Observations du Gouvernement sur la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové

Version initiale



  • Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs de recours dirigés contre la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.
    Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.


    I. ― Sur l'article 1er


    A. ― L'article 1er de la loi déférée modifie et complète le cadre juridique des rapports locatifs.
    Il prévoit notamment que le contrat de location doit respecter un contrat type défini par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de concertation. Il inclut dans la liste des clauses réputées non écrites toute clause qui autorise le bailleur à percevoir des pénalités en cas d'infraction aux clauses d'un contrat de location ou d'un règlement intérieur à l'immeuble. Il prévoit que les honoraires des intermédiaires mandatés liés à la mise en location d'un logement sont à la charge du bailleur mais que les honoraires liés à la visite du preneur, à la constitution de son dossier, à la rédaction du bail et à la réalisation de l'état des lieux sont partagés entre le bailleur et le preneur sans que le montant des honoraires à la charge du preneur ne puisse excéder un plafond par mètre carré de surface habitable de la chose louée fixé par voie réglementaire.
    Les députés auteurs du recours estiment que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité et portent atteinte à la liberté contractuelle.
    B. ― Ces griefs ne pourront qu'être écartés.
    1. Sur l'atteinte à la liberté contractuelle.
    Le Conseil constitutionnel juge qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté contractuelle des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi (décision n° 2012-242 QPC, cons. 6).
    Dans le souci d'assurer des relations équilibrées et sécurisées entre locataires et bailleurs, les lois du 23 décembre 1986 et du 6 juillet 1989 ont prévu que des mentions obligatoires devraient figurer dans les contrats de baux à usage de logement.
    La loi du 6 juillet 1989, dont l'équilibre initial a été remis en cause par des modifications successives, ne répond plus aux attentes de l'ensemble des acteurs et ne prend pas en compte les profondes évolutions que connaît le secteur locatif depuis vingt ans. Ce secteur est en effet marqué par une réelle asymétrie d'information entre bailleur et locataire et par une forte conflictualité.
    La loi déférée modernise en conséquence la loi du 6 juillet 1989 pour contribuer à améliorer la transparence et la sécurité juridique des contrats de baux à usage de logement, notamment lors des moments essentiels de la relation entre bailleurs et locataires (recherche du logement, entrée dans les lieux, conditions d'occupation, sortie du logement). Ces modifications doivent permettre d'assainir et d'apaiser les rapports locatifs.
    Le nouvel article 3 de la loi du 6 juillet 1989 est dédié exclusivement au contrat de bail.
    Il ajoute aux mentions obligatoires déjà existantes de nouvelles mentions obligatoires, telles que le nom du locataire, les équipements, le montant et la description des travaux effectués depuis la fin du dernier contrat ou du dernier renouvellement, les références de loyers dans les zones tendues et le montant du dernier loyer acquitté par le dernier locataire. L'ensemble de ces mentions est de nature à améliorer l'information du locataire au moment de la conclusion du bail, et donc à garantir son consentement éclairé, tout en sécurisant le contrat de location en évitant des conflits ultérieurs.
    Dans un même souci de sécurité juridique, cet article prévoit que les contrats de location devront respecter un contrat type défini par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de concertation.
    La pratique a montré que certaines mesures prévues par la loi du 6 juillet 1989 n'étaient pas suffisamment intelligibles pour les bailleurs qui sont à 96 % des personnes physiques. La mise en place d'un bail-type enrichi d'informations importantes et utiles pour les cocontractants permettra de présenter sous une forme accessible l'ensemble des obligations posées par la loi.
    Les bailleurs et les locataires resteront libres de compléter le contrat de location par des clauses arrêtées d'un commun accord dès lors qu'elles ne méconnaissent pas les obligations posées par la loi.
    On ne saurait donc soutenir que la mise en place d'un bail-type porte une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle du bailleur et du locataire.
