Avis sur le projet de loi relatif à la réforme de l'asile

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  • (Assemblée plénière - 20 novembre 2014)


    1. Le 16 juillet 2013, le ministre de l'intérieur a initié une concertation nationale sur la réforme du droit d'asile présidée par deux parlementaires, la sénatrice Valérie Létard et le député Jean-Louis Touraine. Cette concertation a associé l'ensemble des acteurs de l'asile : le secteur public et les associations engagées dans ce domaine (1). La CNCDH a été auditionnée le 13 novembre 2013, avant que la concertation ne s'achève, le 28 novembre 2013, par la remise d'un rapport au ministre de l'intérieur (2). Le 23 juillet 2014, un projet de loi relatif à la réforme de l'asile a été adopté en Conseil des ministres.
    2. Par lettre du 5 août 2014, le ministre de l'intérieur a saisi la CNCDH en vue de recueillir son avis sur ce texte.
    3. Le Gouvernement a ensuite, le 30 septembre 2014, engagé la procédure accélérée sur le projet de loi. Aussi, la CNCDH ne peut-elle d'emblée que rappeler une nouvelle fois sa ferme opposition à la mise en œuvre de cette procédure dans une matière aussi sensible pour les droits et libertés que la garantie du droit d'asile. La réforme constitutionnelle de 2008 a certes entraîné une diminution du temps parlementaire consacré à l'examen des projets de loi ce qui, en pratique, conduit le Gouvernement à mettre en œuvre plus fréquemment la procédure accélérée. Cependant celle-ci ne permet pas un fonctionnement normal du Parlement, dès lors qu'elle restreint considérablement le temps de réflexion et de maturation nécessaire au débat démocratique, et nuit, par ricochet, à la qualité de la loi (3).
    4. La présente réforme s'inscrit dans le processus de communautarisation de l'asile (4). En effet, à la suite de l'adoption par le Conseil européen du programme de Stockholm, le traité de Lisbonne a confié à l'Union européenne (UE) la tâche de développer « une politique commune en matière d'asile, de protection subsidiaire et de protection temporaire visant à offrir un statut approprié à tout ressortissant d'un pays tiers nécessitant une protection internationale et à assurer le respect du principe de non-refoulement » (article 63.1). Après cinq années de négociations, le Conseil de l'UE et le Parlement ont adopté en juin 2013 les textes révisés des directives « Accueil » et « Procédures » devant être transposées d'ici à juillet 2015 (5), du règlement « Dublin III » directement applicable à compter de janvier 2014 (6) et du règlement « Eurodac » directement applicable à compter de juillet 2015 (7). La refonte de la directive « Qualification » avait eu lieu en 2011, le délai de transposition étant fixé au 21 décembre 2013 (8).
    5. Le projet de loi intervient dans un contexte extrêmement difficile où des populations entières fuient, au péril de leur vie, les conflits armés sévissant en Irak et en Syrie (9), et ailleurs aussi. A cela s'ajoute la survenance récente d'événements tragiques aux frontières de l'espace Schengen (10) qui laisse fortement craindre que les pouvoirs publics ne soient tentés de durcir encore leur politique de contrôle des flux migratoires (11). Si la CNCDH peut, sans naïveté, comprendre les craintes d'afflux massif exprimées dans l'Etude d'impact (12), elle estime néanmoins celles-ci doivent être ramenées à de plus justes proportions. A cet égard, la CNCDH rappelle que :


    - au sein de l'UE, le nombre de demandeurs d'asile (à peine supérieur à 330 000 en 2012, selon Eurostat) reste dérisoire au regard de la population (13) et de la puissance économique des pays composant l'Union (14) ;
    - en France, le nombre des bénéficiaires d'une protection internationale au titre de l'asile reste stable, soit 169 990 personnes en 2013 (15), nombre qui reste très inférieur à celui des bénéficiaires de cette protection en 1953 (224 829 réfugiés, source ministère de l'intérieur) et est comparable à celui de 1993 (165 531 réfugiés, source OFPRA).


    Si ces chiffres démentent la réalité d'un afflux massif, il faut rappeler que le souci de répondre à une telle situation est déjà pris en compte par le droit de l'UE qui a institué une protection temporaire (16), procédure restée jusqu'à ce jour inappliquée (17).
    6. Pourtant, et alors même que le Gouvernement exprime la volonté de « garantir que la France assure pleinement son rôle de terre d'asile en Europe » (18), l'exposé des motifs du projet de loi souligne que le dispositif actuel crée une « incitation au détournement de la procédure d'asile à des fins migratoires » avant de définir les deux axes qu'il se propose de suivre, à savoir non seulement : « améliorer encore la protection des personnes réellement en besoin d'une protection internationale », mais aussi « permettre plus facilement au dispositif d'écarter rapidement la demande d'asile infondée » (19). La CNCDH ne peut que déplorer ce type de formulation récurrente depuis plus de vingt ans, qui, en opposant les « bons » demandeurs d'asile aux « mauvais », contribue à créer un climat de suspicion généralisée à l'encontre de ceux qui sollicitent une protection internationale (20). De même, l'emploi de doubles négations dans plusieurs articles du projet de loi (par exemple, l'exigence que la demande de réexamen ne soit pas irrecevable ou que la demande d'asile à la frontière ne soit pas manifestement infondée) peut être compris comme posant une présomption d'absence de sincérité des demandes d'asile. En outre, plusieurs dispositions du projet de loi mentionnent malencontreusement « l'étranger » (voir les articles 12 et 13), cette terminologie entretenant une confusion fâcheuse entre les questions d'asile et d'immigration. Les deux procèdent pourtant de logiques bien différentes : le droit de l'asile repose sur une logique de protection, alors que le droit des étrangers repose sur une logique de contrôle (21). Au regard de ce qui précède, la CNCDH recommande une amélioration de la rédaction du projet de loi. A une époque où prolifèrent les discours sécuritaires « affolant » l'opinion publique et entraînant un repli identitaire, voire xénophobe (22), elle se doit d'appeler les pouvoirs publics à une grande vigilance, dès lors que tout processus d'étiquetage, délibéré ou non, ne pourra que porter préjudice à l'exercice du droit d'asile (23).
    7. Au regard de ce qui précède, il est de la responsabilité de la CNCDH de rappeler les grands principes gouvernant le droit d'asile, dont la protection est d'abord conventionnelle. Elle découle de la Convention de Genève sur les réfugiés du 28 juillet 1951 qui, sans exiger des Etats l'octroi d'un asile aux réfugiés, leur impose une double obligation, d'une part, de non-refoulement vers un pays dans lequel leur vie ou leur liberté serait menacée pour l'un des motifs de la convention (article 33-1), d'autre part, d'immunité pénale pour leur entrée ou séjour irrégulier (article 31-1), qui constitue le principe cardinal du droit des réfugiés (24). L'on doit à la Charte des droits fondamentaux de l'UE d'avoir consacré le « droit d'asile » en tant que droit fondamental en l'amarrant à la Convention de Genève et au traité instituant la Communauté européenne (article 18). Le droit dérivé de l'Union a, quant à lui, reconnu un « droit à l'asile » tant aux réfugiés qu'aux bénéficiaires de la protection subsidiaire (article 24 de la directive « Qualification »). La protection de ce droit est ensuite nationale, dès lors que le quatrième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, intégré dans le bloc de constitutionnalité, reconnaît un droit d'asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté. En outre, « les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif » (article 53-1 de la Constitution de 1958). Pour le Conseil constitutionnel, le droit d'asile est un « droit fondamental » et un « principe de valeur constitutionnelle » (25). Le Conseil d'Etat en a, lui, affirmé le caractère de « droit constitutionnel » et de « liberté fondamentale » au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative (CJA) (26).
    8. Le caractère de « droit fondamental » du droit d'asile interdit en premier lieu de confondre les questions d'asile et d'immigration : l'asile ne saurait, parce qu'il est un droit, être soumis aux vicissitudes de la politique de l'immigration. A cet égard, la CNCDH entend réaffirmer qu'une véritable politique de l'asile ne peut tolérer une approche purement quantitative et économique mettant en exergue la hausse du nombre de demandeurs, partant, l'accroissement des coûts. Réduire la question de l'asile à un problème de gestion des flux ou de réduction des coûts est inacceptable dès lors qu'est en cause l'exercice d'un droit fondamental (27). La réforme législative faisant l'objet du présent avis est d'une grande ampleur et les importantes modifications apportées au droit d'asile devront faire l'objet de moyens suffisants dans les projets de lois de finances à venir.
    En second lieu, le caractère de « droit fondamental » du droit d'asile impose au législateur de ne pas adopter des dispositions qui en affectent le contenu essentiel (28). Les Etats sont au demeurant libres d'offrir une protection plus étendue que celle résultant du droit de l'UE (29), pourvu qu'elle soit compatible avec lui. Ils doivent, comme l'UE, faire prévaloir une interprétation de la Charte qui soit protectrice des droits et libertés qu'elle énonce, ainsi que de ceux inscrits dans les conventions internationales auxquelles ils sont parties, comme la Convention de Genève et la Convention européenne des droits de l'homme (article 53 de la Charte des droits fondamentaux).
    9. De plus, dans l'hypothèse où la transposition des directives de l'UE ne respecterait pas les droits fondamentaux, dont le droit d'asile, protégés au plus haut niveau, la CNCDH rappelle qu'à la vigilance classique de la Cour européenne des droits de l'homme s'ajoute désormais le contrôle de la Cour de justice de l'UE précisément appelée à s'assurer de la conformité de ce droit dérivé avec la Charte des droits fondamentaux (30) et, partant, avec la Convention de Genève dont elle devient ainsi l'interprète. Afin de sensibiliser les pouvoirs publics sur la nécessité d'une réforme de l'asile conforme aux exigences constitutionnelles et européennes, la CNCDH a rendu, le 28 novembre 2013, un avis sur le régime d'asile européen commun (31) et formulé onze recommandations en ce sens.
    10. Un an plus tard, la CNCDH estime que plusieurs dispositions du projet de loi relatif à la réforme de l'asile constituent de réelles avancées. Ainsi en est-il de la consécration du droit au maintien sur le territoire français, de l'extension de l'effet suspensif des voies de recours, de la présence d'un tiers lors de l'entretien mené par l'agent de l'OFPRA, de la reconnaissance d'un droit à l'hébergement pour tous les demandeurs d'asile et de la présomption de validité des actes de l'état civil établis par l'OFPRA dans le cadre de la procédure de réunification familiale. Le maintien d'un juge spécialisé de l'asile doit également être salué.
    11. Toutefois, le projet de loi lui paraît pouvoir encore être amélioré dans le sens d'une meilleure garantie des droits et libertés fondamentaux. A ce propos, la CNCDH se montre, une fois de plus, très préoccupée par la complexification croissante de la législation relative au droit d'asile (32). Il en résulte un droit extrêmement touffu et peu lisible, procédant notamment par renvoi à d'autres textes, auquel, à l'exception de spécialistes, seules quelques personnes, et certainement pas les principaux intéressés, ont la possibilité d'accéder. A titre d'exemple, l'article 2 du projet de loi modifiant l'article L. 711-2 du CESEDA prévoit que « les actes de persécution et les motifs de persécution au sens de la section A de l'article 1er de la Convention de Genève sont appréciés dans les conditions prévues à l'article 9, paragraphes 1 et 2, et à l'article 10, paragraphe 1, de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011… ». Ou encore, le nouvel article L. 711-3 du CESEDA relatif aux clauses d'exclusion et le nouvel article L. 711-4 du même code relatif aux clauses de cessation visent plusieurs dispositions de la Convention de Genève. Plus généralement, la CNCDH relève que la technique du renvoi législatif est employée de manière récurrente aux fins de détermination des règles procédurales applicables (voir notamment les articles 7 et 9 du projet de loi) et que le régime spécifique des outre-mer est d'une complexité décourageante (article 20 du projet de loi). La lecture de ces nouvelles dispositions s'avère peu aisée, tant pour les juristes que pour les non-juristes, qui doivent se référer simultanément à plusieurs textes. L'accessibilité et la prévisibilité de la loi, c'est-à-dire sa qualité, sont mises à mal. Le travail des praticiens en est rendu d'autant plus difficile.
    12. Au-delà de ces questions relatives à la qualité de la loi, la CNCDH tient à rappeler, à propos des articles 2, 3 et 4 du projet de loi, les réserves déjà exprimées à l'encontre d'un certain nombre de notions et dispositions introduites en 2004 (33) dans la première directive « Qualification » (34) et reprises dans celle de 2011, comme notamment la notion d'agent de protection, que le projet de loi élargit en y incluant les partis politiques (35), certaines clauses de révocation ou de non-renouvellement du statut de réfugié (36) ou d'exclusion (37) contraires à la Convention de Genève, ou encore le principe d'une protection à deux niveaux (réfugié et protection subsidiaire (38). La CNCDH s'inquiète surtout de la définition, par un simple renvoi à la directive « Qualification », des motifs de craintes de persécution tenant à l'appartenance à un certain groupe social (article 2 du projet de loi) (39). Or la jurisprudence française, très hésitante, révèle une application incertaine de ce motif de reconnaissance du statut de réfugié (40). De plus, la définition qu'en donne l'article 10.1 d) de la directive « Qualification » est sujette à caution car trop restrictive selon le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) (41), autorité que la Convention de Genève investit de la mission d'interpréter ses stipulations (article 35-1 [42]). Pour la CNCDH, l'enjeu qui s'attache à la définition claire de ce motif de reconnaissance du statut de réfugié - notamment pour les craintes de persécution liées à des considérations de genre - impose d'intégrer dans le CESEDA la définition du HCR et non celle de la directive « Qualification » (43).
    13. Plus généralement, la CNCDH regrette que le projet de loi ne mette pas suffisamment en exergue les dispositions des directives qui formulent les « droits » des demandeurs d'asile et ceux des bénéficiaires de la protection au titre de l'asile, ainsi que les « garanties » qui les assortissent. Elle regrette également que la possibilité que ces directives offrent aux Etats d'adopter des dispositions plus favorables soit méconnue. De même, le projet de loi ne porte pas toute l'attention qu'ils mériteraient aux droits de la défense. Pourtant, l'attachement proclamé de la France au droit d'asile, comme le caractère fondamental de ce droit, commandent une approche plus protectrice et en tout cas non suspicieuse. Car, comme le relève la Cour européenne des droits de l'homme, les demandeurs d'asile sont « un groupe de la population particulièrement défavorisé et vulnérable qui a besoin d'une protection spéciale » (44). En effet, « chaque demandeur d'asile est unique, chaque parcours aussi. Les personnes qui ont fui leur pays pour demander l'asile ont tout perdu et ont souvent déjà vécu le pire, bien que cela ne soit pas toujours visible de prime abord. Demander l'asile, c'est devoir se dévoiler, dire ce qu'on a subi, mettre des mots sur ce que l'on craint le plus. Ceux dont la demande échoue devront poursuivre leur errance. Décider qui obtient la précieuse protection doit donc se faire de manière éclairée, en se donnant les moyens de connaître le fond de chaque demande » (45). Aussi, la CNCDH tient-elle tout particulièrement à ce que les demandeurs d'asile bénéficient de droits « non pas théoriques et illusoires », mais « concrets et effectifs » (46) à savoir :


    - le droit à un accès effectif à la procédure d'asile ;
    - le droit au traitement équitable de la demande d'asile ;
    - le droit à des conditions matérielles d'accueil ;
    - le droit à la prise en compte de l'état de vulnérabilité.


    I. - Le droit à un accès effectif à la procédure d'asile


    14. La directive « Procédures » est destinée à « garantir aux personnes qui ont besoin d'une protection internationale l'accès à des procédures d'asile juridiquement sûres et efficaces » (47). Malgré quelques dispositions renforçant les garanties procédurales des demandeurs d'asile, elle comprend un catalogue de dérogations. L'adoption de formulations vagues (48) et parfois ambigües rend l'interprétation du texte extrêmement aléatoire et aboutit à permettre aux Etats de maintenir leurs pratiques nationales. La CNCDH entend par conséquent rappeler à titre liminaire que la transposition de la directive « Procédures » ne doit pas être l'occasion d'édulcorer les droits des demandeurs d'asile.


    A. - Régler le problème de la domiciliation


    15. A ce jour, la première étape, en préfecture, implique pour le demandeur d'asile de disposer d'une adresse, soit chez un tiers ou en son nom, soit auprès d'une association spécifiquement agréée à cette fin (article R. 741-2 du CESEDA). Difficile à obtenir selon les lieux et les périodes (49), cette exigence contribue à retarder l'accès à la procédure d'asile (50), en maintenant les demandeurs dans une situation juridique précaire (51). Pour la CNCDH, afin de faciliter la domiciliation des demandeurs d'asile, une domiciliation auprès d'une plate-forme d'accueil pour les demandeurs d'asile, d'un centre communal d'action sociale ou encore de tout organisme domiciliataire associatif non spécialisé, doit suffire à établir un justificatif de résidence (52). Elle appelle en conséquence à une modification de l'article R. 741-2 du CESEDA.


