LOI RELATIVE AU DROIT DES ÉTRANGERS EN FRANCE
Monsieur le président,
Mesdames et messieurs les conseillers,
Les sénateurs soussignés ont l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi relative au droit des étrangers en France.
Les sénateurs, auteurs de la présente saisine, considèrent en effet que les dispositions des articles 13 et 22 sont des cavaliers législatifs au sens de la jurisprudence développée par votre conseil, en application de l'article 45 de la Constitution.
Comme l'a indiqué le rapporteur au Sénat, François-Noël BUFFET, dans son rapport élaboré au Sénat (n° 392, 2015-2016), il s'interroge « sur la conformité à la Constitution de trois dispositions introduites par les députés en nouvelle lecture », ayant notamment des effets importants sur le droit d'asile mais aussi sur le service civique, sans relation directe avec les dispositions restant en discussion, après l'échec de la commission mixte paritaire. C'est notamment la raison pour laquelle le rapporteur au Sénat a proposé d'adopter une question préalable.
Plusieurs orateurs, outre le rapporteur, lors de la discussion générale, en nouvelle lecture au Sénat, ont d'ailleurs invoqué l'inconstitutionnalité des dispositions introduites en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale (1).
S'agissant de l'article 13, modifié en profondeur, selon les requérants, par un amendement du Gouvernement déposé à l'Assemblée nationale afin de modifier le code du service national pour élargir les possibilités pour les étrangers d'accéder au service civique.
Sous couvert de clarification et de coordination, cet amendement comporte un sujet nouveau, abordé pour la première fois dans le cadre de ce texte.
En effet, les dispositions de l'article 13 du projet de loi se bornaient à des coordinations légistiques, celles relatives au code du service national ayant été votées conformes par les deux assemblées en première lecture.
Or, le service civique est à ce jour limitativement ouvert à certaines catégories d'étrangers ayant séjourné de manière régulière en France depuis plus d'un an.
Avec l'amendement adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, quatre nouvelles catégories de personnes pourraient en bénéficier : les mineurs étrangers âgés de seize à dix-huit ans et déclarant vouloir exercer une activité professionnelle salariée, les membres de la famille des titulaires d'un « passeport talent », les bénéficiaires de la protection subsidiaire, et les réfugiés sans se voir opposer la condition de résidence en France d'une année.
II s'agit donc d'une évolution d'ampleur du service civique qui ne saurait être qualifiée de mesure de coordination, telle que l'a présentée le Gouvernement dans l'objet de son amendement (2).
S'agissant du II de l'article 22, introduit par un amendement parlementaire (3) lors de l'élaboration du texte par la commission des lois en nouvelle lecture, il abroge les dispositions de l'article L. 552-4-1 et le chapitre II du titre VI du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, créés par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.
Ainsi les députés ont supprimé la possibilité pour le juge d'assigner à résidence un étranger, parent d'un enfant mineur, ne disposant pas de garanties de représentation, en le soumettant à une mesure de surveillance électronique mobile.
Dans le rapport en nouvelle lecture (4), le rapporteur à l'Assemblée nationale précise simplement que cette mesure est « disproportionnée » et qu'elle n'a jamais été mise en œuvre. Comme l'a très justement indiqué le rapporteur au Sénat, « justifier la suppression d'une disposition législative en raison de l'absence des textes réglementaires d'application est relativement critiquable ».
Selon les requérants, cette disposition est sans relation directe avec les dispositions restant en discussion après l'échec de la CMP.
Pour l'ensemble de ces motifs, les requérants considèrent que les dispositions nouvelles, ci-dessus énoncées, introduites par les députés lors de l'examen de ce texte en nouvelle lecture, sont sans relation directe avec les dispositions restant en discussion après l'échec de la CMP, et méconnaissent ainsi l'article 45 de la Constitution.
(1) Roger Karoutchi : « D'évidence, les dispositions introduites en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement seront censurées par le Conseil constitutionnel : le Gouvernement s'est fourvoyé. »
André Reichardt, discussion générale : « Il a fait introduire en nouvelle lecture de nouvelles dispositions sans lien avec le texte, ce qui est peu constitutionnel. »
(2) Amendement n° 148, nouvelle lecture AN : « Il améliore la rédaction et clarifie les dispositions votées en première lecture par le Parlement. »
(3) Amendement n° CL92, nouvelle lecture AN, présenté par Mme Chapdelaine, M. Raimbourg et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen.
(4) Rapport AN n° 3423 (2015-2016).Liens relatifs
Saisine du Conseil constitutionnel en date du 19 février 2016 présentée par au moins soixante sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2015-728 DC