    C'est également dans un souci de sécurité juridique que le législateur a souhaité interdire l'introduction, dans les contrats de bail à usage de logement, de clauses prévoyant des pénalités en cas d'infraction aux clauses d'un contrat de location ou d'un règlement intérieur à l'immeuble en prévoyant que de telles clauses devaient être regardées comme non écrites.
    L'article 4 de la loi du 6 juillet 1989 prohibe déjà l'introduction de clauses autorisant le bailleur à percevoir une amende en cas d'infraction aux clauses du contrat ou du règlement intérieur pour éviter que le bailleur ne dispose d'un pouvoir de police vis-à-vis du locataire.
    La Cour de cassation juge que cette interdiction ne s'applique pas aux sommes dues en vertu d'une clause pénale qui, juridiquement, ne revêt pas le caractère d'une amende (civ. 3e, 8 janvier 1997, n° 95-10.339).
    Si la clause pénale a pour vocation de réparer un préjudice, à la différence de l'amende, il n'en demeure pas moins qu'elle permet à un bailleur d'imposer au locataire de verser une somme forfaitaire en cas d'inexécution pour un montant qui peut être très supérieur au montant du préjudice réellement subi.
    Le législateur a souhaité étendre la prohibition des clauses prévoyant des amendes aux clauses prévoyant des pénalités pour éviter que le contrat de location ne comporte des clauses disproportionnées qu'un bailleur pourrait imposer à un locataire compte tenu de la relation par essence déséquilibrée qu'induisent, dans bien des situations, les tensions existant sur le marché locatif.
    Ces dispositions ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle au regard de l'objectif de sécurisation des relations entre les bailleurs et les locataires poursuivi par le législateur.
    Ce grief ne pourra donc qu'être écarté.
    2. Sur la méconnaissance du principe d'égalité.
    La loi déférée prévoit que la rémunération des personnes mandatées par le bailleur pour assurer la mise en location d'un logement sera à la charge exclusive de celui-ci. Seuls les honoraires des prestations qui bénéficient aussi bien au preneur qu'au bailleur pourront être partagés entre ces derniers. Pour prévenir les abus actuellement constatés, tout particulièrement dans certaines zones marquées par une tension du marché locatif, le législateur a souhaité que la part de ces honoraires incombant au preneur soit plafonnée.
    Contrairement à ce que soutiennent les députés auteurs du recours, cette distinction ne méconnaît pas le principe d'égalité.
    Le bailleur qui donne mandat à une agence immobilière pour assurer la mise en location d'un logement se trouve dans une situation différente du locataire qui s'adresse à cette agence pour visiter des logements. Il est logique que les frais liés à la mise en location soient à la charge du bailleur qui a choisi l'intermédiaire et a contracté avec lui en lui confiant la mission de rechercher un locataire.
    Il convient de relever, à cet égard, que la loi n'a ni pour objet ni pour effet de mettre à la charge du bailleur les honoraires liés à un mandat de recherche d'appartement qui serait passé exclusivement par le preneur avec un intermédiaire sans qu'aucun mandat ne soit passé par le bailleur. Un tel mandat ne pourrait, en effet, être regardé comme un mandat relatif à la mise en location d'un logement entrant dans le champ d'application du premier alinéa du I de l'article 5 de la loi du 6 juillet 1989.
    De même, le législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité en prévoyant que les frais des prestations qui bénéficient au preneur soient plafonnés. En effet, à la différence du bailleur qui peut discuter du montant de ces frais en confiant son mandat à un agent immobilier, le preneur ne possède aucun pouvoir de négociation pour la détermination des honoraires qui doivent être partagés entre le bailleur et le locataire. Celui-ci, s'il désire occuper le logement, n'a d'autre choix que d'accepter le tarif exigé, qui peut largement excéder le service rendu. Le plafonnement des frais sera ainsi de nature à prévenir certains abus actuellement constatés.
    Il convient par ailleurs de préciser que les honoraires globaux de l'agent immobilier restent libres, seule la partie qui peut être mise à la charge du locataire se trouvant plafonnée par le nouveau régime instauré par la loi.
    Le grief tiré de ce que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité ne peut donc qu'être écarté.


