Dossiers législatifs

LOI n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense

Exposé des motifs

La Revue nationale stratégique (RNS) rendue publique le 9 novembre 2022 tire les enseignements de l’évolution, depuis la précédente réalisée en 2017, d’un contexte géopolitique instable et imprévisible, marqué par le retour d’une guerre de haute intensité sur le sol européen, les crises sanitaire et climatique, une interdépendance profonde entre scènes nationale et internationale, dans les domaines politiques, énergétiques et économiques notamment.

La RNS fixe le cadre stratégique de l’élaboration de la présente loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, qui précise, notamment dans le rapport qui lui est annexé, les orientations de la politique de défense française pour les sept prochaines années. Elle couvre les domaines géostratégique, capacitaire, industriel, financier, et ceux liés aux conditions de vie et de travail des femmes et des hommes de la défense.

Aussi la présente loi vise à garantir notre autonomie stratégique, à assurer nos engagements au titre de notre statut d’allié de l’OTAN et de membre de l’Union européenne et faire de la France une puissance d’équilibres. Les priorités politiques et militaires qui en découlent sont les suivantes :

- garantir la crédibilité dans la durée de la dissuasion nucléaire, clef de voûte de notre outil de défense ;

- transformer nos armées pour que la France conserve la supériorité opérationnelle, et soit en mesure de faire face à l’ensemble des menaces y compris dans les nouveaux espaces de conflictualité.

- renforcer la cohérence, la préparation et la réactivité de l’armée française, pour qu’elle soit en mesure de conduire si nécessaire des coalitions dans des engagements majeurs avec nos alliés et partenaires ;

- poursuivre l’effort entrepris pour l’amélioration des conditions de vie et de travail des militaires et civils de la défense, et de leurs familles.

Cette quatorzième loi de programmation militaire comprend deux titres.

Le titre I er du projet de loi fixe les dispositions relatives aux objectifs de la politique de défense et à la programmation financière ( article 1 er ).

L’ article 2 approuve un rapport annexé fixant, pour les années 2024 à 2030, les objectifs de la politique de défense et les moyens pour les atteindre, en maintenant l’objectif de porter l’effort national de défense à hauteur de 2% du PIB à compter de 2025, ainsi que les orientations en matière d’équipement des armées à l’horizon 2035.

L’ article 3 présente les ressources financières sous-tendant la programmation militaire année par année sur la période 2024-2030. Ces ressources représentent 400 milliards d’euros courants de crédits budgétaires, finançant un besoin physico-financier programmé de 413,3 milliards d’euros.

L’article précise par ailleurs le périmètre de la programmation militaire, qui n’inclut pas les moyens dédiés au soutien militaire à l’Ukraine qui seront financés par ailleurs sans effet d’éviction.

Dans la continuité de la LPM 2019-2025, l’article 3 prévoit enfin le maintien du retour intégral au ministère de la défense des redevances domaniales, loyers et produits de cessions de ses biens immobiliers.

L’ article 4 précise le niveau de la provision annuelle prévue pour couvrir en partie les dépenses liées à de potentielles opérations extérieures (OPEX) ou missions intérieures (MISSINT). Cette dotation, qui s’établissait dans la précédente LPM à 1,2 milliard d’euros en 2023 est ramenée à 800 millions d’euros en 2024 puis 750 millions d’euros chaque année sur le reste de la période, principalement pour tenir compte de la réduction de l’empreinte opérationnelle du ministère (notamment au titre de la fin de l’opération Barkhane et de l’évolution du dispositif Sentinelle après les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024).

Comme dans la précédente LPM 2019-2025, cette provision globale est assortie d’un dispositif permettant de couvrir d’éventuels surcoûts supplémentaires (surcoûts nets), en gestion, par un recours à la solidarité interministérielle. Parallèlement, dans l’hypothèse où les surcoûts nets seraient inférieurs aux provisions inscrites en loi de finances initiale, l’écart constaté serait conservé par le budget des armées.

Enfin, l’article 4 rappelle que les OPEX et les MISSINT, en cours font l’objet d’une information au Parlement.

L’ article 5 présente une clause similaire à celle de la précédente LPM qui assure au ministère de pouvoir bénéficier de mesures financières en gestion en cas de hausse des prix constatés des carburants opérationnels, et de crédits budgétaires supplémentaires en loi de finances initiale si cette hausse des prix constatés s’avère durable.

L’ article 6 présente l’évolution prévue des effectifs du ministère de la défense pour la période allant de 2024 à 2030. L’effort de transformation sera poursuivi et la déclinaison des priorités nouvelles conduisent à maintenir la cible en effectifs du ministère à 275 000 à l’horizon 2030, avec un point de passage à 271 800 en 2027. Cet effort est décliné en augmentations nettes d’effectifs par annuité de la LPM. Le ministère adaptera la réalisation des cibles d’effectifs fixées par le présent article et sa politique salariale en fonction de la situation du marché du travail.

