Avis sur l'accès au droit et à la justice dans les outre-mer, essentiellement en Guyane et à Mayotte

Version initiale

  • (Assemblée plénière - 22 juin 2017 - adoption à l'unanimité)

    Cet avis s'inscrit dans le cadre d'une étude menée par la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) sur l'effectivité des droits de l'homme dans les outre-mer, qui fera l'objet d'une publication en 2018.
    1. L'accès au droit, préalable à l'exercice des droits fondamentaux, y compris celui d'accéder à un juge, relève conjointement de l'Etat et des collectivités territoriales. Les politiques publiques conduites en la matière doivent permettre à toute personne, sans discrimination, d'avoir connaissance de ses droits et obligations ainsi que des moyens d'exercer les premiers et de s'acquitter des secondes, qu'elle réside en métropole ou sur un territoire ultramarin de la République française.
    2. L'accès au droit s'entend de l'accès de tout justiciable à la connaissance, non seulement de la norme juridique régissant la vie en société, le droit objectif, mais aussi de chacune des prérogatives, ou droits subjectifs, attachées à sa personne ainsi que des moyens de les faire valoir sans devoir recourir à un juge.
    3. L'accès à la justice, lui, défini comme la garantie reconnue à quiconque de pouvoir saisir un juge, en bénéficiant de toutes les garanties qui l'accompagnent (délai raisonnable, droit au recours, juge indépendant et impartial…), lorsqu'il s'estime victime d'une atteinte portée à telle ou telle desdites prérogatives, est un droit fondamental, consacré par les textes internationaux et européens de protection des droits de l'homme (1).
    4. L'accès à la justice et les modalités de fonctionnement de cette dernière relèvent d'une compétence régalienne de l'Etat tant sur le territoire métropolitain que sur celui des collectivités ultramarines, quel que soit leur statut respectif. Ainsi, conformément aux articles 73 et 74 de la Constitution, la compétence ne peut être ni transférée ni déléguée à une collectivité territoriale.
    5. Par cet avis, la CNCDH a cherché à évaluer si l'accès au droit et l'accès à la justice pour le justiciable ultramarin est de la même qualité que ceux dont dispose le justiciable métropolitain.L'avis a pour vocation d'alerter l'Etat, les collectivités locales ultramarines et la société civile sur les dysfonctionnements les plus graves existant dans l'accès à la justice et le fonctionnement attendu de celle-ci ainsi que, en amont, sur les principaux obstacles empêchant l'accès au droit pour l'ensemble des justiciables ultramarins.L'on précisera que la CNCDH dresse dans cet avis un certain nombre de constats relatifs aux outre-mer, mais qu'elle pourrait en formuler de semblables pour la métropole.Néanmoins, certaines spécificités des territoires ultramarins rendent les difficultés encore plus criantes.
    6. Les travaux conduits en ce sens par la CNCDH (auditions transversales [2] et auditions ciblées) ont mis en évidence que la situation pour les justiciables était particulièrement critique à Mayotte et en Guyane, justifiant ainsi un focus particulier sur ces deux territoires. En effet, la commission n'a pu qu'y constater un fort sous-développement des services publics et des ruptures d'égalité en découlant dans l'accès au droit et à la justice. Néanmoins, afin de mieux comprendre la spécificité de cette situation par rapport à celle de l'accès au droit et à la justice dans les outre-mer en général, des recherches et des auditions ont été menées concernant d'autres territoires ultramarins (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Martinique et La Réunion). En tout état de cause, en raison des différences statutaire, institutionnelle, historique, géographique, humaine, etc.propres à chaque territoire, et de la complexité des conséquences qu'elles produisent, le bilan dressé et les recommandations formulées ne sauraient aucunement prétendre à l'exhaustivité, y compris s'agissant de la Guyane et de Mayotte.
    7. Eu égard plus particulièrement au travail de recherche puis d'analyse de la situation dans ces deux territoires, trois précisions s'imposent. D'abord, dès lors qu'un avis autonome sur les droits des étrangers et le droit d'asile dans les outre-mer sera adopté ultérieurement (septembre 2017) par la CNCDH, et intégré dans l'étude mentionnée plus haut, le parti a été pris dans le présent avis de ne pas aborder la question spécifique de l'accès au droit et à la justice des étrangers et des demandeurs d'asile. Ensuite, le terme de " justice " doit être ici compris comme désignant la seule institution judiciaire, l'accès aux juridictions administratives et le fonctionnement de ces dernières étant exclus de l'avis. Enfin, il convient de souligner que, étant donné l'impossibilité pour la CNCDH de se déplacer sur le terrain, elle a dû opérer par auditions, au demeurant nombreuses. Or, malgré leur très vif intérêt, celles-ci n'ont pas toujours permis de lever les doutes affectant telle ou telle situation en raison des opinions différentes, voire contradictoires, formulées par certaines des personnes auditionnées. Sans doute, les quelques interrogations subsistantes révèlent-elles, à leur manière, tant les importantes lacunes voire défaillances constatées dans le fonctionnement de l'accès au droit et à la justice dans ces territoires que le manque de coordination voire de dialogue entre les différentes institutions concernées.
    8. Avant d'aborder les thématiques de cet avis, il importe, à titre préliminaire, de rappeler brièvement les normes constitutionnelles régissant le droit applicable dans les territoires ultramarins. Les départements et régions d'outre-mer (DROM) (Guyane, Guadeloupe, Martinique, Réunion et depuis récemment, Mayotte [3]), régis par l'article 73 de la Constitution, répondent au principe d'identité législative. Ainsi, selon ce texte, " les lois et règlements sont applicables de plein droit ". Pour autant, l'article 73 prévoit que ces lois et règlements peuvent faire l'objet d'adaptations compte tenu des " caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ". Les départements et régions peuvent alors obéir ponctuellement à des dispositions dérogatoires. Au contraire les collectivités d'outre-mer (COM) (Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et la Polynésie française) s'organisent, selon l'article 74 de la Constitution, autour du principe de spécialité législative. Les lois et règlements de la métropole ne sont donc applicables que sur mention expresse dans lesdits lois et règlements. Cependant, certaines normes dites " lois de souveraineté " ont vocation à s'appliquer sur l'ensemble du territoire de la République, COM comprises. Quant à la Nouvelle-Calédonie, elle est une collectivité d'outre-mer sui generis autonome, constitutionnellement reconnue au titre XIII de la Constitution (articles 76 et 77). Mais s'il est exact de constater que la Constitution distingue les régimes dits d'identité législative et de spécialité législative, la réalité n'est pas aussi tranchée. En effet, si, dans les textes, les distinctions paraissent claires, en pratique, la hiérarchie des normes et l'articulation des compétences locales et nationales se caractérisent par une grande diversité de situations. Ainsi, alors que les collectivités de l'article 74 de la Constitution pour partie (Polynésie française et Wallis-et-Futuna) et la Nouvelle-Calédonie sont soumises au principe, assorti d'exceptions, de spécialité législative, ce dernier reste résiduel à Saint-Barthélemy et Saint-Martin et absent de Saint-Pierre-et-Miquelon.
    9. S'ajoute à cette dichotomie et aux différences statutaires propres à chacun des territoires ultramarins la possible soumission à un statut coutumier ou de droit local. En effet, l'article 75 de la Constitution prévoit que " les citoyens de la République qui n'ont pas le statut civil de droit commun […] conservent leur statut personnel tant qu'ils n'y ont pas renoncé ". Dans plusieurs collectivités ultramarines, la Guyane, Mayotte (4), la Nouvelle-Calédonie et les îles Wallis et Futuna, des citoyens sont ainsi régis par un statut coutumier. Cette articulation entre droit commun et droit local vient encore accroître la complexité normative et la diversité du droit applicable dans les outre-mer.
    10. De plus, des contextes locaux difficiles constituent des obstacles supplémentaires pour les justiciables lorsqu'ils veulent accéder au droit et à la justice. En effet, d'une manière générale, la fragilité et l'inégale répartition de l'ensemble des services publics sur les territoires, les contraintes budgétaires y afférentes, le défaut de communication et de coordination des acteurs locaux, les difficultés économiques et sociales des ultramarins, freinent le développement d'une politique d'accès au droit et à la justice appropriée, apte à assurer à chacun une connaissance suffisante de ses droits et des moyens de les exercer. Or ces difficultés communes aux outre-mer mais de façon variable, sont décuplées en Guyane et à Mayotte.
    11. S'agissant de la Guyane, aussi vaste que le Portugal, la collectivité est marquée par l'étendue de son territoire et la distance entre ses communes, l'importance de sa population étrangère et/ou en séjour irrégulier, la présence de frontières fluviales avec le Surinam et le Brésil ou maritime avec l'océan Atlantique, et les indicateurs socio-économiques très faibles de ses populations dès lors que l'on s'éloigne de la frange côtière (Cayenne, Kourou). Plus encore, la Guyane est marquée par les carences de l'état civil, principalement pour les populations vivant dans l'ouest du pays, qui privent celles-ci de toute existence juridique vis-à-vis de l'administration, et, partant, les empêchent de procéder à toute démarche administrative ou juridique (5). Ces difficultés sont encore aggravées par un maillage territorial disparate des services publics (notamment du service public de la justice), par une mauvaise couverture des moyens de communication (routes en nombre limité, absence de transports en commun, barrages routiers (6), réseaux internet et téléphonique insuffisamment développé, accès à l'électricité limité et défaillant…), par un faible nombre tant des associations que des professionnels du droit, concentrés à Cayenne. On le voit, l'inégalité de l'accès au droit et aux services publics en Guyane n'est plus à démontrer (7). En outre, si les obstacles à un accès physique au juge sont déjà difficiles à surmonter, le fonctionnement des juridictions est également mis à mal par une insuffisante prise en compte des spécificités locales (8).
    12. A Mayotte, la départementalisation a entraîné une modification considérable des modes de vie de la population qui a dû assimiler rapidement et brutalement une transition vers un statut de droit civil commun. Alors que l'organisation judiciaire a été profondément modifiée, la question de l'accès à la justice et du bon fonctionnement de celle-ci n'a pas été traitée en priorité. De plus, malgré l'instauration d'une commission de révision de l'état civil en 2005, la campagne de rectifications judiciaires en vue d'assurer un état civil de droit républicain à l'ensemble des Mahorais n'est toujours pas achevée (plus de 3 000 dossiers restent encore à traiter). Ainsi, comme en Guyane, de nombreuses personnes ne peuvent accomplir de démarches administratives faute de disposer d'un état civil. Au regard de ces éléments, force est de constater qu'à Mayotte, tant la politique d'accès au droit et à la justice que le bon fonctionnement de la justice peinent à se mettre en place bien qu'il s'agisse aujourd'hui d'un département. Sans compter d'autres facteurs aggravants comme un manque de développement manifeste de l'île (indicateurs socio-économiques très faibles, éducation défaillante, forte mortalité infantile), des déficiences certaines de l'ensemble des services publics et une mise en œuvre défaillante des politiques publiques. Enfin, l'augmentation de la population (9), en partie du fait de l'immigration, conduit à un engorgement systématique de l'ensemble des structures, toutes sous-dimensionnées, et au premier chef des juridictions ; de plus, comme en Guyane, les spécificités locales de Mayotte ne sont pas suffisamment prises en compte dans le traitement des contentieux.
    13. Dans ce contexte, l'accès à la connaissance du droit et de la justice pour les justiciables ultramarins, spécialement de Guyane et de Mayotte, s'avère particulièrement difficile (I). Quant aux graves dysfonctionnements affectant les juridictions, ils empêchent l'accès à une véritable justice de qualité dans ces deux territoires (II).

    I. - L'accès à la connaissance du droit et de la justice

    14. La Charte nationale de l'accès au droit, adoptée en février 2017, rappelle que " l'accès au droit doit être effectif pour tous les citoyens " (10). La CNCDH salue l'adoption d'une telle charte qui démontre une forte volonté politique d'améliorer l'accès au droit pour toutes les personnes présentes sur le territoire de la République. La CNCDH recommande aux pouvoirs publics de rendre effectif, dans chacun des douze territoires ultramarins, l'ensemble des propositions formulées par la Charte précitée, en portant une attention particulière à Mayotte et à la Guyane. Un comité de suivi ayant été prévu aux fins de rendre compte semestriellement de la mise en œuvre des mesures prescrites par celle-ci, la CNCDH veillera à l'efficacité de ce suivi, notamment à l'égard de Mayotte et de la Guyane. En effet, comme on l'observera dans cet avis, de nombreuses difficultés limitent l'effectivité de ce droit pour tous dans les outre-mer. Cet accès au droit est notamment rendu plus difficile par la multiplicité des entraves mises à la connaissance du droit et de la justice par les justiciables dans les outre-mer (A). Cependant, pour endiguer ce phénomène, des initiatives originales et adaptées aux contextes et spécificités ultramarins ont été mises en œuvre (B).

    A. - Les entraves à la connaissance du droit et de la justice

    15. L'accès au droit, c'est-à-dire la connaissance du droit applicable, suppose, au premier chef, l'intervention d'acteurs ou de structures aptes à fournir toutes informations utiles au justiciable. Or, globalement, il faut déplorer une mauvaise connaissance du droit dans les outre-mer, liée à plusieurs facteurs.

    1. Les entraves liées à l'histoire, la géographie, la culture et la langue

    16. A Mayotte, l'histoire du territoire est l'une des explications avancées. En effet, à la suite de la récente départementalisation de 2011, un statut de droit commun venu supplanter un statut de droit local a été appliqué aux Mahorais. La départementalisation a par ailleurs bouleversé l'organisation administrative et judiciaire du territoire (11) en donnant notamment la compétence exclusive aux juridictions de droit commun de statuer sur tout contentieux. L'ancienne justice coutumière de droit musulman, la justice cadiale, a été profondément modifiée par la départementalisation qui a cessé de la reconnaître officiellement. Pour autant, les cadis, juges de droit musulman des tribunaux islamiques et coutumiers (12), n'ont pas disparu même si leur rôle a été sensiblement modifié (13). Après l'abandon du projet répété de les réintégrer dans l'institution judiciaire (14), ils sont aujourd'hui des " médiateurs sociaux de la République " (15). Ils ne sont plus officiellement consultés par les juges et les fonctionnaires de droit commun et il n'existe plus de partenariat entre les deux entités, ce que les cadis regrettent.
    17. Comme le souligne le Défenseur des droits, " le statut de droit commun désormais appliqué aux Mahorais n'a pas été suffisamment expliqué aux habitants qui ont vu leurs habitudes bouleversées et continuent de fait à faire appel aux cadis " (16). En effet, on constate une mauvaise compréhension par les Mahorais de la disparition de la justice cadiale et de facto de la justice de droit commun désormais applicable. Cette méconnaissance de l'articulation entre droit commun républicain, justice cadiale et droit local crée des situations d'incompréhension, et engendre un non-recours à la justice de droit commun. En effet, une grande partie de la population mahoraise (notamment les personnes âgées de plus de 40 ans et celles disposant de faibles ressources financières) préfère continuer à recourir aux cadis pour régler ses différends ou litiges (familiaux, fonciers ou de voisinage…) plutôt que de s'adresser à la justice de droit commun. Les cadis eux-mêmes manifestent une certaine défiance à l'égard de celle-ci (17). Ce n'est qu'en cas d'échec de la conciliation coutumière ou encore d'incompétence constatée par le cadi (notamment en matière pénale) que ce dernier renvoie vers les juridictions de droit commun. La CNCDH recommande la mise en place d'une discussion approfondie entre le ministère de la justice et les cadis sur le rôle qui pourrait leur être reconnu au sein de la justice française, afin de profiter au mieux de leur fort enracinement dans une bonne partie de la population mahoraise (18).
    18. Cette situation, ajoutée à des dysfonctionnements de l'institution judiciaire (19), crée un fossé entre la justice de droit commun et les justiciables mahorais, et empêche l'établissement d'une relation de confiance entre la population et la justice de la République. Par exemple, comme l'ont mentionné, plusieurs des personnes auditionnées, s'agissant de la prise en charge des mineurs, en matière civile comme en matière pénale, il existe une sorte de " conflit de modèle éducatif " entre les tenants d'une conception traditionnelle locale et les défenseurs d'une approche institutionnelle (20).
    19. En Guyane, le même phénomène de mauvaise connaissance, voire d'ignorance du droit, et l'absence de recours à la justice qui peut en découler, est observé. A ce titre, Maître Patrick Lingibé, ancien bâtonnier de Cayenne, considère que l'histoire pourrait expliquer en partie le phénomène " d'inculture juridique " de la majorité de la population guyanaise (21). En effet, la non-adhésion de la population guyanaise à la norme juridique française s'explique par son " importation abrupte " sans mesures d'accompagnement ni d'explications au cours du siècle dernier. Des chercheurs complètent ce constat en avançant que pour les populations autochtones (22), régies essentiellement par des règles coutumières, le recours aux services publics dont celui de la justice, pour la résolution de leurs problèmes, est difficile et peu usuel. Ainsi écrivent-ils, " ce sont les règles ancestrales qui donnent la primauté à cette justice par rapport à l'organisation française. La justice française apparaît subsidiaire, alors que dans nos textes, elle est prioritaire. Cela entraîne, que, dans certaines familles, qu'il s'agisse des parents ou des enfants, chacun se trouve dans une situation d'ignorance par rapport aux lois “on ne demande pas un droit qu'on ne connaît pas”. Un autre aspect marquant concerne par exemple le droit de faire appel d'un jugement. Ce droit n'existe pas dans le droit coutumier " (23). En outre, les populations éloignées, qui ignorent les règles juridiques françaises (nationalité, état civil, divorce, filiation, adoption, autorité parentale, etc.), les découvrent souvent, soit a posteriori une fois confrontées à la situation litigieuse, soit par le " bouche à oreille ", ce qui est source de nombreuses et regrettables inexactitudes et confusions (24). Le conseil départemental d'accès au droit (CDAD) de Guyane a fait part à la CNCDH de l'existence d'une forte demande en ce sens de la population guyanaise, consciente de ne pas connaître suffisamment ses droits. Ainsi, au fur et à mesure que de nouvelles permanences d'information juridique se sont développées, elles ont été rapidement submergées par les demandes.
    20. Toujours en Guyane, et en raison d'un très faible niveau de vie, la connaissance de l'ensemble de leurs droits n'est pas directement à la portée de certains justiciables guyanais. En effet, pour ces justiciables impécunieux, accéder au droit se résume seulement à accéder aux seuls droits de première nécessité : par exemple, comment disposer d'un logement, comment accéder aux allocations familiales pour élever ses enfants, comment scolariser ces mêmes enfants, le tout présupposant que l'impétrant soit en situation régulière et dispose d'un état civil. En revanche, l'information relative au droit de la responsabilité, civile ou pénale, au droit matrimonial (qui implique que les partenaires soient mariés ou pacsés), au droit des successions, au droit de la filiation [chez une population de tradition matrilinéaire], ainsi qu'aux actions en justice en découlant, sont des questions tout à fait secondaires, pour ne pas dire étrangères à leurs préoccupations. En outre, comme cela a été rapporté à la CNCDH, une partie de la population guyanaise préfère se tourner vers le préfet ou le maire pour obtenir des informations juridiques alors que cela ne relève pas de leur mission.
    21. Au-delà des exemples guyanais et mahorais, on notera également qu'en Nouvelle-Calédonie l'accès à la connaissance de la norme juridique applicable peut s'avérer difficile pour les personnes de statut civil coutumier et pour celles relevant du statut de droit commun, ainsi que pour les professionnels du droit eux-mêmes. En effet, l'articulation entre les règles coutumières et celles de droit commun soulève de nombreuses interrogations voire des conflits entre elles (25). De plus, même si la complexité juridique explique, de manière générale, les difficultés éprouvées par les justiciables ultramarins à être informés du droit applicable, la Nouvelle-Calédonie souffre aussi d'une organisation administrative et judiciaire qui s'est considérablement complexifiée au gré des transferts progressifs des compétences de l'Etat à la collectivité. Si bien que la population, dont une majeure partie est peu diplômée et même peu instruite, a beaucoup de mal à connaître le texte législatif ou réglementaire en vigueur s'appliquant à sa situation. S'il existe la base de données " juridoc " (26), celle-ci peut être difficile d'accès pour le justiciable dépourvu de connaissances juridiques de base.
    22. Enfin, la barrière de la langue constitue un frein important à la connaissance du droit et de l'institution judiciaire à Mayotte et en Guyane. Le constat est particulièrement frappant à Mayotte : 40 % de la population mahoraise ne parlant pas la langue française (27), de nombreux Mahorais s'orientent mal dans l'ensemble des services publics, et plus particulièrement, comme on le verra en seconde partie, dans celui de la justice. Il semble toutefois que les structures d'accès au droit et les associations aient recruté des personnes bilingues voire de véritables interprètes (28), dont la présence indispensable doit être encore renforcée. Néanmoins, il est intéressant d'observer que, en l'absence de ces personnes bilingues ou de ces interprètes, la solidarité mahoraise est telle qu'il est possible à un justiciable de solliciter un membre de son entourage afin qu'il l'assiste pour l'accomplissement de telle ou telle formalité administrative ou, en cas de procès, lors d'une audience. Une telle solidarité joue également en Guyane où, de nombreux usagers des services publics ne parlant pas français viennent accompagnés d'une tierce personne qui joue le rôle d'interprète lors des permanences d'information juridique proposées par le CDAD, ou à l'occasion de rendez-vous avec des administrations (caisse d'allocations familiales, sécurité sociale…). Ces usagers peuvent également faire appel à des tiers pour rédiger par exemple leur demande en justice ou leur recours, mais moyennant souvent une rémunération élevée.