    II. ― Sur l'article 5


    A. ― L'article 5 de la loi déférée modifie notamment l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989. Il abaisse de soixante-dix à soixante-cinq ans l'âge à partir duquel un locataire ne peut se voir signifier un congé par un bailleur pour reprendre ou vendre un logement. Elle augmente de soixante à soixante-cinq ans l'âge du bailleur conduisant à ce que cette règle ne soit pas applicable. Il prévoit également que ces règles s'appliquent lorsque le locataire a à sa charge une personne vivant habituellement dans le logement et remplissant lesdites conditions.
    Les députés auteurs du recours estiment que cette disposition porte atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle et constitue une rupture d'égalité entre les parties.
    B. ― Le Gouvernement n'est pas de cet avis.
    Il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété, protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et à la liberté contractuelle, qui découle de son article 4, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi (décision n° 2012-660 DC, cons. 5).
    Le législateur, dans un souci d'assurer la protection des personnes âgées en situation de fragilité sociale, a souhaité harmoniser les dispositions protectrices du locataire et du bailleur en appliquant un âge unique de soixante-cinq ans pour déterminer les cas dans lesquels un congé peut être donné pour reprendre ou vendre un logement. Ainsi, un bailleur ne pourra signifier son congé à un locataire de plus de soixante-cinq ans dont les ressources sont inférieures au plafond de ressources en vigueur pour l'attribution des logements locatifs conventionnés que s'il a plus de soixante-cinq ans lui-même et bénéficie également de ressources inférieures à ce plafond.
    En prévoyant cette règle uniforme afin de mieux protéger les personnes âgées et assurer le respect de l'objectif à valeur constitutionnelle de droit à un logement décent, le législateur n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté contractuelle. De même, la possibilité de contester la décision de congé devant le juge sur le fondement de ces dispositions ne saurait les faire regarder comme méconnaissant le principe d'égalité.
    Le législateur a souhaité étendre cette protection aux personnes âgées de plus de soixante-cinq ans qui sont hébergées à la charge du locataire.
    Dans un tel cas de figure, le Gouvernement estime que la condition de ressources fixée par la loi devra nécessairement s'apprécier au regard de l'ensemble des revenus perçus par le locataire et cette personne à charge.
    Ces dispositions sont donc conformes à la Constitution.


