Avis sur le régime d'asile européen commun

Version initiale



  • (Assemblée plénière du 28 novembre 2013)


    1. A la suite de l'adoption par le Conseil européen du programme de Stockholm, le traité de Lisbonne a confié à l'Union européenne (UE) la tâche de développer « une politique commune en matière d'asile, de protection subsidiaire et de protection temporaire visant à offrir un statut approprié à tout ressortissant d'un pays tiers nécessitant une protection internationale et à assurer le respect du principe de non-refoulement » (article 63.1) (1). Après cinq années de négociations, le conseil de l'UE (Justice et affaires intérieures) et le Parlement ont adopté en juin 2013 les textes révisés des directives « Accueil » et « Procédures » devant être transposées d'ici à juillet 2015 (2), du règlement « Dublin III » directement applicable à compter de janvier 2014 (3) et du règlement « Eurodac » directement applicable à compter de juillet 2015 (4). La refonte de la directive « Qualification » avait eu lieu en 2011, le délai de transposition étant fixé au 21 décembre 2013 (5).
    2. Le 16 juillet 2013, le ministre de l'intérieur a initié une concertation nationale sur la réforme du droit d'asile. Un projet de loi est annoncé pour la fin de l'année.
    3. La forte médiatisation d'affaires relatives à des étrangers déboutés de leur demande d'asile conjuguée à la survenance récente d'événements tragiques aux frontières de l'espace Schengen laissent craindre que les pouvoirs publics ne soient tentés, dans le cadre de la politique de contrôle des flux migratoires, de prendre des mesures de plus en plus restrictives concernant l'exercice du droit d'asile à l'occasion de la préparation de la réforme.
    4. En effet, la prolifération de discours sécuritaires « affolant » l'opinion publique risque d'entraîner un repli identitaire, voire xénophobe, qui ne pourra que porter préjudice à l'exercice du droit d'asile en provoquant un climat de suspicion généralisée à l'encontre de ceux qui sollicitent une protection internationale. Dans ce contexte, les craintes exprimées d'afflux massif doivent être ramenées à de plus justes proportions. A cet égard, la CNCDH tient à rappeler que le nombre de demandeurs d'asile au sein de l'Union européenne (à peine supérieur à 330 000 en 2012, selon Eurostat) reste dérisoire au regard de la population et de la puissance économique des pays composant l'Union (6).
    5. S'agissant de la France, il convient de souligner, pour savoir raison garder, la relative stabilité du nombre des bénéficiaires d'une protection internationale au titre de l'asile, soit 176 984 personnes en 2012 (rapport OFPRA 2013), qui reste très inférieur au nombre des bénéficiaires de cette protection en 1953 (224 829 réfugiés reconnus) et comparable à celui de 1993 (165 531 réfugiés, source OFPRA). Si ces chiffres démentent la réalité d'un afflux massif, il faut rappeler que le souci de répondre à un tel afflux est déjà pris en compte par le droit de l'Union qui a institué une protection temporaire (7), procédure restée jusqu'à ce jour inappliquée (8).
    6. A cette occasion, il est de la responsabilité de la CNCDH de rappeler les grands principes gouvernant le droit d'asile, dont la protection est d'abord conventionnelle. Elle découle de la convention de Genève sur les réfugiés du 28 juillet 1951 qui, sans exiger des Etats l'octroi d'un asile aux réfugiés, leur impose une double obligation, d'une part, de non-refoulement vers un pays où leur vie ou leur liberté serait menacée pour l'un des motifs de la convention (article 33-1), d'autre part, d'immunité pénale pour leur entrée au séjour irrégulier (article 31-1), qui constitue les principes cardinaux du droit des réfugiés (9). L'on doit à la Charte des droits fondamentaux de l'UE d'avoir consacré le « droit d'asile » en tant que droit fondamental en l'amarrant à la convention de Genève et au traité instituant la Communauté européenne (article 18). Le droit dérivé de l'Union a quant à lui reconnu un « droit à l'asile » tant aux réfugiés qu'aux bénéficiaires de la protection subsidiaire (article 24 de la directive « Qualification »).
    7. La protection de ce droit est ensuite nationale, puisque le quatrième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, intégré dans le bloc de constitutionnalité, reconnaît un droit d'asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté. En outre, « les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif » (article 53-1 de la Constitution de 1958). Le Conseil constitutionnel a reconnu au droit d'asile la nature de « droit fondamental » et de « principe de valeur constitutionnelle » (10). Le Conseil d'Etat en a affirmé le caractère de « droit constitutionnel » et de « liberté fondamentale » au sens de l'article L. 521-2 du CJA (11).
    8. Le caractère de « droit fondamental » du droit d'asile interdit en premier lieu de confondre les questions d'asile et d'immigration : l'asile ne saurait, parce qu'il est un droit, être soumis aux vicissitudes de la politique de l'immigration. A cet égard, la CNCDH entend réaffirmer qu'une véritable politique de l'asile ne peut tolérer une approche purement quantitative et économique mettant en exergue la hausse du nombre de demandeurs et l'accroissement des coûts. Réduire la question de l'asile à un problème de gestion des flux ou de réduction des coûts est inacceptable dès lors qu'est en cause l'exercice d'un droit fondamental (12).
    9. En second lieu, le caractère de « droit fondamental » du droit d'asile impose au législateur de ne pas adopter des dispositions qui en affectent le contenu essentiel et ne l'autorise pas à apporter à ce droit, comme d'ailleurs à tout autre droit fondamental, d'autres limitations que celles qui, dans le respect du principe de proportionnalité, sont « nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union européenne ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui » (article 52-1 de la Charte des droits fondamentaux). Par ailleurs, la clause passerelle de l'article 52-3 de la Charte des droits fondamentaux, qui impose de donner à ceux des droits fondamentaux correspondant à des droits conventionnels, le sens et la portée que leur confère la convention européenne, interdit aux Etats de prendre toute mesure en matière d'asile qui limiterait des droits intangibles (13). Les Etats sont par ailleurs libres d'offrir une protection plus étendue que celle résultant du droit de l'UE (14), pourvu qu'elle soit compatible avec lui. Ils doivent, comme l'UE, faire prévaloir une interprétation de la Charte protectrice des droits et libertés qu'elle énonce ainsi que de ceux des conventions internationales auxquelles ils sont parties, comme la convention de Genève et la Convention européenne des droits de l'homme (article 53 de la Charte des droits fondamentaux).
    10. Contre une compréhension trop hâtive de l'exigence de transposition des directives, s'il devait s'avérer que certaines dispositions ne respectent pas les droits fondamentaux, dont le droit d'asile, protégés au plus haut niveau, la CNCDH rappelle qu'à la vigilance classique de la Cour européenne des droits de l'homme s'ajoute désormais le contrôle de la Cour de justice de l'UE précisément appelée à s'assurer de la conformité de ce droit dérivé avec la Charte des droits fondamentaux (15) et partant avec la convention de Genève dont elle devient ainsi l'interprète.
    11. Enfin, la CNCDH se montre très préoccupée par la complexification croissante de la législation relative au droit d'asile. Il en résulte un droit extrêmement touffu et peu lisible, auquel, à l'exception de spécialistes, peu de personnes et surtout pas les principaux intéressés ont la possibilité d'accéder. Il convient au demeurant de rappeler que le rapport Mazeaud, sollicité par le Président de la République pour réfléchir à l'amélioration de la procédure d'asile, a considéré qu'une modification du contentieux ne serait pas pertinente, mais que en revanche, il convenait d'améliorer, le plus en amont possible, la procédure administrative (16).
    12. Cette complexification découle en grande partie de l'extrême segmentation des problématiques lors des dernières réformes intervenues en la matière. La CNCDH s'inquiète à cet égard des conditions d'élaboration du droit de l'Union et de la transposition des directives qui ne lui permettent pas d'exercer sa mission suffisamment en amont. Ainsi, la directive « Qualification », adoptée en 2011, risque d'être transposée avant la fin de cette année indépendamment du reste du « paquet asile », par voie d'ordonnance et sans que la CNCDH ait été mise à même de rendre un avis. Dans ce contexte, elle tient, au-delà de certaines avancées de cette nouvelle directive qu'elle se doit de saluer, à rappeler les réserves déjà exprimées à propos d'un certain nombre de notions et dispositions introduites en 2004 dans la première directive « Qualification » (17) et reprises dans cette directive de 2011, qu'il s'agisse notamment de la notion d'agent de protection, d'asile interne (18), de certaines clauses de révocation ou de non-renouvellement du statut de réfugié (19) ou d'exclusion (20) contraires à la convention de Genève, ou encore du principe d'une protection à deux niveaux (réfugié et protection subsidiaire [21]). Elle déplore également que la directive « Qualification » soit si peu contraignante concernant le maintien de l'unité familiale (article 23). Il importe donc que le législateur engage au plus vite une réforme de la procédure de réunification familiale, et ce, d'autant plus que des obstacles pratiques en entravent l'exercice de manière récurrente (22).
    13. Dans ces conditions, la CNCDH ne peut que souhaiter une réforme d'envergure traduisant une vision politique d'ensemble et garantissant notamment aux demandeurs d'asile leur droit :
    ― à un accès effectif à la procédure d'asile (I) ;
    ― au traitement équitable de leur demande d'asile (II) ;
    ― au respect de leur liberté individuelle (III) ;
    ― à des conditions matérielles d'existence (IV) ;
    ― à la prise en compte de leur état de vulnérabilité (V).


    I. - Le droit à un accès effectif à la procédure d'asile


    14. La directive « Procédures » est destinée à « garantir aux personnes qui ont besoin d'une protection internationale l'accès à des procédures d'asile juridiquement sûres et efficaces » (23). Malgré quelques dispositions renforçant les garanties procédurales des demandeurs d'asile, elle comprend un catalogue de dérogations. L'adoption de formulations vagues (24) et parfois ambiguës rend l'interprétation du texte extrêmement aléatoire et aboutit à permettre aux Etats de maintenir leurs pratiques nationales. La CNCDH entend par conséquent rappeler que la transposition de la directive « Procédures » ne doit pas être l'occasion d'édulcorer les droits des demandeurs d'asile, ceux-ci ne devant pas être théoriques et illusoires, mais concrets et effectifs (25).


