V. CNCDH, Avis sur le projet de loi relatif au renseignement dans sa version enregistrée le 1er avril 2015 à la présidence de l'Assemblée nationale, adopté le 16 avril 2015, JORF n° 0171 du 26 juillet 2015, texte n° 43.

    (51) Article 29 du PJL.

    (52) Décisions précitées DC n° 2004-492 du 2 mars 2004, cons. 19 et DC n° 2013-679 du 4 décembre 2013, cons. 75.

    (53) Article 34 du PJL.

    (54) Loi n° 2016-731 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.

    (55) Audition du SM - 6 septembre 2018.

    (56) Article 39 du PJL.

    (57) Audition du SAF - 6 septembre 2018.

    (58) V. l'étude d'impact p. 320.

    (59) Audition de l'association française des magistrats instructeurs (AFMI) - 25 septembre 2018.

    (60) Article 34 du PJL.

    (61) Comme l'a souligné le rapport " Amélioration et simplification de la procédure pénale ", Chantiers de la justice, Jacques Beaume et Franck Natali.

    (62) L'article 85 du CPP prévoit actuellement un délai de trois mois.

    (63) Audition du Conseil national des barreaux (CNB) - 6 septembre 2018.

    (64) Audition de l'AFMI - 25 septembre 2018.

    (65) V. l'art 86 du CPP : poursuites légalement impossibles ou faits non constitutifs d'une infraction pénale.

    (66) S'il est " établi de façon manifeste que les faits dénoncés par la partie civile n'ont pas été commis ".

    (67) Notamment les affaires dites de criminalité en col blanc, initiées par Anticor- auditions du CNB et du SAF - 6 septembre 2018.

    (68) Voir les paragraphes suivants sur le retardement de l'intervention du juge

    (69) Article 26 du PJL relatif à l'avis de fin d'information

    (70) La loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

    (71) Actuellement, l'article 175 dispose que les parties ont un délai de 3 mois quand la personne mise en examen est libre et 1 mois quand la personne est détenue pour adresser des observations (dans ce même délai le procureur doit prendre ses réquisitions). Et, à l'expiration de ce premier délai, le procureur et les parties disposent d'un nouveau délai de 10 jours ou d'un mois, selon que la personne est détenue ou non, pour se répondre mutuellement. Ce n'est qu'à l'issue de ces deux délais (soit 1 mois +10 jours ou 3 mois + 1 mois) que le juge d'instruction rend son ordonnance de règlement.

    (72) Etude d'impact p. 277.

    (73) Turn-over important des juges d'instruction, cabinets surchargés, instructions de plus en plus complexes, retour d'expertises trop longs… Audition de J. Danet - 19 septembre 2018.

    (74) V. la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle prévoyant son application aux délits : art. 495-17 et svts CPP : le président du TGI n'intervient que comme organe de recours contre une décision du procureur déclarant irrecevable soit une requête en exonération (article 495-18 du CPP), soit une réclamation (article 495-19 du CPP) de l'intéressé.

    (75) Dans son avis relatif à l'usage de drogues et droits de l'homme adopté le 8 novembre 2016 (JORF n° 0055 du 5 mars 2017), la CNCDH avait recommandé la décriminalisation du seul usage des produits cannabiques, dont la spécificité est pointée par de nombreux rapports et études, et, pour les autres stupéfiants, la transformation du délit d'usage en une contravention de cinquième classe.

    (76) Art. L. 3421-1 du CSP : délit puni d'an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende.

    (77) Audition du SM - 6 septembre 2018.

    (78) Article 38 du PJL.

    (79) En application de l'article 495-9 du CPP, le président du tribunal ou son délégué assume un rôle d'homologation.

    (80) Audition de l'ANJAP - 19 octobre 2018 : A cet égard, l'ANJAP propose que la CRPC ne puisse pas être utilisée lorsque le prévenu n'est pas libre.

    (81) Article 40 du PJL. L'article 495 du CPP énumère les délits et contraventions connexes susceptibles de se voir actuellement appliquer une procédure simplifiée d'ordonnance pénale (délit de filouterie, délit de vente à la sauvette, délit routiers…).

    (82) Réforme pénale : un texte qui ménage la chèvre et le chou, Interview du professeur David Chilstein, publié le 17/09/2018, Le Point.fr.

    (83) S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, LexisNexis, 11e éd. 2018, n° 124 p.119.