    III. ― Sur l'article 6


    A. ― L'article 6 de la loi déférée crée un mécanisme de nature à encadrer les loyers dans les zones marquées par de fortes tensions du marché locatif pour prévenir la fixation de loyers excessifs.
    Les députés et les sénateurs auteurs des recours estiment que cet article porte atteinte au droit de propriété. Les députés requérants considèrent également que cet article porte atteinte aux contrats en cours.
    B. ― Ces griefs ne pourront qu'être écartés.
    1. La loi prévoit un mécanisme d'encadrement des loyers dans les zones d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérise par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d'acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d'emménagements annuels dans le parc locatif social. Cette définition, complète et fondée sur des critères objectifs et rationnels, est identique à celle retenue pour élargir la taxe sur les logements vacants prévue à l'article 232 du code général des impôts, déjà validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012.
    Le dispositif d'encadrement des loyers sera donc mis en place uniquement dans des territoires où le déséquilibre entre l'offre et la demande de logements locatifs induit un rapport de force déséquilibré entre le bailleur et le candidat à la location.
    Ces zones seront découpées en secteurs géographiques caractérisés par une homogénéité des loyers. Dans chacun de ces secteurs géographiques, et pour chaque catégorie de logement, un loyer de référence sera déterminé. Il sera égal au loyer médian calculé à partir des niveaux de loyer constatés par un observatoire local des loyers pour cette catégorie de logement au sein de ce secteur géographique. Le loyer de référence sera exprimé par un prix au mètre carré de surface habitable. A partir de ce loyer de référence, le préfet arrêtera un loyer de référence majoré qui ne pourra être supérieur de 20 % au loyer de référence.
    Pour un logement relevant de cette catégorie de logement et situé dans ce secteur géographique, la fixation du loyer restera entièrement libre s'il n'est pas supérieur au loyer de référence majoré ainsi défini. Le propriétaire pourra en outre appliquer un complément de loyer pour des logements présentant des caractéristiques de localisation ou de confort exceptionnelles par leur nature et leur ampleur par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique.
    Ce mécanisme est de nature, dans les zones tendues, à prévenir les abus qui permettent à certains propriétaires de profiter du déficit d'offre caractéristique d'un marché locatif de pénurie, pour exiger de locataires captifs des loyers excessifs au regard de la qualité du logement proposé. Il contribue ainsi à assurer l'équilibre entre le respect du droit de propriété et celui de l'objectif à valeur constitutionnelle visant à garantir la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent.
    Par ailleurs, contrairement à ce qu'indiquent les sénateurs requérants, le dispositif prévu par le législateur est entouré de garanties suffisantes pour éviter l'arbitraire et assurer sa pleine application.
    Il s'appuie sur les résultats issus de la constitution de dix-neuf observatoires pilotes d'ores et déjà répartis sur l'ensemble du territoire. A l'occasion du déploiement de ces observatoires, une méthodologie de recueil et de traitement des données pour obtenir des résultats fiables sur les loyers a été développée et soumise à l'avis d'un comité scientifique composé d'experts indépendants.
    Ces travaux ont permis de montrer que la définition et le périmètre des secteurs géographiques doivent tenir compte de la structure du marché locatif local, le loyer d'un logement dépendant fortement de sa localisation. Ainsi qu'évoqué par le Gouvernement lors des débats parlementaires, le quadrillage retenu par les observatoires sera fixé pour correspondre aux caractéristiques des marchés locatifs en cause : son niveau de précision pourra être restreint à un ensemble de rues, un quartier ou un secteur urbain déterminé en fonction des circonstances pertinentes sur le plan local, la méthodologie de recueil statistique des données d'observation étant, pour sa part, validée par le comité scientifique.
    Les travaux menés ont également permis de définir le choix des variables qui doivent impérativement être collectées pour définir la catégorie de logement pour laquelle, dans un secteur géographique donné, un loyer de référence doit être défini.
    Le comité scientifique a estimé que les facteurs déterminant le niveau du loyer d'un logement étaient principalement les suivants :
    ― le type de bien : logement individuel (maison) ou collectif (appartement) ;
    ― la période de construction (par grande période : avant 1946, 1946-1970, 1971-1990, 1991-2005, après 2005) ;
    ― le nombre de pièces ;
    ― la nature de la location : nue ou meublée.
    Les loyers médians seront donc mesurés par secteur géographique pertinent en tenant compte de ces quatre critères : à titre d'exemple, pour un secteur géographique donné, sera déterminé le loyer médian des appartements de deux pièces en location nue construits entre 1946 et 1970.
    Ces exigences sont de nature à garantir une homogénéité des logements observés au sein de secteurs géographiques pertinents et à assurer un régime de fixation précis et objectif des niveaux de loyers médians.
    Un tel dispositif, limité dans son principe comme dans son champ géographique, ne peut être regardé comme portant une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté contractuelle.
    2. Ce dispositif ne remettra pas en cause les contrats de bail conclus avant l'entrée en vigueur de la loi.
    Il ne s'appliquera qu'aux nouveaux contrats et aux contrats qui font l'objet d'un renouvellement, ce qui implique la conclusion d'un nouvel acte après accord exprès des deux parties.
    En revanche, il ne s'appliquera pas aux contrats de bail déjà conclus qui font l'objet d'une tacite reconduction.
    Le grief tiré de ce que l'article 6 porterait atteinte aux contrats légalement conclus manque donc en fait.


