Avis de la Commission des participations et des transferts n° 2010-AC-1 du 12 janvier 2010 relatif à l'ouverture minoritaire au secteur privé du capital de la CADEC

Version initiale



  • La commission émet l'avis suivant :
    I. ― Par lettre en date du 6 janvier 2010, la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi a saisi la commission, en application de l'article 3 de la loi du 6 août 1986 susvisée, en vue de l'ouverture minoritaire au secteur privé du capital de la Caisse de développement de la Corse (CADEC), société de développement régional de la Corse, capital qui est détenu par l'Etat à hauteur de 67 % et par la collectivité territoriale de Corse à hauteur de 33 %.
    La cession au secteur privé d'une participation minoritaire dans le capital de la CADEC a été autorisée par le décret du 11 janvier 2010 susvisé, en application de l'article 19 de la loi du 6 août 1986 susvisée.
    Conformément aux dispositions de l'article 1er (2°) du décret du 3 septembre 1993 susvisé, la publicité de la décision de vente a été assurée par une publication au Journal officiel du 3 octobre 2009. La procédure choisie ne prévoyant pas de cahier des charges, la ministre a désigné M. François CAILLETEAU, inspecteur général des finances (h), en tant que personnalité indépendante chargée de veiller au bon déroulement de la procédure.
    S'agissant d'une cession hors marché, l'avis conforme de la commission sur le choix des acquéreurs et les conditions de la cession est requis aux termes de l'article 4 de la loi du 6 août 1986 susvisée.
    II. ― La Caisse de développement de la Corse (CADEC) est depuis 1982 une société de développement régional (SDR) active en Corse. Elle est agréée comme institution financière spécialisée par le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement. Son capital est réparti entre l'Etat pour 67 % et la collectivité territoriale de Corse pour 33 %. La CADEC a depuis 2000 la forme d'une société par actions simplifiée. A la suite de la cession par l'Etat de sa participation de 25 % dans Corsabail à la CADEC, cette dernière détient 94 % du capital de cette société de crédit-bail immobilier.
    La CADEC a connu des difficultés importantes dans les années 1990 en raison des pertes subies sur son activité de crédit. Pour éviter la cessation de paiement, deux recapitalisations ont été effectuées, en 1996, puis à nouveau en 1999. La deuxième recapitalisation a été accompagnée de la création par les deux actionnaires, l'Etat et la collectivité territoriale de Corse, de comptes courants d'associés en vue de couvrir des pertes prévisionnelles estimées à 15 millions d'euros. Dans le même temps était prise la décision d'arrêter de façon définitive l'activité de crédit de la CADEC et de Corsabail et de limiter la gestion aux recouvrements des créances et à la réalisation des actifs.
    La gestion des recouvrements conduite avec efficacité par le nouveau dirigeant a permis de redresser la situation financière du groupe, faisant apparaître au cours des dernières années, grâce à des reprises de provisions, un résultat courant bénéficiaire et une trésorerie largement positive.
    Les exercices récents ont fait apparaître, sur une base consolidée, un produit net bancaire de 1,7 million d'euros en 2006 et de 2 millions en 2007 et 2008. Grâce, pour l'essentiel, aux reprises de provisions résultant des recouvrements, le résultat courant s'est élevé à 2,7 millions d'euros en 2006, à 0,9 million en 2007 et 5 millions en 2008. Le résultat net, part du groupe, a été respectivement de 0,3 million, ― 1 million et 0,9 million, après crédit des comptes courants des actionnaires en application de la clause de retour à meilleure fortune prévue dans les conventions de recapitalisation.
    Au 31 décembre 2009, l'actif net comptable consolidé est évalué à 9,3 millions d'euros et la trésorerie nette consolidée prévisionnelle est estimée à 26,9 millions (après rachat de la participation de l'Etat dans Corsabail et provisions fiscales).
    III. ― En mars 1999, l'Assemblée de Corse adoptait une délibération visant à la relance de l'activité de la CADEC dans le cadre de la création d'une plate-forme de financement des entreprises composée de plusieurs outils distincts mais complémentaires et coordonnés. Cette réforme doit permettre la mobilisation des financements de la collectivité territoriale de Corse, de l'Etat et de l'Union européenne dans les conditions imposées par le droit français et européen.
