Observations du Gouvernement sur les recours dirigés contre la loi portant réforme des retraites

Version initiale



  • Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de deux recours dirigés contre la loi portant réforme des retraites.
    Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.


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    I. ― Sur la procédure d'adoption de la loi


    A. ― Le recours présenté par les députés fait valoir que la procédure d'adoption de la loi aurait été irrégulière aux motifs, d'une part, que les débats se sont déroulés à huis clos lors de l'examen du projet de loi en commission à l'Assemblée nationale et, d'autre part, que le président de l'Assemblée nationale aurait méconnu les dispositions du treizième alinéa de l'article 49 du règlement en refusant à 142 députés de prendre la parole pour une explication personnelle de vote.
    B. ― Le Conseil constitutionnel ne saurait faire sienne cette analyse.
    1. Il n'était pas, en premier lieu, contraire à la Constitution de prévoir que les débats en commission ne seraient pas publics.
    Il faut, tout d'abord, signaler qu'aucune disposition de la Constitution, et notamment ni son article 42 ni son article 44 n'impose la publicité des travaux des commissions. Il ressort au contraire des travaux parlementaires ayant présidé à l'adoption de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 que l'intention du constituant était bien de ne rien imposer en la matière, ainsi qu'en témoigne le rejet de tous les amendements tendant à rendre obligatoire la publicité des travaux conduits par les commissions sur les projets de textes soumis à leur examen.
    Le Conseil constitutionnel a tiré les conséquences qui découlaient de cette prise de position en admettant que le choix de rendre publics les débats puisse être décidé au cas par cas par le bureau de chaque commission en application, à l'Assemblée nationale, des dispositions de l'article 46 du règlement de cette assemblée (voir en ce sens, validant dans son principe l'article 26 de la résolution tendant à modifier le règlement de l'Assemblée nationale, la décision n° 2009-581 DC du 25 juin 2009, considérant n° 11).
    La seule obligation pesant sur cette partie de la procédure d'adoption de la loi est que, pour assurer le respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, il soit précisément rendu compte des interventions faites devant les commissions, des motifs des modifications proposées aux textes dont elles sont saisies et des votes émis en leur sein (voir en ce sens le considérant n° 12 de la même décision du 25 juin 2009). De ce dernier point de vue, il importe peu, contrairement à ce que soutiennent les auteurs de la saisine, que la décision de ne pas rendre publics les débats soit prise alors que la procédure de temps programmé est mise en œuvre pour procéder à l'adoption du texte, dès lors que le compte rendu des travaux de la commission fait bien mention des discussions ayant eu lieu sur l'ensemble des amendements que les députés ont été libres de déposer devant elle.
    Cette exigence a bien été respectée en l'espèce : les comptes rendus de l'ensemble des travaux de la commission des affaires sociales, ainsi que de ceux de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République et de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire saisies pour avis, ont été établis, joints aux rapports et avis, et immédiatement mis en ligne sur le site internet de l'Assemblée nationale.
    Le premier grief de procédure pourra ainsi être écarté.
    2. Il doit en aller de même du grief tiré de la méconnaissance de l'article 49, alinéa 13, du règlement de l'Assemblée nationale.
    Il est exact qu'à l'issue du vote du dernier article du projet de loi en discussion le président de l'Assemblée nationale a refusé de faire droit à la demande de prise de parole présentée par un certain nombre de députés sur le fondement de l'article 49, alinéa 13, du règlement de l'Assemblée.
    Mais il est de jurisprudence constante que les règlements des assemblées parlementaires n'ont pas par eux-mêmes valeur constitutionnelle. Il a, en particulier, été jugé par le Conseil constitutionnel qu'à la supposer établie la méconnaissance des dispositions de l'article 49, alinéa 13, du règlement de l'Assemblée nationale ne saurait avoir pour effet, à elle seule, de rendre la procédure législative contraire à la Constitution (voir en ce sens la décision n° 2010-602 DC du 18 février 2010, considérant n° 6).