    B. - Supprimer le préalable du passage en préfecture
    1. Consacrer le principe d'unité de l'autorité responsable de la détermination


    16. La directive « Procédures », qui incite à refondre notre procédure d'asile, invite les Etats membres à désigner « pour toutes les procédures une autorité responsable de la détermination qui sera chargée de procéder à un examen approprié des demandes » (article 4.1). Il ressort de cette disposition un principe d'unité de l'autorité responsable de la détermination (53). Certes, l'article 4 prévoit deux hypothèses (demande Dublin et demande à la frontière) permettant la désignation d'une autorité autre (article 4.2), mais il s'agit là non seulement d'une exception au principe d'unité, mais encore d'une exception facultative pour les Etats membres.
    17. Dans son avis du 28 novembre 2013, la CNCDH, analysant la répartition des compétences entre l'OFPRA et l'autorité administrative, faisait le constat de la lenteur, de la disparité et de l'extrême complexité des premières démarches d'asile en préfecture, celles-ci étant de nature à porter une atteinte grave au droit fondamental, pour un demandeur d'asile, de voir examiner sa demande de manière effective (54). Il lui est donc apparu nécessaire de rendre le dispositif d'asile plus lisible et cohérent en repensant l'entrée dans la procédure d'asile et en supprimant la « phase préfecture ». Pourtant le projet de loi maintient la compétence de l'autorité administrative pour l'enregistrement de la demande d'asile (article 12), pour la détermination de l'Etat responsable de la demande (article 13), pour le droit au maintien sur le territoire français (article 14) ou encore pour l'orientation de la procédure (article 7). Par ailleurs, le nouveau texte prévoit que l'OFPRA ne peut être saisi d'une demande d'asile « que si celle-ci a été préalablement enregistrée par l'autorité administrative compétente et si l'attestation d'asile a été remise à l'intéressé » (article L. 741-2 nouveau du CESEDA).
    18. Pour la CNCDH les nouvelles dispositions, qui maintiennent la dualité administration-OFPRA, ne seront pas de nature à remédier aux nombreuses difficultés pratiques d'accès au guichet préfectoral (55). Dans ces conditions, elle renouvelle les recommandations faites antérieurement pour remédier aux dysfonctionnements persistants qui sont autant d'entraves à l'exercice du droit fondamental de demander asile. C'est pourquoi, l'ensemble des questions relatives à l'accès au territoire français des demandeurs d'asile et à la décision à prendre sur l'octroi d'une protection internationale devrait relever d'un seul organisme dont la forme juridique pourrait être celle d'une autorité administrative indépendante (56). Il est essentiel que ces questions soient de la compétence d'une autorité qui n'est pas directement sous la tutelle de l'exécutif. A ce propos, le projet de loi n'évoque que l'absence d'instruction du ministre de l'intérieur à l'office (article 5) (57), précision surprenante dès lors que le pouvoir d'instruction va de pair avec le pouvoir hiérarchique. Pour la CNCDH, le nouveau texte devrait a minima affirmer directement le principe d'autonomie ou d'indépendance de l'OFPRA (58). Enfin, s'il s'avérait que le législateur ne soit pas convaincu de la nécessité de la suppression du passage en préfecture, la CNCDH en recommanderait alors l'urgente simplification.


    2. Prévoir l'enregistrement de la demande d'asile dans un délai de trois jours


    19. S'agissant des délais d'enregistrement de la demande, l'article 6.1 de la directive « Procédures » impose d'enregistrer la demande d'asile dans un délai de trois jours ouvrables après sa présentation. Pour la CNCDH, cette exigence est incompatible avec le maintien d'un passage devant l'autorité administrative (article 12 du projet de loi). Celui-ci risque en effet d'être particulièrement chronophage, ainsi qu'en atteste l'extrême longueur des délais de délivrance par les préfectures des autorisations provisoires de séjour, alors même qu'un délai de quinze jours est fixé à l'article R. 742-1 du CESEDA (59). En outre, la CNCDH s'inquiète de la différence de traitement que la directive autorise entre les demandeurs d'asile en invitant simplement les Etats à « veiller » à ce que l'enregistrement ait lieu au plus tard six jours ouvrables après la présentation de la demande pour les personnes faisant l'objet d'une « procédure Dublin » et les demandeurs à la frontière.
    20. L'article 12 du projet de loi confie l'enregistrement de la demande d'asile à l'autorité administrative, sans en fixer le délai. Au-delà des réserves déjà exprimées à l'égard du maintien de la dualité administration-OFPRA, la CNCDH recommande que les décrets d'application à venir imposent l'enregistrement de la demande d'asile dans un délai de trois jours.


    3. Généraliser le droit pour les demandeurs d'asile de rester sur le territoire français jusqu'à l'issue de la procédure


    21. Aux termes de l'article 9.1 de la directive « Procédures », « les demandeurs sont autorisés à rester dans l'Etat membre, aux seules fins de la procédure, jusqu'à ce que l'autorité responsable de la détermination se soit prononcée ». L'article 9.2 précise qu'il ne peut être dérogé à ce droit que dans deux hypothèses limitativement énumérées : celle d'une demande ultérieure visée à l'article 41 (60) ou celle d'une personne devant être livrée ou extradée.
    22. A ce jour, le CESEDA distingue entre deux catégories de demandeurs d'asile : ceux qui sont admis au séjour et ceux qui ne le sont pas (articles L. 741-1 et suivants du CESEDA). Le projet de loi met fin à cette distinction en abrogeant le régime de l'admission au séjour et en consacrant le principe d'un droit au maintien sur le territoire français jusqu'à décision définitive de l'OFPRA ou de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) au profit de tous les demandeurs d'asile, qu'ils soient placés en procédure normale, en procédure accélérée ou en procédure Dublin (voir les nouveaux articles L. 743-1, L. 743-3 et L. 743-4 du CESEDA). Dans ces conditions, la CNCDH ne peut que se réjouir de ce que tous les demandeurs d'asile, sans distinction, soient, en principe, autorisés à rester sur le territoire dans le délai fixé par la directive « Procédures » et jusqu'à l'issue de la procédure. Elle regrette cependant que le nouveau texte ne prévoie qu'un « droit au maintien » sur le territoire et non un droit au séjour provisoire emportant l'ouverture de droits sociaux (voir § 79 et s.). La CNCDH recommande en conséquence la consécration explicite d'un « droit au séjour provisoire ».
    23. Aux termes de l'article 14 du projet de loi, il peut être dérogé au droit pour le demandeur d'asile de se maintenir en France dans les conditions définies par un nouvel article L.743-2 du CESEDA (61). A ce propos, la CNCDH regrette que toute décision d'irrecevabilité puisse justifier qu'il soit mis fin à ce droit, alors même que l'article 9.2 de la directive « Procédures » ne vise que le cas particulier des demandes ultérieures de l'article 41.1. Elle s'étonne également de la possibilité de dérogation en cas de décision de clôture, alors même que l'article 9.2 de la directive « Procédures » n'y fait aucunement référence. A ce propos, il doit être relevé que le nouvel article L. 723-11 du CESEDA (article 7 du projet de loi) (62) comprend des formulations larges laissant à l'OFPRA une grande marge d'appréciation pour fonder une clôture. Par ricochet, l'étendue et l'effectivité du droit au maintien sur le territoire seront, en pratique, réduites.
    24. Au regard de ce qui précède, il est patent que les dérogations apportées par le projet de loi au droit de se maintenir sur le territoire sont plus étendues que celles définies dans la directive « Procédures », qui sont pourtant d'interprétation stricte. La CNCDH recommande en conséquence une modification du texte sur ce point dans le sens d'une parfaite conformité à l'article 9.2 de la directive « Procédures ».


    C. - Remédier aux difficultés relatives à l'orientation de la procédure
    1. Garantir les droits des demandeurs en procédure Dublin


    25. La CNCDH se félicite de voir le règlement Dublin III prévoir qu'en cas d'impossibilité d'assurer un transfert vers l'Etat responsable en raison de défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile, incluant des risques de traitements inhumains ou dégradants au titre de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux, l'Etat membre doit rechercher si un autre Etat peut être identifié comme responsable de la demande d'asile. En dernier ressort, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat responsable pourra devenir l'Etat membre responsable de la demande d'asile (article 3.2). Dans ce sens, l'article 13 du projet de loi prévoit qu'en cas de mise en œuvre de la procédure de détermination de l'Etat responsable de la demande d'asile, celle-ci ne fait pas obstacle « au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la responsabilité d'un autre Etat » (article L. 742-1 alinéa 2 nouveau du CESEDA). Ces nouvelles dispositions s'inspirent indéniablement des jurisprudences de la Cour européenne des droits de l'homme (63) et de la Cour de justice de l'UE (64). Elles n'instaurent cependant pas d'obligation à la charge de l'Etat d'accueil ; leur mise en œuvre dépend donc de l'appréciation « souveraine » des Etats membres.
    26. Au regard de ce qui précède, la CNCDH recommande une application systématique par la France des clauses discrétionnaires de l'article 17 du règlement « Dublin III » en cas de risque manifeste d'atteinte aux droits de l'homme dans le pays de renvoi. Un échange entre les autorités françaises, le HCR ou toute autre organisation gouvernementale ou non, et le cas échéant le Bureau européen d'appui en matière d'asile, pouvant avoir connaissance de la situation dans ce pays, devrait permettre de statuer promptement. La CNCDH regrette que l'article 13 du projet de loi soit silencieux à ce sujet. La réforme du CESEDA devra intégrer ces questions.
    27. Enfin, l'article 13 du projet de loi permet le placement en rétention des personnes faisant l'objet d'une décision de transfert vers l'Etat responsable de la demande d'asile (article L. 551-1 nouveau du CESEDA), sans définir un quelconque motif de cette privation de liberté. Ces nouvelles dispositions ne sont assurément pas conformes au règlement « Dublin III » qui pose le principe selon lequel une personne ne peut être placée en rétention au seul motif qu'elle fait l'objet d'une procédure Dublin (article 28.1). Il convient néanmoins de rappeler que ce règlement autorise exceptionnellement la rétention en cas de « risque non négligeable de fuite », sur la base d'une évaluation individuelle et « dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées » (article 28.2). A cet égard, la CNCDH réitère ses réserves à l'égard de cette dérogation (65) en rappelant son opposition de principe au placement en rétention de demandeurs d'asile faisant l'objet d'une procédure Dublin.


    2. Renforcer les garanties en cas de placement en procédure accélérée


    28. A ce jour, ce sont les préfectures qui orientent les procédures d'asile vers la voie normale ou prioritaire. Davantage guidée par une logique de surveillance plutôt que de protection des demandeurs, elles font un usage excessif de la procédure prioritaire, sous le contrôle du ministère de l'intérieur. En 2013, ce sont 13 254 personnes, soit 25,6 % des demandeurs d'asile, qui ont ainsi été placées en procédure accélérée aux motifs qu'elles étaient originaires d'un pays considéré comme sûr, que leur présence constituait une menace grave pour la sécurité nationale ou l'ordre public, ou bien que leur demande d'asile reposait sur une fraude ou constituait un recours abusif ou dilatoire aux procédures d'asile (66). Or, l'article 31-8 de la directive « Procédures » étend encore les possibilités de recours à cette procédure en définissant dix motifs de placement en procédure accélérée. Ceux-ci sont repris à l'article 7 du projet de loi qui prévoit d'intégrer dans le CESEDA un nouvel article L. 723-2 (67). La CNCDH s'inquiète de l'extension prévisible de la procédure accélérée, en raison des moindres garanties qui y perdurent, en particulier le traitement par un juge unique de la CNDA qui va conduire à écarter le HCR de l'instance juridictionnelle alors que sa présence constitue un élément fondateur du dispositif français d'asile.
    Entourer la décision de placement en procédure accélérée de davantage de garanties
    29. En vertu du nouvel article L. 723-2 du CESEDA, l'application de la procédure accélérée intervient soit de plein droit, soit à l'initiative de l'autorité administrative, soit à l'initiative de l'OFPRA. Pourtant, l'article 4.1 de la directive « Procédures » exige de confier à la seule autorité responsable de la détermination, le soin de décider de l'orientation de la procédure (68). En conséquence, la CNCDH estime, afin de mieux se conformer aux exigences de la directive, que le placement en procédure accélérée ne doit pas être automatique comme cela est prévu au I du nouvel article L. 723-2 du CESEDA. Ainsi que le précise très justement le HCR, « la décision de placement en procédure accélérée au regard des situations prévues par la loi (personnes en provenance d'un pays d'origine sûr et réexamens) implique, d'une part, d'analyser, à certains égards, des éléments de fond de la demande d'asile et, d'autre part, de prendre en compte des situations individuelles particulières susceptibles de conduire à écarter le circuit d'examen accéléré » (69).
    30. Pour les mêmes raisons, la CNCDH soutient que l'autorité préfectorale ne doit pas être habilitée à décider d'un placement en procédure accélérée, comme cela peut, le cas échéant, résulter de la rédaction ambigüe du III. du nouvel article L. 723-2 du CESEDA. Deux lectures en sont possibles. Le nouveau texte peut, d'une part, être compris comme donnant compétence à l'OFPRA pour décider du placement en procédure accélérée après constat de l'une des situations énumérées (cf. article L. 723-2-III 1° à 5°) par l'autorité administrative en charge de l'enregistrement de la demande. Il peut, d'autre part, être interprété comme n'habilitant que cette administration à rendre une telle décision, comme cela ressort du VI. du nouvel article L. 723-2 qui évoque explicitement « la décision de l'autorité administrative visée au III ». La CNCDH souhaite une clarification des nouvelles dispositions, en recommandant de donner cette compétence à la seule autorité chargée de la détermination. Elle tient néanmoins à saluer la compétence donnée à l'OFPRA pour apprécier les motifs relatifs aux mérites intrinsèques d'une demande de protection internationale (article L. 723-2-II nouveau). Il en est notamment ainsi des « déclarations manifestement incohérentes et contradictoires, manifestement fausses ou peu plausibles qui contredisent des informations vérifiées sur le pays d'origine » ou des « questions sans pertinence au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions d'octroi de l'asile ». Pour la CNCDH, ces motifs doivent impérativement échapper à un examen par l'autorité préfectorale, dans la mesure où ils constituent une prédétermination de la qualité de réfugié.
    31. Par ailleurs, le nouvel article L. 723-2-V du CESEDA prévoit la possibilité pour l'OFPRA de déclasser, « dans tous les cas » la procédure accélérée en procédure normale, ce qui constitue une innovation dans la mesure où l'office peut réorienter une procédure à la suite d'une décision préfectorale d'accélération. Partant, le partage des compétences entre l'autorité administrative et l'OFPRA ne se justifie pas, dès lors que ce dernier est habilité à réapprécier les motifs de placement en procédure accélérée relevant de la compétence des préfectures. Ce mécanisme est donc source de complexité et contraire aux exigences de l'article 4.1 de la directive « Procédures ». Dans ces conditions, la CNCDH recommande que la décision d'orientation de la procédure relève exclusivement de l'autorité chargée de la détermination.
    32. Le nouvel article L. 723-2-V du CESEDA dispose que la décision de placement en procédure accélérée prise par l'autorité administrative ne peut faire l'objet d'un recours distinct du recours au fond formé à l'encontre de la décision de rejet de l'OFPRA, ce qui correspond à l'état actuel de la jurisprudence européenne (70). En cas de placement injustifié en procédure accélérée, le président de la CNDA ou celui de la formation de jugement peut tout au plus réorienter le dossier et décider qu'il soit statué en formation collégiale et non à juge unique (article L. 731-2 alinéa 2 nouveau du CESEDA). En outre, il convient de relever qu'un nouvel article L. 733-4 du CESEDA précise que la CNDA, qui statue normalement en plein contentieux, peut néanmoins annuler une décision de l'office et lui renvoyer l'examen de la demande dans deux hypothèses limitativement énumérées : l'absence d'examen particulier de la demande ou la dispense de procéder, en dehors des cas prévus par la loi, à un entretien. Le placement en procédure accélérée, qui ne figure pas parmi ces exceptions, est donc soustrait au contrôle de la légalité, alors même que cette décision a des conséquences sur la qualité de l'examen de la demande d'asile (71). La CNCDH recommande en conséquence de modifier l'alinéa 2 de l'article L. 733-4 du CESEDA en permettant à la CNDA d'annuler la décision de l'OFPRA et de lui renvoyer l'examen de la demande d'asile en cas de décision de placement en procédure accélérée affectée d'un vice de procédure.
    Revoir les motifs de placement en procédure accélérée
    33. Le motif tenant à la provenance du demandeur d'un pays d'origine sûr, qui constitue à ce jour en pratique le principal motif de placement en procédure prioritaire (72), est maintenu dans le projet de loi. En effet, l'article 6 modifie l'article L. 722-1 du CESEDA qui renvoie à l'article 37 et l'annexe 1 de la directive « Procédures » (73), sans supprimer les listes nationales de pays d'origine sûrs. Celles-ci avaient pourtant fait l'objet de critiques nourries du HCR (74). Au-delà de leur volatilité (75), ces listes ne sont pas identiques dans tous les Etats membres (76). Non dépourvue d'incidence sur le traitement de la demande, tant du point de vue procédural que du fond, leur utilisation peut aggraver l'inégalité de traitement qui frappe les demandeurs d'asile sollicitant une protection sur le territoire de l'UE en fonction de l'Etat responsable de l'examen de leur demande. Pour la CNCDH, la directive « Procédures » n'apporte pas de garanties pour désigner avec certitude les pays d'origine sûrs, comme d'ailleurs les « pays tiers sûrs » ou les « pays européens sûrs », et donner le minimum de cohérence attendue dans le cadre d'un régime d'asile européen. Le renoncement de l'UE à établir une liste européenne ne fait que confirmer l'absence de pertinence du motif relatif au pays d'origine sure. La CNCDH se voit donc une nouvelle fois conduite à rappeler sa ferme opposition à cette notion.
    34. Pour ce qui est du motif relatif à la présentation par le demandeur de faux documents d'identité, à la fourniture de fausses indications ou à la dissimulation d'informations ou de documents concernant son identité afin d'induire les autorités en erreur, il doit être rappelé que, pour solliciter et obtenir l'asile dans un pays, il faut pouvoir entrer « inopinément » sur son territoire (77). L'article 31-1 de la Convention de Genève précise utilement que les Etats n'appliqueront pas à l'encontre des réfugiés de sanctions pénales du fait de leur entrée ou de leur séjour irrégulier « sous la réserve qu'ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence irrégulière ». Dans ces conditions, dès lors qu'il ne peut en principe être reproché à un demandeur d'asile d'entrer irrégulièrement sur le territoire français, la CNCDH recommande qu'il soit au moins précisé dans le nouveau texte que le fait d'induire les autorités en erreur doit être intentionnel. En outre, du fait d'une double mention, l'appréciation du présent motif relève à la fois de la compétence de l'OFPRA et de celle de l'autorité préfectorale (cf. article L. 723-2-II 1°et III 2°). Il y a donc lieu de craindre que rien ne change en pratique par rapport à la situation actuelle…
    35. Pour les mêmes raisons, la CNCDH est extrêmement réservée à l'égard du placement en procédure accélérée du demandeur d'asile qui, sans raison valable, est entré irrégulièrement en France ou s'y est maintenu irrégulièrement, sans présenter sa demande d'asile dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de son entrée en France (article L. 723-2-III, 3° nouveau du CESEDA). Etant donné les difficultés de preuve de cette dernière date et du fait qu'un dépôt tardif de la demande peut résulter d'une multitude de facteurs indépendants de la volonté de l'intéressé (78), il y a lieu de penser que ce nouveau texte vise avant tout les demandeurs d'asile titulaires d'un visa « court séjour ». La CNCDH craint fortement que la mise en œuvre de ces dispositions n'aboutisse en pratique à une augmentation des entrées irrégulières sur le territoire français et voit à cet endroit une confusion fâcheuse entre les logiques d'asile et d'immigration. Il en est à plus forte raison de même du motif visant la personne présentant une demande d'asile en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente (article L. 723-2-III 4° nouveau du CESEDA). En conséquence, la CNCDH recommande la suppression de ces dispositions.
    36. Au surplus, le placement en procédure accélérée peut être décidé dans le cas où l'intéressé refuse une prise d'empreintes (article L. 723-2-III, 1° nouveau du CESEDA). Pour la CNCDH, ce motif n'est pas pertinent, dès lors qu'il est sans lien avec le fond de la demande d'asile. C'est pourquoi elle en recommande également la suppression.
    37. Enfin, plusieurs motifs d'application de la procédure accélérée sont définis de manière vague et laissent ainsi aux autorités une marge d'appréciation très étendue. C'est notamment le cas du demandeur qui « constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat ». Il en est de même de l'appréciation des « questions sans pertinence au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions d'octroi de l'asile » ou du demandeur faisant « des déclarations manifestement incohérentes et contradictoires, manifestement fausses ou peu plausibles » ou encore de celui qui « sans raison valable » est entré irrégulièrement en France ou s'y est maintenu irrégulièrement sans présenter sa demande d'asile dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de son entrée en France. La CNCDH craint fortement que ce type de dispositions ne permette un recours quasi systématique à la procédure accélérée, alors que celui-ci devrait impérativement demeurer exceptionnel et non, en pratique, devenir la « procédure de droit commun ». Elle recommande en conséquence de resserrer la définition des motifs. A titre d'exemple, il devrait être précisé que la menace à l'ordre public soit « actuelle et caractérisée » (79).


