ECLI:FR:CECHR:2018:419204.20180726
Le Conseil d'Etat (section du contentieux, 6e et 5e chambres réunies),
Sur le rapport de la 6e chambre de la section du contentieux,
Vu la procédure suivante :
Par un jugement n° 1700887 du 7 mars 2018, enregistré le 22 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Dijon, avant de statuer sur la requête de M. A... B... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 7 février 2017 par lequel la préfète de la Côte-d'Or a retiré son précédent arrêté du 12 juin 2015 l'autorisant à créer un aérodrome privé a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette requête au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question suivante :
Lorsque le retrait d'une décision créatrice de droits, pris avant l'expiration du délai de quatre mois, a été annulé par le juge administratif alors qu'il aurait pu être légalement pris, l'administration dispose-t-elle, au regard du principe de légalité, compte tenu des intérêts généraux dont elle a la charge et dans le respect de l'autorité absolue de la chose jugée, d'un nouveau délai de quatre mois, à compter de la notification du jugement d'annulation, pour reprendre une décision de retrait ?
Des observations, enregistrées le 9 avril 2018, ont été présentées par M. B...
Des observations, enregistrées le 16 mai 2018, ont été présentées par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration, notamment son article L. 242-1 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laure Durand-Viel, auditeur ;
- les conclusions de Mme Julie Burguburu, rapporteur public.
Rend l'avis suivant :
1. L'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, créé par l'ordonnance du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l'administration, dispose que : « L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ».
2. Conformément aux dispositions de son article 10, cette ordonnance est entrée en vigueur le 1er janvier 2016, sous réserve de certaines dispositions qu'énumère cet article.
3. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration que l'administration dispose d'un délai de quatre mois suivant la prise d'une décision créatrice de droits pour retirer cette décision. Lorsqu'une décision créatrice de droits est retirée et que ce retrait est annulé, la décision initiale est rétablie à compter de la date de lecture de la décision juridictionnelle prononçant cette annulation. Une telle annulation n'a, en revanche, pas pour effet d'ouvrir un nouveau délai de quatre mois pour retirer la décision initiale, alors même que celle-ci comporterait des irrégularités pouvant en justifier légalement le retrait.
4. Toutefois, lorsqu'une décision créatrice de droits a été retirée dans le délai de recours contentieux puis rétablie à la suite de l'annulation juridictionnelle de son retrait, le délai de recours contentieux court à nouveau à l'égard des tiers à compter de la date à laquelle la décision créatrice de droits ainsi rétablie fait à nouveau l'objet des formalités de publicité qui lui étaient applicables ou, si de telles formalités ne sont pas exigées, à compter de la date de notification du jugement d'annulation.
5. Lorsque la décision créatrice de droits remise en vigueur du fait de l'annulation de son retrait par le juge a pour auteur l'une des autorités mentionnées à l'article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales, il appartient à cette autorité de transmettre cette décision au représentant de l'Etat dans le département dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement d'annulation. Le préfet dispose alors de la possibilité de déférer au tribunal administratif la décision ainsi remise en vigueur du fait de cette annulation s'il l'estime contraire à la légalité, dans les conditions prévues à l'article L. 2131-6 du même code.
Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Dijon, à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.Liens relatifs
Avis n° 419204 du 26 juillet 2018