    A. ― Régler le problème de la domiciliation


    15. La première étape actuelle en préfecture implique pour le demandeur d'asile de disposer d'une adresse, soit chez un tiers ou en son nom, soit auprès d'une association spécifiquement agréée à cette fin. Difficile à obtenir selon les lieux et les périodes (26), cette exigence contribue à retarder l'accès à la procédure d'asile. Dans l'attente de détenir une adresse, le demandeur d'asile potentiel risque d'être interpellé, de faire l'objet d'une mesure d'éloignement puis de se voir privé du droit au séjour provisoire, enfin de voir sa demande traitée en procédure prioritaire. Cette situation, bien que difficilement quantifiable, n'est pas une simple hypothèse d'école et contribue à compliquer les premières démarches relatives à une protection internationale.
    16. Pour la CNCDH, il est nécessaire de faciliter la domiciliation des demandeurs d'asile en rappelant qu'une domiciliation auprès d'une plateforme d'accueil pour les demandeurs d'asile, d'un centre communal d'action sociale ou encore de tout organisme domiciliataire associatif non spécialisé doit suffire à établir un justificatif de résidence (27).


    B. ― Supprimer le préalable du passage en préfecture


    17. En premier lieu, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) n'intervient qu'après le passage en préfecture du demandeur d'asile. Les acteurs de l'asile, associations et pouvoirs publics, partagent le même constat d'une complexité excessive des premières démarches d'asile en préfecture (28). L'accès au guichet préfectoral demeure bien souvent délicat et varie considérablement d'une préfecture à l'autre (29), alors même que l'article L. 723-1 du CESEDA subordonne la saisine de l'OFPRA à l'enregistrement de la demande d'admission au séjour de l'intéressé. Ces difficultés sont de nature à porter une atteinte grave à la liberté fondamentale que constitue le droit pour un demandeur d'asile de voir examiner sa demande de manière effective.
    18. La régionalisation de l'admission au séjour des demandeurs d'asile a également eu pour effet d'allonger les délais d'accès à la procédure d'asile. Les demandeurs doivent se déplacer en différents lieux : une première fois auprès de la préfecture désignée pour les admettre ou non au séjour, généralement la préfecture de région, puis les fois suivantes, auprès de la préfecture du département qui demeure compétente pour les renouvellements des récépissés, les réexamens et la notification des mesures d'éloignement (30).
    19. Au regard de ce qui précède, il apparaît nécessaire de rendre le dispositif d'asile plus lisible et cohérent en repensant l'entrée dans la procédure d'asile. A cet égard, la CNCDH renouvelle les recommandations déjà faites antérieurement pour remédier aux dysfonctionnements persistants qui sont autant d'entraves à l'exercice du droit fondamental de demander asile. C'est pourquoi l'ensemble des questions relatives à l'accès au territoire français des demandeurs d'asile et à la décision à prendre sur l'octroi d'une protection internationale ne devrait relever que d'un seul organisme dont la forme pourrait être celle d'une autorité administrative indépendante (31). Il est essentiel que ces questions soient de la compétence d'une autorité qui n'est pas directement sous la tutelle de l'exécutif, car l'asile ne saurait en aucun cas constituer une variable d'ajustement des politiques migratoires.
    20. Au demeurant la directive « Procédures », qui incite à refondre notre procédure d'asile, invite les Etats membres à désigner « pour toutes les procédures une autorité responsable de la détermination qui sera chargée de procéder à un examen approprié des demandes » (art. 4.1). Il ressort de cette disposition un principe d'unité de l'autorité responsable de la détermination. Certes, l'article 4 prévoit deux hypothèses (demande Dublin et demande à la frontière) permettant la désignation d'une autorité autre (art. 4.2), mais il ne s'agit là, d'une part, que d'une exception au principe d'unité, cette exception ne constituant, d'autre part, qu'une faculté pour les Etats membres.
    21. En deuxième lieu, s'agissant des délais d'enregistrement de la demande, l'article 6.1 de la directive « Procédures » impose d'enregistrer la demande d'asile dans un délai de trois jours ouvrables après sa présentation. Cette exigence est incompatible avec le maintien du passage en préfecture qui est particulièrement chronophage, ainsi qu'en atteste l'extrême longueur des délais de délivrance des autorisations provisoires de séjour, alors même qu'un délai de quinze jours est fixé à l'article R. 742-1 du CESEDA (32).
    22. La CNCDH s'inquiète par ailleurs de la différence de traitement qu'elle autorise entre les demandeurs d'asile en invitant simplement les Etats à « veiller » que l'enregistrement ait lieu au plus tard six jours ouvrables après la présentation de la demande pour les personnes faisant l'objet d'une « procédure Dublin » et les demandeurs à la frontière.
    23. En troisième lieu, le CESEDA distingue entre deux catégories de demandeurs d'asile : ceux qui sont admis au séjour et ceux qui ne le sont pas (33). A ce sujet, la CNCDH souhaite que tous les demandeurs d'asile, sans distinction, soient autorisés à rester sur le territoire dans le délai fixé par la directive « Accueil » et jusqu'à l'issue de la procédure. D'évidence, une modification des dispositions de l'article L. 741-4 du CESEDA s'impose. A cet égard, la CNCDH rappelle que le Conseil d'Etat (34) et la Cour de justice de l'Union européenne (35) ont déjà reconnu ce droit au maintien sur le territoire des personnes placées en « procédure Dublin » jusqu'à leur transfert effectif.
    24. Enfin, une autre mesure de simplification viserait à ne plus limiter dans le temps l'autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile et à aligner sa durée sur celle de la procédure pour éviter la charge d'un renouvellement répété.


    C. ― Remédier aux difficultés relatives à l'orientation de la procédure
    Garantir les droits des demandeurs en procédure Dublin


    25. La CNCDH se félicite de voir le règlement « Dublin III » prévoir qu'en cas d'impossibilité d'assurer un transfert vers l'Etat responsable en raison de défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile, incluant des risques de traitements inhumains ou dégradants au titre de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux, l'Etat membre doit rechercher si un autre Etat peut être identifié comme responsable de la demande d'asile. En dernier ressort, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat responsable pourra devenir l'Etat membre responsable de la demande d'asile (art. 3.2).
    26. Ces nouvelles dispositions s'inspirent indéniablement des jurisprudences de la Cour européenne des droits de l'homme (36) et de la Cour de justice de l'Union européenne (37) ainsi que des très fortes critiques adressées au règlement précédent. Elles ne mettent cependant pas d'obligation à la charge de l'Etat d'accueil ; leur mise en œuvre dépend donc de l'appréciation « souveraine » des Etats membres.
    27. Dans ces conditions, la CNCDH recommande une application systématique par la France des clauses discrétionnaires de l'article 17 du règlement « Dublin III » en cas de risque manifeste d'atteinte aux droits de l'homme dans le pays de renvoi. Un échange entre les autorités françaises, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ou toute autre organisation gouvernementale ou non, et, le cas échéant, le Bureau européen d'appui en matière d'asile, pouvant avoir connaissance de la situation dans ledit pays, devrait permettre de statuer promptement. La prochaine réforme du CESEDA devra intégrer ces aspects.
    28. Par ailleurs, l'article 33 du règlement « Dublin III » organise un mécanisme non contraignant permettant à la Commission, sur la base d'informations recueillies par le Bureau européen d'appui en matière d'asile, d'identifier des pressions particulières ou des problèmes de fonctionnement des systèmes d'asile nationaux et d'inviter les Etats membres concernés à mettre en place un plan d'action préventif puis, si nécessaire, un plan d'action de gestion de crise. Cet outil pourrait permettre d'assurer un contrôle permanent sur ces systèmes et d'identifier, le plus tôt possible, des écarts en matière de protection, des besoins de partage de responsabilité et de solidarité au sein de l'UE.
    29. La CNCDH ne peut que regretter la nature non contraignante de ce mécanisme qui laisse les Etats libres de mettre en place un plan d'action pour répondre à ces problèmes. Le potentiel de ce dispositif est incontestable, mais son impact demeure en pratique incertain.


    Garantir les droits des demandeurs en procédure prioritaire


    30. A ce jour, ce sont les préfectures qui orientent les procédures d'asile vers la voie normale ou accélérée, ce qui n'apparaît guère compatible avec le traitement des demandes d'asile dont l'examen du bien-fondé devrait relever de la seule compétence de l'autorité mentionnée plus haut. En effet, l'autorité préfectorale, davantage guidée par une logique de contrôle plutôt que de protection des demandeurs, fait un usage excessif de la procédure accélérée, sous le contrôle du ministère de l'intérieur. En 2012, ce sont 14 796 personnes, soit 31,2 % des demandeurs d'asile, qui ont ainsi été placées en procédure accélérée aux motifs qu'elles étaient originaires d'un pays considéré comme sûr, que leur présence constituait une menace grave pour la sécurité nationale ou l'ordre public, ou bien que leur demande d'asile reposait sur une fraude ou constituait un recours abusif ou dilatoire aux procédures d'asile. Or la directive « Procédures » étend encore les possibilités de recours à cette procédure, qui comprend désormais sept motifs de placement en procédure accélérée.
    31. S'agissant de celui tenant à la provenance du demandeur d'un pays d'origine sûr, qui constitue en pratique le principal motif de placement en procédure prioritaire, la CNCDH regrette que les listes nationales de pays d'origine sûrs n'aient pas été supprimées (article 37), alors même qu'elles avaient fait l'objet de critiques du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (38). Au-delà de leur volatilité (39), les listes des pays sûrs ne sont pas identiques dans tous les Etats membres (40). Non dépourvue d'incidence sur le traitement de la demande, tant du point de vue procédural que du fond, leur utilisation peut ajouter à l'inégalité de traitement qui frappe les demandeurs d'asile sollicitant une protection sur le territoire de l'UE en fonction de l'Etat responsable de l'examen de leur demande.
    32. Pour la CNCDH, la directive « Procédures » n'apporte pas de garanties pour désigner avec « sûreté » les pays d'origine sûrs, comme d'ailleurs les « pays tiers sûrs » ou les « pays européens sûrs » et donner le minimum de cohérence attendue dans le cadre d'un régime d'asile européen. Le renoncement de l'UE à établir une liste européenne ne fait que confirmer l'absence de pertinence du motif relatif au pays d'origine sûr.
    33. La CNCDH se voit donc une nouvelle fois conduite à rappeler sa ferme opposition à cette notion.
    34. Pour ce qui est des autres motifs du placement en procédure accélérée définis à l'article 31.8 de la directive « Procédures », plusieurs d'entre eux relèvent des mérites intrinsèques d'une demande de protection internationale et doivent impérativement échapper à un examen par l'autorité préfectorale, dans la mesure où elles constituent une prédétermination de la qualité de réfugié. Il en est ainsi notamment des déclarations « peu plausibles qui contredisent des informations suffisamment vérifiées sur le pays d'origine, ce qui rend sa demande visiblement peu convaincante ».
    35. Pour la CNCDH, confier à la seule autorité responsable de la détermination le soin d'orienter la procédure permettrait de remédier durablement aux difficultés précédemment évoquées, de rendre l'ensemble cohérent en offrant aux requérants un parcours lisible et sécurisé juridiquement.


