Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2016-982 du 20 juillet 2016 prise en application de l'article 30 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense

NOR : DEFD1611824P
ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/rapport/2016/7/21/DEFD1611824P/jo/texte
JORF n°0168 du 21 juillet 2016
Texte n° 19

Version initiale


  • Monsieur le Président de la République,
    L'article 30 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense habilite le Gouvernement à prendre, par ordonnances, des dispositions législatives dans plusieurs domaines de la politique de défense.
    Après l'adoption de l'ordonnance n° 2015-1534 du 26 novembre 2015, la présente ordonnance constitue le deuxième et dernier volet de mise en œuvre de ces habilitations. Elle se compose de six chapitres qui portent application du 1°, des c, d, e, f et g du 3° et du 5° de l'article 30 de la loi du 28 juillet 2015 précitée.
    Les dispositions du chapitre Ier ont pour objet de compléter les dispositions du code de la défense relatives au contrôle a posteriori des opérations d'exportation de matériels de guerre et de matériels assimilés et de transfert intracommunautaire de produits liés à la défense.
    La modification des articles L. 2335-4 et L. 2335-12 du code de la défense ainsi que la création des nouveaux articles L. 2339-1-1 et L. 2339-1-2 visent à doter l'autorité administrative des moyens de s'assurer de la viabilité des mesures de contrôle interne mises en place par les exportateurs et par les fournisseurs de matériels de guerre et, le cas échéant, de les mettre en demeure de prendre des mesures correctives. Le nouveau dispositif confère en effet au comité ministériel du contrôle a posteriori (CMCAP) le pouvoir d'enjoindre à toute entreprise défaillante de modifier ses règles d'organisation et ses procédures de contrôle interne afin de se conformer aux obligations posées par le code de la défense. Il est assorti de la faculté de prononcer, en cas d'inexécution des mesures correctrices ainsi demandées, une sanction pécuniaire proportionnée et/ou la suspension, la modification ou l'abrogation de la licence pour la mise en œuvre de laquelle des carences ont été constatées. Il s'agit d'amener les industriels au standard de conformité le plus élevé et, par conséquent, de prévenir toute commission de l'une des infractions pénales prévues aux articles L. 2339-10 et suivants du code de la défense. Au demeurant, si, malgré l'intervention de l'administration, les agents habilités constatent des faits constitutifs d'une telle infraction, il appartient au CMCAP de les signaler au procureur de la République.
    Ainsi, eu égard à leurs finalités différentes, les sanctions pénales et administratives instituées en matière de contrôle a posteriori des exportations et des transferts d'armements ne répriment pas les mêmes manquements et ne pourraient, en conséquence, être prononcées à raison des mêmes faits. En revanche, l'hypothèse d'un cumul entre une sanction pécuniaire et une décision de suspension, de modification ou d'abrogation d'une licence est possible, conformément à jurisprudence nationale et européenne.
    Le chapitre II se compose de trois articles portant sur diverses dispositions du code de la défense relatives au statut des militaires.
    L'article 3 ajoute une section 5 dans le chapitre III du titre II du livre Ier de la quatrième partie du code de la défense, consacrée à la santé et à la sécurité au travail des militaires et comprenant un article unique (L. 4123-19). Il s'agit de créer une norme de valeur législative permettant de servir de fondement à des dispositions réglementaires générales liées au statut, à l'instar de ce qui existe pour les fonctionnaires civils. L'objet de cette réforme est de faire bénéficier les militaires, hors engagement opérationnel, de règles communes destinées à préserver leur santé et leur intégrité physique durant leur service et ce quelle que soit l'autorité auprès de laquelle ils sont placés (ministères de la défense, de l'intérieur, de l'outre-mer, ambassades, collectivités territoriales, etc.).
