Monsieur le Président de la République,
La présente ordonnance est prise sur le fondement de l'habilitation donnée au Gouvernement en application de l'article 104 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.
Comme prévu par l'habilitation, qui expire dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi précitée, ce projet d'ordonnance porte sur les mesures relevant du domaine de la loi permettant une utilisation accrue des supports de communication dématérialisés dans la gestion des relations précontractuelles et contractuelles dans le secteur financier. Il couvre un champ large, constitué de cinq codes : le code des assurances ; le livre III du code de la consommation, qui concerne les opérations de crédit ; le code monétaire et financier ; le code de la mutualité ; et, enfin, le titre 3 du livre 9 du code de la sécurité sociale relatif aux institutions de prévoyance.
Les dispositions de la présente ordonnance permettent de concilier de manière ambitieuse et équilibrée deux exigences :
1° L'objectif de cette ordonnance est de favoriser, via un cadre juridique rénové, la pleine exploitation du potentiel des supports numériques et outils de dématérialisation, qui sont de nature à améliorer, faciliter et fluidifier les échanges entre les organismes du secteur financier et leurs clients.
En privilégiant aussi souvent que possible la possibilité de dématérialisation de la relation avec le client sauf opposition de sa part et en facilitant le recours au sein du secteur financier aux outils existants en matière de dématérialisation (envoi recommandé électronique, signature électronique), ce texte constituera un important facteur d'économie et d'efficacité opérationnelle pour les organismes du secteur, ainsi qu'un gain de temps pour les consommateurs, dont l'accès aux services financiers sera par ailleurs simplifié.
Les dispositions de cette ordonnance s'appliqueront également aux contrats en cours, selon les mêmes règles, les organismes devant toutefois en informer au préalable leurs clients sur support papier par un envoi dédié.
2° La présente ordonnance prévoit en outre différentes garanties de nature à mieux encadrer le développement des usages liés aux supports de communication dématérialisés et à assurer aux consommateurs un niveau de protection au moins équivalent à celui actuellement prévu par le cadre légal et règlementaire.
Le professionnel devra tout d'abord, s'il souhaite engager ou poursuivre une relation contractuelle avec un client sur un autre support durable que le papier, s'assurer au préalable, puis annuellement, du caractère approprié de ce mode de communication (le client doit être en mesure de prendre connaissance des informations sur le support dématérialisé). Ce texte comporte par ailleurs plusieurs dispositions précisant l'information et le droit d'opposition du consommateur. Ce dernier devra en effet être informé de manière claire, précise et compréhensible du souhait éventuel du professionnel de poursuivre la relation commerciale sur un support dématérialisé. Il sera également informé de la possibilité dont il dispose de revenir à tout moment et sans frais à un support papier, ou d'utiliser le support durable de son choix pour ses propres démarches. Un encadrement juridique des espaces personnels sécurisés mis à disposition sur les sites internet des organismes est également prévu par le présent texte.
Par ailleurs, des exceptions ont été aménagées pour certains produits proposés à des consommateurs particulièrement vulnérables (droit au compte dans le domaine bancaire) ou certaines procédures particulièrement sensibles pour le consommateur. De même, les produits et services d'investissement en valeurs mobilières font l'objet d'un traitement spécifique. Une accroche est néanmoins prévue pour permettre des ajustements ponctuels, le cas échéant, via le Règlement général de l'Autorité des marchés financiers.
Enfin, des champs de liberté contractuelle ont été ménagés dans des cas particuliers, tels que le financement participatif, intrinsèquement digital
La présente ordonnance comporte trente et un articles, répartis en sept chapitres ; cinq d'entre eux étant consacrés aux modifications relatives aux codes visés par le champ de l'habilitation.
Le chapitre Ier modifie les dispositions du code des assurances.
L'article 1er introduit au sein du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de ce code les principales dispositions faîtières encadrant le dispositif de dématérialisation prévu par la présente ordonnance. Cinq articles nouveaux y sont ainsi insérés.
Le premier définit la notion de support durable comme tout instrument permettant à l'assuré ou à l'assureur, l'intermédiaire ou le souscripteur d'un contrat d'assurance de groupe de stocker des informations qui lui sont adressées personnellement afin de pouvoir s'y reporter ultérieurement pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées et qui permet la reproduction à l'identique des informations conservées.
Le deuxième prévoit que le professionnel devra, s'il souhaite engager ou poursuivre une relation contractuelle avec un client sur un autre support durable que le papier, s'assurer au préalable du caractère approprié de ce mode de communication, notamment via le recueil d'une adresse électronique. Plusieurs dispositions sont en outre prévues afin de garantir l'information et le droit d'opposition du consommateur : ce dernier devra en effet être informé de manière claire, précise et compréhensible du souhait éventuel du professionnel de poursuivre la relation commerciale sur un support dématérialisé. Il sera également informé de la possibilité dont il dispose de revenir à tout moment et sans frais à un support papier, ou d'utiliser le support durable de son choix pour ses propres démarches.
Le troisième instaure un encadrement juridique des espaces personnels sécurisés mis à disposition par les organismes sur leurs sites internet, en prévoyant notamment une obligation d'accessibilité des documents et informations conservés dans cet espace pendant une durée adaptée à leur finalité, et une information préalable du client, dans un délai qui ne peut être inférieur à deux mois, lorsque le professionnel envisage de ne plus rendre accessibles ces documents et informations.