    II. ― Le droit au traitement équitable de la demande d'asile
    A. ― Garantir une aide lors du dépôt de la demande d'asile


    36. En France, les articles R. 723-1 et suivants du CESEDA prévoient que les personnes doivent déposer leur demande d'asile, par écrit, à l'aide d'un formulaire remis par les services préfectoraux, à remplir en français et à adresser à l'OFPRA dans un délai de vingt et un jours, ou à remettre en préfecture sous quinze jours en cas de mise en œuvre de la procédure accélérée prévue aux articles L. 741-4 et suivants du CESEDA.
    37. Le renseignement en français d'un formulaire et la rédaction, en français également, de l'exposé des motifs d'une demande d'asile constituent sans nul doute un obstacle pour les personnes qui ne sont pas francophones ou pour celles qui l'étant ne sont pas en mesure de formuler par écrit les informations demandées. Cela pousse ces personnes à rechercher de l'aide auprès de proches, de connaissances, de tiers ou d'associations. Au-delà de la transcription des informations, c'est bien la question de la compréhension de la logique de la procédure d'asile qui se pose ainsi que la capacité à exprimer des craintes de persécutions alliant à la fois considérations subjectives et descriptions objectives. A ce stade, la préparation de la demande d'asile qui sera introduite joue un rôle important, et parfois déterminant, sur l'issue de la procédure.
    38. Dans cette perspective, les conditions doivent être réunies pour que, lors du dépôt d'une demande d'asile, l'intéressé puisse bénéficier d'une information et d'une aide effectives, afin de bien saisir tous les enjeux de la procédure d'asile et du système juridique sur lequel elle repose.
    39. Actuellement, ce sont les plates-formes d'accueil pour demandeurs d'asile (PADA) qui ont notamment pour mission d'apporter leur aide aux demandeurs d'asile devant saisir l'OFPRA (41). Elles ne peuvent pas toujours mener à bien cette mission, en raison de contraintes budgétaires et d'une surcharge d'activité liée à l'accroissement de la demande d'asile depuis 2008 (42) . Ce sont donc trop souvent les organisations non gouvernementales qui sont sollicitées pour assurer l'aide à la rédaction des demandes d'asile et qui sont elles-mêmes débordées (43). Cet état de fait conduit à ce que seul un faible pourcentage de personnes a réellement accès à une aide de qualité lors du dépôt de leur demande d'asile.
    40. Pourtant, la CNCDH rappelle que la directive « Procédures » refondue fait, comme en 2004, obligation aux Etats d'informer les demandeurs d'asile dans une langue qu'ils comprennent ou dont il est raisonnable de supposer qu'ils la comprennent, de la procédure à suivre et des droits et obligations au cours de la procédure, de leur communiquer ces informations « à temps » pour leur permettre d'exercer les droits garantis par la directive et de bénéficier d'un interprète de manière à pouvoir soumettre leurs arguments aux autorités en charge de l'examen de leur demande (article 12.1, a et b). Il importe donc que ces garanties soient effectivement mises en œuvre.


    B. ― Améliorer l'examen de la demande d'asile
    Renforcer la qualité des auditions


    41. L'article 14 de la directive « Procédures » consacre le principe d'un entretien individuel au cours de la procédure consécutive au dépôt de la demande d'asile. Les motifs de dérogation à la conduite d'une audition personnelle sont limités ; seuls sont maintenus les cas de décisions positives manifestes et les raisons liées à la santé du demandeur (article 14.2). De son côté, le juge administratif fait de cet entretien une garantie de la procédure d'asile, dont la violation « eu égard à son caractère essentiel et à sa portée » entache d'illégalité la décision de l'OFPRA (44). En France, si les auditions sont déjà quasi systématiques en procédure normale et en procédure prioritaire, ce principe doit également être mis en œuvre dans le cadre des procédures de réexamen où le taux de convocation n'était que de 7 % en 2012.
    42. Si le requérant en fait la demande, les auditions doivent, dans la mesure du possible, être menées par un agent du même sexe et avec l'aide d'un interprète du même sexe (article 15.3, b et c). Si cette possibilité est déjà offerte en pratique aux personnes déposant leur demande d'asile en France, la CNCDH estime qu'il est nécessaire de la consacrer dans le CESEDA en prévoyant que les intéressés en soient informés.
    43. En vertu de l'article 16 de la directive « Procédures », le demandeur doit avoir, lors de l'entretien sur le fond, « la possibilité concrète » de présenter les éléments nécessaires pour étayer sa demande « de manière aussi complète que possible », ce qui inclut la possibilité d'expliquer des éléments qui pourraient manquer et/ou toute incohérence ou contradiction dans les déclarations. Ce nouvel article devrait permettre de renforcer la qualité des auditions et donc des décisions. Il introduit l'idée que l'audition doit être un échange constructif entre le demandeur d'asile, dont le rôle est central, et la personne en charge de l'examen de sa situation.
    44. Au regard de ce qui précède, la CNCDH recommande que soit engagée une réflexion sur la mise en œuvre des méthodes d'entretien privilégiant notamment les questions ouvertes (45).


    Renforcer la qualité du compte rendu d'audition


    45. Le compte rendu d'entretien constitue une pièce essentielle du dossier, puisque l'audition fonde dans une large mesure la décision prise par l'OFPRA. A cet égard, la directive « Procédures » introduit un certain nombre de garanties. Pour chaque audition, les Etats doivent établir un rapport « détaillé et factuel » ou une retranscription (article 17.1) ou prévoir un enregistrement audio voire audiovisuel (article 17.2). Avant qu'une décision ne soit prise, le demandeur doit avoir la possibilité de faire des commentaires et/ou d'apporter des précisions, oralement et/ou par écrit, concernant toute erreur de traduction ou tout malentendu dans le rapport ou la retranscription ; il doit ensuite confirmer que le contenu du rapport ou de la retranscription reflète correctement l'audition (article 17.3) (46). A noter qu'un refus de confirmation n'empêchera pas la prise de décision mais les motifs de ce refus seront inscrits dans le dossier du demandeur.
    46. Par ailleurs, le demandeur et son conseil juridique doivent avoir accès avant la prise de décision au rapport, à la retranscription ou à l'enregistrement (article 17.5) ainsi qu'aux informations (47) sur lesquelles s'est fondé l'agent en charge de l'examen de la demande.
    47. Pour la CNCDH, le principe du contradictoire commande que ces garanties soient introduites au plus vite dans le CESEDA qui est à ce jour silencieux quant aux modalités de rédaction du rapport d'audition.


    Garantir la présence d'un conseil lors de l'entretien


    48. A ce jour, le CESEDA ne prévoit pas la présence d'un conseil lors de l'audition menée par l'agent de l'OFPRA. La directive « Procédures » va entraîner un réel bouleversement des pratiques en prévoyant que les Etats sont tenus d'autoriser un demandeur à se présenter à l'entretien personnel accompagné d'un conseil juridique ou d'un autre conseiller (article 23.3). Ils peuvent toutefois choisir de limiter l'intervention de ce dernier à la fin de l'entretien (alinéa 3).
    49. La CNCDH entend rappeler que la présence d'un conseil garantit un déroulement contradictoire et transparent de l'entretien individuel dont la qualité ne pourra qu'en être améliorée.


    Réduire la durée de la procédure


    50. L'article 31.2 de la directive « Procédures » consacre le principe du délai raisonnable de la procédure d'asile en posant que les Etats membres veillent à ce que la procédure d'examen soit menée à terme dans les meilleurs délais, sans préjudice d'un examen approprié et exhaustif. Aux termes de l'article 31.3, les Etats membres veillent à ce que l'examen de la demande d'asile soit mené à terme dans les six mois à compter de l'introduction de la demande. Les Etats ont cependant la possibilité de prolonger ce délai jusqu'à dix-huit mois (article 31.5) (48), voire vingt et un mois en cas de gel (article 31.4).
    51. Le nombre et le manque de précision de ces dérogations laissent aux Etats membres une grande marge d'interprétation et de gestion des délais de procédure. La CNCDH entend rappeler que les délais mentionnés dans la directive indiquent des durées maximales et que la procédure d'asile devant l'OFPRA doit être impérativement encadrée dans un délai de six mois (49).
    52. Si les mesures d'amélioration de la qualité de la procédure menée devant l'OFPRA devaient être rapidement mises en œuvre, la phase contentieuse serait moins fréquente. A ce jour, le délai moyen de la procédure devant la Cour nationale du droit d'asile est de neuf mois. Il n'est donc pas inconcevable d'envisager à court terme une réduction à six mois du délai relatif à cette dernière phase (50). D'après le rapport rendu par les sénateurs Bernard-Reymond et Frécon en octobre 2010, ramener le délai d'examen des recours par la Cour nationale du droit d'asile à six mois permettrait de réaliser une économie totale de 97,5 millions d'euros (51).
    53. La CNCDH rappelle toutefois que la réduction des délais de procédure devant l'OFPRA comme devant la Cour nationale du droit d'asile ne saurait dispenser du respect des garanties procédurales et que la France a fait l'objet d'une condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme pour n'avoir pas permis à un demandeur d'asile, placé en procédure prioritaire et retenu, de faire valoir le bien-fondé de ses griefs du fait notamment du « traitement extrêmement rapide, voire sommaire de sa demande par l'OFPRA » et du « caractère extrêmement bref du délai de quarante-huit heures » qui lui a été imparti pour préparer son recours (52).
    54. La CNCDH s'étonne par ailleurs de la possibilité offerte aux Etats de geler le traitement des demandes au vu « d'une situation incertaine dans le pays d'origine qui devrait être temporaire » (article 31.4 directive « Procédures »). Outre le caractère vague et précisément incertain du critère d'un tel gel, de la durée potentielle de celui-ci (jusqu'à vingt et un mois à partir de l'introduction de la demande), il n'est assorti d'aucune autre garantie pour le demandeur qu'une « information, dans un délai raisonnable, des raisons du report ».