    2. Les entraves liées aux structures d'accès au droit : un maillage territorial disparate et insuffisant

    23. A ces premières entraves s'ajoutent des difficultés matérielles avérées d'accès à ces structures, celles-ci étant, soit inexistantes, soit défaillantes, soit éloignées géographiquement. Certains critiquent le fait que la Chancellerie ait tenté de parer à ces difficultés par la seule augmentation significative des budgets (29). En effet, même si cette augmentation des crédits en faveur de l'accès au droit et à la justice (Programme 101) dans les départements d'outre-mer entre 2012 et 2017 (30) mérite d'être saluée, il faut toutefois noter que cette augmentation à hauteur de 3 % est nettement inférieure à l'augmentation des crédits sur l'ensemble du territoire français (7,8 %). Elle doit en plus être nuancée dès lors que la Guyane a vu ses crédits diminuer de 14 % sur cette période. En outre, la répartition des crédits au titre de l'accès au droit reste inégale puisque, par exemple, en 2016 La Réunion a reçu plus de 50 % des crédits quand Mayotte n'en a reçu que 3,1 % et la Guyane 7,8 %. Enfin, il convient de souligner que sur cette période, d'une manière générale, environ 90 % des crédits sont alloués au financement de l'aide juridictionnelle, ce dont il se déduit que seuls les 10 % restants sont alloués à l'accès à la connaissance des droits, à l'aide aux victimes et à la médiation familiale. Même si le financement de l'aide juridictionnelle est fondamental, la CNCDH considère que cela ne dispense pas le gouvernement d'une réflexion plus globale et plus ambitieuse sur l'accès au droit et à la justice dans l'ensemble des territoires ultramarins. L'examen des éléments subséquents rend cette politique d'autant plus nécessaire.
    24. Le manque de coordination entre les différents acteurs est particulièrement marqué en Guyane et à Mayotte. Aussi, dès lors que la Charte nationale de l'accès au droit souhaite renforcer la coopération entre les CDAD et le secteur associatif, et développer un réseau actif de partenaires aux niveaux national, régional et départemental (31), la CNCDH portera toute son attention à son application, en général et en particulier dans ces deux territoires.
    a) Une offre défectueuse de structures d'accès au droit
    25. La principale structure d'accès au droit et à la justice est le conseil départemental d'accès au droit (CDAD) (32). Ce dispositif est complété par le " réseau judiciaire de proximité " composé des maisons de justice et du droit (MJD) et des points d'accès au droit (PAD). Dans les outre-mer, on constate que le maillage territorial d'accès au droit est disparate d'un territoire à un autre. Ainsi La Réunion fait-elle figure de bonne élève avec un maillage assez exceptionnel de points d'accès aux droits - trente-et-un PAD et un CDAD-, alors que la Guyane, territoire dont la superficie est plus de trois fois supérieure, ne dispose que de sept PAD et d'un CDAD et Mayotte, de six PAD et un CDAD alors même que la superficie y est huit fois inférieure et la population près de trois fois inférieure à celle de La Réunion. Quant à la Nouvelle-Calédonie, dont la population avoisine les 275 000 habitants, répartis sur plus de 18 000 km2, elle ne dispose ni de CDAD, ni de PAD stricto sensu ni de MJD. Aucune politique globale d'accès au droit n'étant menée sur le territoire. Depuis 2012, s'il existe un CDAD dans chaque département d'outre-mer, toutes les collectivités d'outre-mer n'en possèdent pas. En outre, les MJD sont très peu nombreuses : une à Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane, une à Fort-de-France, en Martinique, et une aux Abymes, en Guadeloupe. Selon le ministère de la justice, les CDAD d'outre-mer sont confrontés aux mêmes difficultés que les CDAD de métropole : le manque de financement, de ressources humaines et de mobilisation des partenaires.
    26. A la suite de la départementalisation de 2011 (33), le CDAD de Mayotte a été créé en 2012 (34) et installé à Mamoudzou. Un effort de création de permanences décentralisées par rapport à Mamoudzou doit être souligné : des permanences hebdomadaires d'information, délocalisées dans six points d'accès au droit ont en effet été instaurées (35). Ces PAD, répartis sur quasiment l'ensemble du territoire, permettent à la population d'éviter les déplacements trop longs. Comme cela a été rapporté à la CNCDH, ils fonctionneraient convenablement même si de très faibles moyens financiers et humains (36) ne leur permettent pas d'exercer l'ensemble de leurs missions. On constate que le nombre de personnes reçues en 2016 par le CDAD dans l'ensemble de ses permanences est en baisse par rapport à 2014 et 2015 (37), sans qu'on connaisse les raisons précises de cette baisse. Au titre de ses permanences d'information juridique, le CDAD intervient surtout sur des questions liées à la nationalité, à l'état civil, aux affaires familiales, et à l'aide à la rédaction (38). On peut regretter qu'au sein des permanences effectuées par le CDAD, et ce pour des raisons budgétaires, on ne compte plus d'avocats depuis deux ans (l'ancien bâtonnier ayant souhaité que les consultations offertes dans le cadre de l'accès au droit soient désormais rémunérées) (39). En conséquence, le partenariat entre le CDAD et le barreau a été suspendu depuis 2015. Néanmoins, il semble que des discussions soient en cours avec le nouveau bâtonnier pour remédier à cette situation. La CNCDH souhaite vivement que le barreau retrouve sa place privilégiée au sein du CDAD. Enfin, il faut souligner la présence, depuis peu, d'un service d'accueil unique du justiciable (SAUJ) (40) au sein du TGI de Mamoudzou, permettant aux justiciables d'être informés de leurs droits, de leur possibilité d'engager des formalités et démarches et de se renseigner sur les procédures existantes. Le SAUJ fonctionne en lien très étroit avec le CDAD de Mayotte.
    27. La Guyane, quant à elle, dispose d'un CDAD, de deux PAD au sens strict du terme (41) et de cinq autres lieux de rencontres entre usagers et personnels du CDAD (42), inégalement répartis sur le territoire. De nouvelles permanences d'information juridique mensuelles ont été mises en place par le CDAD dans les communes de Matoury et de Macouria en janvier 2017, ce qui permet sans aucun doute d'élargir un peu la couverture de l'offre d'information (43). Mieux encore, à l'issue des travaux effectués actuellement au TGI de Cayenne, un SAUJ va être installé en octobre 2017, ce que la CNCDH salue, puisque cela constituera une nouvelle structure d'accès au droit pour les justiciables guyanais. Néanmoins, ces créations restent insatisfaisantes au regard des besoins du département dès lors que le réseau d'accès au droit ne couvre au total que 5 % du territoire (44).
    28. Si le CDAD de Guyane a été créé en 1996, il est resté relativement inactif jusqu'en 2012/2013. Installé au tribunal de grande instance (TGI) de Cayenne, juridiction qui connaît de graves dysfonctionnements et de mauvaises conditions de travail (45), il n'est composé que de deux agents, une juriste basée à Kourou qui se déplace jusqu'à Saint-Laurent-du-Maroni, et une coordinatrice qui s'occupe du secteur de Cayenne et se déplace parfois dans les communes de l'intérieur. L'ensemble des populations des villes et villages n'a pas accès aux permanences et aux informations juridiques du CDAD. A l'Ouest, il est très difficile d'aller au-delà de Maripasoula (et encore seulement en avion). A l'Est, une semaine de permanence avait été organisée à Camopi, en octobre 2016, de concert avec des services de la préfecture. A la suite de cette initiative, la mairie de Camopi avait demandé que soit instaurée une permanence mais cette demande n'a pu être satisfaite en raison de la distance géographique et des coûts engendrés pour le CDAD. Il est clair que les moyens humains et financiers du CDAD sont très insuffisants pour couvrir tout le territoire (46), l'activité intense et croissante (47) rendant l'accomplissement des fonctions épuisantes, et les déplacements générant des coûts sans précédent (48). La problématique la plus aigüe aujourd'hui a trait au financement de toutes les activités entreprises ou à entreprendre, si bien que l'objectif du CDAD est seulement de survivre en cherchant des financements pour pérenniser les points d'accès au droit existants (49). Les permanences d'information juridique, assurées majoritairement par le CDAD, connaissent assurément le succès mais la demande est telle que, parfois, pour obtenir une simple information, il faut s'inscrire sur une liste d'attente de plusieurs semaines.
    29. Si le CDAD a œuvré pour redynamiser la MJD de Saint-Laurent-du-Maroni, celle-ci demeure à ce jour encore défaillante. En effet, les avocats, les notaires et les huissiers de justice ne veulent plus y tenir de permanences du fait de l'éloignement à partir de Cayenne. Le barreau revendique en effet une indemnisation de ses frais de déplacement entre Cayenne et Saint-Laurent-du-Maroni, les deux localités étant distantes de près de 300 kilomètres (50). Il semble d'ailleurs qu'actuellement il n'y ait des permanences de consultation juridique des avocats qu'à Kourou et à Cayenne, et seulement depuis un an. Seuls le service pénitentiaire d'insertion et de probation, le CIDFF (Centre d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles de Guyane) et le délégué du Défenseur des droits sont établis de manière continue à Saint-Laurent-du-Maroni. Le CDAD et plusieurs associations y proposent, quant à eux, des permanences. Le ministère de la justice a fait part de sa volonté d'élargir le nombre d'intervenants (51), ce dont se félicite la CNCDH. Il convient également de souligner, pour le regretter, que le poste de greffier à la MJD, non pourvu, est vacant depuis 2014. L'activité de la MJD est pourtant fondamentale dès lors que, s'agissant du seul PAD de l'ouest guyanais, elle joue un rôle de premier plan dans l'orientation juridique, l'aide aux victimes, les médiations, les informations d'ordre administratif et judiciaire, le guichet unique de greffe. Pour l'ensemble de ces raisons, il est essentiel que la MJD soit restaurée dans ses différentes missions, effectivement et pleinement. Il convient néanmoins de constater que, pour la partie occidentale du territoire au-delà de Saint-Laurent-du-Maroni, l'accès au droit est quasiment inexistant, ce qui, pour la CNCDH, est inadmissible.
    30. Plus généralement, que ce soit en Guyane ou à Mayotte, le fonctionnement des structures d'accès au droit repose essentiellement sur la capacité du personnel en place à rester motivé dans un contexte de pénurie généralisé. Ainsi, en Guyane, les actions d'accès au droit menées sont-elles fortement dépendantes des acteurs locaux, des bénévoles d'associations ou encore des fonctionnaires, qui tous, trop souvent, ne sont que de passage (52). L'on peut observer et regretter que des actions ponctuelles ou des dispositifs promouvant l'accès au droit et élargissant l'offre de structures n'aient pas été reconduits après le départ de leurs initiateurs. Si les motifs budgétaires constituent l'essentiel des blocages au développement de permanences d'accès au droit en Guyane, force est de constater que la géographie (53) et les particularismes humains et culturels du territoire n'ont pas été suffisamment pris en compte pour permettre au CDAD de mener à bien ses missions.
    31. L'ouest et l'est guyanais (aux frontières des fleuves) étant particulièrement marqués par le déficit de structures d'accès au droit, il serait intéressant qu'au moins un membre du CDAD puisse prendre part de manière systématique aux pirogues administratives itinérantes (54), mises en place par la préfecture, dirigées soit par le sous-préfet de Saint-Laurent-du-Maroni (concernant le Maroni), soit par le sous-préfet des communes de l'intérieur (concernant l'Oyapock), qui associent plusieurs services publics (tels que la sécurité sociale, Pôle emploi ou encore la caisse d'allocations familiales). Néanmoins, si les pirogues administratives opérant sur l'Oyapock sont régulières (environ une fois par mois), celles fonctionnant sur le Maroni semblent être suspendues à ce jour. Il conviendrait de systématiser et pérenniser ces dispositifs (55), d'associer l'ensemble des acteurs pertinents à ces pirogues (CDAD, associations,…) et de s'assurer que la préfecture coordonne l'ensemble du dispositif, efficacement et effectivement, palliant ainsi les difficultés dénoncées à ce jour (56). Cette réforme contribuerait, en mutualisant les coûts de transport, à assurer un meilleur accès au droit aux populations établies dans des communes isolées tout le long des deux fleuves.
    32. Il faut déplorer également le total engorgement du CDAD, même à Cayenne (57). Or de telles difficultés conduisent à l'émergence d'un phénomène dénoncé à plusieurs reprises devant la CNCDH, ainsi que par le Défenseur des droits, à savoir la présence de faux avocats, ou encore de fausses associations, qui font payer des consultations pourtant gratuites et/ou délivrent des informations juridiques erronées. En monnayant ainsi indûment leurs services (58), ces personnes physiques ou morales se comportent en véritables escrocs aux dépens des justiciables.
    33. Par ailleurs, il existe très peu d'échanges et de coordination entre les différents acteurs de l'accès au droit (santé, éducation, justice, secteur social), ce qui ne favorise en rien l'émergence de solutions locales (59). Ce manque de coordination entraîne également une méconnaissance profonde de l'ensemble des structures d'accès au droit disponibles, bien que toutes soient situées sur le même territoire. Plus encore, il a été rapporté à la CNCDH qu'en Guyane l'ignorance de la nature et de l'objet du CDAD par ses acteurs naturels est totale, la structure étant seulement perçue comme " un des services du tribunal ", destiné à " organiser des permanences d'accueil et d'information ". L'expression d'une si faible volonté de mise en commun des compétences de ses membres (60), en empêchant le CDAD de remplir l'ensemble de ses missions, s'avère extrêmement regrettable.
    b) Un réseau de délégués du Défenseur des droits à développer
    34. On constate que le recours au Défenseur des droits est beaucoup moins fréquent dans les outre-mer qu'en métropole, les outre-mer ne comptabilisent ainsi que 1,6 % des réclamations de l'ensemble des dossiers reçus par les délégués (61). Cela peut s'expliquer par la faible connaissance tant du mécanisme de plainte auprès du Défenseur des droits que de l'institution elle-même, mais aussi par le fait que le réseau des délégués du Défenseur des droits est assez dispersé et moins développé qu'en métropole (62). Par exemple, à Mayotte, il n'y a que deux délégués, intégrés au CDAD, qui proposent en tout trois demi-journées de permanence par semaine (63). En Polynésie française, une seule déléguée assure une permanence d'une journée par semaine. En Nouvelle-Calédonie, alors qu'il n'y a actuellement qu'un seul délégué, un second devrait être nommé en Province Nord au début de l'année 2018. En revanche, en Guyane, depuis le 1er janvier 2017, le réseau comporte neuf délégués. De plus, cinq jeunes ambassadeurs des droits auprès des enfants (JADE) exercent, pour la première fois en cette année scolaire 2016-2017, une activité d'information auprès des élèves et acteurs locaux, de concert avec les CEMEA (centres d'entraînement aux méthodes d'éducation active) et en partenariat avec le rectorat. Ces ambassadeurs ont notamment été formés par le barreau de Cayenne sur diverses thématiques telles que la prévention de la violence ou le rôle des professionnels de justice. Un dispositif de ce type existe également à Mayotte (6 JADE) et à La Réunion (10 JADE). La CNCDH souligne l'intérêt d'une telle initiative dans ces territoires et encourage à la pérenniser pour l'année scolaire 2017-2018.
    c) Un tissu associatif fragile à consolider
    35. La mise en œuvre effective d'une politique d'accès au droit ne peut se faire qu'au moyen d'un réseau associatif solidement structuré et bien ancré localement dès lors que ces associations sont des acteurs majeurs d'une telle politique, intervenant au plus près des populations ultramarines, notamment au sein des MJD et des PAD. Or, de manière générale, selon la commission des lois de l'Assemblée nationale " le tissu associatif pour l'accès au droit et à la justice ainsi que l'aide aux victimes est aujourd'hui insuffisant pour répondre de manière satisfaisante à l'ensemble des besoins des justiciables des départements d'outre-mer " (64). Même s'il convient de souligner la présence d'associations d'aide aux victimes en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Pierre-et-Miquelon et en Guyane, on ne peut que regretter que seule l'association d'aide aux victimes de Martinique (ADAVIM) ait également pour objet de proposer de la médiation pénale (65).
    36. Globalement, le tissu associatif dans son ensemble manque de coordination et de ressources financières (66), et ce, y compris lorsque ces associations sont rattachées à des associations métropolitaines. Actuellement, certaines font face à de graves difficultés financières en raison du retrait d'importants financeurs, retrait conduisant même à des liquidations judiciaires (67). Les associations présentes dans les outre-mer souffrent d'une certaine fragilité et d'une durée de vie souvent brève, ce qui donne lieu à leur renouvellement permanent. Situation d'autant plus regrettable que toutes dépensent une immense énergie pour améliorer le quotidien des populations ultramarines.
    37. Plus particulièrement à Mayotte, comme cela a été mentionné à plusieurs reprises lors d'auditions devant la CNCDH, le réseau associatif reste trop peu dense, mal structuré et surtout insuffisamment coordonné pour pouvoir répondre aux besoins réels de la population. En outre, en raison notamment du manque de financement, les associations œuvrent de manière sectorisée tant par leur objet que du point de vue géographique (68). La CNCDH a reçu des informations convergentes sur le fait que quelques structures associatives font face à un déficit d'encadrement intermédiaire et supérieur et de compétence qui porte préjudice à leur bon fonctionnement. Il convient toutefois de saluer l'existence de nombreuses initiatives de la part des associations présentes sur place, qu'elles soient des structures reconnues au niveau national (Médecins du Monde, La Cimade, Ligue des droits de l'homme,…) ou plus petites et/ou locales parmi lesquelles, en Polynésie française, l'association polyvalente d'actions judiciaires (APAJ) dont les interventions s'étendent au-delà de Tahiti jusqu'aux îles Marquises (69). Néanmoins, ces actions se trouvent à nouveau freinées par un manque de moyens humains et financiers et un manque de coordination.
    38. La force du secteur associatif repose surtout sur la dynamique des bénévoles. D'ailleurs en Guyane, certains d'entre eux ont bénéficié de formations leur permettant de répondre aux questions les plus fréquentes (droit de la nationalité, de la filiation, droit pénal, droit du travail, droit des victimes,…) (70) et d'orienter correctement les justiciables. Comme cela a été évoqué précédemment, s'agissant de la complexité juridique et du manque de formation des professionnels du droit, la difficulté de la tâche tient à ce que les problématiques, très complexes, requièrent un personnel compétent, familier des spécificités locales, ce qui constitue un frein financier pour les associations ; seules quelques-unes ont pu embaucher un juriste, alors que pour la majorité des autres, ce sont des bénévoles qui assurent une telle mission. Néanmoins, il faut se féliciter que les associations tiennent des permanences dans les PAD, même si elles admettent elles-mêmes qu'en dehors du secteur de Cayenne l'accès à l'information juridique reste très difficile à obtenir.
    39. Au regard des difficultés ainsi exposées, la CNCDH souligne la pertinence, en raison de leur actualité, des recommandations formulées en 2015 par la commission des lois de l'Assemblée nationale en vue de l'adoption de la loi de finances 2016 (71). Ces recommandations appellent à " consolider les associations les plus fragiles ", " mettre à profit les associations qui sont bien implantées, pour accroître la couverture géographique de ces territoires et étendre le champ d'action des associations, lorsque celles-ci sont spécialisées, vers un public plus large " et " accorder une attention particulière à la formation des personnels des associations d'accès au droit et à la justice, situées dans les départements d'outre-mer ".
    d) Un accès difficile aux professionnels du droit
    40. Les professionnels du droit (avocats, notaires, huissiers [72]…) constituent également des acteurs essentiels de l'accès au droit et à la justice. Néanmoins, une fois encore, on constate que l'offre n'est assurée de manière ni suffisante ni équivalente dans l'ensemble des outre-mer. A titre de comparaison, le barreau de la Martinique compte 191 avocats inscrits pour une population d'environ 385 000 d'habitants (73) alors que celui de Mayotte ne compte que 37 avocats inscrits pour une population estimée à 212 000 habitants (74). De même en Guyane, seuls 80 avocats sont inscrits pour une population de 252 000 habitants (75). Presque tous les avocats sont établis à Cayenne, seuls deux d'entre eux étant installés à Saint-Laurent-du-Maroni. De plus, les avocats ne donnent pas de consultations foraines, cela n'ayant jamais été accepté par le barreau pour des raisons financières. En Nouvelle-Calédonie, qui concentre une population de 269 000 habitants (76), 120 avocats sont inscrits au barreau, une large majorité d'entre eux exerçant en Province Sud alors qu'on compte seulement un avocat établi en Province Nord et un en Province des îles Loyauté.
    41. D'une manière générale, les avocats sont surtout concentrés dans les chefs-lieux. En Polynésie française, la quasi-totalité d'entre eux est installée à Papeete, seuls deux d'entre eux étant établis sur l'île voisine de Moorea. En l'absence de tout professionnel du droit sur les autres îles, il arrive parfois que les gendarmes (lorsqu'il y en a), suppléent, pour certaines de leurs attributions, les notaires et les huissiers (77). Il existe néanmoins des consultations gratuites à Tahiti, et certaines mairies relayent ces consultations en faisant intervenir des bénévoles ; mais une fois encore, peu d'associations viennent compléter ces permanences. Il convient cependant de souligner la présence d'un greffe permanent au tribunal de Nuku Hiva (Iles Marquises), qui assure, outre ses missions classiques de greffier, un véritable accès au droit et à la justice pour les habitants. C'est une bonne pratique qu'il convient de maintenir. En outre, au tribunal de première instance, les magistrats eux-mêmes sont parfois conduits à rédiger les requêtes de justiciables. Concernant la présence des avocats, et comme cela a été rapporté à la Commission, des discussions ont été engagées avec l'ordre des avocats de Polynésie française afin que l'avocat désigné pour assurer la permanence pénale puisse, lorsqu'il se déplace dans certaines îles, dispenser en même temps des consultations en matière civile. Cependant, les audiences pénales étant particulièrement chargées, il est difficile pour l'avocat de libérer du temps pour un entretien (78). De tels éléments conduisent à constater, pour le déplorer, que les justiciables des outre-mer ne disposent pas du même accès à un avocat que les justiciables métropolitains.
    42. A ce propos, un grave dysfonctionnement affectant les îles de Wallis et Futuna (79) a été porté à l'attention de la CNCDH. En effet, pour remédier à l'absence d'un barreau sur ce territoire, des " citoyens défenseurs " (80), agréés par le président du tribunal de première instance, sont chargés de la défense et de l'assistance gratuites des Wallisiens et Futuniens, moyennant une rétribution (81). Choisis parmi les personnes maîtrisant la langue française, ils doivent être titulaires, si possible, d'un diplôme de l'enseignement supérieur, mais ne bénéficient pas nécessairement d'une formation juridique préalable. Si " ce système spécifique n'empêche en rien les justiciables de s'adresser au barreau de leur choix pour assurer leur défense " (82), l'accès matériel à ce barreau reste néanmoins très compliqué dès lors que les avocats les plus proches sont installés à Nouméa, et ne peuvent se déplacer autant que nécessaire, en raison notamment de contraintes financières. En conséquence, faute d'avoir accès à un véritable avocat, les justiciables concernés disposent d'une défense au rabais, ce qui crée une regrettable rupture d'égalité entre justiciables. En outre, la population totale des îles étant estimée à seulement 15 000 habitants, le risque de possibles conflits d'intérêt est réel. Face à cette situation, et dans l'attente d'un remède pérenne et respectueux de l'égalité de tous les justiciables dans l'accès au droit d'être assisté par un avocat, la CNCDH recommande qu'une formation juridique minimale soit assurée à ces citoyens défenseurs.