Pour renforcer notre modèle, nos forces armées s’appuieront sur une réserve plus nombreuse et mieux équipée, pleinement intégrée à l’active, avec une cible en effectifs portée à 105 000 au plus tard en 2035, pour atteindre l’objectif d’un militaire de réserve pour deux militaires d’active.

L’ article 7 précise que la loi de programmation fera l'objet d'une actualisation avant la fin de l'année 2027. Cette actualisation permettra de vérifier la bonne adéquation entre les objectifs fixés dans la présente loi, les réalisations et les moyens consacrés, compte tenu de l’évolution du contexte géopolitique et économique.

Dans un souci de transparence vis-à-vis du Parlement et afin de l’associer à l’exécution de la LPM, l’ article 8 fixe l’obligation pour le Gouvernement de communiquer une fois par an, avant le 30 avril, au Parlement, un rapport sur le bilan de l’exécution de la programmation militaire au cours de l’année passée.

L’ article 9 fixe l’obligation pour le Gouvernement de présenter, avant le 30 juin de chaque année, au Parlement, les enjeux et les principales évolutions de la programmation budgétaire de la mission « Défense ».

Enfin, l’ article 10 abroge à compter du 1 er janvier 2024 le titre I er de la loi du 13 juillet relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025.

Le titre II comporte diverses dispositions normatives intéressant la défense nationale.

Le chapitre I er est relatif au renforcement du lien entre la Nation et ses armées et à la condition militaire.

L’ article 11 a pour objet de pérenniser l’existence de l’Ordre de la Libération.

L’entrée au Mont Valérien de la dépouille de M. Hubert Germain, dernière personne physique titulaire de la Croix de la Libération et chancelier d’honneur de l’Ordre de la Libération, a renforcé la nécessité d’assurer la pérennité des traditions de cet Ordre singulier, créé en 1940 et constitué par la loi n° 99-418 du 26 mai 1999 créant l’Ordre de la Libération (Conseil national des communes « Compagnon de la Libération ») sous la forme d’un établissement public. L’Ordre de la Libération est un acteur essentiel du développement de l’esprit de défense de la jeunesse et le gardien de la mémoire des combattants et résistants de la Seconde Guerre mondiale.

Les dispositions de la loi du 26 mai 1999 précitée sont ainsi modifiées pour conforter l’existence et les missions de l’Ordre de la Libération par l’évolution de l’organisation et de la gouvernance de l’établissement.

En effet, et même si les 1 038 Compagnons de la Libération ne sont plus, la pérennité des traditions de l’Ordre de la Libération et la transmission des valeurs qu’il porte sont toujours d’actualité. Tel est l’objet du présent article qui procède par ailleurs à quelques ajustements rédactionnels.

L’Ordre de la Libération sera dorénavant placé sous la protection du Président de la République ; de nature symbolique, cette protection matérialise l’attention particulière portée par le chef de l’Etat à l’établissement, de manière analogue à la protection accordée par voie législative aux cinq académies composant l’Institut de France.

Le grand chancelier de la Légion d’honneur, représentant du Président de la République aura la responsabilité de veiller au respect des principes fondateurs de l’Ordre.

Les attributions de l’établissement sont étendues afin d’assurer le rayonnement de l’Ordre et le développement de l’esprit de défense et s’appuient désormais sur l’engagement des médaillés de la Résistance.

Enfin, la composition du conseil d’administration est modifiée. Seront désormais membres du Conseil d’administration : le grand chancelier de la Légion d’Honneur, en lieu et place du chancelier d’honneur, fonction dévolue à un titulaire de la croix de la Libération, ainsi que le directeur général de l’Office national des combattants et des victimes de guerre.

L’ article 12 renforce le régime d’indemnisation des militaires blessés en service.

Le Président de la République, dans son discours aux armées du 13 juillet 2022, a souligné la nécessité de prévoir une meilleure prise en charge des blessés de guerre et des familles de militaires décédés en opération.

En lien étroit avec les armées, un plan d’action 2022-2025 en faveur des militaires blessés et de leur famille a été élaboré. L’article 12 met en œuvre les axes du plan nécessitant une intervention du législateur en renforçant la réparation des préjudices pour les militaires blessés dans le cadre d’activités opérationnelles.

Actuellement, un militaire blessé en service ou ayant contracté une maladie imputable au service peut bénéficier d’une pension militaire d’invalidité (PMI) ayant pour objet de réparer, de manière forfaitaire, la perte de gains professionnels, l'incidence professionnelle, le déficit fonctionnel et, sous la forme d’une majoration de la PMI, les frais d’assistance par une tierce personne.

