Monsieur le Président de la République,
Le 5° du I de l'article 109 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du xxie siècle habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi, les mesures relevant du domaine de la loi « définissant, d'une part, les conditions dans lesquelles les avocats inscrits aux barreaux d'Etats non membres de l'Union européenne, liés à celle-ci par un traité international le prévoyant, pourront être autorisés à donner des consultations juridiques et à rédiger des actes sous seing privé pour autrui en droit international et en droit étranger et, d'autre part, les modalités d'exercice de ces activités ».
La présente ordonnance vise à mettre le droit français en conformité avec les engagements internationaux pris par l'intermédiaire de l'Union européenne, en permettant à des avocats inscrits aux barreaux d'Etats non membres de l'Union européenne, liés à celle-ci par un traité international le prévoyant, d'exercer l'activité de consultation juridique et de rédaction d'actes sous seing privé pour autrui en droit international et en droit étranger, défini comme étant le droit de l'Etat dans lequel ils sont inscrits ainsi que le droit des Etats dans lesquels ils sont habilités à exercer l'activité d'avocat, à l'exception du droit de l'Union européenne et du droit des Etats membres de l'Union européenne.
Depuis 2008, et l'échec des négociations conduites sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sur le cycle de DOHA, l'Union européenne est entrée dans un processus de négociation d'accords internationaux portant notamment sur le commerce des services. Certains d'entre eux autorisent, sous certaines conditions et restrictions, la fourniture de services juridiques en droit international et en droit étranger sur le territoire des Etats membres de l'Union européenne par les personnes physiques ou morales des Etats signataires.
A ce jour, plusieurs accords internationaux conclus par l'Union européenne comportant des dispositions relatives aux services juridiques sont déjà entrés en vigueur (Cariforum, Chili, Amérique Centrale, Corée du Sud, Moldavie, Géorgie, Ukraine, Colombie, Pérou), sont signés mais non encore ratifiés (Equateur, Canada, Singapour, Kazakstan, notamment), ou sont en cours de négociation (Tisa, Etats-Unis, Inde, Japon, Mercosur, Mexique, notamment).
Ces accords commerciaux limitent, en ce qui concerne la fourniture de services juridiques, le champ d'activité du prestataire étranger à la fourniture de conseils juridiques en droit international ou en droit étranger. Les accords excluent, en revanche, toute activité de représentation et d'assistance dans l'Etat d'accueil ainsi que de toute fourniture de conseil juridique en droit de l'Etat d'accueil ou en droit de l'Union européenne. L'exercice de ces activités exclues des accords demeure soumis à la seule réglementation de l'Etat d'accueil.
En l'état du droit en vigueur, les avocats inscrits aux barreaux d'Etats non membres de l'Union européenne peuvent intégrer le barreau français, sous réserve de la condition de réciprocité, en se soumettant à un examen de contrôle des connaissances en application de l'article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Ils sont alors habilités à exercer toutes les activités de l'avocat, que ce soit en conseil ou en contentieux, et ce dans tous les domaines du droit (droits français, étranger, de l'Union européenne mais également international). Ce dispositif n'est pas adapté pour mettre en œuvre les accords commerciaux conclus en matière d'ouverture des services juridiques. Il est en effet à la fois trop large, compte tenu du champ des activités professionnelles alors ouvertes, et trop restreint, en raison des conditions de réciprocité et d'examen préalable de contrôle des connaissances.
Il est donc nécessaire de prévoir un dispositif ad hoc.
Au-delà de la nécessaire mise en conformité du droit français avec les engagements internationaux précités, l'intérêt du dispositif proposé est double.
Il permettra, d'une part, d'étoffer la gamme des services proposés au sein des cabinets français à destination de leur clientèle et d'accroître, ainsi, leur compétitivité sur la scène internationale. L'ouverture effective des services juridiques à des avocats non ressortissants de l'Union européenne dans le cadre des traités facilitera, d'autre part, la conduite d'une stratégie plus offensive lors de futures négociations commerciales.
L'ordonnance prévoit ainsi les modalités d'exercice en France d'un avocat inscrit dans un barreau d'un Etat non membre de l'Union européenne disposant, dans le cadre fixé par le traité conclu entre leur Etat d'origine et l'Union européenne, du droit d'exercer, en France, l'activité de consultation juridique et de rédaction d'actes sous seing privé pour autrui en droit international et en droit étranger.