    II. - Le droit au traitement équitable de la demande d'asile
    A. - Garantir une aide lors du dépôt de la demande d'asile


    38. La directive « Procédures » fait obligation aux Etats d'informer les demandeurs d'asile dans une langue qu'ils comprennent ou dont il est raisonnable de supposer qu'ils la comprennent, de la procédure à suivre et des droits et obligations au cours de la procédure, de leur communiquer ces informations « à temps » pour leur permettre d'exercer les droits garantis par la directive et de bénéficier d'un interprète de manière à pouvoir soumettre leurs arguments aux autorités en charge de l'examen de leur demande (article 12.1 a et b).
    39. Pour la CNCDH, il importe donc que ces garanties soient effectivement mises en œuvre dans l'actuelle réforme du CESEDA et ce, pour toutes les demandes d'asile, qu'elles soient déposées sur le territoire, à la frontière ou en rétention. Elle déplore que le projet de loi soit silencieux à ce propos. Pourtant, le renseignement en français d'un formulaire et la rédaction, en français également, de l'exposé des motifs d'une demande d'asile constituent sans nul doute un obstacle pour les personnes qui ne sont pas francophones ou pour celles qui l'étant ne sont pas en mesure de formuler par écrit ce qui est demandé. Au-delà de la transcription des informations, c'est bien la question de la compréhension de la logique de la procédure d'asile qui se pose, en l'absence de remise systématique d'un Guide du demandeur d'asile aux intéressés (80), alors même que la délivrance d'un tel document est exigée par l'article R. 741-2 du CESEDA. A ce stade, la préparation de la demande d'asile joue un rôle important, et parfois déterminant, sur l'issue de la procédure. Dans cette perspective, les conditions doivent être réunies pour que, lors du dépôt d'une demande d'asile, l'intéressé puisse bénéficier d'une information et d'une aide effective afin de bien saisir tous les enjeux de la procédure d'asile et du système juridique sur lequel elle repose.
    40. Par ailleurs, ce sont à ce jour les plateformes d'accueil pour demandeurs d'asile (PADA) qui ont pour mission d'apporter leur aide aux demandeurs d'asile devant saisir l'OFPRA (81). Or, elles ne peuvent pas toujours mener à bien cette mission, en raison de contraintes budgétaires et d'une surcharge d'activité liée à l'accroissement de la demande d'asile depuis 2008 (82). Ce sont donc trop souvent les organisations non gouvernementales qui sont sollicitées pour assurer l'aide à la rédaction des demandes d'asile et qui sont elles-mêmes débordées (83). Cet état de fait conduit à ce que seul un faible pourcentage de personnes a réellement accès à une aide de qualité lors du dépôt de leur demande d'asile. Dans ces conditions, la CNCDH ne peut que rappeler la nécessité pour l'Etat de prévoir des financements suffisants, notamment au profit des associations et des interprètes, pour rendre pleinement effectif le droit à l'information des demandeurs d'asile.


    B. - Améliorer l'examen de la demande d'asile
    1. Entourer l'examen des demandes d'asile à la frontière de davantage de garanties


    41. Un récent rapport de l'Anafé dépeint le « dédale de l'asile à la frontière » en dénonçant les lacunes et défaillances de cette procédure (84). Il est donc aujourd'hui plus que nécessaire d'améliorer le dispositif, d'autant que la situation des demandeurs d'asile en zone d'attente est extrêmement préoccupante : « Les étrangers placés en zone d'attente (…) sont souvent non francophones. La plupart de ceux que rencontre l'Anafé sont perdus : ils ignorent souvent pourquoi ils se retrouvent privés de liberté et ce qui va leur advenir faute d'informations adéquates sur la procédure qui leur est appliquée. Enfermées dans des lieux clos, parfois une cellule obscure en sous-sol, dans des conditions quasi carcérales sous la garde de la police et de caméras de surveillance, ces personnes sont épuisées, effrayées et démunies. Certaines sont déprimées, d'autres en colère de se retrouver dans une telle situation. Elles connaissent l'angoisse et l'incertitude, notamment lorsqu'il s'agit de personnes vulnérables (mineurs, demandeurs d'asile, victimes de violence, personnes malades) » (85). L'article 8 du projet de loi propose d'améliorer la procédure d'asile à la frontière. A cet égard, la CNCDH souhaite formuler plusieurs observations.
    42. En premier lieu, la procédure d'admission sur le territoire au titre de l'asile relève du ministre de l'intérieur compétent pour décider de l'entrée et du séjour des étrangers en France. Toutefois, l'examen des demandes d'asile étant de la compétence exclusive de l'OFPRA, le législateur a prévu son intervention à titre consultatif. L'article 8 du projet de loi introduit dans le CESEDA une innovation positive en exigeant que le ministre se conforme à cet avis (86). D'une part, il ne faut pas surestimer la compétence liée du ministre, car telle est déjà la pratique existante. D'autre part, cette procédure ne concerne qu'un nombre infime de personnes. Il ressort en effet de l'étude d'impact que seules 1 346 personnes ont demandé l'asile à la frontière en 2013 et que ce nombre diminue sensiblement depuis plusieurs années (87). Par ailleurs, une exception est prévue : lorsque l'accès au territoire de l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public, l'avis de l'OFPRA ne lie pas le ministre. Pourtant, la directive « Qualification » rappelle en son article 21 le principe de non-refoulement des demandeurs d'asile et des réfugiés, principe qui s'impose aux Etats « en vertu de leurs obligations internationales » et auquel il ne peut être porté atteinte que si le refoulement n'est pas interdit en vertu de ces obligations et qu'il y a alors « des raisons sérieuses de considérer » l'intéressé comme une « menace pour la sécurité de l'Etat » ou, mais encore faut-il qu'il ait fait l'objet d'une condamnation définitive pour un « crime particulièrement grave » comme une « menace pour la société de l'Etat membre ». Pour la CNCDH, le projet de loi, qui permet au ministre de refuser l'accès au territoire pour simple menace à l'ordre public, n'est pas conforme à cette directive.
    43. En deuxième lieu, le projet de loi traite de la pratique importante du filtre à la frontière en amont de la demande d'asile sur le territoire : la procédure d'examen par l'OFPRA du caractère « manifestement infondé » de la demande d'admission sur le territoire au titre de l'asile (88). L'article 8 prévoit d'intégrer dans le CESEDA une définition de cette notion ainsi formulée : « Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, notamment du fait de leur caractère incohérent, contradictoire, faux ou peu plausible, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves » (article L. 213-8-1 alinéa 4 nouveau du CESEDA) (89). La CNCDH regrette que cette définition, qui se rattache en partie aux critères prévus pour la reconnaissance d'une protection internationale, puisse conduire à une appréciation au fond de la demande d'asile, en raison de l'emploi de l'adverbe « notamment ». Or, la procédure de recevabilité des demandes à la frontière va, à ce jour, déjà bien au-delà de l'évaluation du simple caractère « manifestement infondé » de la demande ; elle implique un véritable pré-examen au fond réalisé dans des conditions qui ne respectent pas les garanties minimales attachées à la procédure normale d'examen d'une demande de protection, du fait notamment de la brièveté des délais (90). Il peut ainsi arriver qu'un étranger dont la demande a été déclarée « manifestement infondée » à la frontière se voie ultérieurement reconnaître la qualité de réfugié sur le territoire par l'OFPRA ou la CNDA (91). Il est à craindre que la rédaction adoptée dans le projet de loi ne mette pas fin, en pratique, à ce risque sérieux d'erreur d'appréciation. La CNCDH ne peut donc que réitérer sa recommandation aux termes de laquelle l'appréciation de la recevabilité des demandes à la frontière ne doit pas excéder l'évaluation du simple caractère « manifestement infondé » de la demande et ne peut en aucun cas relever d'un examen au fond des craintes de persécution invoquées par l'intéressé (92).
    44. En troisième lieu, l'article 8 du projet de loi permet de déterminer à la frontière l'Etat responsable de la demande d'asile en vertu du chapitre III du règlement Dublin III (93). Au-delà de ce qui a déjà été recommandé plus haut (§ 25 et s.) dans le sens d'un renforcement des garanties au profit des personnes placées en procédure Dublin, la CNCDH s'étonne que le projet de loi soit totalement silencieux sur l'articulation des modalités du transfert vers l'Etat membre compétent pour traiter de la demande d'asile avec la durée légale du maintien en zone d'attente. La CNCDH recommande une amélioration du texte sur ce point.
    45. En quatrième lieu, l'article 8 du projet de loi élargit les motifs de refus d'entrée en donnant compétence au ministre chargé de l'immigration de refuser l'entrée en France si la demande d'asile est irrecevable (article L. 213-8-1 alinéa 4 nouveau du CESEDA). La CNCDH s'étonne d'une telle possibilité qui révèle une confusion entre les demandes d'asile à la frontière et celles présentées sur le territoire. Elle recommande en conséquence une clarification du texte.
    46. En cinquième et dernier lieu, la CNCDH regrette le silence du projet de loi sur la présence en zone d'attente du secteur associatif et du barreau, qui constituent pour les demandeurs d'asile une garantie essentielle par l'information, l'aide et l'assistance effectives qu'ils leur apportent. Elle recommande donc à l'Etat l'organisation d'une permanence d'information et d'une permanence d'avocat au titre de l'aide juridictionnelle. Des financements suffisants devront être prévus.


    2. Renforcer la qualité des auditions


    47. L'article 14 de la directive « Procédures » consacre le principe d'un entretien individuel au cours de la procédure consécutive au dépôt de la demande d'asile. Les motifs de dérogation à la conduite d'une audition personnelle sont limités ; seuls sont maintenus les cas de décisions positives manifestes et les raisons liées à la santé du demandeur (article 14.2). L'article 7 du projet de loi reprend intégralement ces dispositions (voir le nouvel article L. 723-6 alinéas 1 à 3 du CESEDA) (94). A ce propos, il convient de rappeler que le juge administratif fait de cet entretien une garantie de la procédure d'asile, dont la violation « eu égard à son caractère essentiel et à sa portée » entache d'illégalité la décision de l'OFPRA. L'article 10 du projet de loi consacre cette jurisprudence en prévoyant que la CNDA peut annuler une décision du directeur général de l'OFPRA et lui renvoyer l'examen de la demande d'asile « lorsqu'elle juge que l'office a pris cette décision (…) en se dispensant, en dehors des cas prévus par la loi d'un entretien personnel avec le demandeur et qu'elle n'est pas en mesure de prendre immédiatement une décision positive sur la demande dont elle est saisie ».
    48. L'article 7 du projet de loi prévoit que le demandeur « est entendu dans une langue de son choix, sauf s'il existe une autre langue qu'il comprend et dans laquelle il est à même de communiquer clairement » (nouvel article L. 723-6 alinéa 4 du CESEDA). De manière à assurer la pleine effectivité de l'entretien, la CNCDH recommande soit de supprimer la seconde partie de cette phrase, soit de remplacer « clairement » par « couramment ». De plus, si le requérant en fait la demande, les auditions doivent, dans la mesure du possible, être menées par un agent du même sexe et avec l'aide d'un interprète du même sexe (article 15.3 b et c de la directive « Procédures »). Cette possibilité est certes déjà offerte en pratique aux personnes déposant leur demande d'asile en France, mais la CNCDH estime néanmoins qu'il est nécessaire de la consacrer dans le CESEDA en prévoyant que les intéressés en soient dûment informés. Par voie de conséquence, la rédaction de l'alinéa 8 du nouvel article L. 723-6 du CESEDA, qui prévoit que « les modalités d'organisation de l'entretien sont définies par le directeur général de l'OFPRA », n'est pas satisfaisante.
    49. Par ailleurs, aux termes de l'article 16 de la directive « Procédures », le demandeur doit avoir, lors de l'entretien sur le fond, « la possibilité concrète » de présenter les éléments nécessaires pour étayer sa demande « de manière aussi complète que possible », ce qui inclut la possibilité d'expliquer des éléments qui pourraient manquer et/ou toute incohérence ou contradiction dans les déclarations. Ces dispositions devraient permettre de renforcer la qualité des auditions et donc des décisions. Elles introduisent l'idée que l'audition doit être un échange constructif entre le demandeur d'asile, dont le rôle est central, et la personne en charge de l'examen de sa situation. A cet égard, la CNCDH recommande aux praticiens d'interpréter le nouvel alinéa 4 de l'article L. 723-6 du CESEDA (95) dans ce sens. Elle rappelle en outre que la préparation à l'entretien fait partie intégrante de l'accompagnement des demandeurs d'asile et doit, à ce titre, être inscrite dans le cahier des charges des plates-formes d'accueil (96). Elle recommande enfin que soit engagée une réflexion sur la mise en œuvre des méthodes d'entretien privilégiant notamment les questions ouvertes (97).


    3. Renforcer la qualité du compte rendu d'audition


    50. Le compte rendu d'entretien constitue une pièce maîtresse du dossier, dès lors que l'audition fonde dans une large mesure la décision prise par l'OFPRA (98). A cet égard, la directive « Procédures » introduit un certain nombre de garanties. Pour chaque audition, les Etats doivent établir un rapport « détaillé et factuel » ou une retranscription (article 17.1) ou bien prévoir un enregistrement audio voire audio-visuel (article 17.2). Avant qu'une décision ne soit prise, le demandeur doit avoir la possibilité de faire des commentaires et/ou d'apporter des précisions, oralement et/ou par écrit, concernant toute erreur de traduction ou tout malentendu dans le rapport ou la retranscription ; il doit ensuite confirmer que le contenu du rapport ou de la retranscription reflète correctement l'audition (article 17.3) (99). Il est à noter que si un refus de confirmation ne fait pas obstacle à la prise de décision, les motifs de ce refus doivent être inscrits dans le dossier du demandeur. Par ailleurs, le demandeur et son conseil juridique doivent avoir accès, avant la prise de décision, au rapport, à la retranscription ou à l'enregistrement (article 17.5), ainsi qu'aux informations (100) sur lesquelles s'est fondé l'agent en charge de l'examen de la demande.
    51. L'article 7 du projet de loi prévoit d'intégrer un nouvel article 723-7 qui dispose : « Dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, l'entretien personnel mené avec le demandeur fait l'objet d'une transcription versée au dossier de l'intéressé. La transcription est communiquée à leur demande à l'intéressé ou à son avocat ou au représentant de l'association avant qu'une décision soit prise sur la demande. Dans le cas où il est fait application de l'article L. 723-2 (procédure accélérée), cette communication peut être faite lors de la notification de la décision ». Pour la CNCDH, le principe du contradictoire exige que la discussion sur la transcription de l'entretien et sa communication aient systématiquement lieu avant la prise de décision et ce, que la procédure soit normale ou accélérée. Elle recommande donc une modification du nouvel article L. 723-7 du CESEDA. En outre, elle souhaite que l'intégralité des garanties énumérées à l'article 17 de la directive « Procédures » soit introduite dans le CESEDA à l'occasion de l'élaboration des décrets d'application.


    4. Garantir la présence d'un conseil lors de l'entretien


    52. A ce jour, le CESEDA ne prévoit pas la présence d'un conseil lors de l'audition menée par l'agent de l'OFPRA. La directive « Procédures » va entraîner un réel bouleversement des pratiques en prévoyant que les Etats sont tenus d'autoriser un demandeur à se présenter à l'entretien personnel accompagné d'un conseil juridique ou d'un autre conseiller (article 23.3). Ils peuvent toutefois choisir de limiter l'intervention de ce dernier « à la fin de l'entretien » (alinéa 3). L'article 7 du projet de loi intègre dans le CESEDA un nouvel article L. 723-6 alinéa 5 ainsi rédigé : « Le demandeur peut se présenter à l'entretien accompagné d'un avocat ou d'un représentant d'une association de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d'asile. Au cours de l'entretien l'avocat ou le représentant de l'association peut prendre des notes. A la fin de l'entretien, l'avocat ou le représentant de l'association peut, à sa demande, formuler des observations. »
    53. La CNCDH regrette le choix d'une transposition a minima des dispositions de la directive « Procédures » rappelées plus haut. Elle entend rappeler que la présence d'un conseil garantit un déroulement contradictoire et transparent de l'entretien individuel dont la qualité ne pourra qu'en être améliorée. La CNCDH recommande en conséquence que :


    - le demandeur soit informé avant l'entretien de la possibilité d'être assisté par un conseil ;
    - le demandeur puisse se présenter à l'entretien accompagné d'un avocat ou d'un représentant d'une association de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d'asile, étant précisé que l'effectivité de cette garantie dépendra des moyens consacrés à cette assistance ;
    - le conseil puisse jouer un rôle actif au cours de l'entretien et non uniquement à la fin de celui-ci.