    En l'espèce, le Gouvernement considère en tout état de cause que le président de l'Assemblée nationale a fait une correcte application de l'article 49, alinéa 13, en rappelant que les explications de vote individuelles sont destinées, ainsi que cela ressort des travaux préparatoires à son adoption, à permettre à des membres de l'Assemblée d'exprimer une sensibilité particulière ou une opinion divergente par rapport à celle de leur groupe.
    Dans ces conditions, le second grief de procédure ne pourra qu'être écarté.


    II. ― Sur le fond


    A. ― Les auteurs des saisines font valoir que la loi méconnaîtrait le principe d'égalité à trois égards.
    Tout d'abord, en ne réservant pas un sort plus favorable aux salariés atteignant avant 62 ans la durée d'assurance requise pour liquider sa retraite à taux plein. Ensuite, en traitant de manière identique aux autres les salariés soumis à des tâches pénibles. Enfin, en ne réservant pas un sort particulier aux femmes qui se trouveraient plus durement atteintes par le report de 65 à 67 ans de l'âge du départ à la retraite sans décote quelle que soit la durée de cotisation.
    B. ― Le Gouvernement estime que ces griefs ne sauraient prospérer.
    La loi déférée obéit scrupuleusement aux exigences résultant du principe d'égalité tel que le définit la jurisprudence.
    En effet, ainsi que le juge constamment le Conseil constitutionnel, le principe d'égalité impose de traiter de la même façon des personnes se trouvant dans la même situation, en autorisant seulement des dérogations à l'égalité pour des raisons d'intérêt général dès lors que les différences de traitement sont en rapport direct avec l'objet de la loi.
    Le principe d'égalité n'a en revanche jamais été conçu comme obligeant à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes (voir en ce sens, illustrant une position constante, la décision n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003). Face à des différences de situation, la jurisprudence ouvre une licence encadrée au législateur : rien ne lui est imposé, mais il lui est loisible d'appliquer des règles différentes à des situations différentes, dès lors que la différence de traitement se trouve en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit (voir en ce sens, notamment, la décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004).
    C'est dans le respect de ces principes qu'ont été adoptées les trois séries de dispositions critiquées dans les saisines.
    1. Sur l'absence de sort particulier réservé aux salariés détenant la durée de cotisation requise pour obtenir le taux plein avant d'atteindre l'âge d'ouverture du droit à retraite.
    Il est exact que la loi déférée conduit à ce qu'à nombre identique de trimestres de cotisation certains salariés puissent partir à la retraite, tandis que d'autres, qui n'ont pas encore atteint l'âge d'ouverture des droits, ne le peuvent pas encore légalement.
    Il n'en découle pas pour autant d'atteinte au principe d'égalité.
    Depuis l'origine, en effet, le système de retraite français comporte un âge minimum avant lequel le droit à pension, quel que soit le nombre de trimestres de cotisation, ne peut être ouvert. Par la loi déférée, le législateur s'est fixé l'objectif d'intérêt général consistant à préserver le type particulier de régime de retraite par répartition en vigueur depuis la Libération.
    Eu égard à cet objectif, il était indispensable de maintenir un âge d'ouverture des droits à retraite et, en raison de l'augmentation de l'espérance de vie future après 60 ans, il était justifié d'augmenter cet âge de deux ans pour le porter, à l'article 18 de la loi déférée, à 62 ans : le grief des requérants pourra être écarté, par le même type de motif que celui déjà retenu par le Conseil constitutionnel au considérant n° 19 de sa décision n° 2003-483 DC du 14 août 2003 relative à la précédente loi portant réforme des retraites.
    Il convient néanmoins de signaler que, tout en maintenant l'application d'une règle unique à tous les salariés, le législateur a fait le choix d'accompagner le relèvement de l'âge d'ouverture du droit à la retraite de mesures destinées à tenir compte de la durée de carrière.
    Le dispositif de retraite anticipée pour longue carrière est ainsi maintenu et même élargi.
    A l'heure actuelle, pour partir jusqu'à quatre ans avant l'âge légal, il convient d'avoir débuté son activité avant la fin de l'année de son seizième ou de son dix-septième anniversaire et d'avoir validé la durée de carrière requise pour partir à taux plein majorée d'une durée pouvant aller jusqu'à 8 trimestres (durée de cotisations égale à la durée de taux plein + 8 trimestres pour un départ à 56 ou 57 ans, + 4 trimestres pour un départ à 58 ans, sans trimestre supplémentaire requis pour un départ à 59 ans).