Le quatrième consacre la possibilité de recours, au sein du secteur assurantiel, aux outils de dématérialisation que constituent la signature électronique et l'envoi recommandé électronique.
L'article 2 de l'ordonnance opère les ajustements rédactionnels nécessaires, au sein du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code des assurances, afin de permettre l'usage de supports de communication dématérialisés dans les différentes démarches d'échange d'informations ou de documents entre le professionnel et son client.
L'article 3 en fait de même pour les dispositions du chapitre III du titre Ier du livre Ier du même code. Par ailleurs, la référence au « cachet de la poste », actuellement prévue à l'article L. 113-15-1, est complétée par une référence à l'horodatage certifié de façon à ne pas empêcher l'usage d'un autre support durable.
De même, les articles 4 à 11 de l'ordonnance procèdent pour les différentes parties du code des assurances aux modifications rédactionnelles autorisant l'usage de supports durables autre que le papier dans le cadre des relations entre l'organisme et le client.
Le chapitre II modifie, pour sa part, les dispositions du livre III du code de la consommation, qui concernent les opérations de crédit.
En cohérence avec la méthodologie présentée précédemment, les articles 12 et 13 du projet d'ordonnance visent à harmoniser les terminologies et permettre, par divers compléments et ajustements rédactionnels, l'utilisation accrue des supports de communication dématérialisés aux différentes étapes de la relation précontractuelle et contractuelle, respectivement pour le chapitre II et le chapitre III du titre Ier du livre III du code de la consommation.
L'article 14 insère en outre une section 9 au sein du chapitre IV du titre Ier du livre III du même code. Tout en procédant aux ajustements indispensables à la bonne prise en compte des spécificités des produits couverts par chaque code, cet article s'inspire des rédactions prévues l'article 1er de la présente ordonnance, et définit ainsi le cadre général de mise en œuvre du dispositif introduit par ce projet de texte pour les opérations de crédit.
Le chapitre III est relatif au code monétaire et financier.
L'article 15 constitue le pendant, concernant ce code, des dispositions générales prévues aux articles 1er et 14 du projet d'ordonnance pour, respectivement, le code des assurances et le code de la consommation.
Les articles 16 à 22 opèrent, pour leur part, les adaptations rédactionnelles nécessaires des diverses dispositions existantes du code monétaire et financier, tout en prévoyant par ailleurs deux aménagements au dispositif général : l'article 16 prévoit en effet un dispositif spécifique s'agissant des démarches relatives au droit au compte qui, du fait de leur sensibilité particulière et des publics vulnérables qu'elles concernent, seront soumises au consentement préalable du consommateur ; ce même régime est également prévu par l'article 20 pour les contrats souscrits dans le cadre d'un démarchage.
Le chapitre IV a trait au code de la mutualité.
Sur le modèle du code des assurances, l'article 23 est consacré, d'une part, aux dispositions générales relatives notamment à la définition du support durable, aux modalités de choix du support de communication approprié, à l'information et au droit d'opposition du membre participant ou de la personne morale souscriptrice, à l'encadrement juridique des espaces personnels sécurisés mis à disposition sur les sites internet des organismes, ainsi qu'aux modalités de fin d'un contrat collectif et d'autre part aux différentes mises en cohérence rédactionnelles dans le chapitre Ier du titre II du livre II.
L'article 24 opère pour sa part les ajustements rédactionnels nécessaires au sein du chapitre III du même titre.
Le chapitre V modifie les dispositions du titre III du livre IX du code de la sécurité sociale relatives aux institutions de prévoyance selon la même logique : l'article 25 est le pendant des articles 1er, 14, 15 et 23 de la présente ordonnance, et l'article 26 procède au sein de ce code aux différents ajustements rédactionnels nécessaires.
Le chapitre VI, enfin, rend applicables aux territoires français du Pacifique certaines des dispositions modifiées par la présente ordonnance : l'article 27 étend toutes les dispositions modifiées du code monétaire et financier aux îles Wallis et Futuna, et une partie seulement à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française compte tenu des compétences locales de ces collectivités ; l'article 28 rend pour sa part applicable les dispositions modifiées du code de la consommation aux îles Wallis et Futuna.
Comme indiqué en son article 29, l'entrée en vigueur de la présente ordonnance est fixée au 1er avril 2018
Les dispositions de cette ordonnance s'appliqueront également, conformément à l'article 30 de ce texte, aux contrats souscrits antérieurement à cette date, avec possibilité de dématérialisation sauf opposition de la part du client : les organismes devront, par conséquent, dans ce cas s'assurer préalablement que le mode de communication dématérialisé est approprié, dans des conditions identiques à celles prévues pour les contrats souscrits postérieurement au 1er avril 2018. Ils auront, également l'obligation d'informer le client de façon claire, précise et compréhensible, sur support papier, et par un envoi dédié, de la poursuite de la relation commerciale sur un support durable autre que le papier et de la possibilité dont le client dispose de s'y opposer.
Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de cinq mois à compter de la publication de l'ordonnance.
Tel est l'objet de la présente ordonnance, que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.Liens relatifs
Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2017-1433 du 4 octobre 2017 relative à la dématérialisation des relations contractuelles dans le secteur financier