    (84) Etude d'impact p.277

    (85) V. par ex. Crim 19 septembre 2017 n° 17-81.016, Crim, 12 décembre 2017, n° 17-85.757, Crim 11 avril 2018 n° 17-86.711, Crim. 9 mai 2018 n° 18-80.066, Crim. 20 juin 2018 n° 17-86.651, etc. Quant au président de la chambre de l'instruction, il peut lui arriver de commettre un excès de pouvoir, également censuré par la Cour de cassation (V. par ex. Crim. 4 avril 2007, n° 07-80.929, Bull. crim. 2007, n° 107 ; Crim. 28 octobre 2008, n° 08-82.524, Bull. crim. 2008, n° 216 ; 18 juin 2014, n° 14-81.422, Bull. crim. 2014, n° 155).

    (86) Article 40 du PJL.

    (87) Par la modification de l'article 398-1 du CPP.

    (88) Le syndicat de la magistrature évoque 24 nouvelles entrées représentant 170 nouveaux délits.

    (89) Réforme pénale : un texte qui ménage la chèvre et le chou, Interview du professeur D. Chilstein, publié le 17/09/2018, Le Point.fr.

    (90) Audition de l'ANJAP- 19 octobre 2018.

    (91) CNCDH, Avis sur le projet de loi " pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif " tel qu'adopté par le conseil des ministres le 21 février 2018, adopté le 2 mai 2018, JORF n° 0105 du 6 mai 2018, texte n° 28

    (92) Article 35 du PJL.

    (93) Article 706-71, alinéa 3 CPP.

    (94) CNCDH, Avis sur le projet de loi " pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif " tel qu'adopté par le conseil des ministres le 21 février 2018, adopté le 2 mai 2018, JORF n° 0105 du 6 mai 2018, texte n° 28, CNCDH, Avis " droit des étrangers et droit d'asile dans les Outre-mer. Le cas de la Guyane et de Mayotte ", 26 septembre 2017, JORF n° 0276 du 26 novembre 2017, texte n° 41.

    (95) Dans le silence sur ce point de la circulaire du 28 juillet 2011 relative à la présentation des dispositions de droit pénal général et de procédure pénale de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011, la chambre criminelle de la Cour de cassation a, au motif que l'IPC n'est pas expressément exclu par l'article 706-71 du CPP, validé le recours à la visio-conférence, en précisant que l'appréciation de la nécessité d'y recourir revient au juge d'instruction, Crim. 16 octobre 2018 n° Y18-81.881.

    (96) Auditions du CNB et du SAF - 6 septembre 2018.

    (97) Auditionnée, l'AFMI s'est exprimée en faveur de cette technique, y compris pour l'IPC.

    (98) CGLPL, Avis du 14 octobre 2011 relatif à l'emploi de la visioconférence à l'égard des personnes privées de liberté.

    (99) Article 42 du PJL.

    (100) audition d'Unité-Magistrats FO - 6 septembre 2018 - voir l'avis de l'Union syndicale des magistrats https://www.liberation.fr/france/2018/03/09/reforme-de-la-justice-nicole-belloubet-devoile-son-projet_1634992.

    (101) V. CNCDH, Avis sur les violences sexuelles : une urgence sociale et de santé publique, un enjeu de droits fondamentaux, adopté le 20 novembre 2018.

    (102) Ch. Saint-Palais, Droit Pénal 2018, études n° 4. Adde, dans le même sens, auditions du SAF, du SM et d'Unités magistrats-FO - 6 septembre 2018.

    (103) La réforme de la justice en débat, 14/03/2018, lien au 20 novembre 2018 : https://www.franceculture.fr/emissions/le-journal-des-idees/le-journal-des-idees-du-mercredi-14-mars-2018.

    (104) Afin de rechercher les raisons réelles de l'allongement actuel de la durée des audiences (délai de la comparution, durée de la constitution du jury, des débats et not. des auditions des témoins et experts, etc.)

    (105) Henri-Claude Le Gall, Droit pénal 2018, études n° 13, §51.

    (106) CNCDH, Avis sur le projet de loi de programmation relatif à l'exécution des peines (janvier 2012). CNCDH, Avis sur la prévention de la récidive (février 2013), JORF n° 0087 du 12 avril 2014, texte n° 48. CNCDH, avis sur le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines, adopté le 27 mars 2014, JORF n° 0087 du 12 avril 2014, texte n° 48.

    (107) Auditions de l'OIP- 19 septembre 2018 et du syndicat national des directeurs pénitentiaires (SNDP) - 17 octobre 2018

    (108) V. J.Goldszlagier, La révolution des peines n'aura pas lieu, AJ Pénal 2018, 234.