    IV. ― Sur l'article 16


    A. ― L'article 16 met en œuvre un régime d'autorisation temporaire pour la location de courte durée de locaux meublés par des particuliers.
    Les députés et les sénateurs auteurs des recours estiment que ces dispositions portent atteinte au droit de propriété. Les députés requérants considèrent également que cet article porte atteinte à la liberté contractuelle. Les sénateurs auteurs du recours soutiennent que cet article porte atteinte à la garantie des droits prévue par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et méconnaît l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi.
    B. ― Le Gouvernement n'est pas de cet avis.
    1. L'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation prévoit que le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable. Ce régime est applicable aux communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. L'article L. 631-7-1 du même code prévoit que cette autorisation préalable peut être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage. Il prévoit également qu'une délibération du conseil municipal fixe les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations et déterminées les compensations au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d'habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements.
    Ce régime d'autorisation préalable poursuit un objectif d'intérêt général en préservant le maintien de locaux d'habitation dans des zones où une pénurie est constatée. Le Conseil d'Etat a estimé que les dispositions prévoyant l'édiction des règles de délivrance des autorisations, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, ne méconnaissaient pas les exigences constitutionnelles s'attachant à la garantie du droit de propriété (CE, 8 juin 2012, cabinet d'avocats Cotty Vivant Marchisio & Lauzeral, n° 357797).
    2. La cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 24 mai 2011, a jugé qu'un particulier qui souhaite louer un appartement en local meublé pour une durée de moins d'un an doit y être autorisé lorsqu'un régime d'autorisation préalable des changements d'usage des logements a été mis en place. En effet, les logements donnés en location en meublé ne sont regardés comme demeurant des locaux d'habitation, au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, que si le bail répond aux conditions de l'article L. 632-1 de ce même code, à savoir la location pour une durée d'une année à titre de résidence principale.
    L'application des dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation aux locations meublées de courte durée répond indéniablement à l'objectif poursuivi par le régime d'autorisation préalable. En effet, la multiplication d'appartements loués pour des périodes très limitées à une clientèle principalement touristique a pour effet d'accentuer la pénurie d'offre locative pour les ménages cherchant à se loger.
    La modification de l'article L. 631-7 ne crée pas un régime d'autorisation préalable de changement d'usage pour les locations de meublés de courte durée mais ne fait que transposer dans le droit positif la jurisprudence.
    3. L'application de ces règles aux personnes physiques paraît néanmoins excessivement rigoureuse dans certaines situations, par exemple pour des personnes qui n'occupent que de manière occasionnelle leur logement en raison d'une affectation temporaire à l'étranger ou dans une partie éloignée du territoire national. Ces personnes peuvent légitimement désirer louer leur logement pour de courtes durées sans que cette location ne témoigne d'un changement d'usage de leur habitation.
    C'est la raison pour laquelle le législateur a souhaité créer un régime d'autorisation temporaire permettant à ces personnes physiques de louer pour des courtes durées leur appartement à une clientèle de passage, sans avoir à fournir de compensation comme dans le régime de droit commun du changement d'usage.
    Enfin, la loi déférée prévoit expressément que ces dispositions ne s'appliquent pas pour la location de courte durée d'une résidence principale qui reste totalement libre.
    Ainsi, loin de porter atteinte au droit de propriété de ces personnes, l'article 16 est de nature à limiter les effets de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation tout en assurant le respect de l'objectif de lutte contre la pénurie de logement.
    Contrairement à ce que soutiennent les sénateurs requérants, le dispositif prévu par le législateur ne saurait être regardé comme étant de nature à entraîner une insécurité juridique.
    En l'absence de délibération fixant, pour l'application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations de changement d'usage, un particulier reste libre de modifier l'usage des locaux qu'il possède.
    Dans ces communes, quand une telle délibération existe, une personne physique ne peut, à l'heure actuelle, légalement louer pour de courtes durées son appartement à une clientèle de passage sans obtenir une autorisation.
    Le nouveau régime d'autorisation temporaire, dont le périmètre d'application est le même que celui de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, permettra à la collectivité, si elle le souhaite, d'assouplir ce régime en prévoyant une autorisation temporaire.
    Les effets juridiques des deux régimes n'ont donc pas vocation à se cumuler. Par ailleurs, l'instauration du nouveau régime est dépourvue d'effet sur les locaux d'habitation ayant déjà changé d'usage antérieurement à son entrée en vigueur.
    Les sénateurs requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que la loi déférée remettrait en cause des situations légalement constituées.
    Enfin, on ne saurait reprocher au législateur de ne pas avoir prévu les conditions dans lesquelles l'autorisation temporaire de changement d'usage cesse de produire ses effets.
    Compte tenu de l'objectif poursuivi par le régime d'autorisation de changement d'usage, le législateur a souhaité laisser aux collectivités territoriales le soin de définir les critères de cette autorisation temporaire en tenant compte des caractéristiques des marchés de locaux d'habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements. Ces critères pourront porter sur la durée des contrats de location, les caractéristiques physiques du local ainsi que sur la localisation de ce dernier. Le législateur a ainsi soumis l'acte réglementaire en cause au respect de considérations objectives, en rapport avec l'objet de la loi et de nature à prémunir les intéressés contre tout arbitraire dans l'appréciation de la situation propre à chaque commune ou groupement de communes.
    Ces dispositions ne méconnaissent pas l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi.
    Le Gouvernement estime donc que l'article 16 est conforme à la Constitution.