    5. Réduire la durée de la procédure


    54. L'article 31.2 de la directive « Procédures » consacre le principe du délai raisonnable de la procédure d'asile en posant que les Etats membres veillent à ce que la procédure d'examen soit menée à terme dans les meilleurs délais, sans préjudice d'un examen approprié et exhaustif. Aux termes de l'article 31.3, les Etats membres veillent à ce que l'examen de la demande d'asile soit mené à terme dans les six mois à compter de l'introduction de la demande. Ils ont cependant la possibilité de prolonger ce délai jusqu'à dix-huit mois (article 31.5) (101), voire vingt et un mois en cas de gel de la procédure (article 31.4). A cet égard, la CNCDH s'étonne de la possibilité offerte aux Etats de geler le traitement des demandes au vu « d'une situation incertaine dans le pays d'origine qui devrait être temporaire » (article 31.4 directive « Procédures »). Outre le caractère vague et précisément incertain du critère d'un tel gel, de la durée potentielle de celui-ci (jusqu'à vingt etun mois à partir de l'introduction de la demande), il n'est assorti d'aucune autre garantie pour le demandeur que celle d'une « information, dans un délai raisonnable, des raisons du report ». Si la CNCDH peut comprendre les difficultés du traitement de demandes d'asile en cas d'afflux massif, elle ne peut en revanche que s'étonner du silence gardé par le projet de loi sur la procédure de protection temporaire instituée par l'UE pour répondre à la tension liée à la situation dans certains pays sans différer alors l'octroi d'une protection (102).
    55. Le nombre et l'imprécision de ces dérogations laissent aux Etats membres une grande marge d'interprétation et de gestion des délais de procédure. La CNCDH entend rappeler que les délais mentionnés dans la directive visent des durées maximales et que la procédure d'asile devant l'OFPRA doit être impérativement encadrée dans un délai de six mois (103). Elle recommande en conséquence la consécration de ce principe dans le CESEDA.
    56. Par ailleurs, l'article 10 du projet de loi prévoit d'intégrer dans le CESEDA un nouvel article L. 731-2 fixant des délais d'examen des recours par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) (104), étant rappelé qu'à ce jour, le délai moyen de la procédure devant cette juridiction est de neuf mois environ (105). En vertu des nouvelles dispositions, la CNDA statue en formation collégiale dans le délai de droit commun de cinq mois. Toutefois, en cas de décision d'irrecevabilité ou de rejet prise dans le cadre d'une procédure accélérée, elle statue à juge unique dans un délai de cinq semaines. Si les mesures d'amélioration de la qualité de la procédure conduite devant l'OFPRA recommandées par la CNCDH devaient être rapidement mises en œuvre, la phase contentieuse serait inévitablement moins fréquente (106). Dans ces conditions, la CNCDH estime que l'efficacité pratique de la réduction des délais prévue au nouvel article L. 731-2 du CESEDA dépendra de la qualité de la procédure menée devant l'OFPRA.
    57. De plus, la réduction des délais de procédure ne saurait dispenser du respect des garanties procédurales devant la CNDA (107). A cet égard, la CNCDH déplore l'extension dans le projet de loi des procédures à juge unique un peu plus d'un an après une réforme du code de justice administrative qui en a fait autant en matière de contentieux portant sur les droits sociaux (108). Elle y voit l'émergence insidieuse d'une « justice administrative à deux vitesses » et se doit de rappeler qu'il ne peut être toléré que les pauvres ou les personnes « particulièrement défavorisées et vulnérables » que sont les demandeurs d'asile (109), bénéficient de garanties procédurales au rabais. Le traitement par un juge unique de la CNDA va également conduire à écarter le HCR de l'instance juridictionnelle alors que sa présence constitue un élément fondateur du dispositif français d'asile. Marquant son profond attachement au principe de collégialité, la CNCDH recommande en conséquence une modification du nouvel article L. 731-2 du CESEDA. Enfin, le libre choix d'un défenseur doit être garanti, y compris au titre de l'aide juridictionnelle. Un temps suffisant pour la préparation de la défense doit être assuré, conformément aux exigences des articles 13 de la CESDH et 21 de la directive « Procédures ».


    6. Garantir au demandeur d'asile le droit au bénéfice du doute


    58. La doctrine la plus autorisée souligne que le contentieux du droit d'asile n'est pas un contentieux de type pénal, ni même un contentieux de la preuve, mais un contentieux de l'accréditation d'une situation (110). En effet, la Convention de Genève ne comporte aucune disposition relative à la procédure de détermination de la qualité de réfugié et à la preuve de la crainte de persécution invoquée (111). Une telle preuve s'avère au demeurant quasiment impossible à rapporter, comme le précise très justement le HCR dans son Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié : « Il est possible qu'après que le demandeur se sera efforcé d'établir l'exactitude des faits qu'il rapporte, certaines de ses affirmations ne soient cependant pas prouvées à l'évidence (…) Un réfugié peut difficilement prouver tous les éléments de son cas et si c'était là une condition absolue, la plupart des réfugiés ne seraient pas reconnus comme tels. Il est donc nécessaire de donner au demandeur le bénéfice du doute » (112). Ainsi, les agents de l'OFPRA et les juges de la CNDA devront se forger une intime conviction sur la crédibilité du récit formulé par le demandeur d'asile à partir non de preuves, mais d'un simple faisceau d'indices (113). Cet infléchissement de la charge de la preuve est consacré par la directive « Qualification » aux termes de laquelle « Il appartient à l'Etat membre d'évaluer en coopération avec le demandeur, les éléments pertinents de la demande » (article 4.1). Le projet de loi transpose utilement cette dernière disposition dans un nouvel article L. 723-4 du CESEDA (114), qui exige cependant curieusement, à plusieurs reprises, du demandeur d'asile, qu'il apporte de véritables éléments de preuve. La reconnaissance de la qualité de réfugié apparaît alors comme une véritable « épreuve de vérité » (115). Pour la CNCDH, la référence à la preuve dans le nouvel article L. 723-4 du CESEDA est contraire à l'esprit de la Convention de Genève et à celui de la directive « Qualification ». Elle en recommande donc la modification par la suppression des termes « preuve » et « probant ».
    59. Par ailleurs, les alinéas 4, 5 et 6 du nouvel article L. 723-4 fixent des directives pour l'appréciation par l'OFPRA de la demande d'asile. A titre d'exemple, l'alinéa 5 du nouvel article L. 723-4 du CESEDA établit clairement une hiérarchie entre les « craintes de persécution » et les « persécutions déjà subies » (116). A cet égard, la CNCDH entend rappeler que le principe d'intime conviction s'oppose à la fixation de toute règle gouvernant l'appréciation d'une demande d'asile et interdit de fixer a priori la valeur probatoire d'un indice ou de tout autre élément de fait. Elle recommande donc une modification du projet de loi sur ce point.


    7. Entourer les décisions d'irrecevabilité de garanties sérieuses


    60. Transposant l'article 33 de la directive « Procédures », un nouvel article L.723-10 du CESEDA prévoit la possibilité de déclarer, sans examen au fond, une demande d'asile irrecevable notamment :


    - lorsque le demandeur bénéficie du statut de réfugié et d'une protection effective dans un Etat tiers et y est effectivement réadmissible ;
    - lorsque le demandeur bénéficie d'une protection au titre de l'asile dans un Etat membre de l'UE.


    La CNCDH note avec satisfaction que, dans la première hypothèse, l'OFPRA a l'obligation de vérifier que le demandeur bénéficie dans l'Etat tiers d'une protection effective et qu'il y est effectivement réadmissible. En revanche, rien de tel n'est prévu dans la seconde hypothèse, alors même que le Conseil d'Etat pose que la présomption de protection effective d'une personne reconnue réfugiée dans un Etat membre de l'UE est réfragable, le demandeur ayant la possibilité d'établir l'incapacité de l'Etat membre concerné à lui assurer une protection efficace (117). Dans ces conditions, la CNCDH recommande d'harmoniser la rédaction du nouvel article L. 723-10 du CESEDA en imposant à l'OFPRA de vérifier, avant la décision d'irrecevabilité, l'effectivité de la protection dans l'Etat membre de l'UE concerné et la possibilité d'une réadmission.
    61. Le nouvel article L. 731-2 du CESEDA prévoit que les décisions d'irrecevabilité peuvent faire l'objet d'un recours non suspensif devant la CNDA. Ainsi que cela a déjà été précisé (voir § 31), le nouvel article L. 733-4 du même code énonce que la CNDA, qui statue normalement en plein contentieux, peut néanmoins annuler une décision de l'office et lui renvoyer l'examen de la demande dans deux hypothèses limitativement énumérées, au rang desquelles ne figurent pas les décisions d'irrecevabilité. Celles-ci sont donc soustraites au contrôle de la légalité, alors même qu'elles ont des conséquences très lourdes sur la situation du demandeur d'asile, en raison de l'absence d'examen au fond de sa demande. L'intéressé peut au surplus se voir privé de son droit au maintien sur le territoire (article L. 743-2 nouveau du CESEDA). En conséquence, la CNCDH recommande de modifier l'alinéa 2 de l'article L. 733-4 du CESEDA en permettant à la CNDA d'annuler la décision de l'OFPRA et de lui renvoyer l'examen de la demande d'asile en cas de décision d'irrecevabilité affectée d'un vice de légalité.


    8. Améliorer le régime des décisions de clôture


    62. Transposant les articles 27 et 28 de la directive « Procédures », le projet de loi introduit dans le CESEDA deux articles relatifs au retrait ou à la renonciation à une demande d'asile. Un nouvel article L. 723-11 énumère les cas dans lesquels l'OFPRA peut rendre une décision dite « de clôture d'examen » (118). S'agissant du motif relatif au dépôt tardif de la demande (article L. 723-11 c nouveau), la CNCDH relève que des raisons parfaitement légitimes peuvent expliquer cette situation, comme notamment la méconnaissance du système français de l'asile, l'absence de maîtrise de la langue française, l'isolement dès l'entrée sur le territoire français, les difficultés d'ordre médical ou la fragilité psychologique du demandeur d'asile. En outre, un dépôt tardif, n'est pas de nature à exclure un besoin de protection internationale. La CNCDH recommande donc qu'il soit précisé dans le texte que l'absence de présentation de la demande dans les délais impartis n'est justifiée par aucune raison valable. Par ailleurs, une décision de clôture peut également intervenir « lorsque le demandeur a fui ou quitté sans autorisation le lieu où il était hébergé (…) ou astreint à résider ou n'a pas respecté ses obligations de présentation et de communication aux autorités » (article L. 723-11 d nouveau). Pour la CNCDH, le non-respect par le demandeur de ces obligations est sans rapport avec l'examen du besoin d'une protection internationale (119). Elle recommande en conséquence la suppression de ces dispositions.
    63. Un nouvel article L. 723-12 du CESEDA définit les modalités de réouverture du dossier (120), celle-ci pouvant être sollicitée par le demandeur dans un délai de neuf mois. La CNCDH exprime sa plus vive opposition aux dispositions du dernier alinéa en vertu desquelles, au-delà des neuf mois, la demande de réouverture du dossier est considérée comme une demande de réexamen traitée en procédure accélérée. En effet, il est difficilement concevable d'envisager un quelconque réexamen, dès lors qu'il n'y a pas eu, au préalable, rejet d'une première demande d'asile. En l'absence d'un tel rejet, l'appréciation d'éléments nouveaux fondant le réexamen s'avère au surplus totalement impossible. Par ailleurs, il doit être relevé qu'aux termes du projet de loi, l'OFPRA peut, dans une telle hypothèse, ne pas procéder à un entretien (article L. 723-14 nouveau du CESEDA), qui est pourtant une garantie essentielle de la procédure d'asile. Pour toutes ces raisons, la CNCDH recommande la suppression des nouvelles dispositions.


    9. Garantir un recours suspensif de plein droit dans l'ensemble des procédures relatives à l'asile


    64. Les dispositions de la nouvelle directive « Procédures » (article 46-5) posent le principe selon lequel les Etats membres autorisent les demandeurs d'asile à rester sur leur territoire jusqu'à l'expiration du délai d'introduction d'un recours, et si ce dernier a été formé, jusqu'à son issue. Une série d'exceptions limitent cependant ce droit. Dans ces hypothèses, une juridiction doit décider du caractère suspensif du recours, soit d'office, soit en étant saisie de cette question par un demandeur d'asile (articles 46.6 et s.). Dans les deux cas, l'intervention de la juridiction n'est prévue par la directive que si la décision de rejet de la demande d'asile « a pour conséquence de mettre un terme au droit du demandeur de rester sur le territoire de l'Etat membre » (article 46.6 in fine).
    65. A ce jour, le seul recours suspensif dont disposent les demandeurs d'asile sur le territoire français est celui disponible devant le juge de la reconduite à la frontière qui est chargé de contrôler la légalité de la mesure d'éloignement (obligation de quitter le territoire français) et d'en vérifier notamment la compatibilité avec les articles 3 et 8 de la CESDH. Le recours devant la CNDA dans le cadre de la procédure normale n'est quant à lui pas directement suspensif (121), même si l'étranger débouté de sa demande ne peut être reconduit à la frontière dans la mesure où il bénéficie d'un droit au séjour provisoire jusqu'à la décision de la Cour. Mais surtout, les recours formés par les demandeurs en procédure prioritaire ne sont pas suspensifs (122). Il en est de même des recours formés contre la décision de transfert prise en application du Règlement Dublin.
    66. Pour la CNCDH, la condamnation du caractère non suspensif de ces recours par les deux cours européennes (123) impose une réforme à laquelle invitent la directive « Procédures » et le règlement « Dublin III » (124). Le projet de loi innove très heureusement en prévoyant que les demandeurs d'asile peuvent, de plein droit, se maintenir sur le territoire jusqu'à une décision définitive de l'OFPRA ou de la CNDA, dès lors qu'ils sont placés en procédure normale ou en procédure accélérée (article L. 743-5 nouveau du CESEDA [125]). S'agissant des demandeurs placés en procédure Dublin, ils bénéficient également du droit de se maintenir en France jusqu'au terme de la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à leur transfert effectif vers celui-ci (article L.743-3 nouveau du CESEDA [126]), le recours devant la juridiction administrative étant suspensif de la décision de transfert (article L. 742-5 alinéa 2 nouveau du CESEDA [127]). En cas de demande d'asile en rétention, le président du tribunal administratif a la faculté de permettre à une personne ayant fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité ou de rejet, de se maintenir sur le territoire jusqu'à la décision de la CNDA, s'il estime que la demande d'asile n'a pas été présentée « dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement » (article L. 556-1 nouveau du CESEDA). En revanche, le projet de loi ne prévoit de recours suspensif ni pour les décisions de clôture (article L. 723-12 nouveau du CESEDA) ni pour les décisions d'irrecevabilité (article L. 743-2 nouveau du CESEDA [128]). Dans ces deux hypothèses, les nouvelles dispositions prévoient en effet la possibilité de mettre fin au droit du demandeur d'asile de se maintenir sur le territoire (voir plus haut § 23). Dans ces conditions, la CNCDH ne peut qu'une nouvelle fois rappeler qu'il est impératif d'instituer un recours suspensif de plein droit dans le cadre de l'ensemble des procédures d'asile, étant précisé que le régime juridique de la contestation de l'obligation de quitter le territoire français (articles L. 512-1 et suivants du CESEDA) n'a, en la matière, aucune incidence sur ces procédures.
    67. Par ailleurs, il découle de l'article 13 de la CESDH que la personne concernée doit pouvoir exercer son recours dans un « délai raisonnable », ce qui implique la définition légale d'un délai suffisant pour préparer, rédiger et déposer une requête comprenant un exposé détaillé des moyens de fait et de droit. Le projet de loi prévoit que les recours devant la CNDA sont, en principe, exercés dans un délai d'un mois, que la procédure soit normale ou accélérée (article L. 731-2 alinéa 1 nouveau du CESEDA). Ce délai est inférieur au délai de droit commun pour les recours contentieux devant le juge administratif, qui est de deux mois. Il convient de rappeler qu'un délai trop bref met en cause l'effectivité même du recours (129). Ainsi en est-il du délai de sept jours pour les recours contre les décisions de transfert des « Dublinés » (article L. 742-4 nouveau du CESEDA) et, à plus forte raison, du délai de 48 heures pour les recours contre les décisions de refus d'entrée sur le territoire français (article L. 213-9 du CESEDA) et contre les décisions d'irrecevabilité ou de rejet prononcées à l'encontre d'un demandeur d'asile en rétention (article L. 556-1 nouveau du CESEDA). En conséquence, la CNCDH recommande l'allongement de ces délais et la transformation des délais d'heure à heure en délais à jours ouvrés.
    68. S'agissant de la procédure d'asile à la frontière, la CNCDH recommande tout particulièrement de fixer pour point de départ du délai de recours contre les décisions de refus d'entrée, la date de remise des notes d'entretien de l'OFPRA (130), afin que le demandeur soit mis à même de motiver son recours contre la décision de rejet de l'office. Elle réitère à cet égard les préconisations déjà exprimées pour les demandes sur le territoire relatives à l'organisation et au financement d'une permanence d'information, ainsi que d'une permanence d'avocat au titre de l'aide juridictionnelle.


    III. - Le droit à des conditions matérielles d'accueil
    A. - Améliorer l'accueil, l'hébergement et l'accompagnement


    69. A la suite de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne faisant obligation aux Etats d'accorder des conditions minimales d'accueil aux demandeurs d'asile placés en procédure Dublin, la nouvelle directive « Accueil » précise qu'elle s'applique « à tous les stades et tous les types de procédures relatives aux demandes de protection internationale », sans distinguer entre les différentes catégories de demandes d'asile (article 17.1). La France doit dès lors, pour se conformer aux exigences de cette directive, proposer des conditions matérielles d'accueil dignes à toutes les personnes qui sollicitent une protection internationale. L'alignement devra se faire sur les standards les plus protecteurs, les Etats pouvant adopter ou maintenir des conditions plus favorables que celles prévues par le droit de l'Union. La CNCDH rappelle à cet égard que les conditions matérielles d'accueil ne sauraient constituer une variable d'ajustement mise à la disposition des autorités pour dissuader les étrangers ayant des craintes de persécution de demander une protection internationale en France.
    70. La CNCDH réitère ses constats et recommandations au sujet du dispositif national d'accueil (DNA) qui crée des inégalités de traitement, en raison de sa sous-dotation structurelle (131). Aussi, toute réforme du dispositif national d'accueil doit-elle poursuivre l'objectif du 11e considérant de la directive « Accueil », en adoptant des normes qui garantissent aux demandeurs d'asile un niveau de vie digne. La CNCDH souhaite ainsi que l'objectif d'optimisation de la prise en charge des demandeurs d'asile dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA), gérés par des structures associatives, soit privilégié pour répondre à l'augmentation de la demande d'asile et que de nouvelles places soient créées (132). De plus, il est impératif que les missions d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile comprennent un accompagnement administratif, social et juridique. Pour la CNCDH, les pouvoirs publics devront assurer la qualité de cet accompagnement en dépit de l'accélération de la procédure voulue par le projet de loi.
    71. Enfin, la CNCDH se doit tout particulièrement de saluer le travail considérable et le dévouement exemplaire des associations impliquées au premier chef dans l'accueil, l'orientation, l'hébergement et l'accompagnement des demandeurs d'asile. Ces dernières travaillent fréquemment dans des conditions très difficiles. En raison de moyens insuffisants, elles sont trop souvent contraintes de « gérer la pénurie ». La CNCDH ne peut donc que recommander aux pouvoirs publics de valoriser le savoir-faire associatif et de prévoir des financements permettant à ces structures de remplir leurs missions dans de bonnes conditions.