    Garantir un recours suspensif de plein droit
    dans l'ensemble des procédures relatives à l'asile


    55. Les dispositions de la nouvelle directive « Procédures » (article 46-5) posent le principe selon lequel les Etats membres autorisent les demandeurs d'asile à rester sur leur territoire jusqu'à l'expiration du délai d'introduction d'un recours et, si ce dernier a été formé, jusqu'à son issue. Une série d'exceptions limitent cependant ce droit. Dans ces hypothèses, une juridiction doit décider du caractère suspensif du recours, soit d'office, soit en étant saisie de cette question par un demandeur d'asile (article 46.6 et s.). Dans les deux cas, l'intervention de la juridiction n'est prévue par la directive que si la décision de rejet de la demande d'asile « a pour conséquence de mettre un terme au droit du demandeur de rester sur le territoire de l'Etat membre » (article 46.6 in fine). C'est le cas en France, puisque la décision de l'OFPRA met un terme au droit de se maintenir sur le territoire pour les demandeurs d'asile dont la demande est examinée en procédure prioritaire.
    56. A ce jour, le seul recours suspensif dont disposent les demandeurs d'asile sur le territoire français est celui disponible devant le juge de la reconduite à la frontière qui est chargé de contrôler la légalité de la mesure d'éloignement (obligation de quitter le territoire français) et d'en vérifier notamment la compatibilité avec les articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (article L. 213-9 du CESEDA). Le recours devant la Cour nationale du droit d'asile dans le cadre de la procédure normale n'est quant à lui pas directement suspensif (53), même si l'étranger débouté de sa demande ne peut être reconduit à la frontière dans la mesure où il bénéficie d'un droit au séjour provisoire jusqu'à la décision de la cour. Mais surtout, les recours formés par les demandeurs en procédure prioritaire ne sont pas suspensifs (54). Il en est de même des recours formés contre la décision de transfert prise en application du règlement Dublin.
    57. La condamnation du caractère non suspensif de ces recours par les deux cours européennes (55) impose une réforme à laquelle invitent la directive « Procédures » et le règlement « Dublin III » (56).
    58. Dans ces conditions, la CNCDH ne peut qu'une nouvelle fois rappeler qu'il est impératif d'instituer un recours suspensif de plein droit dans le cadre de l'ensemble des procédures d'asile. Il va de soi que la personne concernée doit pouvoir exercer son recours dans un « délai raisonnable », ce qui implique la définition légale d'un délai suffisant pour préparer une argumentation. Un délai trop bref mettrait en cause l'effectivité même du recours (57).


    C. Garantir le respect de la confidentialité


    59. Le nouveau règlement « Eurodac » permet aux services de police et de renseignement nationaux d'accéder à la base de données Eurodac au nom de la lutte contre le terrorisme et la grande criminalité. Ils sont ainsi autorisés à comparer les données dactyloscopiques avec celles conservées dans le système central « à des fins répressives » (article 1.2).
    60. Ces nouvelles dispositions, qui établissent un lien direct entre immigration et criminalité, dévoient la finalité originelle d'Eurodac, qui doit se cantonner à demeurer un système informatisé permettant la comparaison des empreintes digitales dans le seul et unique but de déterminer l'Etat membre responsable de la demande de protection internationale.
    61. La CNCDH ne peut que s'inquiéter de cette évolution qui caractérise une violation de la confidentialité des éléments relatifs à une demande d'asile, garantie essentielle du droit d'asile, comme l'a justement rappelé le Conseil constitutionnel en censurant la possibilité d'accès d'agents des services du ministère de l'intérieur et de la gendarmerie nationale à la base de données d'empreintes digitales gérée par l'OFPRA (58), de même que le Conseil d'Etat (59). En effet, toute atteinte portée à la confidentialité des éléments relatifs à la demande d'asile est de nature à mettre en danger la personne qui demande une protection internationale.


    III. - La garantie du droit à la liberté individuelle


    62. Lors de la refonte de la directive « Accueil », la Commission européenne a estimé nécessaire d'encadrer l'usage extensif de la rétention (60) par les Etats membres, en s'appuyant sur la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, « afin d'éviter qu'elle ne soit arbitraire et de garantir le respect des droits fondamentaux dans tous les cas » (61).
    63. L'objectif des dispositions de la directive « Accueil » est moins d'instaurer ― et donc de justifier ― la privation de liberté des demandeurs d'asile que de limiter les abus observés dans nombre d'Etats membres. Ces textes ne fixent donc pas un objectif à atteindre mais une limite à ne pas dépasser.
    64. Le Gouvernement français ne devrait en aucun cas arguer de la nécessité d'opérer la transposition des textes européens dans la législation nationale pour réduire la garantie des droits des demandeurs d'asile, notamment par une extension des circonstances de placement en rétention.
    65. Il devrait davantage s'appliquer à rendre effective la jurisprudence issue la Cour européenne des droits de l'homme qui, de façon réitérée, constate la violation par la France de l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme (droit à un recours effectif), combiné avec les articles 3 (62) ou 5.


    A. ― Encadrer strictement les motifs du placement en rétention


    66. A titre liminaire, la CNCDH tient à souligner que la possibilité laissée aux Etats membres et la pratique d'un certain nombre d'entre eux de recourir à la rétention des demandeurs d'asile ainsi que le risque de pérennisation en Europe d'un tel système d'internement administratif ne sauraient être considérés comme satisfaisants au regard des droits de l'homme. La référence à cette solution dans les directives n'interdit nullement à la France, comme aux autres pays, de considérer la rétention comme un pis-aller et de rechercher avec persévérance les moyens permettant de ne pas y recourir. Et ce d'autant que la directive « Accueil » ouvre seulement la possibilité aux Etats d'y recourir et subordonne sa mise en œuvre à un principe de nécessité de la mesure privative de liberté et d'individualisation de son prononcé (article 8.2) (63).
    67. Elle regrette cependant que la directive « Accueil » se borne à affirmer la subsidiarité du placement en rétention, sans définir les mesures moins coercitives pouvant être efficacement appliquées (64). Cette omission ne doit pas dissuader la France de poursuivre dans cette voie.
    68. Quant aux motifs du placement en rétention, l'article 8.1 de la directive « Accueil » rappelle utilement que les Etats membres ne peuvent placer une personne en rétention pour la seule raison qu'elle demande une protection internationale. Cette même disposition énumère ensuite de manière limitative les motifs du placement en rétention à l'article 8.3 (65).
    69. La CNCDH relève toutefois que le caractère vague des motifs et la marge d'appréciation laissée aux Etats membres pourraient conduire à un placement en rétention quasi systématique des demandeurs d'asile. Elle ne peut donc que s'inquiéter de la banalisation de la privation de liberté par les dispositions de l'article 8.3 de la directive « Accueil ». Ces dernières ne sauraient servir de fondement pour ériger en principe le placement en rétention des demandeurs d'asile, celui-ci devant impérativement demeurer exceptionnel.
    70. Plus précisément, il est difficilement concevable que la recherche des éléments sur lesquels se fonde la demande de protection internationale puisse justifier un placement en rétention (y compris en cas de risque de fuite), car un tel motif conduit l'autorité chargée de ce placement à préjuger du fond. On ne peut également que déplorer qu'une personne puisse subir le même sort, au prétexte de n'avoir pu fournir les documents justifiant de son identité ou de sa nationalité. Il s'agit là d'une entorse au principe selon lequel les demandeurs d'asile sont dispensés de présenter les documents dont doivent être munis les étrangers pour entrer sur le territoire (66). En effet, les demandeurs d'asile peuvent être dans l'impossibilité de se procurer ces documents avant leur fuite. Ainsi, le tableau des motifs pouvant justifier un placement en rétention s'appuie sur une vision particulièrement négative des demandeurs d'asile en recherche de protection, faisant peser sur eux une suspicion systématique de fraude.
    71. Par ailleurs, le règlement « Dublin III » pose le principe selon lequel une personne ne peut être placée en rétention au seul motif qu'elle fait l'objet d'une procédure Dublin (article 28.1). Mais il autorise la rétention en cas de « risque non négligeable de fuite », sur la base d'une évaluation individuelle et « dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées » (article 28.2).
    72. La CNCDH relève que le risque non négligeable de fuite est une notion large qui laisse aux Etats une grande marge d'appréciation permettant, le cas échéant, un placement en rétention systématique des personnes faisant l'objet d'une « procédure Dublin ». Elle invite donc le législateur :
    ― à définir de manière précise et limitative les critères objectifs permettant de caractériser le risque de fuite comme notamment le fait de ne pas se présenter à plusieurs reprises aux autorités, de persister à ne pas leur remettre de documents ou à ne pas les informer d'un déplacement ou d'un changement d'adresse ;
    ― à rappeler qu'un risque « non négligeable » de fuite ne pourra découler que d'un faisceau de circonstances particulières établissant avec certitude que l'intéressé à l'intention de se soustraire de manière systématique aux autorités dans le seul but de faire obstacle à une mesure d'éloignement (67).