S'agissant de professionnels inscrits dans un barreau de leur Etat d'origine et susceptibles d'être autorisés à exercer, es qualité, une activité de consultation juridique en France, la présente ordonnance les soumet aux mêmes règles que les avocats français dans la mesure où cela est nécessaire et dans les limites qui résultent des traités, sur le modèle du régime applicable aux avocats de l'Union européenne venant exercer en France sous leur titre d'origine. Ils pourront exercer leur activité à titre individuel ou s'associer, y compris avec des avocats français, et relèveront des mêmes règles déontologiques que ces derniers, notamment pour le secret professionnel.
L'article 1er précise, à des fins de coordination, que les avocats inscrits aux barreaux d'Etats non membres de l'Union européenne souhaitant exercer l'activité de consultation juridique et de rédaction d'actes sous seing privé pour autrui en droit international et en droit étranger, dans le cadre fixé par le traité conclu entre leur Etat d'origine et l'Union européenne, ne sont pas soumis à l'examen d'aptitude prévu au dernier alinéa de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 précitée.
L'article 2 donne compétence au Conseil national des barreaux pour délivrer les autorisations aux avocats inscrits aux barreaux d'Etats non membres de l'Union européenne souhaitant exercer soit à titre occasionnel et temporaire soit à titre permanent, les activités de consultation juridique et de rédaction d'actes sous seing privé pour autrui en droit international et en droit étranger. Il est apparu comme l'autorité la plus qualifiée pour procéder au contrôle des demandes des professionnels. De surcroît, désigner le Conseil national des barreaux plutôt que les ordres permet de simplifier la procédure d'autorisation en ce qu'il constituera un guichet unique des demandes pour tous les avocats étrangers, quel que soit le barreau auprès duquel ils souhaitent, le cas échéant, s'inscrire par la suite.
L'article 3 insère dans la loi du 31 décembre 1971 précitée un titre VI relatif à l'exercice par les avocats inscrits aux barreaux d'Etats non membres de l'Union européenne de l'activité de consultation juridique et de rédaction d'actes sous seing privé. Ce titre comporte sept articles.
L'article 101 définit le champ d'application du titre VI et énumère les conditions que doit remplir un avocat inscrit au barreau d'un Etat non membre de l'Union européenne pour être autorisé à exercer en France, dans le cadre fixé par le traité conclu entre son Etat d'origine et l'Union européenne, l'activité de consultation juridique et de rédaction d'actes sous seing privé pour autrui en droit international et en droit étranger, défini comme étant le droit de l'Etat dans lequel ils sont inscrits ainsi que le droit des Etats dans lesquels ils sont habilités à exercer l'activité d'avocat, à l'exception du droit de l'Union européenne et du droit des Etats membres de l'Union européenne. Cet article précise également que l'autorisation est accordée par le Conseil national des barreaux.
Les articles 102 et 103 sont relatifs à l'exercice à titre temporaire et occasionnel.
L'article 102 précise que l'autorisation est valable pour une durée d'un an. Aucune autre formalité n'est exigée. L'article 103 précise les modalités d'exercice à titre temporaire et occasionnel ainsi que les règles déontologiques applicables sur le modèle des dispositions applicables aux avocats français.
Les articles 104 à 106 sont relatifs à l'exercice permanent et à l'établissement en France. L'article 104 précise que les avocats sont inscrits sur une liste spéciale du tableau du barreau de leur choix sur présentation de l'autorisation accordée par le Conseil national des barreaux. Ils font partie du barreau dans les mêmes conditions qu'un avocat français ou qu'un avocat ressortissant européen exerçant sous son titre d'origine et doivent prêter serment. Les articles 105 et 106 prévoient leurs modalités d'exercice et d'association.
L'article 107 prévoit que les conditions d'application des dispositions du titre VI seront fixées par un décret en Conseil d'Etat.
L'article 4 prévoit que la présente ordonnance n'est pas applicable à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon. En effet, les accords conclus par l'intermédiaire de l'Union européenne ne s'appliquent pas aux pays et territoires d'outre-mer (PTOM) dont Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon font partie. Ces collectivités étant par ailleurs soumises au principe d'identité législative, il est nécessaire de les exclure expressément du champ d'application de l'ordonnance.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.Liens relatifs
Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2018-310 du 27 avril 2018 relative à l'exercice par les avocats inscrits aux barreaux d'Etats non membres de l'Union européenne de l'activité de consultation juridique et de rédaction d'actes sous seing privé pour autrui