    (109) Voir les chiffres des statistiques mensuelles du bureau des statistiques et des études de la direction de l'administration pénitentiaire, lien au 20 novembre 2018 : http://www.justice.gouv.fr/prison-et-reinsertion-10036/les-chiffres-clefs-10041/statistiques-mensuelles-de-la-population-detenue-et-ecrouee-31234.html

    (110) Rapport d'information sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale, présenté par Dominique Raimbourg et Sébastien Huyghe le 23 janvier 2013. Auditions du SM- 6 septembre 2018 et de l'OIP - 19 septembre 2018.

    (111) CNCDH, Avis sur le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines, adopté le 27 mars 2014, JORF n° 0087 du 12 avril 2014, texte n° 48.

    (112) CNCDH, Avis sur le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines, adopté le 27 mars 2014, JORF n° 0087 du 12 avril 2014, texte n° 48.

    (113) Article 43 du PJL

    (114) Les peines correctionnelles énumérées dans l'article 131-3 du code pénal sont :

    " 1° L'emprisonnement ;

    2° La contrainte pénale ;

    3° L'amende ;

    4° Le jour-amende ;

    5° Le stage de citoyenneté ;

    6° Le travail d'intérêt général ;

    7° Les peines privatives ou restrictives de droits prévues à l'article 131-6 ;

    8° Les peines complémentaires prévues à l'article 131-10 ;

    9° La sanction-réparation. "

    (115) Rapport d'information sur la nature, l'efficacité et la mise en œuvre des peines de MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, fait au nom de la commission des lois n° 713 (2017-2018) - 12 septembre 2018.

    (116) Auditions du SM, d'unité magistrat FO, de l'OIP et du SPIP-CGT.

    (117) Audition du SM - 6 septembre 2018.

    (118) Voir II. C. La détention domiciliaire sous surveillance électronique (DDSE) : une mesure aux contours et aux effets flous

    (119) Qui pourrait atteindre un coût maximal de 450 euros en référence au montant des amendes contraventionnelles de 3e classe - audition du SM - 6 septembre 2018.

    (120) Audition de Mme E. Bonis-Garçon - 10 octobre 2018.

    (121) Article 44 du PJL

    (122) Audition du SPIP - CGT- 25 septembre 2018.

    (123) V. en ce sens la note écrite de l'USM qui propose une cote personnalité pour chaque prévenu déjà connu de la justice.

    (124) La fédération Citoyens et justice, dans ses propositions sur le projet de loi, suggère de systématiser et renforcer les aides à la décision, et précise qu'une enquête de personnalité détaillée nécessite de 20 à 25 heures de travail. Selon elle, l'enquête sociale rapide ne permet pas toujours d'apporter les éléments nécessaires à la prise de décision optimale.

    (125) Article 132-70-1 du CP.

    (126) CNCDH, avis sur le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines, adopté le 27 mars 2014, JORF n° 0087 du 12 avril 2014, texte n° 48.

    (127) Rapport d'information sur la nature, l'efficacité et la mise en œuvre des peines de MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, fait au nom de la commission des lois n° 713 (2017-2018) - 12 septembre 2018.

    (128) V. J. Goldszlagier, La révolution des peines n'aura pas lieu, AJ Pénal 2018, 234.

    (129) Audition du SPIP - CGT- 25 septembre 2018.

    (130) CNCDH, Avis sur la prévention de la récidive (février 2013), JORF n° 0087 du 12 avril 2014, texte n° 48 ; CNCDH, avis sur le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines, adopté le 27 mars 2014, JORF n° 0087 du 12 avril 2014, texte n° 48.

    (131) Avis sur le projet de loi de programmation relatif à l'exécution des peines (janvier 2012).

    (132) Audition de l'observatoire international des prisons (OIP) - 19 septembre 2018.

    (133) Rapport d'information sur la nature, l'efficacité et la mise en œuvre des peines de MM. Jacques BIGOT et François-Noël BUFFET, fait au nom de la commission des lois n° 713 (2017-2018) - 12 septembre 2018.

    (134) Audition du syndicat national des directeurs pénitentiaires (SNDP) - 17 octobre 2018.

    (135) V. M. Imbert-Quaretta, Un regard sur le chantier de la justice : sens et efficacité des peines, AJ Pénal 2018, 79.

    (136) La CNCDH a cependant conscience des effets de seuil que peuvent entraîner ces mesures et du risque que soient prononcées des peines supérieures.

    (137) Avis sur la prévention de la récidive (février 2013), JORF n° 0087 du 12 avril 2014, texte n° 48.

    (138) V. Th. Clay, P. Joxe, C. Lazerges et J.-P . Mignard (dir.), Club Droit, Justice et Sécurités, Manifeste pour la justice, Cherche midi, 2012, ou le Rapport d'information sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale (v. supra)

    (139) Audition du SM - 6 septembre 2018.