    B. ― Garantir l'intervention de l'autorité judicaire dans un délai très court


    73. Le placement d'un demandeur d'asile dans un lieu de privation de liberté doit satisfaire aux exigences de l'article 66 de la Constitution qui impose au législateur de prévoir, selon les modalités appropriées, l'intervention de l'autorité judiciaire pour que celle-ci exerce la responsabilité et le pouvoir de contrôle qui lui reviennent (68). Il s'agit là d'une garantie fondamentale de la liberté individuelle visant à éviter « un internement arbitraire » (69). Sur le fondement de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, la Cour de Strasbourg partage la même analyse (70). Le respect du droit à la sûreté, c'est-à-dire le droit de ne pas être privé arbitrairement de sa liberté, qui constitue le premier droit de l'homme, impose donc une garantie judiciaire. Le contrôle du juge judicaire doit intervenir « dans le plus court délai possible » (71) ou « dans les meilleurs délais » (72). Sur ce point l'article 9.3 de la directive « Accueil » prévoit le principe d'un contrôle juridictionnel accéléré de la légalité du placement en rétention (73), le délai d'intervention du juge devant être défini par le droit national. Un contrôle doit également être assuré « à intervalles réguliers » en cas de prolongation de la rétention.
    74. A cet égard, la CNCDH rappelle que le Conseil constitutionnel a jugé qu'il est satisfait à l'exigence de brièveté du délai par un délai de 48 heures, mais non par un délai de sept jours (74), marquant bien le caractère dérogatoire de cette mesure au regard du principe général de contrôle judiciaire de toute privation de liberté. C'est pourquoi, la CNCDH recommande une nouvelle fois que le contrôle du juge judicaire intervienne au plus tard à l'issue de 48 heures de rétention (75).


    C. ― Encadrer la durée de la rétention


    75. La durée de la rétention n'est pas clairement encadrée dans la directive « Accueil ». L'article 9.1 se contente de prévoir qu'elle doit être « la plus brève possible », sans fixer un délai butoir. Par ailleurs, l'article 8.3 (c) autorise le placement en rétention « pour statuer, dans le cadre d'une procédure, sur le droit du demandeur d'entrer sur le territoire », alors que l'article 43.2 de la directive « Procédures » relatif aux procédures à la frontière prévoit que « si aucune décision n'a été prise dans un délai de quatre semaines, le demandeur se voit accorder le droit d'entrer sur le territoire ». La combinaison de ces deux textes conduit à autoriser le placement en rétention des demandeurs d'asile pendant quatre semaines, dès lors qu'ils font l'objet d'une procédure à la frontière.
    76. La CNCDH entend souligner que ce délai de quatre semaines est un délai maximal et que les Etats peuvent prévoir des délais plus brefs (76).
    77. De son côté, l'article 28.3 du règlement « Dublin III » précise certes que le placement en rétention aux fins de transfert est « d'une durée aussi brève que possible », mais les délais de dépôt de la demande de prise/reprise en charge en rétention (un mois), puis les délais de réponse de l'Etat membre (deux semaines) et de transfert (six semaines) autorisent une durée maximale de rétention de trois mois (article 28.3).
    78. Au regard de ce qui précède, il est impératif que le législateur définisse des durées maximales de privation de liberté (77).


    D. ― Améliorer les garanties procédurales offertes aux demandeurs placés en rétention


    79. Les motifs de la décision de placement, les procédures de recours contre la décision ainsi que la possibilité de demander l'assistance juridique et une représentation gratuites sont notifiés aux demandeurs d'asile par écrit et « dans une langue qu'ils comprennent ou dont on peut raisonnablement supposer qu'ils la comprennent » (article 9.4 de la directive « Accueil »).
    80. A cet égard, la CNCDH entend souligner que l'exigence d'effectivité des droits ne peut se satisfaire d'une présomption de compréhension de la langue. Les autorités en charge de la notification des droits aux demandeurs d'asile ont l'obligation de s'assurer qu'ils comprennent l'information qui leur est délivrée dans son intégralité.


    E. ― Encadrer strictement les conditions matérielles de la rétention


    81. Outre les conditions matérielles, telles que l'organisation des espaces, la séparation théorique entre demandeurs d'asile et retenus autres, ressortissants de pays tiers, la directive « Accueil » précise que les « retenus » doivent pouvoir recevoir la visite des membres de leur famille, des conseils ou des représentants d'ONG (article 10.4). Des restrictions sont néanmoins envisageables « lorsqu'en vertu du droit national, elles sont objectivement nécessaires à la sécurité, l'ordre public ou la gestion administrative du centre de rétention, pour autant que ledit accès n'en soit pas alors considérablement restreint ou rendu impossible » (article 10.4 in fine).
    82. La CNCDH relève que le caractère vague de ces motifs confère aux Etats une marge d'appréciation pouvant conduire à des restrictions systématiques des droits des demandeurs d'asile placés en zone d'attente ou en rétention administrative. Elle recommande dans ces conditions que les ingérences de l'Etat dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale des demandeurs d'asile soient strictement encadrées par la loi conformément aux exigences de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
    83. Par ailleurs, les Etats membres doivent veiller « à ce que des personnes représentant le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) aient la possibilité de communiquer avec les demandeurs et de leur rendre visite dans des conditions compatibles avec le respect de la vie privée. Cette possibilité s'applique également à toute organisation agissant au nom du HCR sur le territoire de l'Etat membre concerné en vertu d'un accord conclu avec ce dernier » (article 10.3 de la directive « Accueil »).


    IV. - Le droit à des conditions matérielles d'accueil


    84. La première phase d'harmonisation du droit d'asile n'a pas eu l'impact espéré sur les fortes divergences entre les systèmes européens dans la mesure où les Etats membres n'ont pas respecté leurs obligations découlant de la directive de 2003 sur les conditions d'accueil qui laissait une marge d'appréciation trop large aux autorités étatiques. Il est à craindre que la refonte du texte, adoptée le 26 juin 2013, ne règle pas en profondeur cette question.
    85. A ce jour, le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile en France est source de fortes inégalités. Ceux placés en procédure prioritaire, soit près d'un tiers de la demande globale en 2012, et ceux placés en procédure Dublin, invisibles des statistiques de l'asile, ne bénéficient pas encore des mêmes droits économiques et sociaux.
    86. Après la décision de la Cour de justice de l'Union européenne faisant obligation aux Etats d'accorder des conditions minimales d'accueil aux demandeurs d'asile placés en procédure Dublin (78), la nouvelle directive « Accueil » indique s'appliquer « à tous les stades et tous les types de procédures relatives aux demandes de protection internationale », sans distinguer entre les différentes catégories de demandes d'asile (article 17.1).
    87. La France doit dès lors, pour se conformer aux exigences de cette directive, proposer des conditions matérielles d'accueil dignes à toutes les personnes qui sollicitent une protection internationale. L'alignement devra se faire sur les standards les plus protecteurs, les Etats pouvant adopter ou maintenir des conditions plus favorables que celles prévues par le droit de l'Union.
    88. La CNCDH rappelle à cet égard que les conditions matérielles d'accueil ne sauraient constituer une variable d'ajustement à la disposition des autorités pour dissuader les étrangers ayant des craintes de persécution de demander une protection internationale en France.


    A. ― Améliorer l'accueil, l'hébergement et l'accompagnement


    89. Le dispositif national d'accueil (DNA) crée des inégalités de traitement en raison de sa sous-dotation structurelle. Ce dispositif comprend aujourd'hui environ 22 000 places d'accueil en centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) mais ne permet la prise en charge annuelle que de 13 000 nouvelles personnes par an. Les autres demandeurs d'asile se reportent sur l'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile (HUDA), l'hébergement social de droit commun, les dispositifs de solidarité des collectivités locales ou la solidarité de proches.
    90. Ce système à double vitesse est un facteur de précarisation d'une partie des demandeurs d'asile, alors que l'allocation temporaire d'attente (ATA) ne permet pas de couvrir leurs besoins élémentaires et compromet les perspectives d'intégration de ceux qui seront autorisés à demeurer sur le territoire.
    91. Ce système est également une aberration financière puisque le dispositif CADA coûte finalement moins cher que les HUDA, l'ATA et les plates-formes réunis. Une telle gestion à court terme a pour conséquence de confier l'hébergement à des dispositifs plus onéreux, moins adaptés et n'incluant pas d'accompagnement, alors que le total des crédits alloués aux dispositifs d'urgence et aux CADA permettrait aisément un hébergement de tous ceux qui le souhaitent en CADA.
    92. Enfin, il est surtout source d'inégalités en termes d'accès à une protection internationale. Ainsi, les demandeurs d'asile hébergés en CADA y bénéficient d'un accompagnement social, administratif et juridique et ont plus de chance d'être placés sous la protection de la France. Par conséquent, si les directives s'y intéressent peu, la question d'une assistance sociale, administrative et juridique de qualité et indépendante ne peut être détachée de celle de l'accueil et de l'hébergement.
    93. En tout état de cause, toute réforme du dispositif national d'accueil doit poursuivre l'objectif du 11e considérant de la directive « Accueil », en adoptant des normes qui garantissent aux demandeurs d'asile un niveau de vie digne.
    94. La CNCDH souhaite ainsi que l'objectif d'optimisation de la prise en charge des demandeurs d'asile dans les CADA soit privilégié pour répondre à l'augmentation de la demande d'asile et que de nouvelles places soient créées (79). Par ailleurs, il est impératif que les missions d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile comprennent un accompagnement administratif, social et juridique.