    V. ― Sur l'article 19


    A. ― L'article 19 de la loi déférée prévoit la possibilité pour l'assemblée générale des copropriétaires de soumettre à son accord préalable la demande d'autorisation, par un copropriétaire, de changement d'usage d'un local destiné à l'habitation faisant partie de la copropriété aux fins de le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage.
    Les députés auteurs du recours estiment que ces dispositions portent atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle.
    B. ― Ces griefs sont infondés.
    La location répétée d'un appartement à une clientèle touristique pour une courte durée peut impliquer une utilisation accrue des parties communes et ainsi engendrer une augmentation des charges de la copropriété ainsi que des troubles de voisinage liés, par exemple, à la méconnaissance des modalités d'utilisation des équipements ou parties communes. La possibilité pour l'assemblée générale des copropriétaires de soumettre la demande d'un tel changement d'usage à son accord est ainsi de nature à prévenir un usage abusif du changement d'utilisation de son logement par un propriétaire. Cette possibilité devra être décidée à la majorité des voix de tous les copropriétaires.
    Ces dispositions ne peuvent donc être regardées comme portant une atteinte disproportionnée au droit de propriété ou à la liberté contractuelle.


    VI. ― Sur l'article 23


    Les députés auteurs du recours estiment que l'article 23, qui crée une garantie universelle des loyers, a été adopté à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance de l'exigence de clarté et de sincérité des débats. Ils considèrent que l'article finalement adopté est très différent de celui sur lequel ont porté les débats parlementaires en première lecture et qu'il a ainsi pu échapper à l'obligation de présentation d'une étude d'impact qui s'applique aux projets de loi.
    Le Conseil constitutionnel juge que les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées à un texte après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion à l'exception des amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle (décision n° 2005-532, cons. 26).
    En l'espèce, comme le reconnaissent les auteurs du recours, le projet de loi déposé par le Gouvernement comportait un article 8 créant une garantie universelle des loyers et cet article restait en discussion à l'issue de la première lecture.
    Il était donc parfaitement loisible au Gouvernement et aux parlementaires de proposer des amendements modifiant ces dispositions, y compris de manière substantielle. Comme le juge en effet le Conseil constitutionnel, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de ce qu'un amendement, par son ampleur, excéderait des limites inhérentes au droit d'amendement (décision n° 2001-450 DC, cons. 30).
    Le Conseil constitutionnel juge également que le grief tiré de la méconnaissance des exigences relatives à la présentation des projets de loi sont inopérants à l'encontre d'articles introduits sur amendement (décision n° 2010-618 DC, cons. 8). Les députés auteurs du recours ne sauraient donc utilement reprocher à l'amendement du Gouvernement présenté en deuxième lecture de ne pas avoir été accompagné d'une étude d'impact.
    Les griefs articulés contre l'article 23 ne pourront qu'être écartés.