    B. - Améliorer le dispositif de l'allocation pour demandeur d'asile


    72. Il ressort de plusieurs décisions de juges nationaux (133) et européens (134) que tous les demandeurs d'asile, sans distinction, doivent pouvoir bénéficier d'une telle allocation. L'article 17.1 de la directive « Accueil » dispose en effet que : « Les Etats membres font en sorte que les demandeurs aient accès aux conditions matérielles d'accueil lorsqu'ils présentent une demande de protection internationale », sans distinguer entre les différentes catégories de demandeurs. Le projet de loi prévoit d'intégrer dans le CESEDA un nouvel article L. 744-9 qui réserve le bénéfice de l'allocation pour demandeurs d'asile versée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) aux seules personnes satisfaisant à des critères d'âge et de ressources et acceptant l'offre globale de prise en charge, notamment son volet hébergement (135).
    73. La CNCDH regrette que le nouveau dispositif soit réservé aux seules personnes ayant accepté les conditions matérielles d'accueil proposées par l'OFII après l'enregistrement de la demande d'asile par l'autorité administrative. Dans son interprétation de la directive « Accueil », la Cour de justice de l'UE ne formule explicitement aucune limitation de ce type (136). En outre, le nouveau texte prévoit qu'il puisse être tenu compte de l'âge de l'intéressé pour le versement de l'allocation. A cet égard, la CNCDH recommande que les mineurs disposent de la faculté d'accéder à la nouvelle allocation pour demandeur d'asile.
    74. Par ailleurs, l'article 17.5 de la directive « Accueil » prévoit que, lorsque des Etats octroient les conditions matérielles d'accueil sous forme d'allocations financières, le montant de celles-ci est fixé en fonction du niveau établi dans l'Etat membre pour garantir un niveau de vie adéquat à ses ressortissants. Comme le Conseil d'Etat l'a souligné à de multiples reprises (137), le montant de l'actuelle allocation temporaire d'attente (ATA) est insuffisant (138) et ne permet pas de survivre en l'absence d'hébergement. Pour sa part, la Cour de justice de l'UE a récemment posé que l'allocation financière accordée aux demandeurs d'asile doit permettre à ceux-ci de trouver, le cas échéant, un logement sur le marché locatif privé (139). La CNCDH recommande en conséquence une réévaluation du montant de l'allocation versée aux demandeurs d'asile.


    C. - Garantir la liberté de choix du lieu de résidence


    75. La directive « Accueil » offre aux Etats la possibilité de limiter la liberté de circulation des demandeurs d'asile au sein d'un pays et de leur imposer une obligation de résidence dans un lieu déterminé, d'en sanctionner la violation par la privation des conditions matérielles d'accueil et de soumettre à autorisation provisoire le droit de quitter le lieu de résidence qui leur est imparti (articles 7.2 et suivants). Transposant ces dispositions, l'article 15 du projet de loi instaure un dispositif reposant sur un double mécanisme :


    - une répartition nationale des places d'hébergement déclinée par région et incluant l'ensemble des dispositifs actuels (voir les nouveaux articles L. 744-1 et suivants du CESEDA) ;
    - une orientation nationale et directive des demandeurs d'asile vers les lieux d'hébergement avec un retrait des conditions matérielles d'accueil en cas de refus exprimé par les intéressés ou de manquement à leurs obligations (voir les nouveaux articles L. 744-7 et suivants du CESEDA).


    C'est à l'OFII qu'il revient de mettre en œuvre ce dispositif (article L. 744-1 du CESEDA).
    76. Confronté à la concentration de la demande d'asile en Ile-de-France, l'Etat est tenté de procéder à une répartition obligatoire des demandeurs d'asile sur le territoire national (140). Pour la CNCDH, un tel système ne peut fonctionner en pratique que si un hébergement et un accompagnement adaptés sont prévus pour tous dès le début de la procédure. Elle relève en outre que le libre choix du lieu de résidence est à ce jour déjà contraint dès lors qu'en cas de refus du demandeur d'asile d'être pris en charge en CADA celui-ci perd le bénéfice de l'ATA (article L. 5423-9, 3° du code du travail). Or, le constat d'une mauvaise répartition résulte avant tout de la pénurie de places en CADA et de l'absence de solidarité nationale, auxquelles il doit être impérativement remédié. Dans ces conditions, la CNCDH confirme son profond attachement au libre choix de leur mode d'hébergement par les demandeurs d'asile, étant entendu que l'exercice de cette liberté de choix ne saurait nuire au bénéfice des autres conditions d'accueil, et notamment à l'octroi d'une allocation ainsi qu'à l'accompagnement du demandeur d'asile. Elle recommande tout particulièrement, à l'instar d'un récent rapport parlementaire (141), de laisser à chaque demandeur d'asile la faculté d'être hébergé par un tiers sans être pénalisé par la perte de son droit à une allocation. A tout le moins, si le principe d'un hébergement directif devait être maintenu, la CNCDH estime qu'il est nécessaire de recueillir le consentement du demandeur d'asile. L'OFII pourrait ainsi dans un premier temps proposer à l'intéressé un lieu d'hébergement et l'inviter à s'y rendre, sans sanction en cas de refus.
    77. Par ailleurs, les dispositions du nouvel article L. 744-8 du CESEDA, fixant les conditions dans lesquelles l'autorité administrative peut limiter ou suspendre le bénéfice des conditions matérielles d'accueil (142), constituent pour la CNCDH un objet de vive inquiétude dès lors qu'elles autorisent à mettre en place un système de contrôle des demandeurs d'asile s'apparentant à un régime d'assignation à résidence. A cela s'ajoute le nouvel article L. 744-4, alinéa 3, du CESEDA qui oblige les structures d'hébergement à alerter l'autorité administrative compétente « en cas d'absence injustifiée et prolongée des personnes qui y ont été orientées pendant la procédure ». La CNCDH craint fortement que ces nouvelles dispositions n'aboutissent en pratique à mettre en place un système de surveillance généralisée. C'est pourquoi, elle tient à rappeler son opposition de principe à un contrôle des demandeurs d'asile, un tel contrôle méconnaissant le fait que ceux-ci ne font qu'exercer leur droit fondamental de demander l'asile.
    78. Enfin, un nouvel article L. 744-5 du CESEDA aménage la procédure du référé, mesure utile, en cas d'occupation indue d'un lieu d'hébergement par une personne dont la demande d'asile a été définitivement rejetée. Il prévoit de supprimer la condition d'urgence, dont la preuve doit normalement être apportée par le requérant aux termes de l'article L. 521-3 du CJA (143). Les nouvelles dispositions organisent une procédure exorbitante du droit commun en dispensant l'administration de la preuve de l'urgence. Le principe d'égalité devant la loi est, dans ces conditions, mis à mal. En conséquence, la CNCDH recommande la suppression de ce régime dérogatoire. A tout le moins, si celui-ci devait être maintenu, l'intéressé devrait bénéficier de l'aide juridictionnelle.


    D. - Renforcer l'accès aux droits sociaux


    79. L'effectivité et la rapidité d'accès à ces droits doivent être renforcées. Les demandeurs d'asile attendent souvent très longtemps pour pouvoir en bénéficier en raison soit de difficultés d'accès à la procédure d'asile, soit de « tracasseries administratives » injustifiées ou contraires à la réglementation.
    80. L'article 15.1 de la directive « Accueil » invite les Etats à veiller à ce que les demandeurs d'asile aient accès au marché du travail dans un délai maximum de 9 mois à compter de la date d'introduction de leur demande de protection internationale. Si les Etats sont habilités à fixer les conditions dans lesquelles l'accès au marché du travail leur est octroyé, l'accès effectif à ce marché doit néanmoins être garanti (article 15.2). La possibilité d'accorder la priorité aux citoyens de l'UE, aux ressortissants de l'espace économique européen, ainsi qu'aux ressortissants de pays tiers en séjour régulier « pour des motifs liés à leur politique de marché du travail », est toutefois consacrée à l'article 15.2 et déjà mise en œuvre par le code du travail.
    81. La CNCDH regrette que le projet de loi reste totalement silencieux sur ce droit au travail. Pourtant, il est de l'intérêt de tous de permettre aux demandeurs d'asile d'accéder légalement au marché de l'emploi dans la mesure où il s'agit là d'un facteur d'autonomisation. Cet accès devrait être ouvert à tout demandeur d'asile après le dépôt de sa demande. Par ailleurs, l'accès aux dispositifs de formation professionnelle et d'apprentissage de la langue française devrait être possible dès que le demandeur est autorisé à séjourner sur le territoire français, afin de favoriser l'intégration de ceux qui se verront reconnaître une protection internationale.
    82. L'accès aux soins médicaux est également prévu par la directive « Accueil » comme faisant partie des garanties minimales qui doivent être octroyées aux demandeurs d'asile (article 15). La CNCDH recommande une augmentation des moyens alloués aux CADA pour répondre aux besoins médicaux et paramédicaux des demandeurs d'asile. A ce jour, les accès à l'assurance maladie et à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU/C) supposent la régularité du séjour (articles L. 380-1 et R. 380-1 du code de la sécurité sociale). Un dispositif est néanmoins réservé aux étrangers ne remplissant pas cette condition : il s'agit de l'aide médicale d'Etat (AME) réglementée dans le code de l'action sociale et de la famille (articles L. 251-1 et suivants du CASF) et dont l'accès est conditionné à une ancienneté de la présence en France de trois mois, condition écartée à l'égard des mineurs par le Conseil d'Etat (144). La spécificité du droit d'asile ne paraît pas compatible avec la condition d'ancienneté de la présence en France pour le bénéfice de l'aide médicale d'Etat. La CNCDH rappelle que les obligations définies à l'article 19 de la directive « Accueil » n'imposent aux Etats membres que des obligations minimales (145) et que tous les demandeurs d'asile doivent pouvoir être affiliés au régime général de l'assurance maladie et bénéficier de la CMU complémentaire (146).


    IV. - Le droit à la prise en compte de l'état de vulnérabilité


    83. La notion de vulnérabilité recouvre des situations extrêmement diverses dans lesquelles des personnes se trouvent dans un état de grande fragilité. L'article 21 de la directive « Accueil » énumère les personnes vulnérables « telles que les mineurs, les mineurs non accompagnés, les handicapés, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d'enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes ayant des maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle ». Le projet de loi semble cependant, dans plusieurs de ses dispositions, consacrer une vision moins large de la vulnérabilité en la restreignant aux mineurs et aux personnes victimes de tortures ou de traitements inhumains ou dégradants (voir les nouveaux articles L. 213-8-2, L. 723-2 et L. 723-3 du CESEDA). La CNCDH recommande que l'ambiguïté soit levée sur ce point, afin que les nouveaux textes ne puissent être interprétés par ceux qui les mettront en œuvre comme cantonnant la vulnérabilité à ces deux hypothèses.
    84. L'article 11 de la directive « Accueil » permet le placement en rétention des personnes vulnérables. A ce sujet, la directive reprend à son compte un certain nombre de principes concernant les femmes, les familles, les personnes dont l'état de santé nécessite un suivi ou un soutien particulier. Les problèmes de « santé mentale » ne constituent pas un cas d'exclusion de cette mesure privative de liberté (article 11.1). La CNCDH ayant réitéré ses réserves à l'égard de la pérennisation en Europe d'un système d'internement administratif pour les demandeurs d'asile, celles-ci valent, à plus forte raison, à l'égard des personnes vulnérables. S'agissant plus spécifiquement des mineurs, l'approche est encore plus préoccupante dès lors que la directive « Accueil » n'exclut pas la possibilité d'une privation de liberté à titre dérogatoire (articles 11.2 et 11.3). A cet égard, l'article 8 du projet de loi prévoit la possibilité, certes exceptionnelle, de placer en zone d'attente des mineurs non accompagnés (article L. 213-8-2 nouveau du CESEDA), alors pourtant qu'en application des articles 31 et 33 de la Convention de Genève, les enfants isolés en quête de protection, comme tous les demandeurs d'asile, ne doivent jamais se voir refuser l'accès au territoire, être refoulés à la frontière ou être détenus pour cause d'immigration. La CNCDH tient à rappeler sa ferme opposition, régulièrement répétée depuis de nombreuses années, au prononcé de mesures privatives de liberté à l'égard de mineurs isolés demandeurs d'asile, opposition qui est fondée sur la sauvegarde de « l'intérêt supérieur de l'enfant » (article 3.1 de la CIDE) (147). Ces mineurs doivent recevoir immédiatement une protection judiciaire et le soutien de l'aide sociale à l'enfance (148).
    85. Par ailleurs, la directive « Accueil » instaure une évaluation des besoins particuliers en matière d'accueil des personnes vulnérables (article 22). Aux fins de transposition de ce texte, l'article 15 du projet de loi prévoit d'intégrer dans le CESEDA un article L. 744-6 ainsi rédigé : « Suite à la présentation d'une demande d'asile, l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de procéder dans un délai raisonnable à un examen de la vulnérabilité du demandeur d'asile afin de déterminer le cas échéant ses besoins particuliers en matière d'accueil. Ces besoins particuliers sont également pris en compte s'ils deviennent manifestes à une étape ultérieure de la procédure d'asile. Les informations attestant d'une situation particulière de vulnérabilité, après accord du demandeur d'asile, sont transmises par l'Office français de l'immigration et de l'intégration à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. »
    86. Si la CNCDH se félicite de voir prise en compte la situation des personnes vulnérables, l'évaluation ne doit en aucun cas se faire au détriment des demandeurs d'asile ne répondant pas aux critères de vulnérabilité exposés plus haut. En d'autres termes, l'évaluation de la « vulnérabilité » ne doit pas être un motif d'exclusion d'un hébergement, d'un accompagnement ou d'une prise en charge (149). La CNCDH rappelle à cet égard que l'ensemble des demandeurs d'asile a le droit de bénéficier de conditions matérielles d'accueil garantissant un niveau de vie digne, ce qui nécessite l'allocation par l'Etat de moyens en adéquation avec les besoins de l'ensemble des structures chargées d'assurer cet accueil, cet accompagnement et cette prise en charge.
    87. La CNCDH entend s'assurer que les dispositions de la directive n'entraînent pas la création d'un dispositif d'accompagnement social dédié aux seules personnes identifiées comme « vulnérables » et recommande donc avant tout d'améliorer le système national de droit commun, afin qu'il réponde de manière plus adéquate aux besoins réels de tous les demandeurs d'asile. A ce titre, chacun d'eux doit pouvoir rapidement bénéficier d'une visite de prévention auprès de professionnels socio-sanitaires, y compris en santé mentale, s'il en fait la demande et quelle que soit sa vulnérabilité. Le délai de délivrance d'une protection maladie ne doit pas justifier de retard à cette visite librement consentie.
    88. En outre, l'utilisation d'outils d'identification de la « vulnérabilité » ne saurait pallier le manque de moyens dédiés à l'accompagnement et à l'offre de soins afférents. Ces outils doivent être appréciés et validés par les instances responsables, en particulier par le ministère de la santé et des affaires sociales ; ils doivent également être discutés au préalable, de manière pluridisciplinaire, avec les institutions référentes sur le sujet (autorités universitaires, sociétés savantes reconnues, etc.), afin d'éviter que ne soit créée une filière spécialisée pour les demandeurs d'asile sous la responsabilité du ministère de l'intérieur. Dans ces conditions, la CNCDH regrette que la détection de la vulnérabilité soit confiée à un organisme public placé sous la tutelle du ministère de l'intérieur. Elle recommande donc une modification de l'article L. 744-6 du CESEDA sur ce point.
    89. Enfin, la « vulnérabilité » doit pouvoir être identifiée tout au long du parcours du demandeur d'asile, et non exclusivement en amont ou lors du dépôt de la demande. A cet égard, la CNCDH recommande une clarification de l'article L.744-6 du CESEDA, dont la rédaction actuelle, insuffisamment explicite, semble privilégier la détection de la vulnérabilité en début de procédure et non tout au long de celle-ci.
    (Adoption : unanimité.)