    B. - Des initiatives originales adaptées aux spécificités ultramarines

    43. Pour remédier à la mauvaise connaissance, par les justiciables ultramarins, de la norme juridique applicable, et de la manière de faire valoir leurs droits, des journées d'information, de formation, de sensibilisation et de prévention mais aussi des interventions dans les médias ou en milieu scolaire sont organisées par les acteurs de l'accès au droit dans les outre-mer, à l'instar de celles pratiquées en métropole.
    44. Certaines initiatives, bien que ponctuelles, méritent d'être mentionnées car elles s'adaptent tout particulièrement aux spécificités locales et remédient notamment aux difficultés linguistiques. Que ce soit en Guyane ou à Mayotte, le multiculturalisme et le multilinguisme tendent à être pris en considération dans la mise en place des outils de communication élaborés par les CDAD, avec cependant plus ou moins de succès, en raison soit d'un manque de moyens humains ou/et financiers, soit d'un défaut de coordination soit d'un manque de volonté du personnel concerné.
    45. Par exemple, les fiches juridiques mises à disposition sur le site internet du CDAD de Guyane ont été traduites en portugais, en sranan tongo (83)et en anglais, afin d'être accessibles au plus grand nombre de personnes vivant sur le territoire (84). A Mayotte, un guide d'information sur les violences faites aux femmes, élaboré par le CDAD en partenariat avec la déléguée aux droits des femmes et la préfecture (85), a été traduit en shimaoré. La CNCDH se félicite des spécificités des populations ultramarines qui tendent à être prises en compte dans certaines actions de sensibilisation et d'information des CDAD de Guyane et de Mayotte, et elle encourage la multiplication d'initiatives aussi prometteuses.
    46. Néanmoins, d'une manière générale, les difficultés liées à la non ou mauvaise connaissance de la langue française persistent. A titre d'illustration, des brochures d'information (sur les procédures ne nécessitant pas l'assistance obligatoire d'un avocat) et des formulaires mis à disposition du public par les juridictions et PAD de l'ouest guyanais (86) n'ont toujours pas été traduits, malgré des demandes répétées des associations et du personnel du CDAD. Cet état de fait est d'autant plus regrettable que cette partie du territoire est particulièrement marquée par la présence de populations amérindiennes et bushinenge, ou aussi venant du Surinam, qui ne maîtrisent pas toujours la langue française. De même, à Mayotte, il y a une dizaine d'années, le guide de présentation du CDAD était disponible en français et en shimaoré, mais cette initiative heureuse n'a pas été renouvelée.
    47. Même si ces traductions sont évidemment nécessaires, il faut souligner que l'usage des brochures et flyers comme seul canal de diffusion d'information juridique n'est pas suffisamment adapté à la réalité locale de certains territoires ultramarins comme la Guyane et Mayotte, marqués par un fort taux d'illettrisme. De plus, et d'une manière générale, les outre-mer sont des espaces où l'oralité continue à occuper une place particulièrement importante. A ce titre, il est regrettable que d'autres canaux de diffusion d'information non écrite mis en place n'aient pas été pérennisés. Pour sa part, le CDAD de Guyane avait formé le projet, il y a quelques années, de développer l'information juridique par radio, mais ce projet n'a pu aboutir. A Mayotte, des magistrats, auxiliaires de justice et avocats intervenaient sur la radio Mayotte 1re pour fournir des consultations juridiques dans un but de compréhension de l'appareil judiciaire à la fin des années 1990 puis en 2013. La seconde édition, intitulée " Faites entrer la justice ", n'a fonctionné que quelques mois, à cause de l'indisponibilité, fréquemment liée à la brièveté de leurs fonctions sur le sol mahorais, des différents protagonistes de l'émission radiophonique. Cette disparition est d'autant plus regrettable que l'émission connaissait un vif succès. Actuellement, le CDAD de Mayotte envisage de se rapprocher des télévisions et radios locales afin de diffuser régulièrement des spots en français et shimaoré sur les principales démarches à effectuer en matière de nationalité et d'état civil. On saluera également une initiative conduite à La Réunion qui perdure et mérite d'être soutenue : celle de Radio Free Dom, station de radio la plus écoutée du département, devenue au fil des années un relais indispensable de l'accès au droit et à la justice dans le département. Créée en 1981, cette radio a notamment fondé sa renommée sur l'émission " Droit de Parole " au cours de laquelle intervient Madame Aude Palant Vergoz, juriste, membre du CDAD et présidente de l'Union des consommateurs de La Réunion. Cette émission, d'une durée d'une heure, permet aux auditeurs de recevoir des conseils dans le domaine principalement du droit de la consommation (87). Radio Free Dom diffuse également sur son site internet des informations relatives aux actions menées par le CDAD réunionnais et à l'ouverture de nouveaux PAD. La CNCDH se doit de saluer de telles initiatives et d'encourager leur maintien. Elle recommande aux acteurs locaux, particulièrement à Mayotte et en Guyane, de réfléchir, dans le respect de la tradition orale et du multilinguisme propres à ces territoires, à la mise en œuvre d'actions de diffusion d'information juridique à partir prioritairement des médias locaux tels la radio et la télévision. Une telle mesure suppose un financement approprié de la part du ministère de la justice, dans le cadre des dépenses relatives à l'accès au droit.
    48. S'agissant de l'enseignement, une innovation mérite d'être saluée. A Mayotte, en 2016, la création d'un diplôme universitaire dit " Valeurs de la République et religions " a permis d'apprendre à la population l'articulation pouvant exister entre droit musulman anciennement applicable et droit commun en vigueur. Initialement destiné aux cadis, il est aujourd'hui ouvert à un large éventail de participants (fonctionnaires, société civile, étudiants…). L'objectif du diplôme est de " contribuer à une meilleure insertion de la pratique des religions dans le cadre des lois de la République ", notamment en améliorant la connaissance des normes applicables aux institutions et activités religieuses et celle des principes républicains. La CNCDH souhaite que ce diplôme soit pérennisé.
    49. D'autres actions plus ponctuelles tentent également de s'adapter au contexte de certaines collectivités ultramarines et à leurs particularités. L'une des spécificités de Mayotte et de la Guyane est l'importance de la population jeune. Selon des estimations de 2012 et 2013, à Mayotte, 60 % de la population a moins de vingt-cinq ans et en Guyane, près de 60 % de la population a moins de trente ans (88). Ainsi, il convient de s'assurer tout particulièrement de la mise à disposition d'informations à l'égard des mineurs et des jeunes adultes, afin de promouvoir leur accès au droit. A ce titre, plusieurs actions méritent d'être soulignées. Par exemple, Maître Patrick Lingibé, a pris l'initiative d'organiser, au cours de l'été 2017, un colloque sur les droits de l'enfant en présence de la Défenseure des enfants. Ce colloque, qui réunira différents acteurs, aura pour but de créer une synergie autour de la question de la prise en charge des mineurs en Guyane, afin de dégager des pistes de réflexion et de sensibiliser les autorités à cette problématique. Il sera également l'occasion de la signature, par le barreau, d'une convention ayant pour objet la constitution d'un groupe d'avocats formés spécialement à la défense des mineurs qu'ils suivront tout au long de leurs parcours, si possible par le même avocat. La CNCDH salue l'ensemble de ces initiatives.
    50. Autre action intéressante, un " passeport pour la majorité " a été initié par le CDAD de Guyane afin d'informer les jeunes atteignant la majorité de leurs droits et devoirs (89). En parallèle, le CDAD organise des visites du TGI à destination des collégiens et lycéens pour les sensibiliser aux métiers de la justice et, plus généralement, favoriser leur accès à l'information juridique. Les élèves ont également la possibilité d'assister à des audiences de comparution immédiate. A Mayotte en 2014 puis en Martinique en 2016, en collaboration avec les services de la protection judiciaire de la jeunesse, les CDAD ont mis à la disposition des établissements scolaires l'exposition " 13/18, question de justice ". Cette exposition interactive, qui permettait d'échanger avec les élèves et de leur apporter des connaissances sur la loi et la citoyenneté, s'inscrivait à la fois dans une politique d'information et de prévention. La CNCDH se félicite de ces initiatives qui mériteraient d'être renouvelées voire pérennisées pour certaines d'entre elles.
    51. Pour parer cette fois aux difficultés géographiques, et notamment rapprocher les justiciables des points d'accès au droit situés parfois à plusieurs heures de transport collectif, y compris l'avion, des initiatives originales ont été mises en place afin de leur permettre d'accéder physiquement à l'information juridique. La CNCDH a souhaité mettre en avant quelques-unes de ces initiatives.
    52. En Guyane, l'Union des jeunes avocats (UJA) a mis en place en juillet 2013 " les pirogues du droit ", ayant pour objet d'offrir gratuitement une consultation juridique aux populations des communes isolées. Durant une semaine, la pirogue a stationné dans les villages du fleuve. L'UJA a bénéficié de l'appui financier et logistique du Conseil général qui a mis à disposition les pirogues nécessaires aux déplacements et s'est assuré de la disponibilité de salles municipales dédiées aux consultations programmées dans les différentes communes. Les habitants, informés à l'avance de ces consultations, d'une durée d'une demi-journée à une journée entière, avaient la possibilité de s'inscrire sur des listes afin d'en bénéficier. Les avocats ont été sollicités essentiellement sur des questions de droit des étrangers et d'état-civil. Cette opération, qui avait mobilisé de nombreux avocats et avait permis une intervention auprès des habitants de l'ouest guyanais, n'a malheureusement pas été renouvelée. En effet, la poursuite d'une telle opération s'est avérée compliquée en raison des contraintes météorologiques et de la disponibilité totale qu'elle réclamait de la part des avocats. On saluera la décision prise par le CDAD de coordonner désormais le dispositif afin d'en favoriser la mise en place, et d'assurer le suivi régulier des demandes (90). Ainsi une nouvelle session est-elle, en principe, prévue pour l'été 2017, avec pour partenaires l'UJA et le CDAD. Elle durera, comme précédemment, une semaine et se déroulera sur quatre sites, les quatre ou cinq avocats sollicités étant rémunérés par le CDAD. A terme, il est envisagé de pérenniser la pratique (au moins une fois par an) mais aussi de la réformer afin d'y inclure les magistrats, juges du siège et membres du parquet, dans le but d'accroître l'offre d'information juridique (91). Cette réforme, que la CNCDH ne peut qu'encourager, permettrait en outre de faire bénéficier le dispositif d'un financement du ministère de la justice pour rémunérer les participants. Une fois consolidé, il pourrait également inclure des représentants d'associations, notamment d'aide aux victimes. Afin de s'assurer du succès de cette initiative, il conviendra de veiller tout particulièrement à la diffusion de l'information relative à la tenue de ces pirogues auprès de la population.
    53. Autre initiative intéressante, cette fois en Martinique, la création d'un " Justibus " (92). Dénommé " Ti tak dwa lakay-zot ", qui signifie en créole " un peu de droit chez vous ", ce mécanisme a été mis en place au mois de mars 2006. Cette permanence juridique itinérante, aménagée en bureau mobile, assure un service public au plus près des citoyens. Il constitue également un formidable outil de diffusion du droit, contribuant de la sorte à une meilleure garantie de l'égalité dans l'accès au droit. La permanence est assurée par un membre du CDAD, mis à disposition par l'UDAF (Union départementale des associations familiales). Juriste de formation, le membre informe et oriente les citoyens. Le Justibus permet à chacun, et notamment aux plus démunis, de bénéficier d'une information générale sur ses droits et obligations, d'une aide dans l'accomplissement des démarches y afférentes, et de consultations juridiques gratuites délivrées par des professionnels du droit (avocats, huissiers ou notaires). Des plannings, affichés au tribunal de grande instance à Fort de France, dans les mairies et les antennes de justice, informent les justiciables du passage du bus. Ces plannings sont également disponibles sur le site du CDAD. Cinq permanences d'une matinée, voire d'une journée, sont organisées chaque semaine dans différents lieux.
    54. En conclusion, au vu de l'ensemble des éléments exposés ci-dessus, et en raison de l'insuffisance des pratiques actuelles au regard des besoins réels des citoyens ultramarins, la CNCDH recommande la réalisation d'une étude d'impact par le ministère de la justice dans les douze territoires ultramarins. Cette étude, qui pourrait se faire à l'aide de statistiques, sondages et enquêtes de terrain, permettrait d'évaluer la connaissance par les citoyens ultramarins des normes juridiques en vigueur, et des différentes institutions leur permettant de faire valoir leurs droits. Sur le fondement de cette étude, la CNCDH recommande au ministère de la justice de conduire une réflexion globale visant à repenser la structuration de l'offre d'accès au droit et à la justice dans les outre-mer, en évitant toute approche uniforme, calquée sur la situation de la métropole. Pour mener à bien une réforme de cette envergure, il importera de s'appuyer sur les initiatives locales ayant fait leur preuve, de les renforcer, de les multiplier en fonction des besoins de chaque population concernée, de fédérer les acteurs locaux pour une meilleure coordination de leurs actions, mais aussi et surtout d'augmenter significativement les budgets alloués à l'accès au droit et à la justice dans les outre-mer.

    II. - L'accès à la justice et à une justice de qualité

    55. La multiplicité des difficultés constatées dans la connaissance du droit et de l'institution judiciaire par les populations ultramarines conduit mécaniquement à un second constat, dressé à plusieurs reprises devant la CNCDH : le recours au juge y est plus rare qu'en métropole, même si le phénomène est impossible à chiffrer. A notre connaissance, aucune réflexion sur la corrélation existant entre les deux constats n'a à ce jour été menée par le ministère de la justice. A ce titre, la CNCDH recommande au ministère de la justice la mise en place d'une telle réflexion, point de départ essentiel à la mise en œuvre effective d'un accès à la justice pour tous les citoyens ultramarins. Il est bien d'autres obstacles que le seul manque d'information juridique sur le chemin parcouru par le justiciable ultramarin pour accéder au juge, tous liés au contexte local (A). De plus, une fois ceux-ci franchis, ce même justiciable se voit fréquemment confronté à des difficultés liées au fonctionnement même de la juridiction saisie. Et c'est particulièrement vrai, une fois encore, en Guyane et à Mayotte (B).

    A. - Les réalités locales, obstacles à l'accès à la justice

    55. A l'issue des auditions conduites par la CNCDH, il est apparu que trois raisons principales peuvent expliquer les difficultés rencontrées par les justiciables pour accéder au juge : une organisation judiciaire inégalement répartie sur les territoires d'abord (1), des difficultés liées à la détermination postale ensuite (2), et une aide juridictionnelle défaillante enfin (3).

    1. L'éloignement des structures

    56. Quelques chiffres pour commencer : pour près de 2 600 000 citoyens ultramarins, le service public de la justice comprend actuellement 343 magistrats et 925 fonctionnaires de justice (93). Néanmoins, les différents acteurs ne sont pas répartis de façon égale sur les territoires ultramarins. Aussi des remèdes inégalement efficients ont-ils été trouvés pour rapprocher, notamment, le justiciable du juge.
    a) L'inégale répartition des juridictions
    57. A Mayotte, si la départementalisation a impliqué une transformation et une restructuration de l'organisation administrative et judiciaire conformément à la tradition républicaine (94), celles-ci semblent avoir été mal anticipées, notamment en matière budgétaire (95). Mayotte conserve ainsi quelques singularités qui préjudicient à un accès effectif à la justice. Premier constat, elle est la seule collectivité relevant de l'article 73 de la Constitution qui ne constitue pas un ressort de cour d'appel. Il n'existe qu'une chambre détachée de la cour d'appel qui se trouve à… Saint-Denis de La Réunion. Cette singularité est particulièrement regrettable ne serait-ce que pour la définition d'une politique pénale propre au territoire, et normalement mise en œuvre par le parquet général. En 2012 déjà, un rapport du Sénat faisait état des difficultés de fonctionnement de la chambre de l'instruction de la cour d'appel (96) dues à son éloignement géographique par rapport à la cour d'appel située à La Réunion, qui semblent perdurer. La CNCDH rappelle la recommandation exprimée par le Sénat de " mettre en place, à moyen terme, une cour d'appel à Mayotte, en lieu et place de la chambre d'appel détachée de la Cour d'appel de La Réunion ". La CNCDH invite le ministère de la justice à engager une réflexion sur cette proposition qui permettrait au justiciable d'exercer de manière plus effective son droit à un juge du second degré et répondrait aux spécificités de la situation Mahoraise. Une telle création apparaît néanmoins difficile compte-tenu du coût engendré, par rapport à un volume de contentieux probablement faible.
    58. En Guyane, mis à part la chambre détachée du TGI de Cayenne qui se trouve à Saint-Laurent-du-Maroni (97), l'accès au juge est rendu très difficile par l'éloignement géographique dès lors que toutes les institutions judiciaires sont concentrées à Cayenne (98). Pour le justiciable guyanais, le déplacement vers Cayenne suppose l'engagement de frais de transport et d'hébergement dissuasifs pour lui. En outre, l'horaire nécessairement matinal de certaines audiences peut conduire à un taux élevé de décisions réputées contradictoires, même si, comme cela a été rapporté à la CNCDH, devant les juridictions civiles, les justiciables, plus respectueux des convocations judiciaires, se présentent autant qu'ils le peuvent aux audiences malgré la distance (à condition qu'ils en aient été informés). La situation est nettement différente devant le juge pénal, où, il est quasiment impossible de s'assurer de la présence d'une victime aux audiences de comparution immédiate compte tenu des délais très courts dans lesquels les audiences sont organisées. A ce titre, il faut saluer l'important effort de coordination effectué conjointement par le parquet de Cayenne, le bureau d'aide aux victimes et le CDAD, pour s'assurer que les victimes sont informées des démarches à opérer pour faire valoir leurs droits ainsi que de la date des audiences (99), effort qu'il convient de maintenir. La situation financière de ces victimes, l'ignorance de la date et de la tenue des audiences en raison des difficultés de détermination d'adresse postale (100), ainsi que les contrôles effectués sur les axes routiers sont également des facteurs qui entrent en jeu pour expliquer leur absence fréquente aux audiences (101).
    59. En outre, à partir de 2008, en l'absence d'un conseil des prud'hommes, faute de candidats et donc d'élections des conseillers prud'homaux, le contentieux du droit du travail a été délaissé. La situation s'est un peu améliorée en 2012 à la suite de la décision, prise par l'ancien premier président de la cour d'appel, de déléguer la fonction à un juge d'instance, délégation devenue depuis, quasi permanente. Il semblerait qu'une telle situation ait vocation à perdurer au moins jusqu'en 2018 (102). Pour autant, les conséquences de celle-ci sont graves dès lors qu'on observe une déjudiciarisation de fait du contentieux conduisant à l'impunité des entreprises. Ainsi, même après 2012, de multiples violations des droits des travailleurs liées à l'exploitation aurifère illégale continuent à échapper à la justice. De plus, par ricochet, cela a entraîné des retards dans le contentieux d'instance qui est un contentieux de proximité. A ce titre, la CNCDH souhaite tout particulièrement que la situation ne perdure pas au-delà de 2018 et que soit assurée la recomposition rapidement de la juridiction avec la mise à disposition de locaux expressément dédiés à ce contentieux.
    b) De quelques remèdes apportés à l'éloignement du juge
    60. Audiences foraines et chambres détachées sont les principaux moyens de lutter contre l'éloignement géographique du juge.
    61. Des audiences foraines ont ainsi été instaurées en Guyane (103). Trimestrielles, elles sont en principe organisées à Grand-Santi, Papaïchton et Maripasoula, pour une durée variant entre deux jours et une semaine. Leur organisation implique une importante préparation en amont, pour les déplacements et l'hébergement de la délégation -composée d'un représentant du siège, du parquet et d'un greffier- ainsi que pour la convocation des justiciables et leur accueil au sein des mairies des communes. Les justiciables sont informés de la tenue de ces audiences par lettre recommandée ou par l'intermédiaire du représentant de chaque mairie qui dispose d'une liste des personnes convoquées. Le CDAD lors de ses déplacements dans l'intérieur de la Guyane informe les justiciables de la tenue des audiences et du déroulement des procédures. Mises en place dans un premier temps afin de traiter des contentieux liés à la nationalité, ces audiences foraines servent aujourd'hui à pallier l'absence de juges spécialisés à la chambre détachée de Saint-Laurent-du-Maroni. C'est notamment le cas pour le contentieux relatif aux mineurs. A ce jour, les audiences foraines sont difficiles à organiser (elles sont même actuellement suspendues) en raison de coûts de déplacement et d'hébergement des magistrats qui ne sont pris en charge que partiellement (104), et également des problèmes de sécurité. La CNCDH estime que, pour remédier aux difficultés de financement actuelles, les magistrats itinérants pourraient, dans un premier temps, se rapprocher des pirogues administratives gérées par la préfecture (105), à condition que l'anticipation de telles missions et leur coordination par les magistrats et les services préfectoraux (106) soient effectives. Dans un second temps, et sur le long terme, le ministère de la justice devra régler, outre ces problèmes de sécurité, ces difficultés financières (107).
    62. A l'instar de la Guyane, et en raison de l'éclatement des territoires, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, l'accès à la justice passe également par des actions menées au plus près des justiciables (108) et en premier lieu des audiences foraines. En Polynésie française, ce sont les deux juges affectés aux deux sections détachées du tribunal de première instance de Papeete qui composent ces audiences. Les déplacements en audiences foraines se font sur les principales îles et plusieurs fois par an. Le code de procédure civile polynésien prévoit la possibilité de former une requête verbale dans tous les contentieux relevant des audiences foraines (109), ce qui permet au magistrat d'être saisi oralement et directement à l'occasion de ces audiences. Malheureusement, comme en Guyane, l'existence de ces audiences foraines semble menacée par des problèmes budgétaires, alors même que celles-ci garantissent aux populations ultramarines un égal accès à la justice.
    63. Pour leur part, les chambres détachées remédient, elles aussi, à l'éloignement du juge. Il en a ainsi été créé dans les principales juridictions civiles en Nouvelle-Calédonie (110), Polynésie française (111) et à Saint-Martin (112). En Guyane, en 2013, une chambre détachée du tribunal de grande instance de Cayenne a été créée à Saint-Laurent-du-Maroni. Elle traite par délégation de la plupart des contentieux intéressant les justiciables de l'ouest de la Guyane, et plus particulièrement des affaires familiales et des demandes de jugement déclaratif de naissance (113). Cependant, non seulement elle n'est que composée que de deux juges (114) mais aussi elle ne comporte aucun juge spécialisé (115). De plus, très peu d'interlocuteurs sont présents sur place : seulement deux avocats, aucun huissier de justice, aucun médiateur civil… En conséquence, cette chambre peine à trouver sa place même si les audiences sont maintenues. Autre grave difficulté, l'impossibilité pour les magistrats de faire exécuter leurs décisions en raison également de l'absence des services adéquats (service pénitentiaire d'insertion et de probation [SPIP], protection judiciaire de la jeunesse [PJJ], foyers pour enfants en danger et aide sociale à l'enfance [ASE]). De telles carences empêchent tout recours effectif à la justice pour l'ensemble de l'ouest guyanais.
    64. Si le syndicat de la magistrature a prôné la création d'un TGI à Saint-Laurent-du-Maroni en lieu et place de l'actuelle chambre détachée (116), le premier président de la cour d'appel de Cayenne considère pour sa part qu'implanter un tribunal de grande instance de plein exercice à Saint-Laurent-du-Maroni n'est aucunement une nécessité dès lors que l'activité judiciaire ne progresse pas et a même plutôt tendance à décroître dans plusieurs contentieux, malgré la hausse de la population dans l'ouest guyanais (117). Le haut magistrat estime qu'il conviendrait d'abord de développer l'accès au droit auprès de la population pour qu'elle sollicite davantage les juges de la chambre détachée, avant d'envisager la création d'un tribunal de grande instance de plein exercice à Saint-Laurent-du-Maroni. Finalement, l'accord de Guyane, adopté le 21 avril 2017 à la suite d'importants mouvements sociaux, prévoit la création d'un TGI dans la commune afin de remédier à l'absence de juges spécialisés. La CNCDH, malgré les réserves émises quant à l'opportunité d'une telle création, recommande néanmoins la mise en place d'un TGI à Saint-Laurent-du-Maroni, conformément à l'accord de Guyane, et souligne que l'ensemble des institutions judiciaires, y compris les auxiliaires de justice, doit y être associé afin d'assurer un bon fonctionnement de la juridiction. De plus, la CNCDH recommande au ministère de la justice de proposer rapidement une feuille de route pour la création du TGI (échéancier, financement…) afin que la continuité entre l'ancien gouvernement, signataire de cet accord, et le nouveau, soit assurée.
    65. Toutefois, comme l'écrit le Syndicat de la magistrature, et la CNCDH se joint à ce constat, " les rares dispositions spécifiques qui permettent au juge de se rapprocher des habitants (chambres détachées, audiences foraines) sont aujourd'hui menacées par des contraintes budgétaires. " En effet, un obstacle réglementaire empêche le remboursement intégral des frais de déplacement des magistrats lorsqu'ils assurent les audiences foraines ou composent les chambres détachées, les contraignant à refuser d'assurer ces fonctions (118). La CNCDH déplore d'autant plus le poids de ces contraintes budgétaires, qu'elles privent de tout accès à un juge les populations les plus isolées et les plus fragiles. Elle souhaite attirer l'attention du ministère de la justice sur cette situation en lui recommandant de prendre un nouvel arrêté sur les conditions et modalités de remboursement des frais engagés par les magistrats et les greffiers, dans le but de l'adapter aux réalités locales ultramarines et au coût de la vie, plus élevé qu'en métropole (en Guyane, la différence est estimée à 40 %).