    VII. ― Sur l'article 24


    A. ― Le 8° de l'article 24 de la loi déférée prévoit une clause d'exclusivité en cas d'inscription d'un bien immobilier sur une liste proposée par un marchand de listes.
    Les sénateurs auteurs du recours considèrent que ces dispositions portent atteinte à la liberté d'entreprendre.
    B. ― Un tel grief ne pourra qu'être écarté.
    L'activité de marchand de listes est une activité réglementée par l'article 1er de la loi du 2 janvier 1970. Elle consiste à proposer des listes de biens immobiliers pour l'achat ou la location en contrepartie d'un paiement forfaitaire.
    Elle se distingue des activités normalement exercées par les agents immobiliers qui incluent d'autres prestations d'intermédiation et notamment la signature du bail. L'agent immobilier étant rémunéré lorsque le propriétaire et le locataire ont effectivement signé le bail, il n'a aucun intérêt à proposer des biens qui ne seraient pas disponibles à la date de leur présentation.
    Les marchands de listes perçoivent, pour leur part, leur rémunération à la fourniture de la liste. La réglementation actuelle ne permet toutefois pas de garantir la disponibilité des biens figurant sur les listes. Il en résulte des dérives qui aboutissent à la vente de listes comportant des biens non disponibles par des professionnels peu scrupuleux.
    Afin de protéger le consommateur contre de telles dérives, le législateur a souhaité instaurer une clause d'exclusivité permettant à un marchand de listes de garantir que les biens figurant sur la liste qu'il commercialise sont effectivement disponibles. Cette clause d'exclusivité sera d'une durée limitée.
    Dans ces conditions, l'article 24 ne saurait être regardé comme portant une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre.


    VIII. ― Sur l'article 92


    A. ― L'article 92 permet de délimiter des zones soumises à autorisation préalable de mise en location sur les territoires présentant une proportion importante d'habitat dégradé.
    Les députés auteurs du recours estiment que ces dispositions portent atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle.
    B. ― Ces griefs ne pourront qu'être écartés.
    Dans une décision rendue le 19 janvier 1995, le Conseil constitutionnel a considéré que « le droit pout toute personne de disposer d'un logement décent constitue un objectif constitutionnel qui prolonge le principe de la dignité de la personne humaine et le renforce ».
    L'autorisation préalable de mise en location des logements dans les territoires présentant une proportion importante d'habitat dégradé est de nature à prévenir la location de biens susceptibles de porter atteinte à la sécurité des occupants et à la salubrité publique dans les zones où ces risques sont particulièrement avérés.
    Ces zones seront délimitées de manière objective en cohérence avec le programme local de l'habitat en vigueur et le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées, qui définit les mesures destinées à permettre aux personnes ou familles éprouvant des difficultés d'accéder à un logement décent et indépendant ou de s'y maintenir et de disposer de la fourniture d'eau, d'énergie et de services téléphoniques.
    La décision de refus d'autorisation préalable de mise en location devra être motivée et fondée sur le fait que le logement est susceptible de porter atteinte à la sécurité des occupants et à la salubrité publique. Elle précisera la nature des travaux ou aménagements prescrits pour satisfaire aux exigences de sécurité et de salubrité précitées.
    L'autorisation préalable à la mise en location permettra d'éviter la mise en location de logements insalubres. A cette fin, l'autorisation devra être jointe au contrat de bail à chaque nouvelle mise en location ou relocation.
    Le législateur a néanmoins prévu que la mise en location de locaux à usage d'habitation par un bailleur, sans autorisation préalable, serait sans effet sur le bail dont bénéficie le locataire.
    Dans ces conditions, l'atteinte portée au droit de propriété ne peut être regardée comme disproportionnée à l'objectif à valeur constitutionnelle poursuivi par le législateur. De même, on ne peut considérer que le législateur aurait porté une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle.
    L'article 92 est donc conforme à la Constitution.