    Afin de tenir compte de l'allongement de l'espérance de vie, l'âge de départ à la retraite anticipée augmentera progressivement, mais sans dépasser l'âge de 60 ans. Pour les assurés nés après le 1er janvier 1956, l'âge d'accès au dispositif dit de « carrière longue » se trouvera désormais fixé, en application de la loi déférée, à 58 ou 59 ans pour les assurés qui ont débuté leur activité professionnelle à 14 ou 15 ans et à 60 ans pour ceux qui ont débuté leur activité professionnelle à 16 ans, ce qui représente un décalage d'une année par rapport à la situation actuelle.
    Par ailleurs, le dispositif sera ouvert aux assurés ayant débuté leur activité à l'âge de 17 ans : pour ces derniers, l'âge de la retraite sera maintenu à 60 ans s'ils remplissent les conditions de durée d'assurance applicables au dispositif.
    Au total, avec ce dispositif, la loi déférée garantira à tous ceux qui ont commencé à travailler avant 18 ans le droit d'accéder à la retraite au maximum à 60 ans s'ils respectent la condition de durée d'assurance : compte tenu de cet élargissement, le dispositif « carrière longue » devrait bénéficier à environ 90 000 personnes par an à l'horizon de l'année 2015.
    Dans ces conditions, le premier grief de fond des auteurs des saisines pourra être écarté.
    2. Sur l'absence de traitement différent des salariés soumis à des tâches pénibles au cours de leur carrière.
    En toute rigueur, ce grief, qui invoque une méconnaissance du principe d'égalité, motif pris de ce que des salariés se trouvant dans des situations différentes seraient traités de la même façon, devrait être écarté comme inopérant.
    Il peut aussi, en tout état de cause, être écarté au fond.
    Dans le régime actuel, deux types de dispositifs permettent déjà à certains salariés dont la santé a été dégradée par le travail de partir plus tôt à la retraite. La condition d'âge se trouve ainsi abaissée, sous certaines conditions, pour les travailleurs handicapés justifiant d'une durée d'activité minimale en vertu de l'article L. 351-1-3 du code de la sécurité sociale. Par ailleurs, certains salariés dont la santé se trouve gravement altérée peuvent bénéficier de la retraite pour inaptitude au travail (en application de l'article L. 351-7 du même code), obtenant ainsi le taux plein dès l'âge légal quelle que soit la durée d'assurance effectivement accomplie.
    La loi déférée complète le dispositif existant en ouvrant des droits spécifiques aux salariés n'entrant dans aucun de ces dispositifs mais dont l'état de santé a néanmoins été affecté pour des raisons imputables au travail.
    Il convient de noter à cet égard que, contrairement à la formulation que retiennent les auteurs des saisines, ce qui est pris en compte n'est pas l'invalidité mais l'incapacité permanente des salariés résultant de leur travail. Cette distinction est essentielle dans l'économie générale du régime : l'invalidité mesure la perte de capacité de travail en raison d'une maladie ou d'un accident dont l'origine peut être étrangère à l'environnement professionnel, tandis que le critère sur lequel se fonde la loi correspond à l'apparition d'une infirmité consécutive à l'exercice de l'activité professionnelle et diminuant, de façon permanente, la capacité de travail de la victime.
    Sont ainsi concernés par l'article 70 de la loi déférée les assurés pour lesquels l'incapacité permanente a été reconnue en raison d'une maladie professionnelle ou d'un accident de travail ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d'une maladie professionnelle, c'est-à-dire les assurés susceptibles de faire valoir qu'il existe un lien direct entre la nature de l'activité professionnelle exercée et la maladie ou l'accident dont ils ont été victimes. Ce dispositif pourrait concerner chaque année 30 000 personnes qui bénéficieront d'une retraite à taux plein dès l'âge de 60 ans.