    2. Les difficultés de détermination de l'adresse postale et d'acheminement du courrier

    66. Même si elle excède le champ du seul accès à la justice pour affecter l'ensemble des services publics, on constate que, notamment en Guyane et à Mayotte, la domiciliation problématique des justiciables en raison tant de la spécificité de l'habitat local que d'un découpage foncier non abouti, fait obstacle à un accès effectif à la justice. Trop souvent, les convocations, faute de pouvoir être délivrées aux justiciables concernés, sont renvoyées à la juridiction pour défaut d'adresse du destinataire. Ces situations entraînent un fort taux d'absence à l'audience (119), les parties n'ayant pas reçu leurs convocations. Par conséquent, tant en Guyane qu'à Mayotte, les procédures par défaut, au civil comme au pénal, sont fréquentes (il est très difficile de s'assurer de la preuve de l'information reçue par les justiciables) et les décisions contradictoires à signifier (au pénal) ou réputées contradictoires (au civil) sont également nombreuses.
    67. En Guyane, aux difficultés posées par la présence de logements sauvages et campements illégaux, viennent s'ajouter des problèmes d'homonymie, une très forte mobilité de la population (qui n'effectue pas toujours le transfert postal) et des dysfonctionnements de la Poste (longs délais d'acheminement). En outre, nombre de villages n'étant pas accessibles en voiture faute de routes praticables, les distributions par les agents de la Poste se font en début de piste dans des dizaines voire des centaines de boîtes aux lettres, regroupées en masse (120). Sans compter le fait que de nombreuses personnes ne disposent pas même d'adresse pour des raisons pécuniaires (121). Enfin, au-delà de ces difficultés, on observera que la remise des citations est rendue difficile par le manque d'huissiers, ceux-ci étant concentrés à Cayenne. Aussi ce manque est-il compensé par l'intervention de gendarmes ou agents de la mairie, assermentés ayant pour mission de notifier les assignations aux justiciables.
    68. S'agissant de Mayotte, le cadastre y est complètement défaillant, et le grand nombre de bidonvilles, installés notamment autour de Mamoudzou, pose de nombreuses difficultés à l'institution judiciaire pour s'adresser aux justiciables. A ce titre, le Plan Mayotte 2025 a prévu une mesure visant à " faciliter l'accès au droit " " en arrêtant un schéma de domiciliation pour les personnes ne disposant pas d'adresse " (122). La CNCDH salue l'adoption de ce plan et invite les pouvoirs publics à le mettre rapidement et effectivement en œuvre. Eu égard aux contentieux portant sur la nationalité (tribunal d'instance) et la rectification des actes d'état civil (tribunal de grande instance), une pratique réaliste s'est développée : la convocation par téléphone (par exemple, pour informer le justiciable d'une convocation ou du prononcé d'une décision de justice le visant ou encore de l'absence de certains documents) suivie d'un accueil au tribunal par un vacataire qui, dans le cas d'une décision de justice, la remet à l'intéressé en personne contre signature (123). En outre, au pénal, les victimes sont réavisées par le greffe et les prévenus sont cités par voie d'huissier (124). De même, au civil, les parties sont elles aussi réavisées par le greffe qui autorise parfois les demandeurs à faire citer les défendeurs par voie d'huissier (notamment pour le contentieux des affaires familiales) (125). Ces pratiques réalistes démontrent bien l'impérieuse nécessité pour l'autorité judiciaire de recourir à des moyens pragmatiques pour s'assurer que les justiciables ont connaissance, notamment de leur convocation, et pourront ainsi assister aux audiences.
    69. Si les codes de procédure civile et de procédure pénale se sont longtemps avérés contraignants en imposant le plus souvent le recours aux convocations par lettre recommandée ou lettre recommandée avec demande d'avis de réception, on saluera les réformes récentes, tant en matière civile (126) que pénale (127), de la transmission de convocations, d'avis ou autres documents adressés à des justiciables. Désormais, les justiciables pourront ainsi être convoqués ou recevoir des avis ou documents par voie électronique (étant entendu courriels ou SMS), tant en matière civile que pénale. Cette généralisation du recours à la communication électronique permet d'assurer une réception en principe quasi instantanée des envois, et ce dans l'intérêt des justiciables, en évitant le recours à des envois postaux qui peuvent présenter des inconvénients conduisant aux difficultés exposées ci-dessus, une lourde charge financière pour les juridictions mais aussi en termes de ressources humaines.
    70. La CNCDH considère que ces nouveaux outils mériteraient d'être davantage développés dans les outre-mer (mais également en métropole), à l'instar de l'information transmise par le biais téléphonique (comme c'est notamment et actuellement le cas dans une moindre mesure à Mayotte). Néanmoins, le recours à la voie électronique ne saurait être envisageable dans tous les outre-mer, et notamment en Guyane et à Mayotte où il est incontestablement inadapté (128). En effet, en Guyane, la fracture numérique entre le littoral et le reste du département est incontestable, d'autant que dans les communes les plus isolées, l'alimentation en électricité n'est ni continue ni fonctionnelle. De même, à Mayotte, l'accès à un ordinateur et à internet reste inaccessible à une large partie de la population. Toutefois, dans l'un et l'autre des territoires, l'utilisation du téléphone portable est, lui, très démocratisé. En Guyane, contacter le justiciable par voie de SMS serait particulièrement adapté (129), mais seulement à condition que la couverture téléphonique fonctionne sans interruption et que les réseaux ne soient plus aléatoires. En outre, dans l'ouest guyanais, une partie de la population ne disposant que d'un abonnement téléphonique étranger (surinamais), il faudrait que les juridictions acceptent de prendre en charge un coût qui peut s'avérer plus élevé. A Mayotte, les interlocuteurs interrogés par la CNCDH ont également considéré qu'une telle possibilité serait un gros avantage pour pouvoir contacter et convoquer les justiciables. Néanmoins, dans l'un et l'autre des territoires, même avec ce moyen de communication, les difficultés liées à l'illettrisme et à une mauvaise compréhension du français persisteraient. En outre, pour des raisons financières, les abonnements ne pouvant parfois être renouvelés, les changements de numéros s'enchaînent, ce qui empêche d'assurer une continuité dans le contact des justiciables. La CNCDH recommande au ministère de la justice de mener une réflexion approfondie sur la possibilité d'utiliser le SMS comme un nouveau mode de communication pour contacter les justiciables tout en conservant les modes classiques. Il conviendra de s'assurer que les juridictions mahoraises et guyanaises mobilisent tous les modes de communication avec les justiciables (courriers, sms, appels téléphoniques voire emails) en s'assurant particulièrement de la compréhension des messages, pouvant nécessiter notamment une traduction (130). S'agissant tout particulièrement de l'envoi par SMS, il sera indispensable au préalable de s'assurer prioritairement de la bonne réception et la bonne compréhension de son contenu. Evidemment, le développement de ces moyens de communication ne peut être assuré sans un financement approprié tant des nouveaux coûts ainsi engendrés et de la diversification du travail des greffes.

    3. Les défaillances de l'aide juridictionnelle

    71. Un accès effectif à la justice implique que les personnes les plus démunies puissent bénéficier de l'assistance gratuite d'un avocat (131) lorsqu'elles saisissent un juge pour faire valoir leurs droits. En raison d'indices socio-économiques particulièrement faibles, l'aide juridictionnelle est très développée dans les outre-mer (132), mais selon des modalités diverses (133). Les difficultés rencontrées dans sa mise en œuvre semblent nombreuses, tant pour les avocats que pour les justiciables. Néanmoins, des informations contradictoires ont été apportées à la CNCDH, certains considérant que l'aide juridictionnelle fonctionne relativement bien, quand d'autres mettent en cause son fonctionnement : constitution difficile des dossiers, bureaux d'aide juridictionnelle défaillants, délais très longs de paiement des avocats dont, au surplus, l'ensemble des frais engagés ne seraient pas pris en compte.
    a) La situation des avocats
    72. Sur l'ensemble du territoire de la République, l'aide juridictionnelle constitue l'essentiel de la dépense prévue pour la mise en œuvre de la politique d'accès au droit et à la justice : 90 % du budget du programme 101 sont attribués à la " mission justice " (134) (dont il faut souligner l'augmentation des crédits alloués pour les territoires ultramarins ces dernières années). Toutefois, seuls 2 % du budget total dédié à l'aide juridictionnelle sont consacrés aux outre-mer (soit six millions d'euros) : entre 0,4 % et 0,5 % est accordé pour chaque barreau ultramarin (135).
    73. Les particularités géographiques et autres spécificités de certains territoires d'outre-mer ont pour conséquence d'exposer les avocats à des frais qui ne sauraient être comparés à ceux des avocats exerçant en métropole (136). La référence à des paiements insuffisants et tardifs (137) a été faite à de multiples reprises lors des auditions menées par la CNCDH, une insuffisante prise en compte des réalités géographiques des outre-mer étant régulièrement dénoncée. L'aide juridictionnelle n'intègre pas le remboursement des frais supplémentaires de déplacement, d'hébergement et de restauration occasionnés par ces réalités, à une exception près (138). La plupart des avocats étant installés dans les chefs-lieux des territoires ultramarins, ils doivent effectuer plusieurs heures de voiture, de pirogue, de bateau, d'avion même, pour se rendre dans un lieu de garde-à-vue ou une juridiction. Par exemple, un avocat de Cayenne se rendant à la chambre détachée de Saint-Laurent-du-Maroni doit effectuer un aller-retour de plus de 500 km dont les frais de transport, de repas et d'hébergement (car il est difficile de faire un aller-retour dans la même journée) demeurent à sa charge. Une telle situation est particulièrement regrettable puisqu'en Guyane par exemple 80 % des avocats interviennent au titre de l'aide juridictionnelle. Au total, et d'une manière générale, les coûts ainsi engendrés y sont si démesurés que les refus de la part des barreaux d'effectuer ces déplacements se multiplient, une telle situation étant inacceptable pour que les droits de la défense des justiciables soient pleinement assurés. Pour parer à ces difficultés, la CNCDH considère que le ministère de la justice doit revoir sa législation actuelle en la matière pour l'ensemble des territoires ultramarins afin que les frais de déplacement, de repas et d'hébergement des avocats leur soient remboursés. La situation actuelle, qui porte gravement préjudice aux justiciables ultramarins, ne saurait perdurer davantage. Néanmoins, une telle réforme législative ne saurait viser de la manière tous les outre-mer. Le ministère de la justice doit impérativement prendre en compte dans la détermination des montants à rembourser les distances géographiques et le coût de la vie de chaque territoire ultramarin. A cette fin, la CNCDH recommande d'intégrer au sein du budget de l'aide juridictionnelle (programme 101 " Accès au droit et à la justice ") un volet spécifique pour les barreaux des outre-mer, qui permettrait de prendre en compte ces difficultés, sans commune mesure avec celles de la métropole.
    b) La situation des justiciables
    74. Le recours à l'aide juridictionnelle est compliqué pour le justiciable : les avocats sont parfois trop peu nombreux (139), la possibilité de retirer le dossier en ligne est difficile car la couverture internet est limitée, et les bureaux d'aide juridictionnelle sont localisés dans le TGI qui se trouve lui-même dans le chef-lieu (distance géographique, horaires d'ouverture insuffisants…) (140). Aussi, y compris par ignorance du mécanisme, les justiciables se présentent-ils souvent non assistés (au moins à la première audience).
    75. A Mayotte, le dysfonctionnement principal concerne le bureau d'aide juridictionnelle (BAJ). Actuellement, il n'est ouvert que deux matinées par semaine, ce qui est clairement insuffisant au regard de la population de Mayotte et du nombre potentiel de bénéficiaires de l'aide juridictionnelle. En outre, depuis plusieurs mois déjà, l'unique personne qui y travaille ne disposant plus d'un local dédié, les dossiers sont traités à l'accueil du Tribunal de grande instance de Mamoudzou (141). Plus généralement, d'autres dysfonctionnements de ce BAJ ont été dénoncés à la CNCDH : les agents en charge du traitement des dossiers ne seraient pas suffisamment formés et les formulaires mis à disposition des justiciables seraient incomplets. En outre, il arrive parfois que des personnes se déplaçant depuis le sud de l'île jusqu'à Mamoudzou se voient refuser l'enregistrement de leur demande au motif que le système informatique est défaillant ou encore que le quota de personnes accueillies dans la journée est atteint… La CNCDH considère qu'une telle situation porte atteinte aux principes de continuité du service public et d'égalité de tous devant la loi. De plus, si certains dossiers déposés en dehors des deux matinées d'ouverture du BAJ sont admis, mais sans la preuve du dépôt, d'autres sont refusés, ce qui oblige le justiciable, souvent éloigné, à revenir un autre jour. Dans la mesure où les horaires sont aussi restreints, il serait nécessaire que le BAJ accepte de recevoir les dossiers mais surtout fournisse un récépissé au demandeur. Quant aux décisions de rejet ou d'admission de la demande d'AJ, elles font l'objet d'une notification par courrier simple, et non avec accusé de réception, ce qui, vu l'ampleur des problèmes de domiciliation précédemment exposés, ne saurait perdurer. En revanche, il semble que les demandes d'aide juridictionnelle soient accueillies avec souplesse.
    76. En Guyane, la longueur excessive des délais d'instruction de la demande d'AJ -parfois jusqu'à un an - (142)a longtemps constitué un problème majeur. Aujourd'hui, selon le bureau d'aide aux victimes, les délais sont devenus plus raisonnables (143).

    B. - Le fonctionnement défectueux des juridictions

    77. Durant les auditions, quatre difficultés ont été spécialement pointées : les conditions matérielles d'accueil des justiciables, les moyens humains de la justice, les expertises et l'interprétation et les contentieux spécifiques.