    En vue de créer les conditions permettant une telle relance de l'activité, l'Etat et la collectivité territoriale de Corse, actionnaires de la CADEC, ont prévu le dispositif suivant, dont les deux éléments seront simultanés :
    ― l'Etat cède sa participation de 67 % dans la CADEC, avec l'objectif qu'entrent au capital des institutions financières aptes à accompagner le groupe ;
    ― l'Etat et la collectivité territoriale de Corse conviennent, après le remboursement des comptes courants créditeurs dont ils sont titulaires (et abandon par l'Etat de la clause de retour à meilleure fortune), de doter chacun, pour un montant égal à ce remboursement, un fonds de réserve à la disposition de la CADEC.
    Un avis, publié au Journal officiel du 3 octobre 2009, invitait les candidats à l'acquisition à se faire connaître dans un délai de deux mois. Une seule offre s'est manifestée qui s'est traduite par la remise le 3 novembre 2009 d'une lettre indicative d'intérêt. Des discussions ont été menées depuis lors avec l'Etat, la collectivité territoriale de Corse étant informée. Elles ont abouti à une offre d'acquisition définitive remise le 6 janvier 2010.
    Cette offre est déposée conjointement par :
    ― la Caisse des dépôts et consignations qui propose d'acquérir 20 % du capital de la CADEC ;
    ― la Société d'aide au financement du développement industriel (SAFIDI), pour 6,7 % du capital ;
    ― le Crédit coopératif, pour 25,3 % du capital ;
    ― la Caisse d'épargne Provence-Alpes-Corse, pour 15 % du capital.
    La collectivité territoriale de Corse conservant 33 % du capital de la CADEC, le secteur public continuerait ainsi à détenir la majorité du capital. L'opération constitue donc une ouverture minoritaire de capital au secteur privé qui a été autorisée par le décret du 11 janvier 2009 susvisé.
    La ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi a saisi la commission d'une proposition visant à retenir les candidats ayant remis l'offre conjointe précitée comme acquéreurs de la participation cédée par l'Etat dans la CADEC.
    La personnalité indépendante désignée par la ministre conclut dans son rapport du 7 janvier 2010 que la procédure n'appelle pas de réserve tant du point de vue de la régularité du processus que de celui de l'information complète et sincère des parties.
    IV. ― La cession de la participation de l'Etat dans la CADEC se fera pour un prix total de 4 millions d'euros. L'Etat ne consent aucune garantie aux acquéreurs autres que les garanties juridiques usuelles.
    Le contrat de cession d'actions est juridiquement lié à la conclusion de plusieurs autres actes, dont les principes sont fixés en annexe du contrat, et qui sont principalement les suivants :
    ― une convention entre l'Etat et la CADEC mettant en place un fonds doté par l'Etat dans le cadre des nouvelles activités de financement régional de la CADEC et de Corsabail. Créé pour une durée de quinze ans, le fonds a le même montant que celui des comptes courants créditeurs remboursés à l'Etat. Il a pour objet de financer exclusivement les activités d'avances remboursables et de crédit-bail, initiées pendant une durée de dix ans, dans la limite de 55 % de leur montant et d'un plafond annuel de 3,3 millions d'euros. Pendant cette période de dix ans, la CADEC ne pourra pas contracter de dette bancaire. Le montant du fonds sera diminué, d'une part, des pertes nettes (pertes, provisions et reprises de provisions) subies par la CADEC sur les activités précédemment définies, dans la limite de 0,8 million d'euros par an, et, d'autre part, d'un montant annuel versé à la CADEC à hauteur de 3 % de l'encours. Le fonds est rémunéré grâce au placement de ses capitaux et à une quote-part des produits résultant des activités qu'il finance. Le montant résiduel du fonds sera remboursé lors de sa clôture. Il viendrait à terme par anticipation en cas de cession d'au moins 20 % du capital à un acquéreur, autre qu'un établissement de crédit de premier rang, qui n'aurait pas été approuvé par l'Etat ;
    ― une convention parallèle entre la collectivité territoriale de Corse et la CADEC, mettant en place un fonds doté d'un montant égal aux comptes courants créditeurs remboursés à la collectivité. Ce fonds supportera 45 % des pertes nettes de la CADEC et fonctionnera suivant les mêmes principes généraux que celui doté par l'Etat ;
    ― un pacte d'actionnaires entre la collectivité territoriale de Corse et les nouveaux actionnaires de la CADEC.