    Il est exact que, contrairement à l'option défendue par les auteurs de la saisine, le législateur a fait le choix d'ouvrir le droit à retraite anticipée pour ces salariés sur le fondement d'un critère individuel (le taux personnel d'incapacité permanente) et non collectif, à raison de l'activité exercée.
    Cette option délibérée résulte toutefois de la volonté de prendre en compte l'ensemble des situations de pénibilité, sans se limiter à certains métiers ou qualifications professionnelles réputés pénibles. Un choix fondé sur une approche par métier aurait eu pour inconvénient majeur de faire abstraction des conditions de l'exercice professionnel, alors que, pour un métier donné, les conditions de travail sont toujours dépendantes de l'entreprise où l'on se trouve employé, et notamment des efforts de prévention plus ou moins importants consentis par cette dernière. En réservant le droit à retraite anticipée aux seuls assurés justifiant d'un taux d'incapacité permanente reconnue au titre d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d'une maladie professionnelle, le législateur a ainsi retenu les critères les plus objectifs, en rapport avec la finalité poursuivie par le projet de loi.
    Le Gouvernement souhaite, enfin, souligner que l'article 60 de la loi déférée prévoit, notamment en ayant recours aux services de la médecine du travail, la mise en œuvre d'un dispositif de repérage des expositions à certains facteurs de risques professionnels. L'objectif poursuivi est de recenser les postes pénibles afin d'en avoir une meilleure connaissance, mais également de contribuer, d'une part, à l'amélioration du suivi des salariés une fois qu'ils les ont quittés et, d'autre part, au développement des efforts de prévention en entreprise.
    Dans ces conditions, le grief tiré de ce que la situation des salariés soumis dans leur vie professionnelle à des tâches pénibles ne serait pas dûment prise en compte par la loi déférée ne pourra qu'être écarté.
    3. Sur l'absence alléguée de prise en compte de la situation des femmes, lesquelles seraient plus particulièrement affectées par le report de 65 à 67 ans du départ à la retraite sans décote.
    La formulation de ce grief, qui lui aussi reproche à la loi déférée de traiter de manière identique des salariés supposément placés dans des situations différentes, pourrait, tout comme le précédent, être écarté pour inopérance.
    Il n'est, en tout état de cause, pas davantage fondé que ce dernier.
    Il est exact qu'à l'heure actuelle les femmes perçoivent encore des pensions inférieures à celles des hommes : la pension moyenne (comprenant retraite de base et retraite complémentaire) des femmes s'élevait en 2008 à 825 EUR par mois, contre 1 426 EUR pour les hommes. Toutefois, cet écart se résorbe : les droits propres des femmes, comparés à ceux des hommes, ont connu une amélioration de 25 points entre les générations âgées de plus de 80 ans et celles âgées de 60 à 64 ans. Par ailleurs, l'écart continue de trouver son origine non dans le système de retraite lui-même, qui contribue au contraire à en atténuer les effets, mais dans les différences de parcours professionnels entre les hommes et les femmes.
    Tout comme la plupart des autres exigences du Préambule de 1946 en matière sociale, l'égalité des hommes et des femmes au regard du droit à pension ne pourra ainsi être mise en œuvre par l'intervention d'une législation isolée, mais par un ensemble de législations, de politiques publiques et de conventions entre partenaires sociaux (voir en ce sens, par exemple, la décision n° 93-330 DC du 29 décembre 1993, considérants n°s 12 à 14).
    Pour autant, la législation sur les retraites, et spécialement la loi déférée, qui la préserve et l'adapte aux évolutions démographiques et économiques, y prend toute sa part.
    Le système de retraite a ainsi été progressivement complété par des mécanismes tenant compte de la spécificité de la situation des femmes sur le marché du travail, ce qu'a validé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2003-483 DC (voir notamment le considérant n° 25). Conjugués à la progression du taux d'activité des femmes, ils ont permis d'améliorer la durée de carrière des femmes : selon le Conseil d'orientation des retraites, celle-ci, égale en moyenne à 145 trimestres en 2009, devrait s'établir à 155 trimestres en 2020, soit au même niveau que pour les hommes ; après 2020, elle devrait même dépasser de deux trimestres en moyenne celle des hommes.