    B. ― Réévaluer l'allocation temporaire d'attente (ATA)


    95. Il ressort de plusieurs décisions de juges nationaux (80) et européens (81) que tous les demandeurs d'asile, sans distinction, doivent pouvoir bénéficier de cette allocation. L'article 17.1 de la directive « Accueil » dispose que : « Les Etats membres font en sorte que les demandeurs aient accès aux conditions matérielles d'accueil lorsqu'ils présentent une demande de protection internationale », sans distinguer entre les différentes catégories de demandeurs.
    96. Dans ces conditions, la CNCDH ne peut que regretter que les mineurs ne puissent toujours pas à ce jour accéder à l'ATA. Il est donc nécessaire de supprimer la condition de majorité prévue aux articles L. 5423-8 et suivants du code du travail.
    97. Par ailleurs, l'article 17.5 de la directive « Accueil » prévoit que lorsque des Etats octroient les conditions matérielles d'accueil sous forme d'allocations financières, le montant de celles-ci est fixé en fonction du niveau établi dans l'Etat membre pour garantir un niveau de vie adéquat à ses ressortissants.
    98. Comme le Conseil d'Etat l'a souligné à de multiples reprises (82), le montant de l'ATA est insuffisant (83) et ne permet pas de survivre en l'absence d'hébergement. Il doit donc être impérativement réévalué et prendre en compte la composition familiale.


    C. ― Garantir la liberté de choix du lieu de résidence


    99. La directive « Accueil » offre aux Etats la possibilité de limiter la liberté de circulation des demandeurs d'asile au sein d'un pays et de leur imposer une obligation de résidence dans un lieu déterminé, d'en sanctionner la violation par la privation des conditions matérielles d'accueil et de soumettre à autorisation provisoire le droit de quitter le lieu de résidence qui leur est imparti (article 7.2 et suivants).
    100. Confronté à la concentration de la demande d'asile en Ile-de-France, l'Etat est d'ores et déjà tenté de procéder à une répartition obligatoire des demandeurs d'asile sur le territoire national (84). La CNCDH rappelle à cet égard que ce système ne saurait s'envisager que si un hébergement et un accompagnement adaptés sont prévus pour tous dès le début de la procédure. Elle relève en outre que le libre choix du lieu de résidence est déjà contraint dès lors qu'en cas de refus du demandeur d'asile d'être pris en charge en CADA, celui-ci perd le bénéfice de l'ATA. Or, le constat d'une mauvaise répartition résulte avant tout de la pénurie de places en CADA et de l'absence de solidarité nationale, auxquelles il doit être remédié.
    101. Quand bien même les dispositions précitées de la directive « Accueil » ne constituent qu'une possibilité offerte aux Etats, elles constituent pour la CNCDH un objet de vive inquiétude dans la mesure où elles autorisent à mettre en place un système de contrôle des demandeurs d'asile s'apparentant à un régime d'assignation à résidence.
    102. Aussi la CNCDH tient à rappeler son opposition de principe à un contrôle des demandeurs d'asile méconnaissant le fait qu'ils n'exercent que leur droit fondamental de demander l'asile. Elle confirme en outre son profond attachement au libre choix de leur mode d'hébergement par les demandeurs d'asile, étant entendu que l'exercice de cette liberté de choix ne saurait nuire au bénéfice des autres conditions d'accueil, et notamment à l'octroi d'une allocation et à l'accompagnement du demandeur d'asile.


    D. ― Renforcer l'accès aux droits sociaux


    103. L'effectivité et la rapidité d'accès à ces droits doivent être renforcées. Les demandeurs d'asile attendent souvent très longtemps pour pouvoir en bénéficier soit en raison des difficultés d'accès à la procédure d'asile, soit à cause de « tracasseries administratives » injustifiées ou contraires à la réglementation.
    104. L'article 15.1 de la directive « Accueil » invite les Etats à veiller à ce que les demandeurs d'asile aient accès au marché du travail dans un délai maximum de neuf mois à compter de la date d'introduction de leur demande de protection internationale. Si les Etats sont habilités à décider les conditions dans lesquelles l'accès au marché du travail leur est octroyé, l'accès effectif à ce marché doit néanmoins être garanti (article 15.2). La possibilité d'accorder la priorité aux citoyens de l'Union, aux ressortissants de l'espace économique européen ainsi qu'aux ressortissants de pays tiers en séjour régulier « pour des motifs liés à leur politique de marché du travail » est toutefois consacrée à l'article 15.2 et déjà mise en œuvre par le code du travail.
    105. Pour la CNCDH, il est de l'intérêt de tous de permettre l'accès au marché de l'emploi dans la mesure où il s'agit d'un facteur d'autonomisation des demandeurs d'asile. Cet accès devrait être ouvert à tout demandeur d'asile après le dépôt de sa demande. Par ailleurs, l'accès aux dispositifs de formation professionnelle et d'apprentissage de la langue française devrait être possible dès que le demandeur est autorisé à séjourner sur le territoire français. Cela permettra d'accélérer l'intégration de ceux qui se verront reconnaître une protection internationale.
    106. L'accès aux soins médicaux est également prévu par la directive « Accueil » comme faisant partie des garanties minimales devant être fournies aux demandeurs d'asile (article 15).
    107. La CNCDH recommande une augmentation des moyens alloués aux CADA pour répondre aux besoins médicaux et paramédicaux des demandeurs d'asile.
    108. A ce jour, les accès à l'assurance maladie et à la CMU complémentaire (CMU/C) supposent la régularité du séjour (articles L. 380-1 et R. 380-1 du code de la sécurité sociale). Un dispositif est néanmoins réservé aux étrangers ne remplissant pas cette condition : il s'agit de l'aide médicale d'Etat (AME) réglementée dans le code de l'action sociale et de la famille (articles L. 251-1 et suivants du CASF) et dont l'accès est conditionné à une ancienneté de présence en France de trois mois ; condition écartée pour les mineurs par le Conseil d'Etat (85).
    109. La spécificité du droit d'asile ne paraît pas compatible avec la condition d'ancienneté de présence en France pour le bénéfice de l'aide médicale d'Etat. La CNCDH rappelle que les obligations définies à l'article 19 de la directive « Accueil » n'imposent que des obligations minimales (86) et que tous les demandeurs d'asile doivent pouvoir être affiliés au régime général de l'assurance maladie et bénéficier de la CMU complémentaire (87).


    V. - Le droit à la prise en compte de l'état de vulnérabilité


    110. La vulnérabilité est reconnue comme un trait général de la condition humaine imposant une obligation de solidarité en réponse aux situations de grande fragilité (physique, mentale, économique, humanitaire, etc.) au nom du bien-être de tous les individus (88).
    111. L'article 11 de la directive « Accueil » permet pourtant le placement en rétention de personnes vulnérables. A ce sujet, la directive reprend à son compte un certain nombre de principes concernant les femmes, les familles, les personnes dont l'état de santé nécessite un suivi ou un soutien particulier. Les problèmes de « santé mentale » ne constituent pas une circonstance d'exonération à cette mesure privative de liberté (article 11.1). La CNCDH ayant réitéré ses réserves à l'égard de la pérennisation en Europe d'un système d'internement administratif pour les demandeurs d'asiles, celles-ci valent, à plus forte raison, pour les personnes vulnérables.
    112. S'agissant des mineurs, l'approche est encore plus préoccupante, puisque la directive « Accueil » n'exclut pas la possibilité de leur placement en rétention, même s'il est rendu exceptionnel (articles 11.2 et 11.3). A cet égard, la CNCDH ne peut que réitérer sa ferme opposition au placement des mineurs en rétention, opposition qui est fondée sur « l'intérêt supérieur de l'enfant ».
    113. Par ailleurs, la directive « Accueil » instaure une évaluation des besoins particuliers en matière d'accueil des personnes vulnérables (article 22). Si la CNCDH se félicite de voir prise en compte la situation des personnes vulnérables, cette évaluation, qui est présentée comme l'une des pierres angulaires du régime d'asile européen commun, ne doit en aucun cas se faire au détriment des demandeurs d'asile ne présentant pas les vulnérabilités décrites dans les directives (89) : l'évaluation de la « vulnérabilité » ne doit pas être un motif d'exclusion d'un accompagnement ou d'une prise en charge. Elle rappelle à cet égard que l'ensemble des demandeurs d'asile a le droit de bénéficier de conditions matérielles d'accueil garantissant un niveau de vie digne, ce qui nécessite l'allocation par l'Etat de moyens en adéquation avec les besoins de l'ensemble des structures chargées d'assurer cet accueil, cet accompagnement et cette prise en charge.
    114. En outre, l'utilisation d'outils d'identification de la « vulnérabilité » ne saurait pallier le manque de moyens dédiés à l'accompagnement et à l'offre de soins afférents. Ces outils doivent être appréciés et validés par les instances responsables, en particulier par le ministère de la santé et des affaires sociales, et également discutés au préalable avec les institutions référentes sur le sujet (autorités universitaires, sociétés savantes reconnues, etc.), évitant ainsi que ne soit créée une filière spécialisée pour les demandeurs d'asile sous la responsabilité du ministère de l'intérieur.
    115. La CNCDH entend s'assurer que les dispositions de la directive n'entraînent pas la création d'un dispositif d'accompagnement social dédié aux personnes identifiées comme « vulnérables » et recommande donc avant tout d'améliorer le système national de droit commun afin qu'il réponde de manière plus adéquate aux besoins réels des demandeurs d'asile. A ce titre, l'ensemble des demandeurs d'asile doit pouvoir rapidement bénéficier d'une visite de prévention auprès de professionnels sociosanitaires, y compris en santé mentale si la personne le demande, quelle que soit sa vulnérabilité. Le délai de délivrance d'une protection maladie ne doit pas justifier de retard à cette visite librement consentie.
    116. Enfin, la « vulnérabilité » doit pouvoir être identifiée tout au long du parcours du demandeur d'asile, et non exclusivement en amont du dépôt de la demande.
    Résultats du vote : avis adopté à l'unanimité.


    PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DE LA CNCDH


    La CNCDH recommande :
    1. De faciliter la domiciliation des demandeurs d'asile.
    2. De supprimer le préalable du passage en préfecture.
    3. De confier à une autorité administrative indépendante l'ensemble des questions relatives à l'accès au territoire français des demandeurs d'asile et à la décision à prendre sur l'octroi d'une protection internationale.
    4. D'autoriser tous les demandeurs de protection internationale, sans distinction, à séjourner sur le territoire pendant la durée de la procédure d'asile.
    5. De remédier aux difficultés relatives à l'orientation de la procédure d'asile en garantissant les droits des demandeurs faisant l'objet d'une « procédure Dublin » par l'application systématique des clauses humanitaire et de souveraineté.
    6. De garantir les droits des demandeurs d'asile placés en procédure prioritaire en rappelant sa ferme opposition à la notion de pays d'origine sûr.
    7. De garantir une aide lors du dépôt de la demande d'asile en :
    ― informant les demandeurs, dans une langue qu'ils comprennent, de la procédure à suivre et de leurs droits et obligations au cours de la procédure ;
    ― leur permettant de bénéficier des services d'un interprète.
    8. D'améliorer l'examen de la demande d'asile en :
    ― renforçant la qualité des auditions et celle du compte rendu d'audition ;
    ― assurant la présence d'un conseil lors de l'entretien ;
    ― réduisant la durée de la procédure et écartant tout gel du traitement des demandes ;
    ― instituant un recours suspensif de plein droit dans le cadre de l'ensemble des procédures d'asile ;
    ― garantissant le respect de la confidentialité des éléments relatifs à une demande d'asile.
    9. De garantir le droit à la liberté individuelle en assurant l'intervention de l'autorité judiciaire dans le plus bref délai et en encadrant strictement les motifs du placement en rétention des demandeurs d'asile, ainsi que les conditions matérielles de la rétention.
    10. De garantir des conditions matérielles d'accueil en :
    ― améliorant l'accueil, l'hébergement et l'accompagnement, notamment par la création de nouvelles places dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile ;
    ― réévaluant le montant de l'allocation temporaire d'attente ;
    ― offrant aux demandeurs d'asile la liberté de choix du lieu de résidence ;
    ― renforçant les droits sociaux des demandeurs d'asile, de manière à leur permettre d'accéder au marché de l'emploi après le dépôt de la demande, de pouvoir être affiliés au régime général de l'assurance maladie et de bénéficier de la couverture maladie universelle complémentaire.
    11. De prendre en compte l'état de vulnérabilité des demandeurs d'asile afin de répondre à leurs besoins réels et sans que cela ne se fasse au détriment de ceux qui ne présentent pas un tel état de vulnérabilité.