    Synthèse des principales recommandations


    Recommandation n° 1 : La CNCDH recommande aux pouvoirs publics de valoriser le savoir-faire associatif et de renforcer les financements permettant aux associations de remplir leurs missions dans de bonnes conditions. Elle se doit tout particulièrement de saluer le travail considérable et le dévouement exemplaire des associations impliquées au premier chef dans l'accueil, l'orientation, l'hébergement et l'accompagnement des demandeurs d'asile.
    Recommandation n° 2 : La CNCDH recommande l'urgente simplification de la législation relative au droit d'asile.
    Recommandation n° 3 : La CNCDH recommande de supprimer du projet de loi toutes formulations et terminologies entretenant une confusion fâcheuse entre les questions d'asile et d'immigration (par exemple, l'emploi du vocable « l'étranger »), ainsi que celles pouvant être interprétées comme l'expression d'une méfiance de principe manifestée à l'égard de ceux qui sollicitent une protection internationale (par exemple, l'emploi récurrent de doubles négations telles que l'exigence que la demande de réexamen ne soit pas irrecevable ou que la demande d'asile à la frontière ne soit pas manifestement infondée).
    Recommandation n° 4 : La CNCDH recommande de consacrer dans le CESEDA la définition donnée par le HCR des motifs de craintes de persécution tenant à l'appartenance à un certain groupe social.
    Recommandation n° 5 : La CNCDH recommande de faciliter la domiciliation des demandeurs d'asile.
    Recommandation n° 6 : La CNCDH recommande de supprimer le préalable du passage en préfecture. A tout le moins, si celui-ci devait être maintenu, elle en souhaite ardemment l'extrême simplification.
    Recommandation n° 7 : La CNCDH recommande de confier à une autorité qui n'est ni sous la tutelle ni sous le pouvoir hiérarchique de l'exécutif l'ensemble des questions relatives à l'accès au territoire français des demandeurs d'asile et à la décision à prendre sur l'octroi d'une protection internationale.
    Recommandation n° 8 : La CNCDH recommande qu'il soit procédé à l'enregistrement de la demande d'asile dans un délai de trois jours.
    Recommandation n° 9 : La CNCDH recommande de reconnaître à tous ceux qui sollicitent une protection internationale, sans distinction, un véritable droit au séjour sur le territoire français pendant la durée de la procédure d'asile.
    Recommandation n° 10 : La CNCDH recommande de remédier aux difficultés relatives à l'orientation de la procédure d'asile en garantissant les droits des demandeurs faisant l'objet d'une « procédure Dublin » par l'application systématique des clauses humanitaire et de souveraineté. En outre, la CNCDH est opposée à la possibilité de placer en rétention ces demandeurs d'asile.
    Recommandation n° 11 : La CNCDH recommande d'entourer la décision de placement en procédure accélérée de davantage de garanties en confiant à la seule autorité responsable de la détermination le soin de décider de l'orientation de la procédure d'asile. Elle recommande également de permettre à la CNDA, en cas de décision de placement en procédure accélérée affectée d'un vice de procédure, d'annuler celle-ci et de renvoyer à l'OFPRA l'examen de la demande d'asile.
    Recommandation n° 12 : La CNCDH recommande d'interdire le placement des mineurs isolés étrangers en procédure accélérée.
    Recommandation n° 13 : La CNCDH recommande de revoir les motifs de placement en procédure accélérée, en rappelant tout particulièrement sa ferme opposition à la notion de « pays d'origine sûr ».
    Recommandation n° 14 : La CNCDH recommande de garantir une aide lors du dépôt de la demande d'asile en :


    - informant les demandeurs, dans une langue qu'ils comprennent, de la procédure à suivre et de leurs droits et obligations au cours de la procédure, leur permettant de bénéficier gratuitement des services d'un interprète ;
    - leur permettant de bénéficier gratuitement des services d'un interprète.


    Recommandation n° 15 : La CNCDH recommande d'entourer l'examen des demandes d'asile à la frontière de davantage de garanties en rappelant notamment que l'appréciation de la recevabilité de ces demandes ne peut en aucun cas relever d'un examen au fond des craintes de persécution invoquées par l'intéressé.
    Recommandation n° 16 : La CNCDH recommande l'organisation en zone d'attente d'une permanence d'information et d'une permanence d'avocat au titre de l'aide juridictionnelle.
    Recommandation n° 17 : La CNCDH recommande d'améliorer l'examen de la demande d'asile sur le territoire en renforçant la qualité des auditions et celle du compte rendu d'audition. En outre, le principe du contradictoire exige que la discussion sur la transcription de l'entretien et sa communication aient systématiquement lieu avant la prise de décision et ce, que la procédure soit normale ou accélérée.
    Recommandation n° 18 : La CNCDH recommande que :


    - le demandeur soit informé avant l'entretien de la possibilité d'être assisté par un conseil ;
    - le demandeur puisse se présenter à l'entretien accompagné d'un avocat ou d'un représentant d'une association de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d'asile, étant précisé que l'effectivité de cette garantie dépendra des moyens consacrés à cette assistance ;
    - le conseil puisse jouer un rôle actif au cours de l'entretien et non uniquement à la fin de celui-ci.


    Recommandation n° 19 : La CNCDH recommande de supprimer toute référence à la preuve dans les dispositions du projet de loi relatives à l'appréciation par l'OFPRA de la demande d'asile. Elle entend également rappeler que le principe d'intime conviction s'oppose à la fixation de toute règle gouvernant l'appréciation d'une demande d'asile et interdit de déterminer a priori la valeur probatoire d'un indice ou de tout autre élément de fait. Elle recommande tout particulièrement de veiller à ce que les nouvelles dispositions n'établissent aucune hiérarchie entre les « craintes de persécution » et les « persécutions déjà subies ».
    Recommandation n° 20 : La CNCDH recommande de réduire la durée de la procédure d'asile en écartant tout gel du traitement des demandes. La procédure menée devant l'OFPRA doit être encadrée dans un délai de 6 mois, étant précisé que la réduction des délais ne doit aucunement nuire à l'effectivité des garanties procédurales reconnues aux demandeurs d'asile.
    Recommandation n° 21 : La CNCDH recommande que toute décision d'irrecevabilité rendue par l'OFPRA soit conditionnée par l'exigence d'effectivité de la protection dans l'Etat concerné - qu'il soit ou non membre de l'UE - et la possibilité d'une réadmission. La CNCDH préconise également de permettre à la CNDA, en cas de décision d'irrecevabilité affectée d'un vice de légalité, d'annuler celle-ci et de renvoyer à l'OFPRA l'examen de la demande d'asile.
    Recommandation n° 22 : La CNCDH recommande d'améliorer le régime juridique des décisions de clôture.
    Recommandation n° 23 : La CNCDH recommande d'instituer un recours suspensif de plein droit dans le cadre de l'ensemble des procédures d'asile.
    Recommandation n° 24 : La CNCDH recommande d'allonger le délai de recours à l'encontre des décisions de refus d'entrée sur le territoire français, des décisions de transfert des personnes faisant l'objet d'une procédure « Dublin » et des décisions d'irrecevabilité ou de rejet prononcées à l'encontre d'un demandeur d'asile en rétention. Elle recommande également la transformation des délais d'heure à heure en délais à jours ouvrés.
    Recommandation n° 25 : S'agissant de la procédure d'asile à la frontière, la CNCDH recommande de fixer pour point de départ du délai de recours contre les décisions de refus d'entrée la date de remise des notes d'entretien de l'OFPRA, afin que le demandeur soit mis à même de motiver son recours contre la décision de rejet de l'office.
    Recommandation n° 26 : La CNCDH recommande que la CNDA statue en formation collégiale, que la procédure soit accélérée ou normale. Devant cette juridiction, le libre choix d'un défenseur doit en outre être préservé, y compris au titre de l'aide juridictionnelle. Un temps suffisant pour la préparation de la défense doit être impérativement garanti.
    Recommandation n° 27 : La CNCDH recommande de garantir des conditions matérielles d'accueil en :


    - améliorant l'accueil, l'hébergement et l'accompagnement, notamment par la création de nouvelles places dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile ;
    - réévaluant le montant de l'allocation temporaire d'attente ;
    - renforçant les droits sociaux des demandeurs d'asile, afin de leur permettre d'accéder au marché de l'emploi après le dépôt de la demande, d'être affiliés au régime général de l'assurance maladie et de bénéficier de la couverture maladie universelle complémentaire.


    Recommandation n° 28 : La CNCDH, marquant son attachement au libre choix par les demandeurs d'asile de leur lieu de résidence, recommande aux pouvoirs publics de ne pas opter pour un hébergement directif et surtout de ne pas mettre en place un système de contrôle des demandeurs d'asile proche d'un régime d'assignation à résidence. En effet, chaque demandeur d'asile doit avoir la faculté de pourvoir lui-même à son hébergement ou d'être hébergé par un tiers sans se voir pénalisé par la perte de son droit à une allocation. Si le principe d'un hébergement directif devait néanmoins être retenu, la CNCDH estime qu'il est nécessaire de recueillir le consentement du demandeur d'asile.
    Recommandation n° 29 : La CNCDH recommande de prendre en compte l'état de vulnérabilité des demandeurs d'asile afin de répondre à leurs besoins réels et sans que cela se fasse au détriment de ceux qui ne présentent pas un tel état de vulnérabilité. En outre, l'utilisation d'outils d'identification de la vulnérabilité ne saurait pallier le manque de moyens dédiés à l'accompagnement et à l'offre de soins afférents. Ces outils doivent être appréciés et validés par les instances responsables, en particulier par le ministère de la santé et des affaires sociales ; ils doivent également être discutés au préalable, de manière pluridisciplinaire, avec les institutions référentes sur le sujet (autorités universitaires, sociétés savantes reconnues, etc.), afin d'éviter que ne soit créée une filière spécialisée pour les demandeurs d'asile sous la responsabilité du ministère de l'intérieur. Enfin, la vulnérabilité doit pouvoir être identifiée tout au long du parcours du demandeur d'asile, et non exclusivement en amont ou lors du dépôt de la demande.
    Recommandation n° 30 : La CNCDH recommande l'interdiction de toute privation de liberté pour les mineurs isolés étrangers, ceux-ci ne devant en aucun cas être placés en zone d'attente ou en rétention administrative. Pour la CNCDH, les pouvoirs publics doivent considérer que le fait pour un mineur d'être isolé et étranger emporte une présomption de danger, qui fonde, à son tour, le droit d'accéder à la protection du juge des enfants. En conséquence, les mineurs isolés étrangers doivent recevoir une protection judiciaire et le soutien de l'aide sociale à l'enfance.

