Décision n° 2018-493 du 28 juin 2018 mettant en demeure la société RT FRANCE

Version initiale


Le Conseil supérieur de l'audiovisuel,
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment son article 33-1 ;
Vu la convention conclue entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la société RT FRANCE le 2 septembre 2015, en ce qui concerne le service RT FRANCE, et notamment ses articles 2-3-1, 2-3-6 et 4-2-1 ;
Vu le visionnage du journal télévisé de 11 heures du 13 avril 2018, essentiellement consacré à la situation syrienne, diffusé par le service de télévision RT FRANCE ;
Vu les observations transmises au Conseil supérieur de l'audiovisuel les 28 mai, 31 mai et 11 juin 2018 ;
Considérant qu'en vertu des stipulations de l'article 4-2-1 de la convention du 2 septembre 2015 le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut mettre en demeure la société RT FRANCE, de respecter les obligations qui lui sont imposées par cette convention ;
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 2-3-1 de la convention du 2 septembre 2015 précitée relatif au pluralisme des courants de pensée et d'opinion : « Les journalistes, présentateurs, animateurs ou collaborateurs d'antenne veillent à respecter une présentation honnête des questions prêtant à controverse et à assurer l'expression des différents points de vue » ; que l'article 2-3-6 relatif à l'honnêteté de l'information et des programmes prévoit notamment que : « L'exigence d'honnêteté s'applique à l'ensemble des programmes (…). Il [l'éditeur] fait preuve de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information. Il veille à l'adéquation entre le contexte dans lequel des images ont été recueillies et le sujet qu'elles illustrent. » ;
Considérant en premier lieu que le service RT FRANCE a diffusé, au cours du journal télévisé de 11 heures du 13 avril 2018, un sujet intitulé « Attaques simulées » contestant la réalité des attaques à l'arme chimique dans la région syrienne de la Ghouta orientale et attribuant au groupe « Jaysh al Islam » l'initiative de la mise en scène des effets des attaques sur la population ;
Considérant que ce sujet comportait un extrait vidéo dans lequel des personnes civiles intervenaient en dialecte syrien ; que la traduction orale en français accompagnant l'extrait diffusé témoignant de la simulation de l'attaque chimique était dénuée de lien avec les propos effectivement tenus par les intervenants qui traitaient de la situation de famine sévissant dans la zone ; qu'il est apparu que cette traduction se rapportait à une autre version, plus longue de la vidéo, non diffusée ; que, même si les propos ayant fait l'objet d'une traduction erronée ont par ailleurs été tenus, un tel fait caractérise un manquement à l'exigence de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information énoncée par les stipulations précitées de l'article 2-3-6 de la convention du service RT FRANCE ;
Considérant que la traduction française de certains propos de témoins interviewés dans le sujet précité a substitué au pronom « ils », employé par les témoins, le nom du groupe « Jaysh al Islam » pour désigner ceux qui auraient demandé à la population locale de simuler les effets d'une attaque à l'arme chimique ; qu'une telle substitution, qui induit une lecture différente du sujet diffusé, caractérise un manquement aux exigences d'honnêteté et de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information énoncées par les stipulations précitées de l'article 2-3-6 de la convention du service RT FRANCE ;
Considérant en second lieu que lors de l'ensemble des éléments diffusés au cours du journal télévisé de 11 heures du 13 avril 2018 traitant de la situation syrienne, un point de vue a été présenté dans des conditions aboutissant à un déséquilibre marqué dans l'analyse du sujet et qu'en particulier un traitement univoque a été présenté de la question des armes chimiques, alors que la sensibilité et le caractère controversé du sujet imposaient que les différents points de vue soient exposés afin d'en garantir l'honnêteté ; qu'une telle présentation constitue un manquement aux exigences de présentation honnête des questions prêtant à controverse et d'expression des différents points de vue en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 2-3-1 de la convention du service RT FRANCE ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de mettre en demeure la société RT FRANCE de se conformer, à l'avenir, aux stipulations précitées des articles 2-3-1 et 2-3-6 de la convention du 2 septembre 2015 ;
Après en avoir délibéré,
Décide :


  • La société RT FRANCE est mise en demeure de respecter, à l'avenir, les stipulations précitées des articles 2-3-1 et 2-3-6 de la convention du 2 septembre 2015.


  • La présente décision sera notifiée à la société RT FRANCE et publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 28 juin 2018.


Pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel :
Le président
O. Schrameck

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