    L'opération est réalisée sous la condition suspensive de l'accord des autorités bancaires.
    V. ― Conformément à la loi, la commission a procédé à l'évaluation de la CADEC en recourant à une analyse multicritères qui prend en compte la valeur des actifs, les bénéfices réalisés, l'existence des filiales et les perspectives d'avenir.
    A cette fin, elle a disposé du rapport d'un expert indépendant qui a retenu en l'espèce deux méthodes d'évaluation :
    ― l'actif net comptable réévalué : l'expert, sur la base du bilan prévisionnel à fin 2009, a calculé la valeur de l'actif net en tenant compte, par voie de décotes, de l'illiquidité de certains actifs et des restrictions à la liquidité des participations des nouveaux actionnaires en raison des contraintes juridiques qui leur sont imposées ;
    ― l'actualisation des flux futurs de trésorerie : cette méthode a été appliquée sur la base d'un plan d'affaires établi par l'entreprise et qui couvre les exercices 2010 à 2020 et dont l'expert a vérifié la cohérence et la vraisemblance. Le plan d'affaires prend en compte le fonctionnement des deux fonds qui doivent être conventionnellement constitués par l'Etat et la collectivité territoriale de Corse et qui sont décrits au point IV du présent avis. Les flux sont actualisés au coût des fonds propres (la société est en excédent de trésorerie nette). Le taux d'actualisation prend en compte le niveau de risque lié à la taille et au marché restreints de la CADEC. Une décote traduisant les facteurs d'illiquidité de la participation est appliquée.
    Les méthodes de valorisation par multiples de transactions comparables ou de sociétés cotées comparables ont été écartées par l'expert en l'absence de comparable et du fait que les agrégats financiers de la CADEC ne retracent qu'une gestion extinctive.
    En définitive, les estimations de l'expert indépendant déterminent une fourchette d'évaluation de la CADEC dans laquelle s'inscrit le prix proposé par les candidats à l'acquisition.
    VI. ― La commission a procédé à l'examen de l'offre d'acquisition qui lui a été présentée.
    Elle a noté que l'offre qui lui est soumise est présentée conjointement par quatre institutions financières :
    ― la Caisse des dépôts et consignations ;
    ― la Société d'aide au financement du développement industriel (SAFIDI), filiale du groupe EDF ;
    ― le Crédit coopératif ;
    ― la Caisse d'épargne Provence-Alpes-Corse.
    Les candidats acquéreurs sont des institutions financières expérimentées, à même de participer avec compétence à la relance, sur des bases financières saines, de l'activité de crédit de la CADEC au bénéfice des entreprises établies en Corse. Ils acceptent les conditions prévues pour la constitution par l'Etat et la collectivité territoriale de Corse de deux fonds de financement des nouvelles activités. L'offre répond ainsi aux objectifs poursuivis par l'Etat dans la cession de sa participation.
    S'agissant de la valeur de l'entreprise, la commission estime comme l'expert indépendant qu'elle peut être appréciée à titre principal sur la base de la situation nette au 31 décembre 2009, compte tenu de la transformation en fonds remboursables des comptes courants créditeurs existants de l'Etat et de la collectivité territoriale de Corse.
    L'application de la méthode de l'actualisation des flux, fondée sur un plan d'affaires prudent, confirme la vraisemblance de la valeur obtenue.
    Les facteurs particuliers d'illiquidité de la participation acquise par le groupe d'investisseurs sont intégrés par une décote globale conforme aux usages de l'évaluation financière.
    La commission fixe à 4 millions d'euros la valeur des 67 % du capital détenus par l'Etat dans la CADEC.
    Le prix de vente proposé par les candidats respecte cette valeur.
    Pour tous ces motifs, et au vu de l'ensemble des éléments qui lui ont été transmis, la commission émet un avis favorable à la proposition de cession de la participation de l'Etat dans la CADEC qui lui a été présentée, ainsi qu'au projet d'arrêté (1) annexé au présent avis.

    (1) Cet arrêté est publié à la rubrique « textes généraux » du présent Journal officiel.
Extrait du Journal officiel électronique authentifié PDF - 224,1 Ko
Retourner en haut de la page