    (1) Un « contre-rapport », très critique, a été établi par la Coordination française du droit d'asile : voir CFDA, Recommandations de la Coordination française du droit d'asile pour une réforme d'envergure, 17 février 2014 ; CFDA, Analyse du projet de loi relatif à la réforme de l'asile, 17 octobre 2014. (2) V. Létard et J.-L. Touraine, Rapport sur la réforme de l'asile, Paris, le 28 novembre 2013. (3) Dans ce sens CNCDH 15 avril 2010, Avis sur l'élaboration des lois, en ligne sur : www.cncdh.fr. (4) Pour plus de détails, voir C. Balleix, La Politique migratoire de l'Union européenne, La documentation française 2013, p. 31 et s. ; A. Le Pors, Le Droit d'asile, PUF, 2011, p. 107 et s. Pour une approche critique, V. Guiraudon, L'Europe et les réfugiés : une politique peu solidaire, Pouvoirs n° 144 (2013), p. 79 et s. (5) Directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale (refonte) ; Directive n° 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale. (6) Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte). (7) Règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales (refonte). (8) Directive n° 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (refonte). (9) Voir A. Kachee, La Crise en Syrie, un défi majeur pour la France et l'Europe. Un conflit interne aux répercussions régionales, in : Forum réfugiés - Cosi, L'Asile en France et en Europe, Etat des lieux 2014, juin 2014, p. 24 et s. (10) Voir Amnesty International, La Forteresse Europe. Faits et chiffres, rapport, juillet 2014 ; Amnesty International, Des vies à la dérive. Réfugiés et migrants en péril en Méditerranée, rapport, octobre 2014. (11) Voir D. Lochak, Qu'est-ce qu'un réfugié ? La construction politique d'une catégorie juridique, Pouvoirs n° 144 (2013), p. 46 ; V. Guiraudon, L'Europe et les réfugiés, op. cit., p. 84 et s. C. Wihtol de Wenden, La Question migratoire au XXIe siècle. Migrants, réfugiés et relations internationales, Les presses de SciencesPo. 2013, p. 149 et s. Ces auteurs relèvent que depuis les années 80-90, les réfugiés sont entrés de plain-pied dans la problématique des migrations et des relations internationales. Les pays occidentaux cherchent, par tous moyens, à endiguer les flux de réfugiés issus des régions les plus déshéritées de la planète et à s'affranchir au maximum des obligations de la Convention de Genève. (12) Etude d'impact. Projet de loi relatif à la réforme de l'asile, Paris, le 22 juillet 2014, § 1.1 (13) 505,7 millions d'habitants dans l'UE 28 au 1er janvier 2013 (source Eurostat). (14) 51 375 personnes se sont vues accorder un statut de réfugié dans l'UE 27 en 2012 (décisions de première instance et définitives) et 37 105 une protection subsidiaire (source Eurostat). (15) OFPRA, Rapport d'activité 2013, Paris 2014, p. 38. Plus précisément au 31 décembre 2013, 186 234 personnes étaient placées sous la protection de l'OFPRA, dont 169 990 réfugiés, 14 997 bénéficiaires de la protection subsidiaire et 1 247 apatrides. (16) Directive n° 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les Etats membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil. (17) Voir CNCDH 23 juin 2011, Avis sur les mouvements migratoires liés aux « printemps arabes ». Voir également la lettre du 20 novembre 2013 adressée au Président de la République par la présidente de la CNCDH relative à l'accueil des réfugiés syriens. (18) Exposé des motifs. Projet de loi relatif à la réforme de l'asile, Paris, le 22 juillet 2014. (19) Ibid. (20) Sur cette question, voir notamment J. Valluy, Rejet des exilés. Le grand retournement du droit de l'asile, Terra 2009 ; E. d'Halluin-Mabillot, Les Epreuves de l'asile. Associations et réfugiés face aux politiques du soupçon, EHESS 2012. (21) J. Gaeremynck, L'Arrivée et la demande d'asile, Pouvoirs n° 144 (2013), p. 49. (22) Voir CNCDH, La Lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie. Rapport 2013, La documentation française 2014. (23) Voir D. Fassin (dir.), Juger, réprimer, accompagner. Essai sur la morale de l'Etat, Seuil 2013, p. 101 et s. qui constate à l'issue d'une enquête récente de terrain que « l'asile apparaît désormais comme un vecteur d'immigration et les pratiques institutionnelles se font de plus en plus rigoureuses afin d'éviter les abus et de sélectionner les vrais persécutés. Le discours délégitimant les demandeurs d'asile a une influence sur les pratiques de jugement à la CNDA, qui sont guidées par la suspicion » (p. 131 et 132). Sur cette question, voir également J. Valluy, op. cit. ; K. Akoka et A. Spire, Pour une histoire sociale de l'asile politique en France, Pouvoirs n° 144 (2013), p. 67 et s. (24) Voir D. Alland et C. Teitgen-Colly, Traité du droit de l'asile, P.U.F. 2002, n° 139, p. 196, qui soulignent que la Convention de Genève ne lie pas l'asile à la qualité de réfugié. (25) Cons. const. 13 août 1993, n° 93-325 DC ; Cons. const. 22 avril 1997, n° 97-389 DC. (26) CE 12 janvier 2001, Mme Hyacinthe, AJDA 2001, p. 589 : « Considérant, d'une part, que la notion de liberté fondamentale au sens où l'a entendue le législateur lors de l'adoption de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives, englobe, s'agissant des ressortissants étrangers qui sont soumis à des mesures spécifiques réglementant leur entrée et leur séjour en France, et qui ne bénéficient donc pas, à la différence des nationaux, de la liberté d'entrée sur le territoire, le droit constitutionnel d'asile qui a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié, dont l'obtention est déterminante pour l'exercice par les personnes concernées des libertés reconnues de façon générale aux ressortissants étrangers ». (27) Voir P. Mazeaud, Pour une politique des migrations transparente, simple et solidaire, La Documentation française 2008, p. 28, qui souligne que les quotas en matière d'asile sont contraires à la Constitution et à la Convention de Genève. (28) Par exemple l'article 3 de la CESDH. (29) Voir notamment l'article 3 de la directive « Qualification » : « Les Etats membres peuvent adopter ou maintenir des normes plus favorables pour décider quelles sont les personnes qui remplissent les conditions d'octroi du statut de réfugié ou de personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et pour déterminer le contenu de la protection internationale, dans la mesure où ces normes sont compatibles avec la présente directive ». L'article 5 de la directive « Procédures » dispose dans le même sens : « Les Etats membres peuvent prévoir ou maintenir des normes plus favorables en ce qui concerne les procédures d'octroi et de retrait de la protection internationale, pour autant que ces normes soient compatibles avec la présente directive. » (30) Voir CJUE 21 décembre 2011, N.S. & autres, n° C-411/10, qui a rappelé aux Etats qu'ils doivent interpréter leur droit national de manière conforme non seulement au droit dérivé, mais aussi aux droits fondamentaux protégés par l'ordre juridique de l'UE et les autres principes généraux du droit de l'Union. (31) CNCDH 28 novembre 2013, Avis sur le régime d'asile européen commun, JORF du 11 décembre 2013, texte n° 82. (32) Voir déjà CNCDH 22 janvier 2004, Avis sur le projet de décret relatif à l'OFPRA et à la CRR, en ligne sur : www.cncdh.fr. ; CNCDH 20 septembre 2007, Avis sur le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration à l'intégration et à l'asile, en ligne sur : www.cncdh.fr. ; CNCDH 28 novembre 2013, Avis sur le régime d'asile européen commun, op. cit. (33) Voir C. Teitgen-Colly, The European Union and Asylum : An Illusion of Protection, (2006) 43 Common Market Law Review, Issue 6, p. 1503 et s. (34) Voir CNCDH 24 avril 2003, Avis sur le projet de loi n° 52-893 relative au droit d'asile, en ligne sur : www.cncdh.fr. (35) Article L. 713-2 alinéas 2 et 3 modifiés du CESEDA : « Les autorités susceptibles d'offrir une protection peuvent être les autorités de l'Etat, des partis et des organisations internationales et régionales qui contrôlent l'Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci. Cette protection doit être effective et non temporaire. Une telle protection est en principe assurée lorsque les acteurs mentionnés au deuxième alinéa prennent des mesures appropriées pour empêcher les persécutions ou les atteintes graves, en particulier lorsqu'ils disposent d'un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » (36) L'article 14.4 a de la directive « Qualification » prévoit que les Etats membres peuvent révoquer ou ne pas renouveler le statut de réfugié lorsqu'il existe des motifs raisonnables de le considérer comme une menace pour la sécurité de l'Etat membre dans lequel il se trouve. (37) L'article 17.1 d de la directive « Qualification » prévoit qu'un ressortissant d'un pays tiers ou un apatride est exclu de la protection subsidiaire lorsqu'il présente une menace pour la société ou la sécurité de l'Etat membre. (38) Voir les articles 15 et suivants de la directive « Qualification ». (39) Article L. 711-2 nouveau du CESEDA : « Les actes de persécution et les motifs de persécution au sens de la section A de l'article 1er de la Convention de Genève sont appréciés dans les conditions prévues à l'article 9, paragraphes 1 et 2, et à l'article 10, paragraphe 1, de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection. » (40) Voir notamment CNDA 29 avril 2011, n° 10012810 qui ne se fonde pas sur la définition du groupe social donnée par la directive, CE 25 juillet 2013, n° 350661, qui la retranscrit de manière erronée. Sur cette question voir également A. Le Pors, Le Droit d'asile, op. cit., p. 56 et s. (41) UNHCR, Principes directeurs sur la protection internationale : « L'appartenance à un certain groupe social » dans le cadre de l'article 1 A (2) de la Convention de 1951 et/ou son Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, HCR/GIP/02/02 Rev. 1°, 8 juillet 2008 ; UNHCR, Position du HCR relative à l'application de l'article 1A (2) de la Convention de 1951 ou Protocole de 1967 aux victimes de la traite en France. Publiée à l'occasion de deux décisions récentes de la Cour nationale du droit d'asile, 12 juin 2012. (42) « Les Etats Contractants s'engagent à coopérer avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, ou toute autre institution des Nations unies qui lui succéderait, dans l'exercice de ses fonctions et en particulier à faciliter sa tâche de surveillance de l'application des dispositions de cette Convention. » (43) Voir HCE/fh, Avis sur le projet de loi n° 2182 relatif à la réforme de l'asile, n° 2014-1114-INT-014. (44) Cour EDH 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, req. n° 30696/09, § 251. (45) E. Shahshahani, Projet de loi sur l'asile : les dangers de la réforme, Courrier de l'ACAT 2014 (326), p. 43. (46) Cour EDH 9 octobre 1979, Airey c. Irlande, req. n° 6289/73, § 25. (47) 8e considérant du Préambule de la directive « Procédures ». (48) Par exemple : « les Etats membres font en sorte que… » (articles 7.1, 7.3 et 7.4), « les Etats membres veillent » (articles 4.3, 6.1 et 6.2). (49) Voir CFDA, Droit d'asile en France : conditions d'accueil. Etat des lieux 2012, p. 18 et s. (50) Dans ce sens J. Gaeremynck, op. cit., p. 58. (51) Dans l'attente de détenir une adresse, le demandeur d'asile potentiel risque d'être interpellé, de faire l'objet d'une mesure d'éloignement puis de se voir privé du droit au séjour provisoire, enfin de voir sa demande traitée en procédure prioritaire. Cette situation, bien que difficilement quantifiable, n'est pas une simple hypothèse d'école et contribue à compliquer les premières démarches relatives à une protection internationale. (52) Voir CNCDH 29 juin 2006, Avis sur les conditions d'exercice du droit d'asile en France, qui soutient la nécessité de la création d'un service public de la domiciliation des demandeurs d'asile. (53) Voir sur cette question S. Preuss-Laussinotte, Transposition de la directive « Procédures ». Rapport sur la compétence unique de l'OFPRA, Centre de recherche et d'études des droits fondamentaux 2014. (54) CNCDH 28 novembre 2013, Avis sur le régime d'asile européen commun, op. cit., § 16 et s. (55) A ce jour, l'accès au guichet préfectoral demeure bien souvent difficile et varie considérablement d'une préfecture à l'autre (voir CFDA, Droit d'asile en France…, op. cit., p. 26 et s. ; A. Spire, Accueillir ou reconduire. Enquête sur les guichets de l'immigration, Raisons d'agir éditions 2008). (56) Voir CNCDH 6 juillet 2001, Avis sur l'asile en France, en ligne sur : www.cncdh.fr. (57) Article L. 721-2 alinéa 3 nouveau du CESEDA : « Dans l'exercice des missions mentionnées ci-dessus, l'office ne reçoit aucune instruction. » (58) Voir CE 30 juillet 2014, CIMADE, n° 375430, précisant que l'OFPRA est un établissement public qui n'est pas au nombre des services placés sous l'autorité du ministre de l'intérieur. (59) CFDA, Droit d'asile en France…, op. cit., p. 37 et s. (60) Article 41.1 de la directive « Procédures » : « Les Etats membres peuvent déroger au droit de rester sur le territoire lorsqu'une personne : a. n'a introduit une première demande ultérieure (…) qu'afin de retarder ou d'empêcher l'exécution d'une décision qui entraînerait son éloignement imminent de l'Etat membre concerné ; ou b. présente une autre demande ultérieure de protection internationale dans le même Etat membre à la suite de l'adoption d'une décision finale déclarant une première demande ultérieure irrecevable (…) ou à la suite d'une décision finale rejetant cette demande comme infondée ». (61) Article L. 743-2 nouveau du CESEDA : « Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales, le droit de se maintenir en France prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : a) L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris une décision d'irrecevabilité en application de l'article L. 723-10 ; b) L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris une décision de clôture en application de l'article L. 723-11. L'étranger qui obtient la réouverture de son dossier en application de l'article L. 723-11 bénéficie à nouveau du droit de se maintenir sur le territoire français ; c) L'étranger n'a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides d'une décision d'irrecevabilité en application de l'article L. 723-14 qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente ; d) L'étranger présente une autre demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; e) L'étranger fait l'objet d'une extradition ou d'une procédure mentionnée au paragraphe 2 de l'article 9 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale (refonte) ». (62) Article L. 723-11 nouveau du CESEDA : « L'office peut prendre une décision de clôture d'examen dans les cas suivants : a) Le demandeur a informé l'office du retrait de sa demande d'asile ; b) Le demandeur, de manière délibérée et caractérisée, refuse de fournir des informations essentielles au traitement de sa demande, en particulier concernant son identité ; c) Le demandeur n'a pas introduit sa demande à l'office dans les délais impartis ou, sans justifier de raison valable, ne s'est pas présenté à l'entretien à l'office ; d) Le demandeur a fui ou quitté sans autorisation le lieu où il était hébergé en application de l'article L. 744-3 ou astreint à résider, ou n'a pas respecté ses obligations de présentation et de communication aux autorités, sauf s'il a informé lesdites autorités dans un délai raisonnable ou justifie de motifs indépendants de sa volonté ». (63) Cour EDH, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, op. cit.. (64) CJUE 21 décembre 2011, N.S. & autres, n° C-411/10. (65) Voir CNCDH 28 novembre 2013, Avis sur le régime d'asile européen commun, op. cit., § 71 et 72. (66) Voir OFPRA, Rapport d'activité 2013, op. cit., p. 13 (67) Article L. 723-2 nouveau du CESEDA : « I. - L'office statue en procédure accélérée lorsque : 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 ; 2° Le demandeur a présenté une demande de réexamen qui n'est pas irrecevable. II. - L'office peut, de sa propre initiative, statuer en procédure accélérée lorsque : 1° Le demandeur a présenté de faux documents d'identité ou de voyage, fourni de fausses indications ou dissimulé des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d'induire en erreur les autorités ou a présenté plusieurs demandes d'asile sous des identités différentes ; 2° Le demandeur n'a soulevé à l'appui de sa demande que des questions sans pertinence au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions d'octroi de l'asile ; 3° Le demandeur a fait des déclarations manifestement incohérentes et contradictoires, manifestement fausses ou peu plausibles qui contredisent des informations vérifiées relatives au pays d'origine. III. - L'office statue en procédure accélérée lorsque l'autorité administrative en charge de l'enregistrement de la demande d'asile constate que : 1° Le demandeur refuse de se conformer à l'obligation de donner ses empreintes digitales […] ; 2° Le demandeur a présenté de faux documents d'identité ou de voyage, fourni de fausses indications ou dissimulé des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d'induire en erreur les autorités ou a présenté plusieurs demandes d'asile sous des identités différentes ; 3° Sans raison valable, le demandeur qui est entré irrégulièrement en France ou s'y est maintenu irrégulièrement n'a pas présenté sa demande d'asile dans le délai de quatre-vingt-dix jours à compter de son entrée en France ; 4° Le demandeur ne présente une demande d'asile qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente ; 5° La présence en France du demandeur constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat ». (68) Dans ce sens UNHCR, Note sur le projet de loi relatif à la réforme de l'asile, p. 5 et 6. (69) Ibid., p. 6. (70) CJUE 28 juillet 2011, Brahim Samba Diouf c. Ministre du travail, de l'emploi et de l'immigration, n° C-69/10. (71) A titre d'exemple, en cas de procédure accélérée, le nouvel article L. 723-7 du CESEDA écarte la discussion contradictoire sur la transcription de l'entretien avant la prise de décision. (72) Voir OFPRA, Rapport d'activité 2013, op. cit., p. 13. (73) Article L. 722-1 alinéa 3 et s. du CESEDA : « Un pays est considéré comme un pays d'origine sûr lorsque, sur la base de la situation légale, de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d'une manière générale et uniformément, il n'y est jamais recouru à la persécution ni à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu'il n'y a pas de menace en raison d'une violence aveugle dans des situations de conflit armé international ou interne. Le conseil d'administration fixe la liste des pays considérés comme des pays d'origine sûrs dans les conditions prévues par l'article 37 et l'annexe I de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale. Il veille à l'actualité et à la pertinence des inscriptions. Il radie de la liste les pays ne remplissant plus les critères mentionnés à l'alinéa précédent et peut, en cas d'évolution rapide et incertaine de la situation dans un pays, en suspendre l'inscription ». (74) Voir les observations provisoires du HCR sur la proposition de directive du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres (Document du Conseil 14203/04, Asile 64, 9 novembre 2004). (75) Neuf listes ont été successivement adoptées depuis leur institution en 2005. Elles ont fait l'objet de recours à six reprises et donné lieu cinq fois à annulation, en tout ou partie, par le Conseil d'Etat. (76) J.-Y. Leconte et C.-A. Frassa, Rapport d'information n° 130 sur la procédure de demande d'asile, au nom de la commission des lois (…), Sénat 2012, p. 80. (77) J.-M. Belorgey, Le Droit d'asile, LGDJ 2013, p. 83. (78) De manière non exhaustive : la méconnaissance du système français de l'asile, l'absence de maîtrise de la langue française, l'isolement dès l'entrée sur le territoire français, les difficultés d'ordre médical, la fragilité psychologique. (79) La jurisprudence administrative exige une menace « actuelle » à l'ordre public en matière de contentieux relatif aux refus de titres de séjour (voir par exemple CAA Versailles 8 octobre 2009, Holody, n° 08VE03868). Le droit dérivé de l'UE insiste également sur le caractère actuel de la menace à l'ordre public en cas de mesure d'éloignement (voir les articles 27 et suivants de la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres). (80) CFDA, Droit d'asile en France…, op. cit., p. 30 et 31. (81) Les PADA gérées par l'OFII ne prennent pas en charge les personnes placées en « procédure Dublin » et les demandeurs en procédure prioritaire, car ils ne sont pas éligibles aux CADA. (82) CFDA, Droit d'asile en France…, op. cit., p. 14 et s. (83) Ibid., p. 16 et 17. (84) Anafé, Le Dédale de l'asile à la frontière. Comment la France ferme ses portes aux exilés. Rapport d'observations, décembre 2013. (85) B. Espuche, déléguée générale de l'Anafé, Pour aller plus vite, on expédie ?, Courrier de l'ACAT 2014 (326), p. 49. (86) Article L. 213-8 alinéa 7 nouveau du CESEDA : « Sauf si l'accès au territoire français de l'étranger constituerait une menace pour l'ordre public, l'avis de l'office, s'il est favorable à l'entrée en France de l'intéressé au titre de l'asile, lie le ministre chargé de l'immigration. » (87) Etude d'impact, op. cit., annexe n° 4. (88) Article L. 213-8-1 nouveau du CESEDA : « Une décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile, ne peut être prise par le ministre chargé de l'immigration que si (…) 3° Sa demande d'asile est manifestement infondée (…) ». (89) Ces nouvelles dispositions reprennent la jurisprudence du Conseil d'Etat (voir CE 28 novembre 2011, n° 343248). (90) CNCDH, Etude sur les conditions d'exercice du droit d'asile en France, La Documentation française 2006 ; CNCDH 20 septembre 2007, Avis sur le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, en ligne sur : www.cncdh.fr. (91) Ibid. (92) Dans le même sens, voir J.-M. Delarue, Conclusions sous CE 18 septembre 1996, Rogers, n° 160856, qui a énuméré les caractéristiques de l'examen dont « l'importance des déclarations de l'intéressé, non pour vérifier leur véracité ou leur précision mais pour relever leur « incrédibilité » manifeste (erreurs, appréciations ou des relations de circonstances par le demandeur d'une évidence telle qu'elles ne laissent la place, ni à aucune interprétation personnelle, pas plus qu'à une hésitation du raisonnement pour établir que la demande est manifestement infondée) ». (93) Article L. 213-8-1 nouveau du CESEDA : « Une décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile, ne peut être prise par le ministre chargé de l'immigration que si : 1° L'examen de sa demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (…) ». (94) Article L. 723-6 nouveau du CESEDA : « L'office convoque le demandeur à un entretien personnel. Il peut s'en dispenser s'il apparaît que : a) L'office s'apprête à prendre une décision reconnaissant la qualité de réfugié à partir des éléments en sa possession ; b) Des raisons médicales, durables et indépendantes de la volonté de l'intéressé, interdisent de procéder à l'entretien. » (95) « Le demandeur se présente à l'entretien et répond personnellement aux questions qui lui sont posées par l'agent de l'office. » (96) Voir CFDA, Droit d'asile en France…, op. cit., p. 71 et s., qui évoque qu'à ce jour le cahier des charges de l'OFII exclut la préparation à l'entretien. (97) Dans ce sens J.-Y. Leconte et C.-A. Frassa, Rapport d'information n° 130, op. cit., p. 62. (98) Voir CNCDH, Etude sur les conditions d'exercice du droit d'asile en France, op. cit., p. 123. (99) En cas d'enregistrement audio, aucune confirmation n'est demandée. (100) Ces informations peuvent être des informations précises et actualisées obtenues auprès de différentes sources, telles que le BEAA et le HCR ainsi que les organisations internationales compétentes en matière de droits de l'homme, sur la situation générale existant dans les pays d'origine des demandeurs et, le cas échéant, dans les pays par lesquels les demandeurs ont transité ou des informations reçues suites à des demandes de conseil adressées à des experts, le cas échéant, sur des matières particulières comme les questions médicales, culturelles, religieuses, ou celles liées aux enfants ou au genre. (101) Le délai de six mois peut être prolongé de neuf mois supplémentaires en cas de questions factuelles et/ou juridiques complexes ou du fait qu'un grand nombre de ressortissants de pays tiers demandent simultanément une protection internationale (article 31.3). Par ailleurs, les Etats peuvent « exceptionnellement », « dans des circonstances dûment justifiées », dépasser de trois mois au maximum les délais prescrits « lorsque cela est nécessaire pour assurer un examen approprié et exhaustif » de la demande, soit dix-huit mois au total. (102) Directive n° 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les Etats membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil. (103) Dans ce sens, J.