    L'article 4 modifie l'article L. 4132-6 du code de la défense afin de permettre le versement d'une allocation financière spécifique, accordée au titre d'un programme de formation par le ministre de la défense ou par le ministre de l'intérieur, à des élèves ou des étudiants qui s'engagent, en contrepartie, à souscrire un contrat pour une durée minimale. Ces dispositions répondent aux orientations fixées par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale du 29 avril 2013, qui impose aux forces armées des équipements et des contrats opérationnels présentant un haut niveau de technicité. Ces préconisations induisent d'élargir et de sécuriser le vivier de recrutement de militaires servant en vertu d'un contrat, afin de disposer de militaires qualifiés dans des compétences sensibles ou rares, indispensables à la satisfaction des contrats opérationnels.
    L'article 5 est destiné à clarifier les dispositions concernant la prise en compte, au titre de l'avancement, du temps passé par les militaires dans certaines positions de non-activité. En effet, le code de la défense prévoit actuellement que le militaire placé en congé de longue durée pour maladie (article L. 4138-12) ou en congé de longue maladie (article L. 4138-13) concourt pour l'avancement à l'ancienneté et, dans certaines conditions, pour l'avancement au choix, sans préciser si le temps passé dans l'un de ces congés est pris en compte. Il s'agit ainsi de clarifier ces deux articles en mentionnant expressément que ces périodes sont effectivement prises en compte au titre de l'avancement.
    Les dispositions du chapitre III ont pour objet de modifier le code de la défense afin de préciser et d'harmoniser les notions de « forces armées » et de « formations rattachées », qui y figurent jusqu'à présent dans des acceptions différentes. Les disparités actuelles résultent principalement du fait que, selon le domaine concerné, certains services du ministère de la défense sont inclus soit dans les « forces armées », soit dans les « formations rattachées ». En outre, le code de la défense contient des dispositions qui mentionnent les « armées » (désignant, aux termes de ce code, exclusivement l'armée de terre, la marine nationale et l'armée de l'air) et les « forces armées » alors que, au regard de l'organisation actuelle du ministère de la défense, les termes, respectivement, de « forces armées » et de « forces armées et formations rattachées » devraient être employés. Cette situation contrevient à l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme. De plus, elle est de nature à entraîner une application erronée du droit, source potentielle de contentieux.
    Les principales mesures de la présente ordonnance consistent en l'actualisation de la définition des « forces armées » figurant à l'article L. 3211-1 du code de la défense, qui en restreint, à tort, la composante interarmées aux seuls services de soutien. La nouvelle définition proposée permet d'y adjoindre les autres organismes interarmées, notamment l'état-major des armées et la direction du renseignement militaire. Cet article est en outre complété afin de distinguer, d'une part, les « forces armées » entendues au sens de l'organisation, de la préparation et de l'emploi des forces, et, d'autre part, cette même notion dans son acception statutaire, qui ne désignera alors que les organismes gestionnaires de corps militaires au sens du décret n° 2014-1537 du 19 décembre 2014 relatif à l'élaboration et à la mise en œuvre de la politique des ressources humaines du ministère de la défense.
    La notion de « formations rattachées » est par ailleurs définie dans un nouvel article L. 3211-1-1. La liste de ces formations est renvoyée à un décret en Conseil d'Etat.
    Tirant les conséquences législatives de la redéfinition du terme de « forces armées », l'ordonnance procède, à titre complémentaire :