    (1) L'article 63 de ce traité prévoit l'adoption de règles communes, allant au-delà des normes minimales inscrites dans le traité d'Amsterdam, et précise que le régime d'asile européen commun se définit par : ― un statut uniforme d'asile en faveur des ressortissants des pays tiers, valable dans toute l'Union ; ― un statut uniforme de protection subsidiaire pour les ressortissants des pays tiers qui, sans obtenir l'asile européen, ont besoin d'une protection internationale ; ― un système commun visant, en cas d'afflux massif, à une protection temporaire des personnes déplacées ; ― des procédures communes pour l'octroi et le retrait du bénéfice de la protection internationale ; ― des critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile ou de protection subsidiaire ; ― des normes concernant les conditions d'accueil des demandeurs d'asile ou de protection subsidiaire ; ― le partenariat et la coopération avec des pays tiers pour gérer les flux de personnes demandant l'asile ou une protection subsidiaire. (2) Directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale (refonte) ; directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale. (3) Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte). (4) Règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales (refonte). (5) Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (refonte). (6) 51 375 personnes se sont vues accorder un statut de réfugié dans l'UE-27 en 2012 (décisions de première instance et définitives) et 37 105 une protection subsidiaire (statistiques Eurostat). (7) Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les Etats membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil. (8) Voir CNCDH, 23 juin 2011, Avis sur les mouvements migratoires liés aux « printemps arabes ». Voir également la lettre du 20 novembre 2013 adressée au Président de la République par la présidente de la CNCDH relative à l'accueil des réfugiés syriens. (9) Voir D. Alland et C. Teitgen-Colly, Traité du droit de l'asile, PUF, Paris 2002, n° 139, p. 196, qui soulignent que la convention de Genève ne lie pas l'asile à la qualité de réfugié. (10) Cons. const. 13 août 1993, n° 93-325 DC ; Cons. const. 22 avr. 1997, n° 97-389 DC. (11) CE 12 janvier 2001, Mme Hyacinthe, AJDA2001, p. 589 : « Considérant, d'une part, que la notion de liberté fondamentale au sens où l'a entendue le législateur lors de l'adoption de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives, englobe, s'agissant des ressortissants étrangers qui sont soumis à des mesures spécifiques réglementant leur entrée et leur séjour en France, et qui ne bénéficient donc pas, à la différence des nationaux, de la liberté d'entrée sur le territoire, le droit constitutionnel d'asile qui a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié, dont l'obtention est déterminante pour l'exercice par les personnes concernées des libertés reconnues de façon générale aux ressortissants étrangers. » (12) Voir P. Mazeaud, Pour une politique des migrations transparente, simple et solidaire, La Documentation française, Paris 2008, p. 28, qui souligne que les quotas en matière d'asile sont contraires à la Constitution et à la convention de Genève. (13) Par exemple l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. (14) Voir notamment l'article 3 de la directive « Qualification » : « Les Etats membres peuvent adopter ou maintenir des normes plus favorables pour décider quelles sont les personnes qui remplissent les conditions d'octroi du statut de réfugié ou de personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et pour déterminer le contenu de la protection internationale, dans la mesure où ces normes sont compatibles avec la présente directive. » L'article 5 de la directive « Procédures » dispose dans le même sens : « Les Etats membres peuvent prévoir ou maintenir des normes plus favorables en ce qui concerne les procédures d'octroi et de retrait de la protection internationale, pour autant que ces normes soient compatibles avec la présente directive. » (15) Voir CJUE 21 déc. 2011, N.S. & autres, n° C-411/10, qui a rappelé aux Etats qu'ils doivent interpréter leur droit national de manière conforme non seulement au droit dérivé, mais aussi aux droits fondamentaux protégés par l'ordre juridique de l'Union et les autres principes généraux du droit de l'Union. (16) P. Mazeaud, Pour une politique des migrations transparente, simple et solidaire, op. cit., p. 51 et s. (17) Voir CNCDH 24 avril 2003, Avis sur le projet de loi n° 52-893 relative au droit d'asile. (18) Même si cette notion est désormais davantage encadrée (voir l'article 8 de la directive « Qualification »). (19) L'article 14.4 a de la directive « Qualification » prévoit que les Etats membres peuvent révoquer ou ne pas renouveler le statut de réfugié lorsqu'il existe des motifs raisonnables de le considérer comme une menace pour la sécurité de l'Etat membre dans lequel il se trouve. (20) L'article 17.1 d de la directive « Qualification » prévoit qu'un ressortissant d'un pays tiers ou un apatride est exclu de la protection subsidiaire lorsqu'il présente une menace pour la société ou la sécurité de l'Etat membre. (21) Voir les articles 15 et suivants de la directive « Qualification ». (22) Voir M. Grandguillaume, in : Assemblée nationale, rapport au nom de la commission des finances (...) sur le projet de loi de finances pour 2014 (n° 1395), annexe n° 31, p. 27. (23) 8e considérant du Préambule de la directive « Procédures ». (24) Par exemple : « les Etats membres font en sorte que... » (articles 7.1, 7.3 et 7.4), « les Etats membres veillent » (articles 4.3, 6.1 et 6.2). (25) Voir Cour EDH 9 oct. 1979, Airey c/ Irlande, req. n° 6289/73, paragraphe 25. (26) Voir CFDA, Droit d'asile en France : conditions d'accueil. Etat des lieux, 2012, p. 18 et s. (27) Voir CNCDH 29 juin 2006, Avis sur les conditions d'exercice du droit d'asile en France, qui soutient la nécessité de la création d'un service public de la domiciliation des demandeurs d'asile. (28) Voir M. Fekl, Sécuriser les parcours des ressortissants étrangers en France, rapport au Premier ministre, 14 mai 2013, p. 26 et s. (29) Voir CFDA, Droit d'asile en France..., op. cit., p. 26 et s. (30) Ibidem. (31) Voir CNCDH 6 juillet 2001, Avis sur l'asile en France. (32) CFDA, Droit d'asile en France..., op. cit., p. 37 et s. (33) Voir les articles L. 741-1 et suivants du CESEDA. (34) CE 20 oct. 2009, n° 332631. (35) CJUE 4e chambre, 27 septembre 2012, CIMADE et GISTI, n° C-179/ 11. (36) Cour EDH, 21 janvier 2011, MSS c/ Belgique et Grèce, req. n° 30696/09. (37) CJUE 21 déc. 2011, NS & autres, n° C-411/10. (38) Voir les observations provisoires du HCR sur la proposition de directive du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres (document du Conseil 14203/04, Asile 64, 9 novembre 2004). (39) La liste de l'OFPRA a été révisée à cinq reprises. (40) J.-Y. Leconte et C.-A. Frassa, rapport d'information sur la procédure de demande d'asile, au nom de la commission des lois (...), rapport Sénat, n° 130, Paris 2012, p. 80. (41) Les PADA gérées par l'OFII ne prennent pas en charge les personnes placées en « procédure Dublin » et les demandeurs en procédure prioritaire, car ils ne sont pas éligibles aux CADA. (42) CFDA, Droit d'asile en France..., op. cit., p. 14 et s. (43) Ibid, p. 16 et 17. (44) CE 10 octobre 2013, n° 397154. Voir également CNDA, SR, 21 février 2012, Mlle Y., n° 11032282. (45) Dans ce sens J.-Y. Leconte et C.-A. Frassa, rapport d'information, op. cit., p. 62. (46) En cas d'enregistrement audio, aucune confirmation n'est demandée. (47) Ces informations peuvent être des informations précises et actualisées obtenues auprès de différentes sources, telles que le BEAA et le HCR ainsi que les organisations internationales compétentes en matière de droits de l'homme, sur la situation générale existant dans les pays d'origine des demandeurs et, le cas échéant, dans les pays par lesquels les demandeurs ont transité ou des informations reçues suite à des demandes de conseil adressées à des experts, le cas échéant, sur des matières particulières comme les questions médicales, culturelles, religieuses, ou celles liées aux enfants ou au genre. (48) Le délai de six mois peut être prolongé de neuf mois supplémentaires en cas de questions factuelles et/ou juridiques complexes ou du fait qu'un grand nombre de ressortissants de pays tiers demandent simultanément une protection internationale (article 31.3). Par ailleurs, les Etats peuvent « exceptionnellement », « dans des circonstances dûment justifiées », dépasser de trois mois au maximum les délais prescrits « lorsque cela est nécessaire pour assurer un examen approprié et exhaustif » de la demande, soit dix-huit mois au total. (49) Dans ce sens J.-Y. Leconte et C.-A. Frassa, rapport d'information, op. cit., p. 58. (50) Ibid., p. 58. (51) P. Bernard-Reymond et J.-C. Frécon, La Cour nationale du droit d'asile (CNDA) : une juridiction neuve confrontée à des problèmes récurrents, rapport Sénat 2010, p. 44. (52) Cour EDH 2 février 2012, I.M. c/ France, req. n° 9152/09. Dans cette décision, la Cour a condamné la France au motif que la procédure prioritaire violait l'article 13 combiné à l'article 3, dès lors qu'en pratique le requérant n'avait pas disposé de recours effectifs lui permettant de faire valoir le bien-fondé du grief de l'article 3 alors que son éloignement vers le Soudan était en cours. (53) CE 29 janv. 1986, Kodia, n° 72001. (54) Le caractère non suspensif du recours pour les procédures prioritaires est d'autant plus problématique que la directive « Procédures » pérennise le concept de « pays d'origine sûrs » (article 36). (55) Cour EDH 2 février 2012, I.M. c/ France, req. n° 9152/09 ; Cour EDH, 21 janvier 2011, M.S.S. contre Belgique et Grèce, n° 30696/09 ; CJUE 21 déc. 2011, N.S. & autres, n° C-411/10. (56) Un recours conférant le droit de rester sur le territoire en attendant l'issue de ce recours (article 27.3 a), une suspension automatique du transfert pendant un délai raisonnable au cours duquel une juridiction peut décider de l'effet suspensif ou non du recours (article 27.3 b), une possibilité de demander à la juridiction saisie pour déterminer si le transfert est légal, de suspendre ce transfert en attendant l'issue de son recours (article 27.3 c). (57) Sur le délai raisonnable dans l'exercice des voies de recours, voir CNCDH/Médiateur de la République, Communication commune sur l'affaire Gebremedhin contre France. (58) Cons. const. 22 avril 1997, n° 97-389 DC. (59) CE réf. 6 mars 2008, n° 313915. (60) Il faut entendre le terme de rétention au sens large, tel qu'il figure dans les directives ou règlements, à savoir : « toute mesure d'isolement d'un demandeur par un Etat membre dans un lieu déterminé, où le demandeur est privé de sa liberté de mouvement. » En France, cela concerne les centres de rétention administrative, les lieux de rétention administrative et les zones d'attente. (61) Exposé des motifs, paragraphe 4, In Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres (Refonte) ― Bruxelles, le 30 janvier 2009 ― COM(2008) 815 final/2 ― 2008/0244 (COD). (62) Cour EDH, 26 avril 2007, Gebremedhin c/ France, req. n° 25389/05 ; Cour EDH, 2 février 2012, I.M. c/ France, req. n° 9152/09. (63) Article 8.2 de la directive « Accueil » : « Lorsque cela s'avère nécessaire et sur la base d'une appréciation au cas par cas, les Etats membres peuvent placer le demandeur en rétention, si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées. » (64) Voir UNHCR, Principes directeurs relatifs aux critères et aux normes applicables à la détention des demandeurs d'asile et alternatives à la détention, 2012, ppe. n° 4.3, paragraphe 40, p. 24. Les alternatives à la détention peuvent prendre des formes variées comme le dépôt ou l'enregistrement de documents, les cautions garanties ou sûretés, les obligations de se présenter aux autorités, le contrôle judiciaire, la surveillance électronique. (65) « Un demandeur ne peut être placé en rétention que : a) Pour établir ou vérifier son identité ou sa nationalité ; b) Pour déterminer les éléments sur lesquels se fonde la demande de protection internationale qui ne pourraient pas être obtenus sans un placement en rétention, en particulier lorsqu'il y a risque de fuite du demandeur ; c) Pour statuer, dans le cadre d'une procédure, sur le droit du demandeur d'entrer sur le territoire ; d) Lorsque le demandeur est placé en rétention dans le cadre d'une procédure de retour (...), pour préparer le retour et/ou procéder à l'éloignement, et lorsque l'Etat membre concerné peut justifier, sur la base de critères objectifs, tels que le fait que le demandeur a déjà eu la possibilité d'accéder à la procédure d'asile, qu'il existe des motifs raisonnables de penser que le demandeur a présenté la demande de protection internationale à seule fin de retarder ou d'empêcher l'exécution de la décision de retour ; e) Lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l'ordre public l'exige ; f) Conformément à l'article 28 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ou un apatride. » (66) Voir CE 27 septembre 1985, n° 44484 ; Cons. const. 3 septembre 1986, n° 86-216 DC. Voir également UNHCR, op. cit., 2012, ppe n° 1, paragraphe 11, p. 12. (67) A titre d'exemple, n'est pas constitutif d'une fuite le seul fait pour l'intéressé « de ne pas déférer à l'invitation de l'autorité publique de se présenter à la PAF pour organiser les conditions de son départ consécutivement à un refus d'admission (CE 16 décembre 2010, n° 344864). De même, dès lors que l'intéressé, qui a fourni une adresse postale, pouvait être facilement localisé, a répondu aux courriers qui lui ont été envoyés à cette adresse et s'est fréquemment rendu en préfecture, le préfet ne pouvait sérieusement soutenir que l'intéressé pouvait être regardé comme ayant pris la fuite (CE 7 novembre 2012, n° 353360). (68) Cons. const. 25 février 1992, n° 92-307 DC. (69) Cons. const. 9 janvier 1980, n° 79-109 DC. (70) Cour EDH, 25 juin 1996, Amuur c/ France, req. n° 17/1995/523/609. (71) Cons. const. 9 janvier 1980, n° 79-109 DC. (72) Cons. const. 25 février 1992, n° 92-307 DC. (73) « Lorsque le placement en rétention est ordonné par les autorités administratives, les Etats membres prévoient un contrôle juridictionnel accéléré du placement en rétention d'office et/ou à la demande du demandeur. Lorsqu'il a lieu d'office, ce contrôle est décidé le plus rapidement possible à partir du début du placement en rétention. Lorsqu'il a lieu à la demande du demandeur, il est décidé le plus rapidement possible après le lancement de la procédure pertinente. A cette fin, les Etats membres définissent dans leur droit national le délai dans lequel ont lieu le contrôle juridictionnel d'office et/ou le contrôle juridictionnel à la demande du demandeur. » (74) Cons. const. 9 janvier 1980, op. cit. ; Cons. const. 22 avril 1997, n° 97-389 DC. (75) CNCDH 5 juillet 2010, Avis sur le projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la solidarité. (76) Dans ce sens : Groupe européen des institutions nationales des droits de l'homme, position commune ― 9 janvier 2012, paragraphe 17. (77) Dans ce sens UNHCR, op. cit., ppe n° 6, paragraphe 46, p. 26. (78) CJUE, 4e chambre, 27 septembre 2012, CIMADE et GISTI, C-179/11. (79) Dans ce sens R. Karoutchi, L'allocation temporaire d'attente. Rapport, fait au nom de la commission des finances, n° 105, Paris 2013, p. 36. (80) CE 16 juin 2008, CIMADE, n° 300636 ; CE 7 avril 2011, CIMADE et GISTI, n° 335924 ; CE 17 avril 2013, CIMADE et GISTI, n° 335924. (81) CJUE, 4e chambre, 27 septembre 2012, CIMADE et GISTI, C-179/11. (82) Voir notamment CE 19 juillet 2010, n° 341289 ; CE référés 19 novembre 2010, n° 344286 ; CE référés 21 juillet 2011, n° 350760 ; CE référés 10 août 2011, n° 351324. (83) Le montant de l'ATA était de 11,01 euros par jour en 2012 et de 11,17 euros en 2013. (84) Voir R. Karoutchi, L'allocation temporaire d'attente, op. cit., p. 36, qui propose une répartition régionale systématique des demandeurs d'asile dès le dépôt de la demande en fonction des places disponibles. Voir également IGF/IGAS/IGA, Rapport sur l'hébergement et la prise en charge financière des demandeurs d'asile, avril 2013, annexe II. (85) CE 7 octobre 2006, association Aides & autres, n° 285576. (86) Article 19 de la directive « Accueil » : « 1. Les Etats membres font en sorte que les demandeurs reçoivent les soins médicaux nécessaires qui comportent au minimum les soins urgents et le traitement essentiel des maladies et des troubles mentaux. 2. Les Etats membres fournissent l'assistance médicale ou autre nécessaire aux demandeurs ayant des besoins particuliers en matière d'accueil, y compris, s'il y a lieu, des soins de santé mentale appropriés. » (87) Voir CJUE 30 mai 2013, Arslan, n° C-534/11, qui souligne que le demandeur d'asile ne saurait être considéré comme étant en séjour irrégulier : « (...) il ressort clairement des termes, de l'économie et de la finalité des directives 2005/85 et 2008/115 qu'un demandeur d'asile a (...) le droit de demeurer sur le territoire de l'Etat membre concerné à tout le moins jusqu'à ce que sa demande ait été rejetée en premier ressort et ne saurait donc être considéré comme étant en "séjour irrégulier” au sens de la directive 2008/115, celle-ci visant à l'éloigner du territoire. » (88) Voir F. Brugère, La société des individus, Le Seuil, Paris 2013, p. 89. (89) Article 21 de la directive « Accueil » : « Dans leur droit national transposant la présente directive, les Etats membres tiennent compte de la situation particulière des personnes vulnérables, telles que les mineurs, les mineurs non accompagnés, les handicapés, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d'enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes ayant des maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, par exemple les victimes de mutilation génitale féminine. »
Extrait du Journal officiel électronique authentifié PDF - 552,2 Ko
Retourner en haut de la page