-Y. Leconte et C.-A. Frassa, Rapport d'information n° 130, op.cit., p. 58. (104) Article L. 731-2 nouveau du CESEDA : « La Cour nationale du droit d'asile statue, dans un délai de cinq mois à compter de sa saisine, sur les recours formés contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, prises en application des articles L. 711-1 à L. 711-4, L. 712-1 à L. 712-3, L. 713-1 à L. 713-4, L. 723-1 à L. 723-14. A peine d'irrecevabilité, ces recours doivent être exercés dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision de l'office. Toutefois, sans préjudice de l'application des dispositions de l'article L. 733-2, lorsque la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été prise en application des articles L. 723-2 ou L. 723-10, le président de la Cour nationale du droit d'asile ou le président de la formation de jugement qu'il désigne à cette fin, après avoir vérifié, le cas échéant d'office, à toute étape de la procédure, que la demande relève de l'un des cas prévus par ces deux articles, statue dans un délai de cinq semaines à compter de sa saisine. Si le président de la Cour nationale du droit d'asile ou le président de la formation de jugement désigné à cette fin estime que la demande ne relève pas de l'un de ces cas, la Cour nationale du droit d'asile statue, en formation collégiale, dans les conditions prévues au premier alinéa. Le bénéfice de l'aide juridictionnelle peut être demandé dans le délai de recours contentieux et au plus tard lors de l'introduction du recours. Son bénéfice est de plein droit. » (105) Le délai constaté est de huit mois et vingt-six jours, alors que le délai prévisible est de six mois et vingt-quatre jours. (106) Voir P. Mazeaud, Pour une politique des migrations transparente, simple et solidaire, op. cit., p. 86 et s., qui propose d'améliorer les pratiques administratives pour faire une économie de contentieux en matière de droit des étrangers. (107) La France a fait l'objet d'une condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme pour n'avoir pas permis à un demandeur d'asile, placé en procédure prioritaire et retenu, de faire valoir le bien-fondé de ses griefs du fait notamment du « traitement extrêmement rapide, voire sommaire de sa demande par l'OFPRA » et du « caractère extrêmement bref du délai de quarante-huit heures » qui lui a été imparti pour préparer son recours. Pour la Cour, la procédure prioritaire violait l'article 13 combiné à l'article 3, dès lors qu'en pratique le requérant n'avait pas disposé de recours effectifs lui permettant de faire valoir le bien-fondé du grief de l'article 3 alors que son éloignement vers le Soudan était en cours (Cour EDH 2 février 2012, I.M. c. France, req. n° 9152/09). (108) Voir décret n° 2013-730 du 13 août 2013 portant modification du code de justice administrative, JORF du 15 août 2013, p. 13960. (109) Cour EDH 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, op. cit., § 251. (110) J.-M. Berlorgey, op. cit., p. 143 et s. (111) Ibid., p. 159. Voir également CNCDH, Etude sur les conditions d'exercice du droit d'asile en France, op. cit., p. 110. (112) UNHCR, Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, HCR/1P/4/FRE/REV.1, UNHCR 1979, réédition Genève 1992, § 196 et 203. (113) Dans ce sens J.-M. Belorgey, op. cit., p. 161.Voir également A. Le Pors, Juge de l'asile, Michel Houdiard Editeur 2010, p. 132 et s. (114) Article L. 723-4 nouveau du CESEDA : « L'office se prononce, au terme d'une instruction unique, sur la reconnaissance de la qualité de réfugié ou sur l'octroi de la protection subsidiaire. Il appartient au demandeur de présenter, aussi rapidement que possible, tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande d'asile. Ces éléments correspondent à ses déclarations et à tous les documents dont il dispose concernant son âge, son histoire personnelle, y compris celle de sa famille, son identité, sa ou ses nationalités, ses titres de voyage, les pays ainsi que les lieux où il a résidé auparavant, ses demandes d'asile antérieures, son itinéraire ainsi que les raisons justifiant sa demande. Il appartient à l'office d'évaluer, en coopération avec le demandeur, les éléments pertinents de la demande. L'office statue sur la demande en tenant compte de la situation prévalant dans le pays d'origine à la date de sa décision, de la situation personnelle et des déclarations du demandeur, des éléments de preuve et d'information qu'il a présentés ainsi que, le cas échéant, des activités qu'il a exercées depuis le départ de son pays d'origine et qui seraient susceptibles de l'exposer dans ce pays à des persécutions ou des atteintes graves. L'office tient compte également, le cas échéant, du fait qu'il est raisonnable de considérer que le demandeur peut se prévaloir de la protection d'un autre pays dont il est en droit de revendiquer la nationalité. Le fait que le demandeur a déjà fait l'objet de persécutions ou d'atteintes graves ou de menaces directes de telles persécutions ou atteintes constitue un indice sérieux du caractère fondé des craintes du demandeur d'être persécuté ou du risque réel de subir des atteintes graves, sauf s'il existe de bonnes raisons de penser que ces persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. Lorsqu'une partie de ses déclarations n'est pas étayée par des éléments de preuve, il n'est pas exigé du demandeur d'autres éléments de justification si, ayant présenté dès que possible, sauf motif légitime avéré, sa demande, il s'est réellement efforcé de l'étayer en présentant tous les éléments à sa disposition et en expliquant de façon satisfaisante l'absence d'autres éléments probants et si, la crédibilité générale du demandeur étant établie, ses déclarations sont considérées comme cohérentes et plausibles et ne sont pas contredites par des informations dont dispose l'office ». (115) Voir E. d'Halluin-Mabillot, Les Epreuves de l'asile…, op. cit. (116) « Le fait que le demandeur a déjà fait l'objet de persécutions ou d'atteintes graves ou de menaces directes de telles persécutions ou atteintes constitue un indice sérieux du caractère fondé des craintes du demandeur d'être persécuté ou du risque réel de subir des atteintes graves, sauf s'il existe de bonnes raisons de penser que ces persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. » (117) CE 13 novembre 2013, CIMADE, n° 349735. (118) Article L. 723-11 nouveau du CESEDA : « L'office peut prendre une décision de clôture d'examen dans les cas suivants : a) Le demandeur a informé l'office du retrait de sa demande d'asile ; b) Le demandeur, de manière délibérée et caractérisée, refuse de fournir des informations essentielles au traitement de sa demande, en particulier concernant son identité ; c) Le demandeur n'a pas introduit sa demande à l'office dans les délais impartis ou, sans justifier de raison valable, ne s'est pas présenté à l'entretien à l'office ; d) Le demandeur a fui ou quitté sans autorisation le lieu où il était hébergé en application de l'article L. 744-3 ou astreint à résider, ou n'a pas respecté ses obligations de présentation et de communication aux autorités, sauf s'il a informé lesdites autorités dans un délai raisonnable ou justifie de motifs indépendants de sa volonté. » (119) UNHCR, Note précitée, p. 12. (120) Article L. 723-12 nouveau du CESEDA : « Si, dans un délai inférieur à neuf mois suivant la décision de clôture, le demandeur sollicite la réouverture de son dossier ou présente une nouvelle demande, l'office rouvre le dossier et reprend l'examen de la demande au stade auquel il avait été interrompu. La décision de clôture ne peut être remise en cause que par le dépôt d'une demande de réouverture du dossier. Le dossier d'un demandeur ne peut être rouvert en application du premier alinéa qu'une seule fois. Passé le délai de neuf mois, la décision de clôture est définitive et la nouvelle demande est considérée comme une demande de réexamen. » (121) CE 29 janvier 1986, Kodia, n° 72001. (122) Le caractère non suspensif du recours pour les procédures prioritaires est d'autant plus problématique que la directive « Procédures » pérennise le concept de « pays d'origine sûrs » (article 36). (123) Cour EDH 2 février 2012, I.M. c. France, req. n° 9152/09 ; Cour EDH, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, n° 30696/09 ; CJUE 21 décembre 2011, N.S. & autres, n° C-411/10. (124) Un recours conférant le droit de rester sur le territoire en attendant l'issue de ce recours (article 27.3 a), une suspension automatique du transfert pendant un délai raisonnable au cours duquel une juridiction peut décider de l'effet suspensif ou non du recours (article 27.3 b), une possibilité de demander à la juridiction saisie pour déterminer si le transfert est légal, de suspendre ce transfert en attendant l'issue de son recours (article 27.3 c). (125) Article L.743-5 nouveau du CESEDA : « Sans préjudice des articles L. 556-1 et L. 743-2, lorsque l'étranger sollicitant l'enregistrement d'une demande d'asile a fait l'objet, préalablement à la présentation de sa demande, d'une mesure d'éloignement prise en application des dispositions prévues dans le livre V du présent code, celle-ci ne peut être mise à exécution avant la notification de la décision de l'office, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet, d'irrecevabilité ou de clôture, ou si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile contre une décision de rejet, avant la notification de la décision de la Cour. » (126) Article L. 743-3 nouveau du CESEDA : « Le demandeur d'asile qui fait l'objet de la procédure mentionnée à l'article L. 742-1 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'au terme de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. Le demandeur d'asile qui se soustrait de manière intentionnelle ou systématique aux convocations ou contrôles de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à l'exécution d'une décision de transfert perd le bénéfice de son droit à se maintenir en France ». (127) Article L. 742-5 alinéa 2 nouveau du CESEDA : « La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de sept jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif n'ait statué s'il a été saisi ». (128) Article L. 556-1 alinéa 4 nouveau du CESEDA : « En cas de décision d'irrecevabilité ou de rejet de l'office, et saisi d'une demande en ce sens dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de cette décision par l'étranger maintenu en rétention qui entend former un recours contre elle devant la Cour nationale du droit d'asile, le président du tribunal administratif, s'il estime que la demande d'asile n'a pas été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement, peut ordonner que l'intéressé soit autorisé à se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce que la cour ait statué ». (129) Sur le délai raisonnable dans l'exercice des voies de recours, voir CNCDH/Médiateur de la République, Communication commune sur l'affaire Gebremedhin contre France. (130) Dans ce sens CE 28 novembre 2011, Ministre de l'intérieur, n° 344248. (131) Ce dispositif comprend aujourd'hui environ 22 000 places d'accueil en centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) mais ne permet la prise en charge annuelle que de 13 000 nouvelles personnes. Les autres demandeurs d'asile se reportent sur l'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile (HUDA), l'hébergement social de droit commun, les dispositifs de solidarité des collectivités locales ou la solidarité de proches. Ce système à double vitesse est un facteur de grande précarisation d'une partie des demandeurs d'asile, alors que l'allocation temporaire d'attente (ATA), en ne permettant pas de couvrir leurs besoins élémentaires, compromet les perspectives d'intégration de ceux qui seront autorisés à demeurer sur le territoire. Ce système est également une aberration financière dès lors que le dispositif CADA coûte finalement moins cher que les HUDA, l'ATA et les plates-formes réunis. Une telle gestion à court terme a pour conséquence de confier l'hébergement à des dispositifs plus onéreux, moins adaptés et dépourvus d'accompagnement, alors que le total des crédits alloués aux dispositifs d'urgence et aux CADA permettrait aisément un hébergement de tous ceux qui le souhaitent en CADA. Enfin, il est surtout source d'inégalités en termes d'accès à une protection internationale. Ainsi, les demandeurs d'asile hébergés en CADA y bénéficient d'un accompagnement social, administratif et juridique et ont davantage de chance d'être placés sous la protection de la France. Par conséquent, même si les directives s'y intéressent peu, la question d'une assistance sociale, administrative et juridique de qualité et indépendante ne peut être détachée de celle de l'accueil et de l'hébergement. (132) Dans ce sens R. Karoutchi, L'allocation temporaire d'attente. Rapport n° 105 (2013-2014) fait au nom de la commission des finances du Sénat déposé le 30 octobre 2013, p. 36. (133) CE 16 juin 2008, CIMADE, n° 300636 ; CE 7 avril 2011, CIMADE & GISTI, n° 335924 ; CE 17 avril 2013, CIMADE & GISTI, n° 335924. (134) CJUE, 4e chambre, 27 septembre 2012, CIMADE et GISTI, n° C-179/11. (135) Article L. 744-9 nouveau du CESEDA : « Le demandeur d'asile, qui a accepté les conditions matérielles d'accueil proposées en application de l'article L. 744-1 du présent code, peut bénéficier d'une allocation pour demandeur d'asile, s'il satisfait à des critères d'âge et de ressources. Cette allocation lui est versée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration dans l'attente de la décision définitive lui accordant ou lui refusant une protection au titre de l'asile ou jusqu'à son transfert effectif vers un autre Etat membre si sa demande d'asile relève de la compétence de cet Etat. Le versement de l'allocation prend fin au terme du mois qui suit celui de la notification de la décision définitive concernant cette demande. Son montant est révisé, le cas échéant, une fois par an, en fonction de l'évolution des prix hors tabac prévue dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances de l'année. L'allocation pour demandeur d'asile est incessible et insaisissable. Pour son remboursement, en cas de versement indu, l'Office français de l'immigration et de l'intégration peut procéder par retenue sur les échéances à venir dues à quelque titre que ce soit. Le montant des retenues ne peut dépasser un plafond dont les modalités sont fixées par voie réglementaire, sauf en cas de remboursement intégral de la dette en un seul versement si le bénéficiaire opte pour cette solution. Les blocages de comptes courants de dépôts ou d'avances ne peuvent avoir pour effet de faire obstacle à son insaisissabilité. Un décret définit le barème de l'allocation pour demandeur d'asile, en prenant en compte les ressources de l'intéressé, sa situation familiale, son mode d'hébergement et, le cas échéant, les prestations offertes par son lieu d'hébergement. Ce décret précise en outre les modalités de versement de l'allocation pour demandeur d'asile. Il prévoit également qu'une retenue peut être effectuée à chaque versement, aux fins de constituer une caution dont le montant est restitué à la sortie du centre, déduit le cas échéant des sommes dues par son bénéficiaire au titre de son hébergement. » (136) Voir CJUE 27 février 2014, Agence fédérale pour l'accueil des demandeurs d'asile c. Selver Saciri & autres, n° C-79/13. (137) Voir notamment CE 19 juillet 2010, n° 341289 ; CE référés 19 novembre 2010, n° 344286 ; CE référés 21 juillet 2011, n° 350760 ; CE référés 10 août 2011, n° 351324. (138) Le montant de l'ATA était de 11,01euros par jour en 2012 et de 11,17 euros en 2013. En 2014, la prévision PLF s'élève à 11,35 euros. (139) Voir CJUE 27 février 2014, Agence fédérale pour l'accueil des demandeurs d'asile c. Selver Saciri & autres, n° C-79/13. (140) Voir R. Karoutchi, L'allocation temporaire d'attente, op. cit., p. 36, qui propose une répartition régionale systématique des demandeurs d'asile dès le dépôt de la demande en fonction des places disponibles. Voir également IGF/IGA/IGA, Rapport sur l'hébergement et la prise en charge financière des demandeurs d'asile, avril 2013, annexe II. (141) J. Dubié et A. Richard, Rapport d'information n° 1879 sur l'évaluation de la politique d'accueil des demandeurs d'asile, Assemblée nationale 10 avril 2014. (142) Article L. 744-8 nouveau du CESEDA « L'autorité administrative peut limiter ou suspendre le bénéfice des conditions matérielles d'accueil si le demandeur d'asile : 1° A abandonné sans autorisation, alors que cette dernière était requise, son lieu d'hébergement déterminé en application de l'article L. 744-7 ; 2° N'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'information ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile ; 3° A dissimulé ses ressources financières ou a fourni des informations mensongères relatives à sa situation familiale ; 4° A présenté une demande de réexamen de sa demande d'asile ; 5° Sans motif légitime, n'a pas sollicité l'asile dès qu'il était en mesure de le faire après son entrée en France. La décision de limitation ou de suspension des conditions d'accueil prévue dans les conditions énumérées au 1° à 5° est prise individuellement, sur le fondement de critères objectifs et motivée. Elle prend en compte, le cas échéant, la vulnérabilité du demandeur. La décision est prise après que l'intéressé a été en mesure de présenter ses observations écrites dans les délais impartis. Dans les cas prévus aux 1° et 2°, l'autorité administrative statue sur le rétablissement éventuel du bénéfice des conditions matérielles d'accueil lorsque le demandeur d'asile est retrouvé ou se présente volontairement aux autorités compétentes ». (143) Article L. 744-5 nouveau du CESEDA : « Les lieux d'hébergement mentionnés à l'article L. 744-3 accueillent les demandeurs d'asile pendant la durée d'instruction de leur demande d'asile ou jusqu'à leur transfert effectif vers un autre Etat européen. Cette mission prend fin à l'expiration du délai de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou à la date de la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou à la date du transfert effectif vers un autre Etat membre si sa demande relève de la compétence de cet Etat. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles les personnes s'étant vu reconnaître la qualité de réfugié ou accorder le bénéfice de la protection subsidiaire et les personnes ayant fait l'objet d'une décision de rejet définitive peuvent être maintenues dans un lieu d'hébergement mentionné à l'article L. 744-3 à titre exceptionnel et temporaire. Lorsqu'après une décision de rejet définitive, le délai de maintien dans un lieu d'hébergement mentionné à l'article L. 744-3 prend fin, l'autorité administrative compétente peut, après mise en demeure restée infructueuse, demander en justice qu'il soit enjoint à cet occupant sans titre d'évacuer ce lieu. La demande est portée devant le président du tribunal administratif qui statue sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative et dont l'ordonnance est immédiatement exécutoire. La condition d'urgence prévue à cet article L. 521-3 n'est pas requise. Le président du tribunal administratif peut prononcer, même d'office, une astreinte pour l'exécution de son ordonnance. » (144) CE 7 octobre 2006, Association Aides & autres, n° 285576. (145) Article 19 de la Directive « Accueil » : « 1. Les Etats membres font en sorte que les demandeurs reçoivent les soins médicaux nécessaires qui comportent au minimum les soins urgents et le traitement essentiel des maladies et des troubles mentaux. 2. Les Etats membres fournissent l'assistance médicale ou autre nécessaire aux demandeurs ayant des besoins particuliers en matière d'accueil, y compris, s'il y a lieu, des soins de santé mentale appropriés ». (146) Voir CJUE 30 mai 2013, Arslan, n° C-534/11, qui souligne que le demandeur d'asile ne saurait être considéré comme étant en séjour irrégulier : « (…) il ressort clairement des termes, de l'économie et de la finalité des directives 2005/85 et 2008/115 qu'un demandeur d'asile a (…) le droit de demeurer sur le territoire de l'Etat membre concerné à tout le moins jusqu'à ce que sa demande ait été rejetée en premier ressort et ne saurait donc être considéré comme étant en “séjour irrégulier” au sens de la directive 2008/115, celle-ci visant à l'éloigner du territoire ». (147) Voir CNCDH, 3 juillet 1998, Avis portant sur les dispositions nécessaires pour l'accueil des mineurs demandeurs d'asile non accompagnés, en ligne sur : www.cncdh.fr ; CNCDH 21 septembre 2000, Avis relatif à la situation des étrangers mineurs isolés, en ligne sur : www.cncdh.fr ; CNCDH 24 avril 2003, Avis sur le projet de décret relatif aux modalités de désignation et d'indemnisation des administrateurs ad hoc représentant les mineurs étrangers isolés, en ligne sur : www.cncdh.fr ; CNCDH 29 juin 2006, Avis sur les conditions d'exercice du droit d'asile en France, en ligne sur : www.cncdh.fr ; CNCDH 5 juillet 2010, Avis sur le projet de loi relatif à l'immigration, l'intégration, la nationalité, en ligne sur : www.cncdh.fr ; CNCDH 22 novembre 2011, Avis sur le projet de loi relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour, en ligne sur : www.cncdh.fr ; CNCDH 28 nov. 2013, Avis sur le régime d'asile européen commun, op. cit. ; CNCDH 26 juin 2014, Avis sur la situation des mineurs isolés étrangers présents sur le territoire national, JORF du 8 juillet 2014, texte n° 92. (148) Ibid. (149) Le Conseil d'Etat apprécie l'atteinte au droit à des conditions matérielles d'accueil en fonction de la situation personnelle de l'intéressé et de sa vulnérabilité (CE 13 août 2010, Ministre de l'immigration c. M., n° 342330). Un demandeur d'asile considéré comme plus vulnérable serait prioritaire pour accéder à des conditions d'hébergement dignes. Le raisonnement du Conseil d'Etat revient en définitive à admettre qu'un demandeur d'asile ne présentant aucune vulnérabilité particulière (de sexe masculin, seul, en bonne santé, etc.), dans une région où les moyens manquent, peut être hébergé en tente, à même le sol, dans des conditions d'hygiène et de sécurité extrêmement précaires (CE 19 novembre 2010, Ministre de l'immigration c. Panokheel, n° 344286 ; voir également S. Slama, Des demandeurs d'asile sous tentes en plein hiver : la protection de l'effectivité du droit d'asile par le juge administratif ne va pas toujours de soi, Rec. Dalloz 2010, p. 2918). Une catégorisation des demandeurs d'asile selon leur situation personnelle entraîne l'exclusion du dispositif national d'accueil de ceux qui ne sont pas considérés comme particulièrement vulnérables (CE 27 octobre 2010, n° 343898 ; CE 22 novembre 2010, n° 344373). La restriction croissante du droit à des conditions matérielles d'accueil, par le biais de l'instauration de priorités dans l'accès à ce droit, a donc pour conséquence de réduire considérablement les obligations pesant sur l'administration. Dans une décision très récente, le Conseil d'Etat a en effet rejeté en référé la demande de désignation d'un centre d'hébergement formée par un couple de ressortissants albanais demandeurs d'asile, dont la femme se trouvait dans un état de santé délicat. Aux termes de l'ordonnance, l'état de santé de la requérante « n'apparaît pas d'une telle gravité qu'il nécessiterait un hébergement d'urgence immédiat ». Elle ajoute que son état de santé est « suffisamment préoccupant pour ne pas laisser Mme D. vivre dans la rue sans bénéficier d'une prise en charge médicale », sans pour autant enjoindre l'administration de lui indiquer un lieu d'hébergement (CE 5 avril 2013, n° 367232 ; voir également K. Michelet, Le droit des demandeurs d'asile à des conditions matérielles d'accueil décentes : un droit en perte d'effectivité ?, AJDA 2013, p. 1633).
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