    - au remplacement, chaque fois que cela s'impose, des termes « armées » et « forces armées » par les termes « forces armées » et « forces armées et formations rattachées », hormis le cas où le terme de « forces armées » est issu du droit international ;
    - à la rectification, en conséquence, des seuils de représentativité des associations professionnelles nationales de militaires définis à l'article L. 4126-8, dans la mesure où ceux-ci ont été déterminés sur la base de « forces armées » entendues comme les trois armées et la gendarmerie, et de « formations rattachées » incluant le service de santé des armées, le service des essences des armées et le service du commissariat des armées ;
    - et à la modification de certaines subdivisions (titres et chapitres) relatives aux services de soutien, aux commandements interarmées et aux conseils supérieurs d'armée et de formation rattachée, dans la perspective d'y faire figurer à terme des articles créés ou déplacés au sein de la partie réglementaire du code de la défense.


    Les dispositions du chapitre IV tirent les conséquences de la suppression de la commission centrale relative aux bonifications et avantages de carrière des fonctionnaires ayant accompli des services de la Résistance, prévue par l'article 4 de l'ordonnance n° 2015-1534 du 26 novembre 2015 prise en application de l'article 30 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 et portant diverses dispositions concernant la défense, les anciens combattants et l'action de l'Etat en mer. Cette suppression résulte d'une décision prise le 2 avril 2013 par le comité ministériel pour la modernisation de l'action publique (CIMAP).
    L'article 10 propose ainsi de remplacer cette commission par le ministre chargé des anciens combattants ou le directeur général de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre à l'article 4 de la loi n° 56-334 du 27 mars 1956 tendant à rendre applicable aux personnels des cadres algériens la loi n° 51-1124 du 26 septembre 1951 modifiée, instituant des bonifications d'ancienneté pour des personnes ayant pris une part active et continue à la Résistance et prévoyant des dérogations temporaires aux règles de recrutement et d'avancement dans les emplois publics et tendant à reconnaître aux anciens membres de la résistance active et continue recrutés, nommés ou titularisés dans des emplois administratifs la qualité d'agents issus du recrutement normal et à réparer les injustices commises à leur égard.
    De même, l'article 11 propose de remplacer le « ministre de la défense nationale et des forces armées » par le ministre chargé des anciens combattants ou par le directeur général de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre à l'article 5 de la loi n° 58-348 du 4 avril 1958 relative à l'application aux personnels militaires des majorations d'ancienneté prévues par la loi n° 50-729 du 24 juin 1950 modifiant l'article 8 de la loi n° 48-1251 du 6 août 1948 et par la loi n° 54-1124 du 26 septembre 1951.
    Aux articles 10 et 11, il est précisé que la référence à l'article L. 517 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre sera remplacée par la référence à l'article L. 611-1 à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 28 décembre 2015 relative à la partie législative du code des pensions militaires et des victimes de guerre.
    Le chapitre V a pour objet de modifier l'article L. 517-1 du code de l'environnement afin de tenir compte des spécificités des installations classées pour la protection de l'environnement qui relèvent du ministère de la défense.
    L'article 12 propose de supprimer le second alinéa de cet article afin d'ouvrir au ministère de la défense le bénéfice de servitudes d'utilité publique pouvant être instituées autour de certaines installations classées pour la protection de l'environnement en application des articles L. 515-8 à L. 515-11 du code de l'environnement. Cette exclusion résultait des directives « Seveso 1 » et « Seveso 2 », qui excluaient de leur champ d'application les installations militaires.
    Or, à l'occasion de la transposition de la directive « Seveso 3 », qui prévoit, à l'instar des directives précédentes, une exemption pour les installations militaires, le Gouvernement a fait le choix de leur appliquer les obligations issues de cette directive. La loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 transposant cette dernière n'ayant pas abrogé le second alinéa de l'article L. 517-1 du code de l'environnement, il convient de régulariser la situation par la présente ordonnance.
    L'article 12 crée également une dérogation au droit commun pour les matériels et équipements opérationnels des forces armées déployés sur le territoire national dans des circonstances particulières liées à la défense nationale. Susceptibles de constituer une installation classée pour la protection de l'environnement nouvelle au sens du code de l'environnement, ces matériels et équipements opérationnels devraient être soumis au régime commun de ces installations classées pour l'environnement, le code de l'environnement ne prévoyant pas de procédure adaptée à de telles situations. Or, impliquant des procédures contraignantes en termes de délais, la procédure d'autorisation des installations classées pour la protection de l'environnement ne peut être mise en œuvre du fait de l'impératif d'urgence lié à la réalisation de mission de défense et de sécurité nationale confiée aux armées. Il doit être relevé que l'ordonnance prévoit de limiter le recours à l'exemption aux seuls cas des installations mises en œuvre sur une période inférieure à six mois consécutifs sur un même site, étant précisé que, dans le cas où un déploiement serait appelé à dépasser ce délai, il serait traité selon la procédure de droit commun définie par le code de l'environnement.
    Enfin, l'ordonnance introduit une nouvelle disposition permettant de limiter la diffusion auprès du public de certaines informations relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement relevant du ministère de la défense. Le code de l'environnement prévoit, en effet, de nombreux dispositifs de consultation et d'information du public lorsque des activités industrielles sont susceptibles d'avoir des incidences sur l'environnement. Or, il s'avère qu'il existe des informations qui, sans être protégées au titre de la protection du secret de la défense nationale, constituent des éléments sensibles pour la défense nationale et la sécurité publique et qui, rendus facilement accessibles de tous, pourraient être exploités et recoupés à des fins malveillantes. Afin de se prémunir contre de telles utilisations, il est indispensable que, pour les installations du ministère de la défense les plus sensibles, une mesure soit introduite dans le code de l'environnement afin de permettre, le cas échéant, d'extraire des procédures de consultations, de participation et d'information du public les éléments susceptibles de porter atteinte aux intérêts de la défense nationale et à la sécurité publique.
    Le chapitre VI détermine les conditions d'application des dispositions des chapitres Ier, II, III et V de l'ordonnance dans les collectivités ultramarines régies par l'article 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises. Il modifie en conséquence les articles d'applicabilité correspondants du code de la défense et du code de l'environnement.
    Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
    Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.

Extrait du Journal officiel électronique authentifié PDF - 245 Ko
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