L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après « l'Arcep »),
Vu le code général de la propriété des personnes publiques, notamment ses articles L. 2122-1-1 à L. 2122-1-3 ;
Vu le code du patrimoine, notamment ses articles L. 621-32, L. 632-1 à L. 632-3 ;
Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après « CPCE »), notamment ses articles L. 34-9-1, L. 36-5, L. 36-11, L. 45-9 et L. 48 ;
Vu le courrier en date du 2 mars 2018, enregistré le 8 mars 2018, par lequel le directeur général des entreprises du ministère de l'économie et des finances a sollicité l'avis de l'Autorité ;
Après en avoir délibéré le 20 mars 2018,
1. Contexte de la saisine
L'Autorité a été saisie d'une demande d'avis sur les articles 12 et 62 à 65 du projet de loi « Evolution du logement, de l'aménagement et du numérique » (ELAN).
Ces articles du projet de loi ELAN visent à modifier des dispositions du code du patrimoine, du code général de la propriété des personnes publiques et du code des postes et communications électroniques.
L'article 12 du projet vise notamment à rendre consultatif les avis des architectes des Bâtiments de France dans le cadre de la délivrance des autorisations d'urbanisme concernant les antennes relais de radiotéléphonie mobile et leurs systèmes d'accroche ainsi que leurs locaux ou installations techniques.
L'article 62 du projet de loi modifie le II-B de l'article L. 34-9-1 du CPCE en réduisant le délai de remise du dossier d'information (actuellement de 2 mois) au maire ou au président de l'intercommunalité avant le dépôt de la demande d'autorisation d'urbanisme ou de la déclaration préalable par les personnes souhaitant exploiter une installation radioélectrique soumise à accord ou avis de l'Agence nationale des fréquences (Anfr). Les dispositions du projet de loi prévoient que la remise du dossier d'information doit être faite « au plus tard au moment du » dépôt de la demande d'autorisation d'urbanisme ou de déclaration préalable. Par ailleurs, le délai de 2 mois avant le début des travaux en cas de modification substantielle d'une installation existante nécessitant une nouvelle demande d'accord ou d'avis auprès de l'Anfr et susceptible d'avoir un impact sur le niveau de champ électromagnétique émis par celle-ci, est ramené à 1 mois.
L'article 63 du projet de loi introduit de nouvelles dispositions à l'article L. 2122-1-3 du code général de la propriété des personnes publiques visant à exclure l'installation d'équipements de réseaux de communications électroniques ouverts au public du champ d'application de la procédure de publicité et de mise en concurrence préalable en vue d'une occupation du domaine public, telle que prévue par l'ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques, lorsque celle-ci est réalisée pour satisfaire aux obligations et engagements de déploiement pris par les opérateurs auprès de l'Etat ou des collectivités territoriales. Dans ce cas, le texte prévoit que l'autorité compétente peut délivrer le titre d'occupation domaniale « à l'amiable ».
L'article 64 du projet de loi soumis pour avis à l'Arcep prévoit quant à lui de simplifier les modalités prévues à l'article L. 48 (c) du CPCE relatives à la mise en œuvre des servitudes dont disposent les exploitants de réseaux ouverts au public sur et au-dessus des propriétés privées. Cet article réduit notamment le délai minimum laissé aux propriétaires ou au syndicat de copropriétaires pour formuler des observations (de trois à deux mois).
Enfin, l'article 65 du projet de loi prévoit l'insertion d'un nouvel alinéa à l'article L. 36-11 du CPCE, créant une nouvelle sanction susceptible d'être prononcée par l'Autorité lorsque l'opérateur ne s'est pas conformé à une mise en demeure portant sur le respect des obligations de déploiement résultant d'un engagement visant à contribuer à l'aménagement et à la couverture des zones peu denses du territoire par les réseaux de communications électroniques, pris au titre de l'article L. 33-13 du CPCE.
2. Observations de l'Arcep
Les objectifs poursuivis par les dispositions du projet de loi soumis pour avis à l'Autorité visent à simplifier le cadre juridique encadrant le déploiement des réseaux de communications électroniques et à adapter le pouvoir de sanction de l'ARCEP en cas de manquement aux obligations de déploiement résultant d'engagements pris au titre de l'article L. 33-13 du CPCE.
L'Arcep se félicite, en premier lieu, des simplifications ainsi apportées par le projet de loi, qui visent à favoriser l'accélération de la couverture numérique du territoire et à accompagner l'effort massif d'investissement des opérateurs, en vue en particulier de satisfaire aux objectifs nationaux de couverture numérique du territoire à l'horizon 2020-2022.
La résorption de la fracture numérique représente en effet un défi majeur de la politique de cohésion des territoires. A ce titre, le Président de la République a fixé, lors de la première Conférence nationale des territoires le 17 juillet 2017, des objectifs ambitieux : garantir l'accès de tous les citoyens au bon débit (supérieur à 8Mbit/s) d'ici 2020, doter l'ensemble des territoires de la République de réseaux très haut débit (supérieur à 30Mbit/s) d'ici 2022 et généraliser une couverture mobile de qualité dès 2020.