    (140) Article 45 du PJL

    (141 Détention à domicile sous surveillance électronique, semi-liberté ou placement extérieur.

    (142) CNCDH, avis sur le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines, adopté le 27 mars 2014, JORF n° 0087 du 12 avril 2014, texte n° 48.

    (143) Audition du SNDP - 17 octobre 2018

    (144) Voir II. E. L'ambiguïté de la libération sous contrainte

    (145) Article 45 du PJL

    (146) Art. 122, al.7, CPP. V. S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, LexisNexis, 11ème éd. 2018, n° 1887.

    (147) V. art. 144 CPP énumérant 7 motifs de placement ou de prolongation de la détention provisoire. Audition d'Unité-Magistrats FO -6 septembre 2018.

    (148) Article 465 du CPP.

    (149) Article 367 du CPP.

    (150) Article 13 de la CESDH.

    (151) Audition du SM - 6 septembre 2018 - et contribution écrite de l'USM.

    (152) Articles 132-26-1 à 132-26-3 du code pénal.

    (153) CNCDH, Avis sur la prévention de la récidive (février 2013), JORF n° 0087 du 12 avril 2014, texte n° 48.

    (154) Audition de l'OIP - 19 septembre 2018.

    (155) Auditions de l'OIP, du SPIP CGT et du SM.

    (156) En effet, cette peine est peu adaptée aux personnes sans domicile fixe ou en situation irrégulière.

    (157) Auditions de l'association nationale des juges d'application des peines (ANJAP), de Mme E. Bonis-Garçon et de l'OIP.

    (158) Audition de Mme E. Bonis-Garçon - 10 octobre 2018.

    (159) Article 46 du PJL

    (160) CNCDH, avis sur le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines, adopté le 27 mars 2014, JORF n° 0087 du 12 avril 2014, texte n° 48.

    (161) Auditions du SPIP-CGT et de l'OIP.

    (162) Lors de son audition, le SPIP-CGT a donné un exemple de difficultés pratiques de mises en œuvre de la contrainte pénale : en l'espèce, alors que 4 entretiens, dont une visite à domicile étaient prévus, cette dernière n'a pu être effectuée à défaut pour les conseillers d'insertion et de probation de disposer de nombre de véhicules suffisants.

    (163) V. J. Ficara, De nouveaux dispositifs de lutte contre la surpopulation carcérale ? AJ Pénal 2018, 347.

    (164) Ministère de la Justice, " efficacité et sens des peines ", Chantiers de la Justice, 2018, dir. B. COTTE et J. MINKOWSKI.

    (165) Article 720 du code de procédure pénale. La peine exécutée doit être inférieure ou égale à 5 ans.

    (166) Article 49 du PJL

    (167) CNCDH, Avis sur la prévention de la récidive (février 2013), JORF n° 0087 du 12 avril 2014, texte n° 48.

    (168) Articles 712-11 et suivants : le délai d'appel est de 24 h contre 10 jours

    (169) Audition de l'OIP - 19 septembre 2018.

    (170) V. J. Ficara, précité.

    (171) Audition du SM - 6 septembre 2018.

    (172) CNCDH, Avis relatif à la privation de liberté des mineurs, adopté le 27 mars 2018, JORF n° 0077 du 1er avril 2018, texte n° 48.

    (173) Article 52 du PJL.


    • ANNEXE
      SIGLES ET ABRÉVIATIONS


      AFMI : Association française des magistrats instructeurs.
      ANJAP : Association nationale des juges d'application des peines.
      AP : Administration pénitentiaire.
      APJ : Agent de police judiciaire.
      CAP : commission d'application des peines.
      CASSIOPEE : Chaîne applicative supportant le système d'information oriente procédure pénale et enfants.
      CEF : Centre éducatif fermé.
      CGLPL : Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
      CGT PJJ : Confédération générale du travail de la protection judiciaire de la jeunesse.
      CIDE : Convention internationale des droits de l'enfant.
      CJ : Contrôle judiciaire.
      CNCDH : Commission nationale consultative des droits de l'Homme.
      CPIP : Conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation.
      CPP : Code de procédure pénale.
      DDSE : Détention domiciliaire sous surveillance électronique.
      JAP : Juge d'application des peines.
      JLD : Juge des libertés et de la détention.
      OIP : Observatoire international des prisons.
      OPJ : Officier de police judiciaire.
      SM : Syndicat de la magistrature.
      SME : Sursis avec mise à l'épreuve.
      SNDP : Syndicat national des directeurs pénitentiaires.
      TIG : Travail d'intérêt général.
      USM : Union syndicale des magistrats.

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