    1. Des conditions matérielles d'accueil des justiciables et des professionnels du droit souvent déplorables

    78. La faiblesse des moyens immobiliers de la justice judiciaire est criante, à Mayotte comme en Guyane. A ce propos, à plusieurs reprises, les personnes entendues par la CNCDH ont souligné préalablement que l'approche immobilière des structures et institutions judiciaires ne tenait pas suffisamment compte des spécificités ultramarines, et notamment des conditions climatiques (144). Aussi la CNCDH enjoint-elle au Gouvernement et au Parlement de mener une réflexion approfondie avec les acteurs concernés pour que la construction à venir des infrastructures judiciaires prenne davantage en compte les contraintes climatiques.
    79. S'agissant de Mayotte, en 2012, un rapport sénatorial considérait que " malgré des progrès indéniables liés à la départementalisation, les conditions d'accueil et la qualité des locaux sont inacceptables et préjudiciables à l'autorité de la justice " (145). Force est de constater, à regret, que ce constat est encore vrai aujourd'hui. Le tribunal de grande instance, situé en banlieue de Mamoudzou, au cœur d'une zone industrielle (146), est matériellement très difficile d'accès sans un moyen de locomotion individuel (on rappellera qu'il n'y a pas de transport en commun sur l'île). Cependant, un nouveau bâtiment dont les importants travaux ont été achevés en juillet 2016, est venu compléter les deux anciens bâtiments. Mais la cour d'appel s'est engagée à verser un loyer pendant quinze ans pour ce nouveau tribunal, alors que le montant total de la location excède largement le coût qu'aurait coûté la construction d'une cité judiciaire au centre de Mamoudzou. Dans un rapport de 2014, le syndicat de la magistrature s'est donc interrogé sur les choix budgétaires de l'Etat qui refusait d'investir dans la construction d'un nouveau palais de justice alors qu'il aurait pu accueillir un nouveau tribunal sur des terrains lui appartenant (147). Ce constat ayant conservé toute son actualité, la CNCDH se joint aux interrogations syndicales. Ainsi, elle recommande qu'une réflexion approfondie soit conduite sur la construction d'une cité judiciaire à Mayotte, qui regrouperait l'ensemble des juridictions et services attenants en un seul et même lieu.
    80. S'agissant de la sécurité des bâtiments, qui posait gravement question, la CNCDH se félicite (148) que des travaux aient été menés et achevés au début de l'année 2017. Mais, si la construction de ce nouveau bâtiment constitue une amélioration notable pour les justiciables, des insuffisances demeurent liées notamment à des défauts de conception.
    81. Le rapport sénatorial précité (149) précisait qu'il n'existait en 2012 qu'une seule salle d'audience utilisée à la fois par le TGI et la chambre d'appel, mais cette dernière, depuis son déménagement dans un autre bâtiment, dispose désormais d'une salle d'audience propre. Le rapport dénonçait également le fait qu'une seule salle étant prévue pour les avocats et leurs clients, les éducateurs de la PJJ et les agents du SPIP, la confidentialité des relations entre les avocats et leurs clients n'était pas assurée. Les sénateurs préconisaient l'installation de nouveaux locaux, différents, pour les avocats, le SPIP et les éducateurs mais cette préconisation est restée sans effet. La CNCDH regrette ce statu quo et demande instamment au ministère de la justice de mettre immédiatement en place cette mesure. Quant aux avocats, dénonçant de graves difficultés dans les conditions de leur accueil (150), ils ont appelé au boycott de la rentrée judiciaire d'octobre 2016.
    82. Enfin, les logiciels et matériels informatiques mis à disposition du personnel judiciaire sont très en deçà des moyens dont auraient besoin les juridictions ultramarine (151), même si la situation des juridictions métropolitaines mériterait également d'être considérablement améliorée sur ce point. Par exemple, le TGI de Mamoudzou est la dernière juridiction de France à ne pas bénéficier du logiciel CASSIOPEE (152) pourtant essentiel dans l'information des victimes et dans l'amélioration du délai de traitement des procédures, particulièrement long à Mayotte. Le logiciel devrait néanmoins être installé en septembre 2017, ce dont la CNCDH se réjouit tout en veillant à l'effectivité de cette installation.
    83. Si la situation à Mayotte, très dégradée, est loin d'assurer une justice de qualité suffisante pour le justiciable, il semble que celle des juridictions de Cayenne ne soit pas plus enviable. Le tribunal d'instance de Cayenne est mal configuré et d'importantes questions de sécurité et d'accueil des justiciables restent en suspens. La salle d'audience, inadaptée car trop petite (80 places maximum), pose en plus de graves problèmes de sécurité en cas d'incendie, une évacuation rapide étant impossible. Par ailleurs, le bâtiment, qui comporte trois étages mais aucun ascenseur, est totalement inaccessible aux personnes en situation de handicap. Enfin, certains services sont si saturés qu'ils dysfonctionnement gravement (153).
    84. Au tribunal de grande instance, l'insécurité des justiciables et du personnel judiciaire a été également dénoncée (154), notamment par la commission de sécurité préfectorale qui, en 2014, a émis un " avis défavorable à la poursuite de l'activité " du tribunal au motif que " l'état du bâtiment présente beaucoup de danger pour le public et les agents " (155). Malgré les alarmes lancées par divers rapports successifs, il a fallu attendre plusieurs années pour qu'un programme de rénovation de l'immeuble abritant le TGI soit engagé. Les travaux ont commencé en juin 2016 et devraient se terminer, au mieux, en 2018. La CNCDH recommande donc qu'une attention accrue soit portée aux recommandations portées par les commissions de sécurité. Néanmoins, malgré l'engagement de ces travaux, les conditions d'accueil restent déplorables tant pour les professionnels que pour les justiciables. En outre, l'absence d'un local dédié aux avocats pose de graves problèmes de confidentialité. Le juge des enfants, pour sa part, dispose d'une salle d'attente commune aux mineurs suivis en assistance éducative et aux mineurs pénalement poursuivis, et qui de plus jouxte la salle d'audience correctionnelle où circulent des majeurs menottés et escortés. Enfin, si le bâtiment qui abrite la cour d'appel pose moins de difficultés, ses locaux et installations étant dans un état satisfaisant (156), il est, comme les autres institutions à Cayenne, inadapté dès lors qu'il ne possède pas de salle d'audience affectée à la cour d'assises, ni de circuit de circulation réservé aux détenus.
    85. De plus, comme à Mayotte, s'ajoutent des problèmes matériels de disponibilité des bureaux, de manque de photocopieuse (une seule est partagée par quatre services) ou encore d'ancienneté des ordinateurs, l'utilisation de portables ne datant que de 2016. L'accès à l'inter/tranet est limité parce que trop lent, les visioconférences (sans haute définition) sont incertaines et les salles d'audiences ne sont pas sonorisées. Sans compter des problèmes occasionnels de pannes d'électricité et d'infiltrations d'eau.
    86. En effet, pour répondre à ces nombreux maux, la création d'une cité judiciaire dont tous s'accordent à dire qu'elle est absolument indispensable (157) est envisagée depuis plus de vingt ans. L'accord de Guyane, adopté le 21 avril 2017, acte enfin la construction de cette cité tant attendue. Néanmoins, on ne peut que s'interroger sur la viabilité et la faisabilité d'un tel projet dès lors qu'aucune modalité de mise en œuvre (budget, échéancier…) n'a été envisagée (158). La CNCDH, qui recommande fortement la construction de cette cité judiciaire, veillera donc, avec une attention particulière, à ce que les engagements pris avant les dernières élections soient tenus par le nouveau gouvernement (159). Dans l'attente d'une telle construction, la CNCDH recommande au ministère de la justice de débloquer rapidement des fonds pour remédier aux dysfonctionnements des différentes juridictions et effectuer les aménagements nécessaires afin que l'accessibilité, la sécurité et l'accueil de tous, justiciables, avocats, magistrats, fonctionnaires et auxiliaires de justice, soient enfin assurés.

    2. Une politique de ressources humaines à améliorer

    87. Les difficultés rencontrées par le ministère de la justice dans les affectations des magistrats et fonctionnaires au sein des juridictions ultramarines ont longtemps fait écho à celles qui peuvent être rencontrées dans l'Hexagone et d'une manière générale dans l'ensemble de la fonction publique d'Etat (attrait variable des postes offerts, forte rotation des personnels, faible mobilité des agents " locaux "…) (160). C'est pourquoi " la direction des services judiciaires a développé depuis plusieurs années des dispositifs d'information afin de développer l'attractivité de ces destinations, notamment à l'attention des auditeurs de justice lors de leur formation à l'Ecole nationale de la magistrature " (161). De même, le Plan Mayotte 2025 dans un objectif plus général visant à " Achever la départementalisation de manière adaptée et progressive ", souhaite " améliorer l'organisation des juridictions ", notamment " en mettant en place des mesures incitatives afin d'améliorer l'attractivité du territoire pour les professions judiciaires " (162). La CNCDH salue ce vœu et veillera à sa réalisation pleine et entière.
    88. Depuis 2007, la direction des services judiciaires (DSJ) propose des postes dans les outre-mer aux auditeurs de justice, et ce en raison de la pénurie de candidats survenue auparavant pour certains postes (163). Le ministère de la justice relève que la situation en termes de postes vacants n'est pas pire qu'en métropole -elle est même parfois meilleure-, en l'absence de vacance de poste, en raison de l'effort fourni par la DSJ à cet égard (en son sein, des équipes, en proportion plus nombreuses que celles de la métropole, sont spécifiquement dédiées aux ressources humaines des juridictions ultramarines), ce dont la CNCDH se félicite. Cette situation très nouvelle peut néanmoins dissimuler des disparités entre ressorts de cour d'appel (164) ainsi qu'une mauvaise répartition du travail entre magistrats, certains juges spécialisés étant surchargés (165) et certains contentieux étant sous-estimés (166). En outre, si le nombre de magistrats est parfois suffisant en juridictions, ce n'est pas le cas de celui des fonctionnaires chargés de les assister (personnes de catégories C et greffiers). La Guyane en est un exemple, étant en plus observé que parfois les compétences mêmes de ces derniers sont remises en cause.
    89. Il est également ressorti de plusieurs auditions que les dimensions culturelles et les particularités sociales de la Guyane et de Mayotte n'étaient pas suffisamment enseignées aux magistrats métropolitains primo-arrivants, avant leur prise de fonctions. Or, afin d'assurer un fonctionnement de qualité de la justice ultramarine, il est impératif de tenir compte de l'ensemble de ces spécificités, y compris de la diversité institutionnelle des territoires qui, si elle est un facteur indéniable de complexité juridique pour les justiciables (167), l'est également pour les magistrats (168) et auxiliaires de justice, requérant de leur part un surcroît de travail de mise à jour. De plus, la connaissance des cultures locales peut s'avérer cruciale pour gérer les contentieux, notamment en matière familiale ou pénale. Le constat ainsi dressé est d'autant plus préoccupant que très peu de magistrats (ou avocats) exerçant dans les outre-mer seraient ultramarins et directement issus de ces cultures. En Guyane et à Mayotte, les études de droit s'arrêtent à la Licence 3. Il n'existe aucune préparation au concours de l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) ni d'ailleurs d'Institut des études judiciaires (IEJ). Pour préparer le concours, il faut donc se rendre dans les Antilles, pour les Guyanais, à La Réunion pour les Mahorais, ou carrément en métropole. Par conséquent, très peu de Guyanais, et plus généralement d'ultramarins, se présentent au concours de l'ENM. Ce constat est d'autant plus regrettable qu'un magistrat ultramarin ne connaîtra pas les difficultés d'adaptation que rencontrent souvent ses collègues métropolitains. En revanche, la situation des avocats est quelque peu différente. Par exemple, les avocats exerçant en Guyane sont globalement d'origine locale et ont été formés aux Antilles. Une antenne de l'université des Antilles va d'ailleurs être créée à Cayenne, ce que la CNCDH tient à saluer.
    90. La formation des magistrats à l'outre-mer tend à réduire ces difficultés au moins en partie. La DSJ a développé en ce sens plusieurs dispositifs afin d'offrir aux futurs magistrats des formations nécessaires à leur prise de fonction (169). Ainsi, un référent outre-mer a été mis en place à l'ENM et des journées d'accueil pour les primo-arrivants ont été organisées. En outre, dans le cadre de la formation initiale à l'ENM, la DSJ assure une première présentation des postes en outre-mer aux auditeurs de justice au début de leur formation tandis qu'une seconde intervention a lieu quelques mois avant le choix des postes (170). Au cours de cette seconde présentation, des magistrats en poste en outre-mer, ou y ayant exercé, font part de leur expérience. Dans le cadre de la formation continue, l'ENM propose également une session intitulée " être magistrat en outre-mer " d'une durée de cinq jours, offrant une approche multidisciplinaire, qui mêle aux magistrats des sociologues, des anthropologues, des historiens… La CNCDH salue la mise en place de telles formations, qu'elle encourage sans aucun doute à pérenniser.
    91. Malgré ces dispositifs, le système de mutation des magistrats en outre-mer nuit à la continuité du service public (171), au bon fonctionnement des juridictions, au suivi des dossiers, à la pérennisation des initiatives individuelles fécondes, au maintien des relations avec les avocats. Certes, la règle des trois ans de la première affectation est appliquée avec souplesse aux magistrats exerçant en outre-mer et ce, comme l'a précisé la SDRHM (172), pour tenir compte de leur situation personnelle au regard des spécificités d'un premier poste en juridiction ultramarine. Néanmoins, cette durée reste brève pour pouvoir s'adapter aux singularités locales, qu'elles soient culturelles ou juridiques. En outre, un magistrat quittant un poste outre-mer, donc adapté à une culture et un maillage juridique différents de ceux de la métropole, ne peut renouveler l'expérience outre-mer. En effet, le Conseil supérieur de la magistrature a instauré la règle " outre-mer sur outre-mer ne vaut " qui empêche les affectations successives outre-mer tant sur le même territoire que sur un autre territoire ultramarin. La règle étant fort critiquée, il semble que le Conseil supérieur de la magistrature réfléchisse actuellement à son aménagement, réforme à laquelle la CNCDH se montre très favorable. Enfin, en raison toujours de cette rotation, certains magistrats assurent l'intérim d'autres postes vacants alors qu'ils n'en ont pas forcément les compétences. De même, l'obligation de mobilité des greffiers ne facilite pas, elle non plus, la continuité du service.

    3. Des difficultés en matière d'expertise et d'interprétation

    92. Comme cela a été rapporté à la CNCDH, de manière générale, et à l'instar de la métropole, les experts exerçant à Mayotte ou en Guyane (médecins, psychiatres, psychologues, informaticiens…) sont rémunérés très tardivement, voire parfois jamais, ce qui a pour conséquence que certains d'entre eux, pourtant locaux et ultramarins, refusent d'effectuer une expertise (173). Un remède a été trouvé : des experts métropolitains, se rendent en outre-mer, y restent quelques jours et effectuent plusieurs expertises. Pour autant le remède est imparfait dès lors qu'il génère des coûts très importants pour les juridictions concernées et qu'en outre, les experts, une fois repartis en métropole, ne peuvent être présents lors des audiences. De plus, autre inconvénient, les experts, locaux ou métropolitains, ne disposant pas de bureaux attitrés, ils doivent emprunter celui d'un magistrat. C'est pourquoi, alors même que l'ensemble de ces difficultés avait déjà été pointé par le rapport de 2012 précité du Sénat (174), la CNCDH regrette vivement que la situation n'ait pas évolué depuis. S'agissant des audiences, et en raison de l'absence fréquente des experts, on constate un usage exagéré de la visioconférence dans certaines juridictions ultramarines au regard du respect du principe du contradictoire, notamment en Guyane. Ainsi, devant la cour d'assises de Guyane, les débats perdent en qualité en raison d'un recours quasi permanent à la visioconférence. En outre, comme l'a entendu la CNCDH, la visioconférence, qui plus est de mauvaise qualité car non conforme aux normes technologiques actuelles, serait souvent utilisée avec des retards nuisibles à la bonne tenue de l'audience tandis que certaines auditions se verraient raccourcies en raison de contraintes horaires (175). La CNCDH recommande un usage raisonnable de la visioconférence et une amélioration de sa qualité technique.
    93. Pour leur part, les coûts liés à l'interprétation constituent également des difficultés majeures évoquées à plusieurs reprises devant la CNCDH, et affectant à la fois l'accès à la justice et le fonctionnement de cette dernière. Il arriverait ainsi fréquemment que le justiciable mahorais ou guyanais soit chargé de trouver lui-même son interprète, situation inacceptable.
    94. La situation est particulièrement criante à Mayotte, territoire où une importante partie de la population ne parle pas français. En effet, bien que le français y soit la langue officielle, deux dialectes comoriens et malgache (shimaoré et shibushi) sont également utilisés tant par les Mahorais que par la population immigrée. Or de nombreux dysfonctionnements dans le recours aux interprètes ont été dénoncés à la CNCDH, certains estimant même que l'interprétation était quasiment inexistante (176). Quoiqu'il en soit, le recours massif à ces professionnels entraîne des frais supplémentaires considérables pour les juridictions, aucune ligne budgétaire n'étant prévue par la Chancellerie (177), ce que regrette la CNCDH. Ainsi, jusqu'en septembre 2016, l'équipe de cinq ou six interprètes recrutée par les juridictions mahoraises, était rémunérée à la mission, ce qui a entraîné un coût exorbitant pour le Service administratif régional (SAR), service de la cour d'appel.
    95. Le " Plan Mayotte 2025 " a prévu une mesure visant à " améliorer l'organisation des juridictions en expérimentant un recrutement d'interprètes salariés, ce qui permettra aux juridictions d'avoir à tout moment des interprètes à leur disposition, à ces interprètes d'être rémunérés de manière régulière et constante " (178), dans l'objectif d'" achever la départementalisation de manière adaptée et progressive ". Ainsi, depuis le 1er septembre 2016, deux contrats expérimentaux d'une durée d'une année ont été conclus par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, les interprètes étant mis à disposition au tribunal durant toute la semaine, aux heures d'ouverture. Cette mesure devrait permettre à la juridiction de faire d'importantes économies, de s'assurer des compétences linguistiques des interprètes et de mieux gérer leur fonctionnement au sein des juridictions. Même avec un recul encore insuffisant, il semble que la mise en place des contrats d'interprétation ait déjà permis de réduire de manière très conséquente les frais de justice en matière pénale (domaine dans lequel les interprètes concernés sont les plus sollicités). Et un troisième contrat de ce type serait en attente de validation par le ministère. La CNCDH encourage la multiplication et pérennisation de ces contrats.
    96. En Guyane, comme cela a été rapporté à la CNCDH, une fois encore, la multitude de langues parlées par les populations présentes sur le territoire n'est que très partiellement prise en compte avec une tendance marquée à recourir à une " interprétation maison ", assurée par le greffier, le juge, l'avocat ou même un proche de l'une des parties (179) etc. La CNCDH recommande la mise en place d'un système d'interprétation salarié.

