Avis n° 307736 du 29 octobre 2007

Version initiale


Le Conseil d'Etat (section du contentieux, 2e et 7e sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 2e sous-section de la section du contentieux,
Vu le jugement du 12 juillet 2007, enregistré le 23 juillet 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le tribunal administratif de Lille, avant de statuer sur la demande de la société sportive professionnelle « LOSC Lille Métropole », dont le siège est domaine de Luchin, Grande-Rue, BP 79, à Camphin-en-Pévèle (59780), tendant à l'annulation de la décision du 3 août 2005 par laquelle la commission supérieure d'appel de la Fédération française de football a confirmé la sanction prise par la commission de discipline lui infligeant une amende de 5 000 euros, a décidé, par application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :
1° La règle, posée par l'article 129 des règlements généraux de la Fédération française de football, qui prévoit une responsabilité objective des clubs, y compris les clubs visiteurs, pour des faits commis par leurs supporters, viole-t-elle le principe de personnalité des peines posé par le code pénal et applicable en matière de sanctions administratives ?
2° Dans l'affirmative, un aménagement à ce principe peut-il être admis en ce qui concerne le domaine sportif, pour tenir compte, notamment, des objectifs de lutte contre la violence dans et aux abords des stades et de responsabilisation des clubs à l'égard de leurs supporters et, dans cette hypothèse, sur la base de quels éléments et de quelles limites ?
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du sport ;
Vu les règlements généraux de la Fédération française de football, notamment leur article 129 ;
Vu le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;
Après avoir entendu en séance publique :
― le rapport de M. Jérôme Marchand-Arvier, auditeur ;
― les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la Fédération française de football ;
― les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, commissaire du Gouvernement,
Rend l'avis suivant :
Afin de lutter contre la violence dans les stades, de préserver l'ordre public et d'assurer le bon déroulement ainsi que la sécurité des compétitions sportives, plusieurs dispositions des règlements généraux de la Fédération française de football, notamment les articles 12 et 129, ont, au même titre d'ailleurs que diverses dispositions des règlements des fédérations internationale et européenne de football, prévu que les clubs seraient responsables vis-à-vis d'elle des agissements de leurs dirigeants, joueurs, supporters et spectateurs à l'occasion des rencontres sportives.
Aux termes de l'article 129 des règlements généraux de la Fédération française de football :
« 1. Les clubs qui reçoivent sont chargés de la police du terrain et sont responsables des désordres qui pourraient résulter avant, pendant ou après le match du fait de l'attitude du public, des joueurs et des dirigeants ou de l'insuffisance de l'organisation. Néanmoins, les clubs visiteurs ou jouant sur terrain neutre sont responsables lorsque les désordres sont le fait de leurs joueurs, dirigeants ou supporters. (...) 4. Dans tous les cas cités ci-dessus, les clubs sont passibles d'une ou plusieurs des sanctions prévues au titre 4. »
Cet article impose aux clubs de football, qu'ils soient organisateurs d'une rencontre ou visiteurs, une obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité dans le déroulement des rencontres. Le club organisateur est ainsi tenu d'assurer la police du terrain et de prendre toutes mesures permettant d'éviter les désordres pouvant résulter, tant avant, pendant qu'après le match, de l'attitude de ses dirigeants, des joueurs ou du public. Le club visiteur est, quant à lui, responsable de l'attitude de ses dirigeants, joueurs et supporters. Il est, en particulier, responsable des désordres imputables à ses supporters à l'occasion d'une rencontre.
La méconnaissance de ces dispositions peut faire l'objet de sanctions disciplinaires de la part de la fédération, notamment de sanctions pécuniaires comme en l'espèce. Il appartient alors aux organes disciplinaires de la fédération, après avoir pris en considération les mesures de toute nature effectivement prises par le club pour prévenir les désordres, d'apprécier la gravité des fautes commises et de déterminer les sanctions adaptées à ces manquements.
Les règlements en cause sanctionnent ainsi la méconnaissance par les clubs d'une obligation qui leur incombe et qui a été édictée par la fédération sportive dont ils sont adhérents, dans le cadre des pouvoirs d'organisation qui sont les siens et conformément aux objectifs qui lui sont assignés. Ils ne méconnaissent pas, par suite, eu égard au pouvoir d'appréciation ci-dessus rappelé, le principe constitutionnel de responsabilité personnelle en matière pénale, qui est applicable aux sanctions administratives et disciplinaires.
Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Lille, à la société sportive professionnelle « LOSC Lille Métropole », à la Fédération française de football et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.

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