    Les femmes sont également les premières bénéficiaires du minimum contributif, dispositif qui permet de porter la pension liquidée à taux plein du régime général et des régimes alignés à hauteur de 650 EUR par mois pour une carrière complète et majore en moyenne la pension du régime général de 43 %. Deux tiers de ses bénéficiaires sont en effet des femmes et 83 % des femmes qui attendent 65 ans pour partir en retraite en bénéficient.
    Le système de retraite tient déjà ainsi compte des disparités de traitement entre hommes et femmes ; son taux de rendement interne est d'ailleurs supérieur pour ces dernières comme l'a montré le COR dans son rapport de janvier 2010 (4 % contre 2,8 % pour les hommes).
    La présente loi portant réforme des retraites s'attache, pour sa part, à renforcer la réduction en amont des disparités de traitement dans le monde du travail, en assujettissant les employeurs qui ne respectent pas leurs obligations en matière d'égalité entre hommes et femmes à une pénalité égale à 1 % de la masse salariale.
    Elle prévoit aussi l'inclusion des indemnités journalières de maternité dans le salaire pris en compte pour la retraite.
    Elle maintient enfin dans son principe tout en l'actualisant l'existence depuis 1972 des mécanismes de compensation de la charge éducative des enfants par la majoration de la durée d'assurance pour enfants.
    Il est exact que les articles 20 et 21, en leur II, prévoient que l'âge à partir duquel la pension de retraite est calculée sans décote quelle que soit la durée de carrière de l'assuré est celui d'ouverture des droits à retraite, majoré de 5 ans. Cet âge d'annulation de la décote passera donc progressivement de 65 ans à 67 ans. Mais un certain nombre de publics continuera de connaître un sort plus favorable : il en est ainsi, notamment, des assurés nés de 1951 à 1955, ayant eu au moins trois enfants et ayant interrompu leur activité dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat.
    En pratique, la mention de cette dernière catégorie concernera au premier chef les femmes. Elle paraît suffisante, désormais, pour compenser les inégalités de retraite directement liées aux interruptions de carrière. Le choix des seuils retenus obéit en effet à des constats objectifs : c'est à partir de trois enfants que les incidences sur la vie professionnelle sont les plus marquées, ainsi qu'en atteste la persistance de l'écart constaté entre les durées d'assurance en fonction du nombre d'enfants (le sixième rapport du COR est éclairant à ce sujet : « La proportion de [femmes] qui cessent ou réduisent leur activité à cause d'une naissance augmente avec le rang de l'enfant, passant de 16 % au premier enfant à 31 % au deuxième enfant, pour devenir majoritaire au troisième enfant [54 %] », page 80 ; « Les mères d'au moins trois enfants perçoivent une pension inférieure de près de 28 % à celle des autres retraitées, l'écart est de 34 % sur le seul montant de la pension de droit propre hors majoration de pension », page 92). C'est aussi à partir de la génération 1956 que les avantages familiaux de retraite créés en 1972 font pleinement sentir leurs effets sur la carrière des femmes.
    Dans ces conditions, le Gouvernement est d'avis que le grief tiré de ce qu'aucun sort particulier ne serait réservé aux femmes les plus touchées par le relèvement de l'âge de la retraite sans décote pourra être écarté.
    Le Gouvernement souhaite enfin souligner que, contrairement à l'allégation qui figure in fine dans les deux saisines, la loi déférée n'institue aucun transfert de charge en direction du régime d'assurance chômage.
    Elle contribue certes à offrir une garantie aux salariés privés d'emploi de plus de 60 ans en leur permettant de percevoir un revenu de remplacement jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge d'ouverture des droits à la retraite à taux plein. Toutefois, ainsi que cela a été observé à l'étranger, on peut attendre du report de l'âge de la retraite un effet décisif sur le taux d'emploi des « seniors ». Tout chiffrage fondé sur l'hypothèse d'une stabilité de ce taux d'emploi, comme celui avancé par les auteurs des saisines, n'est ainsi pas de nature à donner une image fidèle de l'impact de la réforme menée par la loi déférée sur le régime d'assurance chômage.


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    Pour ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans les saisines ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée.
    Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.

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