    4. Des contentieux marqués par des réalités locales

    97. Les particularités locales ont des répercussions sur la nature des contentieux guyanais et mahorais, parfois mal appréhendés par les juridictions, la justice des mineurs illustrant particulièrement ce constat.
    a) La spécificité des contentieux guyanais et mahorais
    98. En Guyane, il faut au préalable mentionner que l'activité judiciaire n'est pas forcément représentative des besoins réels de la population, tant celle-ci est éloignée des structures d'accès au droit et à la justice. C'est pourquoi, la part du contentieux civil est infime par rapport à l'importance de la population, seul le contentieux familial étant conséquent (180) (questions de nationalité ou pensions alimentaires). A Saint-Laurent-du-Maroni, alors même que l'activité globale est pourtant largement constituée par la justice civile, celle-ci est en baisse depuis 2014 (181).
    99. La situation est tout autre au regard du contentieux pénal (182) dès lors que la Guyane détient un triste record : celui du plus grand nombre des meurtres (183) perpétrés en France par rapport à la population (42 l'année dernière, soit un chiffre, rapporté au nombre d'habitants, sept fois plus élevé qu'en Seine-Saint-Denis). Ainsi le contentieux pénal représente-t-il 70 % du contentieux total des juridictions judiciaires. Cette situation a conduit les autorités à adopter une politique pénale spécifique adaptée à une délinquance marquée et violente (184). Une circulaire de politique pénale territoriale, en date du 19 février 2013, définit les lignes majeures de cette politique (185). En outre, des mesures supplémentaires ont été prises. Par exemple, le décret de nomination des jurés a été modifié à deux reprises afin d'en augmenter le nombre (186). Face à l'augmentation du contentieux criminel, la cour d'assises a été saturée en 2016 (187), avec un stock de 92 affaires pendantes à juger, correspondant à ce qui devrait être traité normalement sur deux années. La cour d'assises a dû statuer tous les jours de l'année, hors vacances scolaires, pour réduire le stock d'affaires à ce qui peut être jugé en un an. Une telle situation entraîne une forte correctionnalisation du contentieux pénal, partant une forte réduction de l'ouverture d'informations judiciaires alors que la plupart des infractions relèveraient normalement de la cour d'assises. Autre conséquence plus générale, les poursuites contre les violences aux personnes sont privilégiées aux dépens des infractions les moins graves, peu poursuivies ; ou bien, les circonstances aggravantes de certains délits (188) ne sont pas prises en compte pour permettre leur jugement à juge unique, en particulier à Saint-Laurent-du-Maroni (189) ; ou encore, les comparutions immédiates sont très fréquentes (190) y compris pour les affaires les plus graves (trois audiences de comparution immédiate par semaine avec en moyenne vingt affaires par audience). Les effets d'une telle situation sont nombreux et graves dès lors que la comparution immédiate ne permet un exercice serein ni de la justice ni des droits de la défense. Nombre de prévenus comparaissent non assistés, le placement en détention provisoire est quasiment systématique et les victimes ont un accès très limité aux audiences. En outre, les alternatives aux poursuites sont très peu utilisées, et s'agissant des mineurs, les compositions pénales n'ont été mises en place qu'en février 2017. De même, les peines d'emprisonnement ferme sont généralement exécutées (191), en l'absence d'aménagement dans les cas où la loi l'autorise. Enfin, même si le contentieux lié aux violences intrafamiliales n'irrigue pas majoritairement l'activité pénale guyanaise, on regrettera que les violences conjugales, faute d'être suffisamment mises en avant au sein de la politique pénale, fassent souvent l'objet d'une contraventionnalisation. C'est d'autant plus regrettable que les dispositifs de recueil de plainte et d'assistance aux victimes sont moins développés qu'en métropole, ce qui limite, de fait, la saisine des institutions policière et judiciaire. En outre, tout discours institutionnel et éducatif sur les violences intrafamiliales, y compris sexuelles, n'occupe qu'une place marginale (192). La CNCDH recommande au ministère de la justice, dans l'ensemble des outre-mer, d'élaborer ou de renforcer toute politique publique existante dans la lutte contre ces violences en associant tous les professionnels du droit et la société civile.
    100. A Mayotte, concomitamment à la départementalisation, la disparition de la justice cadiale a entraîné l'augmentation du contentieux porté devant les institutions judiciaires (et administratives). En outre, l'immigration massive produit un impact si fort sur l'ensemble des infrastructures d'accueil de l'île que toutes les institutions, y compris celle de la justice, s'avèrent sous-dimensionnées. Plus précisément, le phénomène de l'immigration (clandestine ou non) pose des problématiques très spécifiques dans le contentieux relatif au droit des personnes, (actions en déclaration de nationalité ou en rectification des actes d'état civil), au droit de la famille (délégation d'autorité parentale, contribution à l'entretien et l'éducation des enfants) et encore en matière pénale. Depuis plusieurs années, non seulement la délinquance connaît une forte augmentation, notamment en matière d'atteintes aux personnes, mais elle devient, surtout depuis 2013, de plus en plus violente. Deux infractions en particulier illustrent la délinquance mahoraise au point de conduire à des politiques spécifiques. Pour la première, liée à l'usage des " kwassa kwassa " (193), la politique menée consiste à reconduire à la frontière les passagers de l'embarcation et à poursuivre le seul pilote, très fortement rémunéré comme passeur. La seconde infraction, le " look like ", est poursuivie sous la qualification d'escroquerie (194). Mais on trouve aussi d'autres infractions plus connues : infractions sexuelles intrafamiliales, violences avec armes (armes blanches) souvent en réunion au sein de bandes de jeunes, cambriolages en réunion, souvent commis par des mineurs. Plus généralement, en l'absence d'une politique pénale propre à Mayotte, les réalités locales pèsent de tout leur poids ; en conséquence, les difficultés d'identification (en raison notamment d'un état civil défaillant) et/ou de localisation des personnes faisant obstacle à leur poursuite, les classements sans suite pour recherches infructueuses sont fort nombreux. Enfin, à l'instar de la Guyane, l'absence de partenaires pérennes de la justice empêche la mise en place par le seul parquet de mesures alternatives aux poursuites (195) et le recours à la procédure de comparution immédiate est lui aussi fréquent. La CNCDH recommande au ministère de la justice de définir et de mettre en œuvre une véritable politique pénale propre à Mayotte.
    b) Une justice des mineurs défaillante
    101. En matière civile comme pénale, la prise en charge des mineurs est globalement défaillante à Mayotte et en Guyane, du fait d'un manque de partenaires, de structures adaptées et de dispositifs pérennes. Ces constats sont particulièrement regrettables au regard du grand nombre de jeunes présents dans ces deux territoires et de leur démographie exponentielle. La CNCDH recommande au ministère de la justice d'assurer une justice spécifique pour les mineurs délinquants en Guyane et à Mayotte, comme les textes l'imposent. En ce sens, il est indispensable de développer les structures partenaires du monde judiciaire, en offrant surtout plus de moyens à la PJJ de l'un et de l'autre des territoires, et en limitant, autant que possible, l'incarcération de ces mineurs.
    102. A Mayotte, en matière civile, le manque de volonté politique et de moyens eu égard à la protection des mineurs en danger a été à plusieurs reprises dénoncé (196). Les structures de prévention, telles que l'ASE, sont déficientes voire inexistantes, et empêchent la prise en charge d'un mineur qui, trop souvent, avant d'être un délinquant, était un mineur en danger. En outre, la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP), organe pourtant fondamental de signalement d'un mineur en danger, est engorgée en raison des faibles moyens humains dont elle dispose. En matière pénale, la prise en charge des mineurs délinquants est également défaillante, les dispositifs sont soit inexistants, soit saturés. Ce constat est d'autant plus regrettable que le nombre de mineurs est particulièrement élevé ; ils errent dans les rues parfois depuis des années, privés d'éducation et livrés à eux-mêmes faute d'une prise en charge par l'ASE. Les juges des enfants étant au nombre de deux et la PJJ étant complétement sous-dimensionnée, des réponses satisfaisantes ne peuvent être apportées à l'ensemble des mineurs présents sur le sol mahorais où le manque d'alternatives à l'incarcération des mineurs est criant (les juges des enfants n'ont en effet peu d'autres choix que de prononcer des peines visant à l'incarcération [197]) (198). En outre, il n'existe qu'un seul foyer de placement éducatif de douze places (DAGO TAMA) qui peut recevoir simultanément des mineurs délinquants et des mineurs en danger. On ne trouve non plus ni centre éducatif renforcé (CER), ni centre éducatif fermé (CEF). Un projet de CER, à la demande des ministères des outre-mer et de la justice, est actuellement à l'étude. Toutefois, afin de mieux prendre en compte les spécificités locales du territoire mahorais au regard du coût exorbitant qu'elles engendrent, la CNCDH considère qu'une réflexion sur la mise en place de microstructures du type lieux de vie et d'accueil (LVA) (199) serait particulièrement opportune, les LVA permettant un accompagnement personnalisé du mineur, à visée principalement éducative et professionnelle. Pour pallier l'absence de ces dispositifs, les jeunes Mahorais sont envoyés à La Réunion, dans un CER et un CEF comprenant respectivement huit et douze places. Néanmoins, non seulement cet éloignement pose problème en termes de droit au maintien de liens familiaux, mais encore il semble que les jeunes y soient parfois mal acceptés.
    103. En Guyane, de sources concordantes, un fort sentiment d'abandon de la part de l'Etat se ressent, la politique pénale étant essentiellement concentrée sur la lutte contre l'orpaillage illégal, l'immigration irrégulière et le trafic de drogues, et la question des mineurs négligée. A l'instar de Mayotte, les personnes auditionnées par la CNCDH ont fait état d'une situation catastrophique dans leur prise en charge, en matière tant civile que pénale. S'agissant des mineurs en danger, les défaillances dans les familles d'accueil au titre de l'ASE sont multiples (200) : familles d'accueil surchargées, absence d'accompagnement (recrutement, suivi et évaluation insuffisants), cas fréquents de maltraitances physiques et psychologiques, malnutrition… De plus, les enfants étant placés essentiellement aux environs de Cayenne, la séparation d'avec leur famille est parfois quasi définitive. En outre, les foyers éducatifs et associations de prise en charge de ces mineurs manquent cruellement. Pour les mineurs délinquants, on dénombre également très peu de structures adaptées, surtout dans les zones très isolées où pourtant la délinquance juvénile est importante (Saint-Laurent-du-Maroni, Maripasoula, Papaïchton). Il n'y a qu'un seul centre éducatif renforcé d'une capacité de huit places à Cayenne
    (201) Faute de centre éducatif fermé, les mineurs sont envoyés en Guadeloupe, et le risque de déracinement familial est fort. Pour parer à l'absence de structures existantes, à l'inverse de la métropole, les juges des enfants multiplient les recours aux familles d'accueil de la PJJ qui, contrairement aux familles d'accueil de l'ASE, ne semblent pas poser de difficulté majeure. Le centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly dispose d'un quartier pour mineurs de vingt places où y sont actuellement incarcérés quatorze mineurs (202).
    104. En conclusion, à l'instar de l'accès au droit, au regard de l'ensemble des éléments exposés ci-dessus, et en raison de dysfonctionnements rendant difficile l'accès à une justice de qualité pour l'ensemble des justiciables ultramarins, en particulier mahorais et guyanais, la CNCDH recommande la réalisation d'une étude d'impact afin d'identifier et recenser les difficultés rencontrées par les justiciables ultramarins pour accéder à la justice. Sur le fondement de cette étude, la CNCDH recommande au ministère de la justice de conduire une réflexion globale visant à repenser le découpage des juridictions judiciaires, leur accessibilité, leur organisation et leur mode de fonctionnement en Guyane et à Mayotte, en veillant à mieux prendre en compte les contextes locaux dans lesquelles elles s'inscrivent et à leur octroyer davantage de moyens financiers. Cette étude pourrait également envisager la mise en place d'un système de service public de la défense, doté d'un corps de défenseurs fonctionnaires (203). A nouveau, la CNCDH insiste sur la nécessité d'éviter toute approche uniforme, calquée sur la situation de la métropole. Plus particulièrement en Guyane et à Mayotte, cette réorganisation du service judiciaire doit prendre en compte les spécificités de ces territoires (telles que la croissance démographique importante). La réorganisation entraînera inévitablement une réflexion sur le système de mutation des magistrats et de l'ensemble du personnel judiciaire, qui nuit à la continuité du service public de la justice. En outre, et pour s'assurer de la prise en considération des spécificités locales de ces deux territoires, il conviendra de repenser les effectifs de ce personnel, notamment des magistrats, afin de mieux les répartir en fonction des contentieux à traiter.

    Synthèse des recommandations

    Tout au long de cet avis, la CNCDH a formulé un certain nombre de recommandations, récapitulées ci-dessous ; il convient toutefois de se référer aux paragraphes pertinents pour en comprendre la logique et le raisonnement.

    I. - L'accès à la connaissance du droit et de la justice

    Recommandation n° 1 : La CNCDH, qui salue l'adoption de la Charte nationale de l'accès au droit, recommande aux pouvoirs publics de rendre effectif, dans chacun des douze territoires ultramarins, l'ensemble des propositions formulées par celle-ci.
    Recommandation n° 2 : A Mayotte, la CNCDH recommande une concertation approfondie entre le ministère de la justice et les cadis sur le rôle qui pourrait leur être reconnu au sein de la justice française.
    Recommandation n° 3 : Le partenariat entre le centre départemental d'accès au droit de Mayotte et le barreau mahorais ayant été suspendu depuis 2015, la CNCDH recommande que le barreau retrouve sa place privilégiée au sein de la structure départementale.
    Recommandation n° 4 : La CNCDH recommande que la maison de justice et du droit de Saint-Laurent-du-Maroni soit restaurée dans ses différentes missions, effectivement et pleinement, et que l'ensemble des acteurs pertinents y soit associé.
    Recommandation n° 5 : En Guyane, la CNCDH recommande de systématiser et pérenniser les pirogues administratives tant sur l'Oyapock que sur le Maroni. Il convient également d'associer l'ensemble des acteurs pertinents à ces pirogues (centre départemental d'accès au droit, associations,…) et de s'assurer que la préfecture coordonne l'ensemble du dispositif, efficacement et effectivement. A ce titre, elle recommande également aux magistrats itinérants de se rapprocher de la préfecture pour pouvoir y participer.
    Recommandation n° 6 : La CNCDH salue la récente création des jeunes ambassadeurs des droits des enfants (JADE) pour le compte du Défenseur des droits en Guyane, à Mayotte et à La Réunion, et encourage à pérenniser cette initiative pour l'année scolaire 2017-2018.
    Recommandation n° 7 : La CNCDH s'associe aux recommandations formulées en 2015 par la commission des lois de l'Assemblée nationale en vue de l'adoption de la loi de finances 2016 visant à " consolider les associations les plus fragiles ", " mettre à profit les associations qui sont bien implantées, pour accroître la couverture géographique de ces territoires et étendre le champ d'action des associations, lorsque celles-ci sont spécialisées, vers un public plus large " et " accorder une attention particulière à la formation des personnels des associations d'accès au droit et à la justice, situées dans les départements d'outre-mer ".
    Recommandation n° 8 : S'agissant des citoyens défenseurs de Wallis-et-Futuna, dans l'attente d'un remède pérenne et respectueux de l'égalité de tous les justiciables dans l'accès au droit d'être assisté par un avocat, la CNCDH recommande qu'une formation juridique minimale soit assurée à ces citoyens défenseurs.
    Recommandation n° 9 : La CNCDH recommande aux acteurs locaux de réfléchir, dans le respect de la tradition orale et du multilinguisme propres aux territoires ultramarins, à la mise en œuvre d'actions de diffusion d'information juridique à partir prioritairement des médias locaux tels la radio et la télévision. Une telle mesure suppose un financement approprié de la part du ministère de la justice, dans le cadre des dépenses relatives à l'accès au droit.
    Recommandation n° 10 : La CNCDH salue la création, à Mayotte, d'un diplôme universitaire dit " Valeurs de la République et religions ", ouvert à un large public, dont elle souhaite la pérennisation.
    Recommandation générale : La CNCDH recommande la réalisation d'une étude d'impact par le ministère de la justice dans les douze territoires ultramarins. Sur le fondement de cette étude, la CNCDH lui recommande de conduire une réflexion globale visant à repenser la structuration de l'offre d'accès au droit et à la justice dans les outre-mer, en évitant toute approche uniforme, calquée sur la situation de la métropole. Pour mener à bien une réforme de cette envergure, il importera de s'appuyer sur les initiatives locales ayant fait leur preuve, de les renforcer, de les multiplier en fonction des besoins de chaque population concernée, de fédérer les acteurs locaux pour une meilleure coordination de leurs actions, mais aussi et surtout d'augmenter significativement les budgets alloués à l'accès au droit et à la justice dans les outre-mer.

    II. - L'accès à la justice et à une justice de qualité

    Recommandation n° 11 : La CNCDH suggère au ministère de la justice d'engager une réflexion sur l'opportunité de mettre en place une cour d'appel à Mayotte.
    Recommandation n° 12 : La CNCDH recommande la recomposition rapide de la juridiction prudhommale en Guyane ainsi que de la mise à disposition de locaux adaptés.
    Recommandation n° 13 : S'agissant des audiences foraines et des chambres détachées, la CNCDH recommande au ministère de la justice d'adopter un nouvel arrêté sur les conditions et modalités de remboursement des frais engagés par les magistrats et les greffiers, dans le but de l'adapter aux réalités locales ultramarines et au coût de la vie, plus élevé qu'en métropole.
    Recommandation n° 14 : En Guyane, la CNCDH recommande la mise en place d'un TGI de plein exercice à Saint-Laurent-du-Maroni et d'une cité judiciaire à Cayenne, conformément à l'accord de Guyane, adopté en avril 2017. A Mayotte, la CNCDH recommande la construction d'une cité judiciaire à Mamoudzou.
    Recommandation n° 15 : En Guyane et à Mayotte, la CNCDH recommande au ministère de la justice de remédier aux difficultés liées à la détermination de l'adresse postale et à l'acheminement des courriers en mobilisant tous les vecteurs de communication pour convoquer les justiciables. La CNCDH recommande qu'une attention particulière soit portée à la traduction de l'ensemble des communications.
    Recommandation n° 16 : Pour parer aux difficultés relatives au financement de l'aide juridictionnelle en outre-mer, la CNCDH recommande au ministère de la justice de revoir la législation relative aux conditions et modalités de prise en charge de celle-ci afin que les frais de déplacement, de repas et d'hébergement des avocats leur soient remboursés. A cette fin, la CNCDH recommande d'intégrer au sein du budget de l'aide juridictionnelle un volet spécifique pour les barreaux des outre-mer.
    Recommandation n° 17 : La CNCDH recommande l'aménagement de la règle instaurée par le Conseil supérieur de la magistrature, " outre-mer sur outre-mer ne vaut ". Elle recommande que soit engagée une réflexion par le ministère de la justice sur le système de mutation des magistrats et de l'ensemble du personnel judiciaire exerçant en outre-mer, qui nuit à la continuité du service public de la justice.
    Recommandation n° 18 : En Guyane, la CNCDH recommande un usage raisonnable de la visioconférence et une amélioration de sa qualité technique.
    Recommandation n° 19 : En Guyane, la CNCDH recommande la mise en place dans les juridictions d'un système d'interprétation salarié. A Mayotte, la CNCDH encourage la multiplication et la pérennisation des contrats d'interprète salarié.
    Recommandation n° 20 : La CNCDH recommande au ministère de la justice, pour l'ensemble des outre-mer, d'élaborer ou de renforcer toute politique publique existante dans la lutte contre les violences intrafamiliales, y compris sexuelles, en associant tous les professionnels du droit et la société civile.
    Recommandation n° 21 : La CNCDH recommande au ministère de la justice de définir et de mettre en œuvre une véritable politique pénale propre à Mayotte.
    Recommandation n° 22 : La CNCDH recommande au ministère de la justice d'assurer une justice spécifique pour les mineurs délinquants en Guyane et à Mayotte, comme les textes l'imposent. En ce sens, il est indispensable de développer les partenariats du monde judiciaire, en offrant surtout plus de moyens à la protection judiciaire de la jeunesse de l'un et de l'autre de ces territoires, et en limitant, autant que possible, l'incarcération de ces mineurs.
    Recommandation n° 23 : A Mayotte, la CNCDH recommande au ministère de la justice une réflexion sur l'instauration de microstructures du type lieux de vie et d'accueil en lieu et place de la construction d'un futur centre éducatif renforcé.
    Recommandation générale : La CNCDH recommande au ministère de la justice la réalisation d'une étude d'impact afin d'identifier et recenser les difficultés rencontrées par l'ensemble des justiciables ultramarins pour accéder à la justice. Sur le fondement de cette étude, la CNCDH lui recommande de conduire une réflexion globale visant à repenser le découpage des juridictions judiciaires, leur accessibilité, leur organisation et leur mode de fonctionnement. Il conviendra également de mieux prendre en compte les contextes locaux dans lesquels ces juridictions s'inscrivent et de leur octroyer davantage de moyens financiers. Cette étude pourrait également envisager la mise en place d'un service public de la défense, doté d'un corps de défenseurs fonctionnaires.

    (1) Article 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH), article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ICCPR), article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Sur le droit fondamental d'accès au juge v. not. Droit processuel (dir. S. Guinchard et al.), Dalloz, 8e éd. 2015, spéc. n° 239 et svts. Le Conseil constitutionnel, pour sa part, déduit le " droit d'exercer un recours effectif devant une juridiction " de l'article 16 de la DDHC (v. par ex. déc. 99-416 DC du 23 juillet 1999 (§38).

    (2) Dans le cadre de cette étude, la CNCDH a mené des auditions sur des thématiques traitées par l'ensemble des avis la composant.

    (3) Mayotte est passée du principe de spécialité législative à celui de l'identité législative depuis la loi organique n° 2010-1486 du 7 décembre 2010. Néanmoins, la Cour des comptes relève que " le passage à l'identité législative, pourtant consubstantiel à la départementalisation, n'est pas encore achevé, bien après la transformation effective du statut de Mayotte " http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/164000042.pdf.

    (4) Pour préparer à la départementalisation de 2011, le statut civil local a progressivement été effacé au profit du statut civil de droit commun, par le biais d'ordonnances successives.

    (5) Voir : CNCDH, avis sur la place des peuples autochtones dans les territoires ultramarins français : la situation des Kanak de Nouvelle-Calédonie et des Amérindiens de Guyane, Assemblée plénière du 23 février 2017, JORF n° 0061 du 12 mars 2017, texte n° 33.

    (6) Ibidem.

    (7) Voir notamment le compte-rendu du déplacement du Défenseur des droits en octobre 2016, " Accès aux droits et aux services publics en Guyane ", décembre 2016.

    (8) Voir infra Partie II.

    (9) Selon l'INSEE, depuis 2007, la population de Mayotte augmente fortement, à un rythme moyen de 2,7 % par an, même si la croissance de la population tend à s'atténuer par rapport aux années antérieures.

    (10) La Charte a été adoptée par le ministre de la justice et sept associations et fédérations. Elle vise à définir des objectifs et des moyens de mise en œuvre afin de renforcer l'accès au droit des personnes les plus démunies. Cette Charte s'inscrit dans le cadre du renforcement de l'accès au droit, consacré notamment par la loi de modernisation de la justice du 21e siècle (dite J21). http://www.justice.gouv.fr/art_pix/charte_nationale_acces_droit_20170221.pdf.

    (11) Ordonnance n° 2010-590 du 3 juin 2010 portant dispositions relatives au statut civil de droit applicable à Mayotte et aux juridictions compétentes pour en connaître ; ordonnance n° 2011-337 du 29 mars 2011 modifiant l'organisation judiciaire dans le département de Mayotte ; décret n° 2011-338 du 29 mars 2011.

    (12) Il y avait auparavant une justice cadiale, en parallèle de la justice de droit commun, rendue par des juges musulmans appelés " cadis " et répartis dans 17 tribunaux cadiaux ; elle s'appliquait aux personnes relevant du statut de droit local. Les cadis exerçaient trois types d'activités : judiciaire, notariale et sociale/administrative (médiation en qualité d'autorité morale et religieuse).

    (13) L'ordonnance du 3 juin 2010 a dépossédé les cadis de leurs attributions. En effet, elle prévoit que le juge de droit commun est désormais exclusivement compétent pour connaître de toutes les affaires relatives à l'application du statut civil de droit local, même si le droit local peut continuer à s'appliquer entre les personnes relevant du statut coutumier. Le code de procédure civile prévoit, pour le juge de droit commun, la possibilité de commettre une personne de son choix, telle qu'un cadi, pour l'éclairer par une consultation sur des questions relevant du droit coutumier. Cependant, en pratique, ces fonctions de médiation sociale ainsi reconnues aux cadis sont peu utilisées.

    (14) La réintégration des cadis aurait pu être actée dans la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer, mais elle a finalement été votée sans cette proposition. A ce titre, certaines des personnes auditionnées par la CNCDH s'interrogent sur le choix, au moment de la départementalisation, de faire disparaître la justice cadiale. Par exemple, le Syndicat de la magistrature considère que les cadis auraient pu être formés et associés au fonctionnement de la justice de droit commun (rapport du Syndicat de la magistrature sur la situation de la justice à Mayotte, 2014). Plus spécifiquement, le bâtonnier actuel de Mayotte encourage quant à lui de leur donner une place dans le système juridictionnel, au titre de la résolution amiable des conflits, notamment par le biais de l'aide à la médiation.

    (15) Cette préconisation avait été faite par un rapport parlementaire (rapport d'information du Sénat n° 675 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (1) à la suite d'une mission effectuée à Mayotte du 11 au 15 mars 2012, de MM. Jean-Pierre Sueur, Christian Cointat et Félix Desplan, " Mayotte : un nouveau département confronté à de lourds défis ", juillet 2012). Les cadis sont des fonctionnaires du département de Mayotte, depuis 1986. Jusqu'en 2004, ils étaient sous l'autorité du préfet pour être ensuite sous l'autorité du président du conseil départemental. Depuis 2011, ils sont regroupés au sein de la mission de médiation sociale du conseil départemental. Ils ont à leur disposition un bureau, des secrétaires et un greffier.

    (16) Défenseur des droits, compte-rendu de mission sur la protection des droits de l'enfant à Mayotte, mars 2013, p. 24.

    (17) Audition du Cadi Ridjali Inssa, 4 mai 2017.

    (18) On renverra en ce sens aux diverses propositions faites notamment par le Syndicat de la magistrature et le bâtonnier de Mayotte. Voir supra note 14.

    (19) Voir infra partie II.

    (20) D'après la contribution écrite de M. Benjamin Banizette, certains Mahorais, considérant que la justice républicaine applicable aux mineurs est trop clémente à leur égard, désignent ces mineurs sous l'appellation d'" enfants du juge ".

    (21) Genèse de l'accès au droit en Guyane, Patrick Lingibé. Article consultable sur site : http://www.blada.com/chroniques/2001/102-Genese_de_l_acces_au_droit_en_Guyane.htm.

    (22) Voir CNCDH : avis sur la place des peuples autochtones dans les territoires ultramarins français : la situation des Kanak de Nouvelle-Calédonie et des Amérindiens de Guyane, op.cit.

    (23) Justices en Guyane, A l'ombre du droit, sous la direction de Sylvie Humbert et Yerri Urban, Histoire de la justice n° 26, Paris, 2016, p. 299.

    (24) Contribution écrite conjointe de Mmes Christine Codol et Mirian Fouchier.