    IX. ― Sur l'article 153


    A. ― L'article 153 de la loi déférée prévoit que les cessions de parts d'une société civile sont soumises aux formalités de publicité foncière qu'implique le recours à l'acte authentique sous contrôle d'un notaire ou à un acte sous seing privé contresigné par un avocat ou un professionnel de l'expertise comptable.
    Les sénateurs auteurs de la saisine considèrent que le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence et l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi en permettant aux experts-comptables de contresigner des actes dans les conditions prévues au chapitre Ier bis du titre II de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.
    B. ― Le Gouvernement n'est pas de cet avis.
    La disposition s'inscrit dans l'objectif de sécuriser l'exercice du droit de préemption lorsque celui-ci est exercé sur des cessions de parts de SCI.
    Le législateur a souhaité, dans le cadre du débat parlementaire, introduire l'obligation de recourir à un notaire, un avocat ou un expert-comptable pour réaliser la cession de la majorité des parts de SCI, portant sur une unité foncière ou immobilière, soumises au droit de préemption urbain.
    Pour assurer le renforcement des modalités de publicité foncière de ces opérations, l'article 153 a prévu d'ouvrir aux experts-comptables, dans ce champ restrictivement limité, la possibilité ouverte aux avocats de contresigner des actes sous seing privé en application de la loi du 31 décembre 1971.
    Le renvoi aux modalités prévues par la loi du 31 décembre 1971 précitée permettra d'harmoniser les responsabilités des professionnels chargés de la rédaction d'un même type d'acte (en l'espèce, un acte de cession portant sur la majorité des parts de SCI soumises au droit de préemption urbain).
    Il n'aura, en revanche, contrairement à ce que soutiennent les auteurs de la saisine, ni pour objet ni pour effet d'assimiler le professionnel de l'expertise comptable à un avocat et de créer ainsi une incertitude juridique de nature à rendre inintelligible la disposition contestée.
    Ce renvoi n'étend pas les compétences des experts-comptables, ceux-ci n'intervenant en matière de rédaction d'actes juridiques que dans les limites fixées par l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable. En effet, les travaux juridiques effectués par un expert-comptable doivent être directement liés aux travaux comptables dont ils sont chargés et revêtir un caractère accessoire.
    Par ailleurs, les conditions dans lesquelles seront contresignés ces actes sont dépourvues d'ambiguïté.
    L'article 3 de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et de certaines professions réglementées a inséré au sein du titre II de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques un nouveau chapitre Ier bis intitulé « Le contreseing de l'avocat ».
    Selon l'article 66-3-1 de la loi du 31 décembre 1971, en contresignant un acte sous seing privé l'avocat atteste avoir pleinement éclairé la ou les parties qu'il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte.
    L'acte contresigné par avocat demeure un acte sous seing privé et n'a, par conséquent, ni date certaine, ni force exécutoire. Seule sa force probante est renforcée puisqu'il fait pleine foi de l'écriture et de la signature des parties, tant à leur égard qu'à celui de leurs héritiers ou ayants cause (article 66-3-2 de la même loi). Ces personnes ne peuvent donc plus dénier ou ne pas reconnaître la signature ou les signatures figurant sur l'acte. Elles ne pourront recourir à la procédure de vérification d'écriture (articles 287 à 298 du code de procédure civile).
    Le même article 66-3-2 dispose, par ailleurs, que la procédure de faux prévue par le code de procédure civile lui est applicable. Les parties peuvent contester le contenu de l'acte qu'on leur oppose, si elles estiment notamment qu'il a été falsifié. Elles devront alors utiliser la procédure de faux (articles 299 à 302 du code de procédure civile) qui est distincte de la procédure d'inscription de faux réservée aux actes authentiques (articles 303 à 316 du code de procédure civile).
    Enfin, l'article 66-3-3 de la même loi prévoit que l'acte contresigné par avocat est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi.
    Dès lors, en permettant que l'acte sous seing privé relatif à la cession de la majorité des parts sociales d'une SCI puisse être contresigné par un professionnel de l'expertise comptable « dans les conditions prévues au chapitre Ier bis du titre II de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 » le législateur a entendu que le bénéfice des dispositions sus-évoquées soit, mutatis mutandis, étendu à ce professionnel.
    Au total, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence en transposant un dispositif juridique à un professionnel se trouvant dans une situation comparable à celui pour lequel il a été institué.


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    Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans la saisine ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée.
    Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.

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