Dans ce contexte, sur la base des propositions de l'Arcep et dans le cadre d'un dialogue exigeant avec les opérateurs de téléphonie mobile, le Gouvernement est parvenu à un accord, en janvier 2018, qui vise à généraliser la couverture mobile de qualité pour l'ensemble des Français.
Le présent projet de loi accompagne ce processus.
En effet, alors que, d'après les remontées opérationnelles des opérateurs, l'installation d'un équipement de radiotéléphonie mobile prend en moyenne deux ans, les simplifications envisagées des procédures préalables à la délivrance des autorisations d'urbanisme (art. 12 et 62) vont contribuer à accélérer le déploiement des équipements. Dans ce même objectif, la dispense de procédure de sélection préalable à la délivrance d'une autorisation d'occupation du domaine public (art. 63) permet une mobilisation plus rapide et efficace de la propriété des personnes publiques.
S'agissant de l'article 65 du projet de loi, celui-ci prévoit, sur le modèle des sanctions financières applicable aux manquements aux obligations de déploiement prévues par les autorisations d'utilisation de fréquences, d'insérer des sanctions spécifiques applicables notamment pour les locaux non rendus raccordables à une ligne à très haut débit en fibre optique, en méconnaissance des engagements pris en application de l'article L. 33-13 du CPCE.
Si elle est favorable à la mise en place d'un tel mécanisme de sanctions, l'Arcep estime, tout d'abord, qu'il serait préférable, notamment pour une meilleure lisibilité de la sanction encourue, s'agissant d'un manquement aux obligations de déploiement résultant d'engagements pris en application de l'article L. 33-13, de ne retenir que la sanction de 1 500 € par local non raccordable.
L'Arcep estime, ensuite, qu'il conviendrait de renforcer le caractère dissuasif des sanctions qu'elle peut prononcer en cas de manquement aux obligations de déploiement, que ce soit de réseaux radioélectriques ou de réseaux filaires, en créant une sanction dont le montant maximum encouru par l'opérateur correspondrait au montant maximum le plus élevé entre les barèmes spécifiques (à savoir, à ce jour, pour les réseaux radioélectriques, les plafonds fixés par habitant non couvert, kilomètre carré non couvert ou site non ouvert, et, pour les réseaux filaires, comme le prévoit le projet de loi, le plafond de 1 500 € par local non raccordable) et un plafond de 3 % du chiffre d'affaires (porté à 5 % du chiffre d'affaires en cas de récidive).
La mise en place d'un tel mécanisme de sanction permettrait d'adresser, de manière dissuasive, l'ensemble des opérateurs, et ce, quelles que soient leurs capacités financières (1).
L'Arcep propose en conséquence de ne pas créer de nouvel alinéa au III de l'article L. 36-11 du CPCE, mais de modifier le 8e alinéa de ce III pour adapter en ce sens le pouvoir de sanction de l'Arcep en cas de manquement à des obligations de déploiement prévues par les autorisations d'utilisation de fréquences ou résultant d'engagements pris en application de l'article L. 33-13. Une proposition rédactionnelle en ce sens est annexée au présent avis.
Cette évolution aurait pour effet de renforcer la capacité de l'Arcep à faire respecter, par les opérateurs, leurs obligations de déploiement et à assurer ainsi leur effectivité.
3. Conclusion
L'Arcep émet un avis favorable sur les articles 12 et 62 à 64 du projet de loi « Evolution du logement, de l'aménagement et du numérique » (ELAN) dont elle se félicite au regard de l'objectif de simplification retenu. Elle est également favorable au principe des dispositions de l'article 65 du projet, mais propose de modifier la disposition pour renforcer son pouvoir de sanction en cas de manquements aux obligations de déploiement prévues par les autorisations d'utilisation de fréquences ou résultant d'engagements pris en application de l'article L. 33-13 du CPCE.
Le présent avis sera transmis au directeur général des entreprises du ministère de l'économie et des finances.Liens relatifs
ANNEXE
MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR L'ARCEP
Ajouts en gras
Suppressions barrées
Il est proposé de modifier ainsi le 8e alinéa du III de l'article L. 36-11 du CPCE :
« - lorsque la personne en cause ne s'est pas conformée à une mise en demeure portant sur le respect d'obligations de déploiement prévues par l'autorisation d'utilisation de fréquences qui lui a été attribuée ou d'obligations de déploiement résultant d'engagements pris en application de l'article L. 33-13, une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement apprécié notamment au regard du nombre d'habitants, ou de kilomètres carrés non couverts, ou de sites non couverts pour un réseau radioélectrique, ou du nombre de locaux non raccordables pour un réseau filaire, sans pouvoir excéder le plus élevé des montants suivants : soit un plafond fixé à 130 € par habitant non couvert ou 3 000 € par kilomètre carré non couvert ou 80 000 € par site non ouvert pour un réseau radioélectrique ou 1 500 € par local non raccordable pour un réseau filaire, soit un plafond fixé à 3 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos, taux porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation, lorsque la personne en cause ne s'est pas conformée à une mise en demeure portant sur le respect d'obligations de couverture de la population prévues par l'autorisation d'utilisation de fréquences qui lui a été attribuée ».
Fait le 20 mars 2018.
Le président,
S. Soriano