    (25) Soulignons qu'actuellement une équipe universitaire, sous l'égide des professeurs Pascale Deumier et Etienne Cornut, recense la jurisprudence coutumière et travaille sur la question de l'intégration de la coutume dans le corpus juridique. L'idée est d'inventorier et de transcrire les principales règles, orales par définition, de droit coutumier dans l'idée de faciliter l'accès de tous à ce droit. Rapport de recherche décembre 2016, L'intégration de la coutume dans le corpus normatif contemporain en Nouvelle-Calédonie, LARJE, Université de Nouvelle-Calédonie et équipe de droit privé, Université Jean Moulin Lyon 3.

    (26) www.juridoc.gouv.nc.

    (27) Plurilinguisme, politique linguistique et éducation, Quels éclairages pour Mayotte ? Sous la direction de Foued Laroussi et Fabien Liénard, Publications de l'Université de Rouen et du Havre, 2012. Le taux avancé fait l'objet de nombreuses discussions et les estimations peuvent parfois être contradictoires. Le SADJAV du ministère de la justice considère quant à lui que " plus de la moitié de la population ne parle ni écrit la langue française ".

    (28) S'agissant cependant de la structure même du CDAD mahorais, il convient de souligner que deux des trois agents du CDAD de Mayotte parlent couramment le shimaoré, et l'une, en plus, le malgache (shibushi).

    (29) Audition de M. Yves Tamet, 19 avril 2017.

    (30) Avis n° 3117 de l'Assemblée nationale rédigé au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République sur le projet de loi de finances pour 2016, p. 6 et 7.

    (31) Voir supra note 10.

    (32) Créé par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, le conseil départemental d'accès au droit est un groupement d'intérêt public dont les missions couvrent le recensement des besoins, la mise en place d'une politique, l'identification des dispositifs en place et l'animation d'un réseau de différents intervenants comprenant des travailleurs sociaux, des associations d'aide aux victimes et des professionnels du droit.

    (33) L'ordonnance n° 2012-395 du 23 mars 2012 a étendu à Mayotte l'application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

    (34) Avant la création du CDAD, c'était le conseil territorial d'accès au droit qui assurait officiellement l'accès au droit. Il faisait l'objet d'une convention tripartite entre le tribunal de première instance, la préfecture et le conseil départemental, avec mise à disposition d'un salarié du conseil départemental. Néanmoins, le centre s'occupait alors également du traitement des dossiers d'aide juridictionnelle, ne laissant que peu de place à la politique d'accès au droit.

    (35) Les points d'accès au droit sont situés à Bandrélé, au greffe détaché du tribunal d'instance Sada, à la prison de Majicavo, à la maison du service public d'Hamjago, à Pamandzi (Petite terre), et au TGI de Mamoudzou (à Kawéni).

    (36) Trois agents ont été recrutés : une secrétaire générale (à temps plein 39 heures) et deux juristes (à temps partiel). Néanmoins, une des deux juristes, enceinte, n'a pas été remplacée : les cinq permanences doivent donc être gérées par deux personnes alors même que la secrétaire générale doit gérer en plus la partie administrative, comptable et budgétaire. En outre, seuls trois membres financent le CDAD, ce qui oblige à des recrutements uniquement de CDD de six mois, renouvelables une fois.

    (37) Statistiques transmises par le CDAD de Mayotte au titre du bilan de l'année 2016.

    (38) Ibidem.

    (39) Selon l'actuel bâtonnier de Mayotte, M. Ahmed Idriss, l'ordre des avocats réfléchit actuellement à la mise en place de consultations gratuites dans des mairies de grandes villes, où les justiciables venant de plus petites communes alentours pourraient également bénéficier de ces consultations. Une convention-type avec les mairies concernées devrait être soumise à la signature prochainement.

    (40) Le SAUJ a été créé par la réforme de la justice du 21e siècle et est une modalité d'organisation de l'accueil de la juridiction, dont la compétence est élargie à d'autres juridictions de l'arrondissement judiciaire et qui s'inscrit dans une volonté d'améliorer l'offre de service de l'accueil afin de rendre la justice plus accessible.

    (41) Antenne de justice à Kourou et Maison de justice et du droit à Saint-Laurent-du-Maroni.

    (42) Au CDAD au sein du TGI de Cayenne, à la maison de Quartier Brutus à Cayenne également, à Saint-Georges-de-l'Oyapock, à Maripasoula ainsi qu'au centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly.

    (43) La commune de Grand-Santi avait effectué une demande au CDAD afin de se voir octroyer une permanence juridique mais cela n'a pu être accepté par le CDAD en raison de coûts financiers et humains trop importants.

    (44) Contribution écrite du Syndicat de la magistrature.

    (45) Voir infra Partie II.

    (46) Au titre d'une subvention initiale pour l'année 2017, par exemple, le Service de l'accès au droit et à la justice et de l'aide aux victimes (SADJAV) du ministère de la justice a dévolu 27 000 € au CDAD de Guyane. Le budget alloué par le SADJAV est d'ailleurs en baisse depuis deux années. Il faut toutefois souligner que la préfecture de Guyane occupe une place importante dans le financement du CDAD. En 2016 notamment, l'augmentation significative du budget de la part de la préfecture de Guyane a permis le recrutement d'une juriste.

    (47) Le nombre de personnes reçues dans les diverses permanences juridiques assurées par le CDAD augmente de façon très importante puisqu'en 2015, 1 252 personnes ont été reçues et en 2016, 1 941 personnes.

    (48) Selon l'ancienne coordinatrice du CDAD Guyane, les frais de déplacement (pour la coordinatrice et pour la juriste) s'élèveraient à 9 000 euros par an ce qui représente un coût de 500 euros de frais par personne et par mois.

    (49) Contribution écrite conjointe de Mmes Christine Codol et Mirian Fouchier.

    (50) Le CDAD avait proposé de rémunérer les avocats au titre de leurs frais de déplacement, mais cela n'a pas été accepté par le SADJAV.

    (51) Contribution écrite du SADJAV.

    (52) Par exemple, en raison d'une charge de travail trop importante, les personnes occupant le poste de coordinateur/trice au sein du CDAD de Guyane ne restent pour la plupart qu'un an voire un an et demi.Seule la dernière coordinatrice est restée près de trois ans en poste.

    (53) Par exemple, le compte rendu de la mission conduite par Yvette Mathieu, préfète, chargée de mission auprès du Défenseur des droits, sur l'égal accès aux droits et aux services publics en Guyane de janvier 2015 (p. 45) (dénommé ci-après Rapport du Défenseur des droits sur l'égal accès aux droits et aux services publics en Guyane, janvier 2015), souligne que les permanences des juristes du CDAD représentent 76 heures de consultations par mois auxquelles il faut ajouter une contrainte incompressible de nombreuses heures de transport (22 heures).

    (54) En octobre 2016, le CDAD avait participé à une de ces pirogues administratives sur l'Oyapock et plus précisément à Camopi. La participation n'a plus été renouvelée, en raison du manque de moyens humains et de disponibilité de la part des salariés du CDAD, mais aussi d'un manque de coordination et d'organisation de la part de la préfecture.Il semblerait que tous les acteurs pertinents n'aient pas encore été correctement identifiés et que ces missions ne soient pas suffisamment anticipées pour permettre à l'ensemble de ceux-ci d'y participer.

    (55) Compte rendu du déplacement du Défenseur des droits en octobre 2016, " Accès aux droits et aux services publics en Guyane ", décembre 2016, p. 36. Le Défenseur des droits " souhaite que soit renforcé le dispositif des missions administratives itinérantes sur les fleuves qui apparaît comme une adaptation nécessaire à une situation singulière d'éloignement mais dont les programmations calendaires, souvent trimestrielles, ne s'avèrent pas assez soutenues. "

    (56) Le manque d'automaticité du dispositif, d'anticipation pour prévenir les différents acteurs participants aux pirogues et d'information de la population de la venue de ces pirogues ont été dénoncés par le CDAD.

    (57) Contribution écrite de Mirian Fouchier, ancienne coordinatrice du CDAD de Guyane (en poste entre 2014 et 2015) : les demandes étaient tellement nombreuses que même à Cayenne, les personnes intéressées faisaient la queue de longues heures (dès 5 heures du matin) pour avoir la chance de poser leur question durant les heures d'ouverture. En moyenne, une seule personne reçoit de 20 à 30 personnes lors de chaque permanence à Cayenne (demi-journée).

    (58) Rapport du Défenseur des droits, sur l'égal accès aux droits et aux services publics en Guyane, janvier 2015, p. 30.

    (59) Contribution écrite du Syndicat de la magistrature.

    (60) Contribution écrite de Monsieur Bruno Lavielle.

    (61) Rapport du Défenseur des droits, sur l'égal accès aux droits et aux services publics en Guyane, janvier 2015, p. 40.

    (62) Outre la présence de délégués, deux conseillers de la direction du réseau territorial du Défenseur des droits sont également en poste pour traiter des réclamations (un pour La Réunion et Mayotte et un pour la Guyane).

    (63) Un troisième poste de délégué à Mayotte devrait être pourvu début 2018.

    (64) Avis de l'Assemblée nationale n° 258 présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République sur le projet de loi de finances pour 2013 et rappelé en 2015 dans l'avis n° 3117 de l'Assemblée nationale rédigé au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République sur le projet de loi de finances pour 2016.

    (65) Néanmoins, il y a dans les territoires ultramarins plusieurs associations de médiation familiale.

    (66) L'ensemble des associations œuvrant en faveur de l'accès au droit et d'aide aux victimes vivent essentiellement de bénévolat et de subventions versées par les collectivités locales, le Fonds social européen (FSE) et le ministère de la justice.

    (67) A ce titre, l'association ADAVI (association pour l'accès au droit et d'aide aux victimes) de Nouvelle-Calédonie fait actuellement face à de graves difficultés L'ADAVI a mentionné un important désengagement de certaines communes calédoniennes qui inquiète beaucoup l'association sur son devenir.

    (68) Par exemple, l'association ADAVI, qui a en principe une vocation territoriale, devrait intervenir dans les trois provinces de la collectivité (Province Sud, Province Nord et Province des îles Loyauté). Il se trouve qu'elle n'intervient qu'en province Sud, principalement sur Nouméa et le Grand Nouméa. A la fin des années 1990, on trouvait des permanences dans les îles Loyauté puis Province Nord mais, faute de financement, elles n'ont pas été renouvelées. Pour remédier à cet inconvénient, la Province Nord a mis à disposition un prestataire (le dispositif est entièrement financé par la Province Nord) qui intervient dans les points d'accès au droit, permettant ainsi un accès au droit gratuit pour les personnes de statut commun ou coutumier. Ce prestataire intervient dans neuf communes de la Province Nord.

    (69) Entretien de Mme Christine Lazerges avec Mme Cécile Moreau, directrice de l'APAJ, 6 juin 2017.

    (70) Contribution écrite conjointe de Mmes Christine Codol et Mirian Fouchier.

    (71) Avis de l'Assemblée nationale n° 3117 op.cit.

    (72) Par exemple, il n'y a que deux huissiers à Mayotte.

    (73) Source : INSEE (données de 2014).

    (74) Source : INSEE (données de 2012). Il faut néanmoins souligner que ce nombre est régulièrement contesté et que la situation démographique exponentielle est telle qu'il est aujourd'hui nettement supérieur.

    (75) Source : INSEE (données de 2014).

    (76) Source : INSEE (données de 2014).

    (77) Contribution écrite du Syndicat de la magistrature.

    (78) Audition du Syndicat de la magistrature, 19 avril 2017.

    (79) Audition de Monsieur Patrick Lingibé, 19 avril 2017.

    (80) Dernier alinéa de l'article 814 du code de procédure pénale : " Dans les territoires des îles Wallis-et-Futuna, il peut être fait appel pour les attributions dévolues à l'avocat par les articles 63-4 à 63-4-3 à une personne agréée par le président du tribunal de première instance. Lorsque cette personne n'est pas désignée par la personne gardée à vue, elle l'est d'office par le président de cette juridiction. Les dispositions de l'article 63-4-4 et celles du deuxième alinéa du présent article sont applicables à la personne choisie, qui en est informée par l'officier de police judiciaire. "

    (81) Article 23-2 de ordonnance n° 92-1147 du 12 octobre 1992 relative à l'aide juridictionnelle en matière pénale en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna.

    (82) Assemblée nationale, compte rendu analytique officiel, séance du mercredi 14 mai 2008. http://www.assemblee-nationale.fr/13/cra/2007-2008/156.asp.

    (83) Créole surinamien.

    (84) http://cdad-guyane.fr/fiches-juridiques/ Ces fiches juridiques renseignent notamment les justiciables sur différentes thématiques prégnantes en Guyane dont l'état-civil, le droit des étrangers et en particulier la question de l'acquisition de la nationalité française.

    (85) Version en français : http://www.mayotte.pref.gouv.fr/content/download/5048/42705/file/Guide%20Violence%20fran%C3%A7ais.pdf et version en shimaoré : http://www.mayotte.pref.gouv.fr/content/download/5047/42701/file/Guide%20Violence%20shimaor%C3%A9.pdf. Ce guide est destiné à faire connaître leurs droits aux femmes victimes de violences mais également à les informer des soutiens qu'elles pourraient solliciter. Près de 3 000 guides ont été publiés et distribués aux organismes susceptibles d'accueillir des victimes.

    (86) Ces brochures sont mises à disposition par la chambre détachée du Tribunal de grande instance et par la Maison de justice et du droit à Saint-Laurent-du-Maroni.

    (87) Centre régional information jeunesse de La Réunion, fiche d'information, " Se défendre comme consommateur ". http://www.crij-reunion.com/Vie/fiches/5.501.pdf.

    (88) Source : INSEE.

    (89) Le projet a été initié en partenariat avec le TGI, le Barreau, l'ADIL (agence départementale d'information sur le logement), la gendarmerie, la police nationale, le rectorat et la mission locale. Ce document permet aux jeunes qui accèdent à la pleine capacité civile, civique et politique, d'appréhender les changements qui s'imposent à eux à leur majorité et les différents actes juridiques qui peuvent les engager. Ce " passeport " a vocation à les accompagner au quotidien et à faciliter la sollicitation des acteurs aptes à les guider et les accompagner dans leurs démarches. Le " passeport pour la majorité " est diffusé dans l'ensemble des établissements scolaires du secondaire. Des flyers réalisés à partir de certains chapitres du passeport sont également diffusés (" être majeur et devenir responsable ", " organiser sa vie privée "). http://cdad-guyane.fr/actions-du-cdad/.

    (90) En effet, à l'occasion de ses permanences de consultation juridique mensuelles, le CDAD, dont les salariés sont mieux identifiés par la population que les avocats, peut assurer le suivi des dossiers qui ont été créés dans le cadre de ces pirogues du droit, ce que les avocats ne pourraient pas faire dès lors qu'ils ne se déplacent pas dans les communes de l'intérieur.

    (91) Mme Frédérique Agnoux a déclaré à la CNCDH qu'elle a actuellement le projet, en partenariat avec le CDAD, d'intégrer une de ces pirogues du droit, fin juin 2017. Cela devrait lui permettre d'organiser des audiences civiles et pénales.

    (92) Site internet du Conseil départemental d'accès au droit de Martinique http://www.cdad-martinique.justice.fr/justibus.php.

    (93) http://www.justice.gouv.fr/organisation-de-la-justice-10031/lordre-judiciaire-10033/juridictions-judiciaires-doutre-mer-24277.html.

    (94) Ordonnance n° 2011-337 du 29 mars 2011 modifiant l'organisation judiciaire dans le département de Mayotte.

    (95) Rapport d'information du Sénat n° 675 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (1) à la suite d'une mission effectuée à Mayotte du 11 au 15 mars 2012, de MM. Jean-Pierre Sueur, Christian Cointat et Félix Desplan, " Mayotte : un nouveau département confronté à de lourds défis ", juillet 2012.

    (96) Dans ce rapport de 2012, est cité le témoignage d'un ancien bâtonnier de l'ordre des avocats de Mayotte dénonçait les effets pervers liés au choix de la chambre détachée en précisant qu'" en matière pénale, lorsqu'une information judiciaire est ouverte, les avocats disposent d'un délai de six mois pour soulever les nullités de procédure. Aujourd'hui, si un avocat dépose une requête en ce sens, celle-ci est irrecevable en raison de l'absence de greffes détachés de la chambre de l'instruction à Mayotte. La procédure est également irrecevable si la nullité de procédure est envoyée par fax ou par lettre recommandée avec accusé de réception. C'est pourquoi les avocats sont obligés de solliciter leurs collègues à La Réunion pour régulariser leurs requêtes. Toutefois, les avocats réunionnais ne sont pas toujours disposés à remplir cette formalité, sauf pour les dossiers payants. ".

    (97) Voir infra.

    (98) A ce titre, le Défenseur des droits souligne dans son rapport accès aux droits et aux services publics en Guyane, op.cit, que " le recours au droit est anormalement démobilisé au regard de la taille de la population et continue à faiblir ", les causes en étant diverses : " éloignement des centres administratifs, coûts induits de la mobilité, tenue aléatoire des permanences administratives, insuffisance des moyens, complexité des conditions d'accès aux droits, ou encore l'augmentation de la fréquentation des guichets administratifs ". Il poursuit en dénonçant le déséquilibre de la couverture territoriale des services administratifs (concentrés à Cayenne) qui créé une discrimination entre citoyens dès lors que l'accès à un service public génère un coût pour certains (éloignés de Cayenne et de sa périphérie) et pas pour d'autres (établis à proximité de cette ville). En outre, non contents d'être trop peu nombreux, les quelques moyens de transports publics collectifs sont très onéreux. Or, une grande partie de la population guyanaise dispose de revenus très insuffisants.

    (99) Contribution écrite conjointe de Mesdames Christine Codol et Mirian Fouchier.

    (100) Voir infra.

    (101) A titre d'exemple un aller-retour Cayenne/Saint-Georges de l'Oyapock en taxi collectif coûte 80 euros. Un aller-retour Cayenne/Grand-Santi en avion coûte, quant à lui, 150 euros. Le niveau de vie mensuel médian est de 695 euros (source : INSEE).

    (102) Il a été rapporté à la CNCDH que le conseil des prud'hommes, composé de quarante conseillers, devrait normalement se réinstaller en 2018 puisque la prochaine désignation de conseillers aura lieu le 31 décembre 2017.

    (103) Madame Christine Codol, alors magistrat déléguée à la chambre détachée du tribunal de grande instance de Cayenne, à Saint-Laurent-du-Maroni, a créé ces audiences. Seules les auditions avaient lieu en audience foraine. L'audience était ensuite tenue à Saint-Laurent-du-Maroni à une date indiquée à l'occasion de ces auditions.

    (104) Voir infra note 118.

    (105) Voir supra partie I.

    (106) En août 2016, une magistrate aurait dû participer avec son greffier au voyage de l'une de ces pirogues. Malheureusement, l'opération a dû être reportée, la magistrate étant informée tardivement de ce report. Depuis, selon les informations reçues, le dialogue semble rompu entre les magistrats qui se rendent habituellement en audience foraine et la préfecture, ce qui est regrettable.

    (107) Voir infra.

    (108) Contribution écrite du Syndicat de la magistrature.

    (109) Article 444 du code de procédure civile de Polynésie française.

    (110) Le tribunal de première instance de Nouméa dispose de deux chambres détachées, à Koné et Lifou, composées de deux magistrats à Koné et d'un magistrat à Lifou.

    (111) Le tribunal de première instance de Papeete compte deux sections détachées à Nuku-Hiva et Raiatera. Les deux magistrats qui y sont affectés dans ces deux sections se déplacent également en audiences foraines où ils interviennent essentiellement sur des contentieux fonciers et sur commission rogatoire du juge des enfants ou du juge de l'application des peines.

    (112) Depuis fin 2015, une chambre détachée du tribunal de grande instance de Basse-Terre a été créée à Saint-Martin, couvrant les ressorts de Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

    (113) Antérieurement à la chambre détachée, la présence judiciaire était limitée à la présence d'un greffe permanent, justifiée essentiellement par un nombre important de dépôt de demandes d'acquisition de nationalité française et par des audiences foraines tenues de manière très ponctuelle par des magistrats du TGI de Cayenne pour traiter surtout des contentieux correctionnel et familial.

    (114) Il faut donc en faire venir un troisième pour les audiences collégiales.

    (115) Aucun juge des enfants (alors que la moitié de la population est mineure), aucun juge d'instruction, aucun juge de l'application des peines et pas non plus d'auxiliaires de justice…

    (116) Audition du Syndicat de la magistrature, 4 avril 2017.

    (117) Discours de rentrée judiciaire (janvier 2017) du premier président de la cour d'appel de Cayenne.

    (118) Le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'Etat et l'arrêté du 3 juillet 2006 fixant les taux des indemnités de mission prévues à l'article 3 du décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'Etat (articles 1 à 3 du présent arrêté) pose un taux maximal pour l'indemnité de mission pouvant être attribuée à l'occasion d'une tournée égal à 70 % du taux maximal de l'indemnité de mission applicable dans la collectivité d'outre-mer (soit 70 % de 90 euros = 63 euros par jour de remboursement). S'agissant tout particulièrement de la Guyane, les personnes auditionnées par la CNCDH ont indiqué qu'une telle somme ne suffisait même pas à couvrir les frais d'hébergement, et précisé qu'un montant de 115 euros par jour serait plus approprié à la réalité. Une telle situation conduit à de graves réalités telles que la survenance d'accidents de la route pour le personnel de l'institution judiciaire qui, pour éviter d'avancer des frais supplémentaires, font l'aller-retour Cayenne-Saint-Laurent-du-Maroni dans la journée. Une discussion intersyndicale est actuellement menée en Guyane avec le premier président de la cour d'appel de Cayenne pour trouver une solution.

    (119) Selon M. Benjamin Banizette, à Mayotte, on compte en moyenne 50 % d'absence des parties aux audiences dans les juridictions mahoraises, bien que cela varie en fonction des contentieux. En Guyane, selon la directrice de greffe du TGI de Cayenne, Mme Anne Lepage, le taux d'absence des parties aux audiences en raison de ces difficultés serait de l'ordre de 10 à 20 %.

    (120) Par exemple, l'adresse est présentée comme ceci : Monsieur X, PK20, Maripasoula. Cela signifie qu'au point kilométrique 20 où se situent des centaines de boîtes aux lettres, se trouvera la boîte postale de Monsieur X. Cependant, selon la directrice de greffe du TGI de Cayenne, un travail a été entrepris par la DRFIP, la collectivité territoriale de Guyane et les quatre communautés de communes pour améliorer le dispositif d'adresse postale (nomination et numérotation des rues). Ce travail est toujours en cours.

    (121) Selon le rapport du Défenseur des droits sur l'égal accès aux droits et aux services publics en Guyane, op.cit, p. 31, les domiciliations postales coûtent de 30 à 40 euros.

    (122) http://www.mayotte.pref.gouv.fr/content/download/5164/43644/file/Mayotte%202025%20Une%20ambition%20pour%20la%20R%C3%A9publique%20-%20document%20strat%C3%A9gique.pdf p. 23.

    (123) Audition de M. Benjamin Banizette, 28 mars 2017.

    (124) Selon le président du tribunal de grande instance de Mamoudzou, M. Laurent Sabatier. Il dénonce cependant la présence de seulement deux huissiers, rendant très compliquées ces citations.

    (125) Ibidem.

    (126) Article 748-1 du code de procédure civile.

    (127) Article 803-1, II du code de procédure pénale, dont le second alinéa a été introduit par la loi du 16 février 2015 (loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures) qui permet à l'autorité judiciaire de substituer l'envoi par voie électronique d'avis, convocations ou documents adressés à des personnes, à l'envoi actuel par lettre simple, lettre recommandée ou lettre recommandée avec demande d'avis de réception, mais " à la condition que la personne y ait préalablement consenti par une déclaration expresse recueillie au cours de la procédure ", et ce dans toutes les phases de la procédure (enquête, instruction, jugement, exécution ou application de la peine. Circulaire d'application de la partie II de l'article 803-1 http://www.textes.justice.gouv.fr/art_pix/JUSD1506962C.pdf.

    (128) Néanmoins, selon la directrice du greffe du TGI de Cayenne, la convocation par internet pourrait être envisageable en passant par la possibilité pour les justiciables guyanais d'utiliser internet dans les maisons de services publics, dans les mairies qui disposent d'espaces numériques, dans les deux MJD de Guyane ou encore en ayant recours aux cyber espaces mis en place en Guyane.

    (129) A ce titre, la directrice du greffe du TGI de Cayenne indique que des groupes de travail vont se réunir prochainement pour évoquer les possibilités de convocation par SMS ou par email.

    (130) Par exemple, Mme Nadia Bergouniou-Gournay, présidente de la chambre d'appel de Mamoudzou, préconise, lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un avocat, la traduction de l'ensemble de ces communications en shimahoré. On pourrait également penser à une traduction en shibushi.

    (131) Articles 47 et 48 de la Charte européenne des droits fondamentaux et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

    (132) Par exemple, selon le rapport du Défenseur des droits sur l'égal accès aux droits et aux services publics, op.cit, p. 29 : en Guyane, 60 % de la population y est éligible. L'aide juridictionnelle est toutefois moins développée en Guadeloupe (qui comporte Saint-Barthélemy et Saint-Martin).

    (133) Le dispositif d'aide juridictionnelle de droit commun (loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique) est applicable en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, en Polynésie française, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Un dispositif spécifique d'aide juridictionnelle en matière pénale est applicable en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis-et-Futuna (ordonnance n° 92-1147 du 12 octobre 1992 relative à l'aide juridictionnelle en matière pénale en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis-et-Futuna et décret n° 93-1425 du 31 décembre 1993 relatif à l'aide juridictionnelle en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis-et-Futuna).

    (134) Les chiffres de 2015, 2016 et 2017 montrent que l'AJ constitue près de 90 % du budget du Programme 101.

    (135) Audition de M. Yves Tamet, 19 avril 2017.

    (136) Avis du Sénat n° 146 présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi de finances pour 2017, p. 25.

    (137) Il a été rapporté à plusieurs reprises à la CNCDH que les avocats, notamment à Mayotte, peinent à recevoir leur attestation de fin de mission.

    (138) A l'exception de la Nouvelle-Calédonie qui relève d'un régime à part, seuls les avocats de Polynésie française bénéficient d'une prise en charge de leurs frais de déplacements (article D. 17-4 du 30 décembre 1991 et D. 38 du 10 octobre 1996). Pour les autres territoires ultramarins, c'est l'article 55 du décret n° 93-1425 du 31 décembre 1993 (modifié par le décret n° 2012-397 du 23 mars 2012) qui règle la question des frais de déplacement, qui n'incluent donc pas la location de voiture, de repas et d'hébergement.

    (139) Voir supra Partie I.

    (140) Audition de M. Yves Tamet, 19 avril 2017.

    (141) A l'heure où est achevée la rédaction de cet avis : juin 2017.

    (142) Guide juridique sur l'accès aux droits en Guyane, Ligue des droits de l'homme, septembre 2015, p. 34 http://www.ldh-france.org/wp-content/uploads/2015/09/GUIDE-D-ACCES-AUX-DROITS-EN-GUYANE.pdf. Sur l'intervention du premier président de la cour d'appel de Cayenne, les délais de traitement des dossiers d'aide juridictionnelle ont été réduits, passant de 150 jours à 33 jours en deux ans.

    (143) Selon le bureau d'aide aux victimes, les délais d'instruction se situent aujourd'hui entre deux à trois mois.

    (144) A cet égard, l'avis du Sénat n° 146 sur le projet de loi de finances 2017 op.cit, considère que les particularités locales et les conditions climatiques des outre-mer sont sous-estimées. La commission a en effet souligné que l'approche immobilière du ministère de la justice " restait calée sur celle connue en métropole " en soulignant que l'absence de prise en compte suffisante des conditions climatiques entraînait des surcoûts de fonctionnement pour la maintenance et l'entretien des locaux. Maître Lingibé, ancien bâtonnier de Cayenne et membre du Conseil national des barreaux estime qu'un équipement conçu pour dix ans en métropole voit, dans les outre-mer, sa durée réduite de moitié.

    (145) Rapport d'information du Sénat n° 675, " Mayotte : un nouveau département confronté à de lourds défis ", op.cit. En outre, deux rapports successifs de la commission consultative départementale de sécurité ont proposé en 2012 de fermer les bâtiments au motif que la sécurité des personnels et des usagers n'était pas assurée, invoquant notamment des difficultés d'accès des secours et un mauvais état des installations électriques.

    (146) L'ancien tribunal, qui était situé au centre de Mamoudzou, a été dévasté par un cyclone en 2005 et les seuls locaux encore disponibles et susceptibles d'accueillir une telle activité judiciaire ont été ceux où est actuellement situé le tribunal. Alors que cette situation aurait dû être temporaire, les projets de reconstruction proposés en 2007-2008 en lieu et place de l'ancien tribunal n'ont pas été suivis d'effet, faute, à l'époque, d'une véritable volonté politique.

    (147) Rapport du Syndicat de la magistrature sur la situation de la justice à Mayotte, 2014. Disponible sur http://www.syndicat-magistrature.org/IMG/pdf/rapport_mayotte_2014.pdf.

    (148) Désormais, l'accès au parking s'effectue par digicode et l'entrée est dotée de portiques de sécurité et de vigiles.

    (149) Rapport d'information du Sénat, " Mayotte : un nouveau département confronté à de lourds défis ", op.cit.

    (150) Motion du barreau de Mayotte du 24 octobre 2016, disponible sur http://lejournaldemayotte.com/wp-content/uploads/2016/10/Motion-avocats.pdf. Par exemple, les avocats n'ayant pas assez de badges pour pouvoir entrer dans les bâtiments, la motion relève que " Les membres du Barreau ne peuvent pénétrer au sein du tribunal de grande instance qu'avec le badge du personnel de sécurité ou celui du chargé de l'entretien des espaces verts ". De même, la motion fait état du fait que " malgré la construction d'un nouveau bâtiment dont les installations sont vantées, force est de constater l'absence de locaux adaptés à destination des avocats pour consulter les dossiers de nature pénale permettant de garantir la confidentialité de l'entretien avec les justiciables avant l'audience ; le local servant de case pour les Avocats est coincé entre des WC et la souricière, sans que le manque d'hygiène de cet emplacement que les avocats subissent n'émeuve personne. "

    (151) Par exemple, le greffe détaché du tribunal d'instance de Sada ne dispose pas du logiciel IP WEB, qui n'a d'ailleurs été installé au TI de Mamoudzou qu'à l'été 2016. L'IP WEB permet un gain de temps considérable pour les justiciables et les juridictions dès lors que ce logiciel permet un traitement automatisé des données dont le but est de dématérialiser les échanges entre les huissiers de justice et les tribunaux d'instance en matière de requête en injonction de payer.

    (152) CASSOPEE : Chaîne applicative supportant le système d'information oriente procédure pénale et enfants.

    (153) Il a été rapporté à la CNCDH que, pour accéder au service de la nationalité, certaines justiciables arrivent parfois dès cinq heures du matin.

    (154) En février 2014, les magistrats, greffiers et fonctionnaires ont exercé leur droit de retrait à cause d'un risque d'effondrement de la charpente de la toiture du TGI, une première dans l'histoire de la justice française. Leurs courriers successifs envoyés au ministère de la justice sont demeurés sans réponse.

    (155) Rapport de visite de la commission d'arrondissement de Cayenne pour la sécurité contre l'incendie et les risques de panique dans les établissements recevant du public, de la préfecture de la région de Guyane, 2014. La commission avait dressé un constat alarmant de la non-conformité des structures, du délabrement, de la vétusté et de la défectuosité des installations techniques, ainsi que du risque d'incendie le tout étant incompatible avec une évacuation du public et du personnel efficace. En 2013, le rapport de la mission d'inspection santé, sécurité au travail de l'inspection générale des services judiciaires, inspection des juridictions du ressort de la cour d'appel de Cayenne, sonnait déjà l'alarme sur " le risque incendie, lui-même en lien direct avec la non-conformité des installations électriques, mais également avec les stockages de papier et de cartons dans espaces de travail et les circulations. Il incombe donc aux autorités compétentes de privilégier le traitement de l'archivage dans les juridictions et de poursuivre la mise en conformité et en sécurité des locaux et des installations ".

    (156) Rapport de la mission d'inspection santé, sécurité au travail de l'Inspection générale des services judiciaires, 2013, op.cit.

    (157) Discours de rentrée judiciaire du premier président de la cour d'appel de Cayenne, janvier 2017 ; audition de Mme Christiane Taubira, 4 mai 2017 ; audition du Syndicat de la magistrature, 18 avril 2017.

    (158) Audition de Mme Christiane Taubira, 4 mai 2017.

    (159) Dans le cadre de l'accord de Guyane, la mise en place d'un comité interministériel des mesures mises en œuvre par l'Etat a été décidée.

    (160) Avis n° 146 du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2017, op.cit., p. 29.

    (161) Ibidem, p. 31.

    (162) http://www.mayotte.pref.gouv.fr/content/download/5164/43644/file/Mayotte%202025%20Une%20ambition%20pour%20la%20R%C3%A9publique%20-%20document%20strat%C3%A9gique.pdf p. 8.

    (163) Depuis 2007, 77 auditeurs de justice ont pris leurs fonctions dans les outre-mer et 11 autres devraient les rejoindre en septembre 2017.

    (164) Il peut même arriver que la cour d'appel soit en sureffectif. Par exemple, au TGI à Mamoudzou, il y aura à la rentrée de septembre 2017, 17 magistrats pour 15 postes, ce qui représente un nombre trop important de magistrats par rapport à la charge de travail. L'on peut se demander s'il ne s'agit pas de compenser le fait que les dossiers sont plus longs à traiter, en raison notamment de la barrière de la langue.

    (165) Voir infra. En Guyane, les juges spécialisés sont sur-sollicités pour le service général et sont en difficulté pour gérer leurs cabinets. Notamment, les juges de l'application des peines, les juges des enfants et les juges d'instruction ont une surcharge de dossiers (entre 150 à 160 par cabinet) et un nombre de détenus à gérer bien supérieur à celui de leurs collègues de métropole. Si le pénal représente 70 % du contentieux en Guyane, cette proportion n'est pas prise en compte dans le calcul des effectifs. Finalement, même sans vacance de poste, la juridiction reste en sous-effectif.

    (166) Par exemple, à Mayotte, des milliers de personnes n'ont toujours pas d'état civil (plus de 3 000 dossiers sont encore en stock) et le contentieux du droit des étrangers est lui aussi clairement sous-estimé (sur ce point, voir CNCDH, avis relatif aux droits des étrangers et au droit d'asile dans les outre-mer, qui sera adopté en septembre 2017).

    (167) Voir supra partie I.

    (168) Avis n° 146 du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2017, op.cit., p. 26-29. L'avis rappelle que " les éventuelles carences législatives ou réglementaires accroissent le risque d'insécurité juridique et d'obsolescence du droit pour les justiciables. Pour mémoire, dans les collectivités régies par le principe de spécialité législative, les modifications législatives ou réglementaires n'y sont, en principe, applicables que par une mention expresse ou s'il est établi qu'une telle modification relève de la catégorie des " lois de souveraineté ". Ce principe a une influence décisive sur l'état du droit applicable et requiert une connaissance fine de ces règles par les magistrats et les auxiliaires de justice ". En outre, s'agissant plus particulièrement du statut coutumier, les rapporteurs de l'avis poursuivent : " En Guyane et à Mayotte, les justiciables régis par ce statut, comme les litiges relatifs aux terres coutumières, relèvent des juridictions civiles de droit commun. Cette particularité requiert, là encore, des magistrats des connaissances complémentaires par rapport à leurs collègues ".

    (169) Contribution écrite de la direction des services judiciaires, sous-direction des ressources humaines des magistrats.

    (170) Ibidem.

    (171) S'agissant tout particulièrement de la Guyane, le Défenseur des droits considère que la " rotation rapide des agents du service public, tous secteurs confondus, a des conséquences lourdes sur la continuité des services publics et le suivi des dossiers " et que par conséquent, " soumis à ces instabilités permanentes et préjudiciables, les citoyens guyanais perdent progressivement confiance ". Décision n° 2017-078 du Défenseur des droits du 14 février 2017.

    (172) Contribution écrite de la direction des services judiciaires, sous-direction des ressources humaines des magistrats.

    (173) Audition de M. Philippe Edmond-Mariette, 9 mars 2017.

    (174) Rapport d'information n° 675 du Sénat, " Mayotte : un nouveau département confronté à de lourds défis ", op.cit.

    (175) Audition de Maître Dominique Monget-Sarrail, 31 janvier 2017.

    (176) Audition de Mme Marjane Ghaem, 30 avril 2017 ; voir CNCDH, avis relatif aux droits des étrangers et au droit d'asile dans les outre-mer, qui sera adopté en septembre 2017.

    (177) Rapport d'information n° 675 du Sénat, " Mayotte : un nouveau département confronté à de lourds défis ", op.cit.

    (178) http://www.mayotte.pref.gouv.fr/content/download/5164/43644/file/Mayotte%202025%20Une%20ambition%20pour%20la%20R%C3%A9publique%20-%20document%20strat%C3%A9gique.pdf, p. 8.

    (179) Contribution écrite du Syndicat de la magistrature.

    (180) Le contentieux familial représente plus de 50 % du contentieux civil. Il y a très peu de contentieux de tutelles du fait de la forte solidarité familiale qui règne au sein de la population guyanaise. En outre, l'activité juridique commerciale et sociale est particulièrement faible du fait de la structuration de l'activité locale : absence d'industrie et recours au travail dissimulé.

    (181) 594 saisines en 2014 contre 221 au 31 octobre 2016.

    (182) La forte criminalité observée en Guyane a un impact sur la situation du centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly, unique sur le sol guyanais, où on observe une surpopulation carcérale importante. Voir avis de la CNCDH sur la question pénitentiaire dans les outre-mer, adopté le 18 mai 2017, JORF n° 0138 du 14 juin 2017, texte n° 77.

    (183) Les meurtres représentent 80 % des crimes violents contre 20 % en métropole.

    (184) La délinquance majoritaire s'articule autour des infractions de violences (meurtres, violences conjugales, violences aggravées par l'usage d'armes blanches telles des machettes…), des infractions liées à l'orpaillage illégal, de la pêche illégale, de l'entrée et du séjour irrégulier (Brésil, Suriname, Guyana), des cambriolages (aggravés par l'usage d'une arme)… On déplore également une croissance exponentielle du trafic de drogue, principalement le transport de cocaïne in corpore par des mineurs, des femmes enceintes, des fratries, le recours à des " mules " étant assez spécifique à la Guyane.

    (185) Circulaire du 19 février 2013 de politique pénale territoriale pour la Guyane. NOR : JUSD1304818C.

    (186) Arrêté n° 2016-034-0003 du 3 février 2016 fixant, par commune, le nombre des jurés d'assises pour l'année 2016 ; arrêté du 14 mars 2016 portant modification de l'arrêté n° 2015006-0001 du 6 janvier 2015 fixant, par commune, le nombre des jurés d'assises pour l'année 2016.

    (187) Tous les juges du siège, même spécialisés, participent au service général qui vise surtout le contentieux correctionnel ou criminel. Chaque magistrat siège vingt jours par an en cour d'assises, alors qu'en métropole la moyenne est de cinq jours.

    (188) Par exemple, lorsqu'un vol est commis avec, non pas une mais deux circonstances aggravantes (vol commis par plusieurs personnes et accompagné de violences sur autrui n'ayant pas entraîné d'incapacité totale de travail), il doit être jugé par une juridiction collégiale (article 398-1, alinéa 1, du code de procédure pénale).

    (189) Contribution écrite conjointe de Mmes Christine Codol et Mirian Fouchier.

    (190) " La problématique migratoire est également utilisée pour justifier le recours à la comparution immédiate : il s'agit de juger les étrangers en situation irrégulière dès leur sortie de garde à vue pour s'assurer de leur présence à l'audience " a dénoncé le Syndicat de la magistrature dans sa contribution écrite transmise à la CNCDH.

    (191) Une telle situation conduit à un engorgement de la prison de Rémire-Montjoly et à une surpopulation carcérale.Voir CNCDH : avis sur la question pénitentiaire dans les outre-mer, Assemblée plénière du 18 mai 2017, JORF n° 0138 du 14 juin 2017, texte n° 77.

    (192) A ce titre, un poste de " référent violence " avait été mis en place en 2014 en Guyane. Le référent se déplaçait dans les gendarmeries notamment à Saint-Georges, Saint-Laurent-du-Maroni et Maripasoula mais, par manque de financement, le poste a été supprimé, ce qui est regrettable.

    (193) Le kwassa kwassa est un nom d'origine comorienne désignant un canot de pêche. Ces canots sont régulièrement utilisés par des passeurs pour l'immigration clandestine des îles des Comores vers Mayotte. Plus d'une dizaine de milliers de personnes ayant tenté de traverser l'océan par ces canots est décédé depuis une vingtaine d'années.

    (194) Cela consiste pour une personne en situation irrégulière à prendre un avion pour la métropole avec une pièce d'identité qui a été prêtée ou louée par une personne qui lui ressemble. L'individu prend l'avion et ensuite renvoie la pièce d'identité à son titulaire.

    (195) Selon le ministère de la justice, la rotation des agents des administrations et des associations peut contribuer à une mise en œuvre difficile de mesures alternatives telles que la médiation pénale, la mise en place de stages de citoyenneté et de sensibilisation.

    (196) Rapport de mission du Défenseur des droits sur la situation des droits des enfants à Mayotte, novembre 2015 ; rapport de l'IGAS, Mission d'appui au département de Mayotte sur le pilotage de la protection de l'Enfance, février 2016.

    (197) Le quartier carcéral pour mineurs de la prison de Majicavo accueille aujourd'hui 28 mineurs pour 30 places disponibles. Source : Direction interrégionale des services pénitentiaires d'outre-mer. Données de juin 2017.

    (198) Alors que le Syndicat de la magistrature considère que le parquet a régulièrement recours aux mesures de réparation pour les mineurs, le ministère de la justice considère que l'ampleur de ces mesures de réparation est " bien modeste ", ajoutant qu'en raison du sous-dimensionnement de la PJJ, celle-ci n'est pas à l'heure actuelle en mesure d'en augmenter le nombre.

    (199) Un centre éducatif fermé d'une capacité de douze places nécessite trois millions d'euros d'investissement de base puis un coût de deux millions annuel pour assurer son bon fonctionnement, alors qu'un lieu de vie et d'accueil coûterait 300 000 euros.

    (200) Voir : CNCDH, avis sur l'effectivité de l'accès à l'éducation dans les outre-mer, qui sera adopté lors de l'Assemblée plénière du 6 juillet 2017.

    (201) Le CER prend en charge des garçons âgés de treize à dix-sept ans, pour des sessions d'une durée de cinq mois. Six places sont réservées à des jeunes placés par les juridictions guyanaises, une pour un jeune placé par une juridiction de Guadeloupe et une pour un jeune placé par une juridiction de Martinique.

    (202) Source : Direction interrégionale des services pénitentiaires d'outre-mer. Données de juin 2017.

    (203) Le système de défense publique est un mécanisme de protection mis à disposition par l'Etat pour les personnes qui n'ont pas les moyens de faire appel aux services d'un avocat pour garantir leurs droits. Un tel dispositif est notamment appliqué en Equateur et en Argentine. Rapport du Comité des droits de l'homme, sur les 97e, 98e et 99e sessions, A/65/40 (Vol. I).

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