En outre, depuis la décision du Conseil d’Etat du 1er juillet 2005, Mme Brugnot, n° 258208, même en l’absence de faute de l’Etat, une indemnisation complémentaire peut également être accordée au militaire au titre de la réparation des préjudices non couverts par la PMI (souffrances physiques ou morales, préjudices esthétiques ou d’agrément, frais d’adaptation du logement et du véhicule notamment).

Par ailleurs, le militaire a droit à la réparation intégrale de l’ensemble de ses préjudices lorsqu’une faute de l’Etat est à l’origine du dommage subi. Dans ce cas, lorsque le montant de la pension résultant des barèmes prévus par le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) ne suffit pas à compenser l’intégralité des préjudices que la pension a pour objet de réparer, le militaire peut prétendre à une indemnisation complémentaire. Il en est ainsi, par exemple, lorsque les frais d’assistance par une tierce personne pesant sur le militaire blessé dépassent le montant de la majoration de pension qui, en vertu du CPMIVG, lui est allouée à ce titre. Ce dispositif a pour conséquence d’inciter le militaire blessé qui souhaiterait obtenir une réparation intégrale de ses préjudices à rechercher l’existence d’une faute de son autorité hiérarchique, à l’origine de son dommage, et ouvre ainsi la voie à une « judiciarisation » des relations entre le militaire et son armée. Ceci est préjudiciable à la cohésion des forces armées, condition nécessaire de leur efficacité opérationnelle.

Afin d’améliorer les conditions d’indemnisation des militaires blessés, le I du présent article prévoit, à l’instar du régime prévu à l’article L. 4251-7 du code de la défense pour les réservistes, que les militaires d’active ont droit à la réparation intégrale du dommage subi, même sans faute de l’Etat, dès lors que le dommage a pour origine un opération de guerre, une opération extérieure ou une activité opérationnelle d’une intensité et d’une dangerosité particulières, incluant les exercices ou manœuvres de préparation au combat. Il permettra aux militaires blessés de bénéficier d’une réparation intégrale de leurs préjudices, lorsque la pension qu’ils perçoivent en vertu du CPMIVG ne suffit pas à couvrir l’intégralité de leurs préjudices.

Ce dispositif concernera, par exemple, les blessés en opération extérieure ou lors d’une mission opérationnelle, d’une intensité et d’une dangerosité particulières assimilables à celles d’une opération extérieure, placée sous commandement du chef d’état-major des armées, mais également en cas de crash aérien survenu lors d’un entraînement à bord d’un aéronef militaire ou en cas de dommages subis lors d’un stage d’aguerrissement.

Par ailleurs, en prévoyant que le dommage doit être la cause directe et déterminante du recours à l’assistance par une tierce personne, et non plus sa cause exclusive, le II du présent article assouplit les conditions d’indemnisation des frais y afférents prévues par l’article L. 133-1 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, permettant ainsi une simplification et une accélération du versement de la majoration pour tierce personne.

Le présent article s’appliquera à toute demande d’indemnisation pour laquelle n’est pas intervenue une décision passée en force de chose jugée à la date de promulgation de la loi.

L’ article 13 concourt à une meilleure protection des ayants droit des militaires décédés en service.

En cas de décès d’un militaire en service, la rémunération qu’il perçoit n’est juridiquement due que jusqu’au jour du décès. Compte tenu des règles applicables à la gestion des deniers publics, lorsque celui-ci survient en cours de mois, l’administration émet automatiquement un titre de perception visant à récupérer le trop-versé de solde, parfois pour un montant modique, que les héritiers du militaire sont, en principe, tenus de rembourser. Ce faisant, le drame vécu par la famille se double d’une charge financière et administrative difficilement justifiable.

En outre, cette situation complexifie le travail d’accompagnement des familles endeuillées mené par les services compétents, a fortiori lorsque le décès est intervenu dans un contexte opérationnel, et renvoie l’image d’une administration déshumanisée, d’autant que le récent code général de la fonction publique prémunit désormais les fonctionnaires et les agents publics civils contre cette situation.

Pour mettre fin à cette situation, la présente mesure prévoit, selon des considérations de bonne administration, que la rémunération d’un militaire décédé en service sera due pour l’intégralité du mois de son décès, permettant ainsi à ses ayants cause de bénéficier du reliquat correspondant.

L’ article 14 vise à promouvoir l’engagement et le parcours au sein de la réserve opérationnelle, pour en renforcer les moyens et l’efficacité.

Cet article a pour objet de fixer des modalités de fonctionnement permettant de renforcer l’employabilité et de garantir l’effectivité d’une réserve opérationnelle rénovée, forte de moyens humains et matériels accrus.

Plus particulièrement, il poursuit les principaux objectifs suivants :

1° Élargir le vivier des réservistes opérationnels sans compromettre l’impératif de jeunesse en :

a) Relevant l’âge maximal de l’ensemble des réservistes opérationnels à 70 ans, hormis celui des praticiens militaires et des réservistes spécialistes, qui reste fixé à 72 ans ;

b) Adaptant les critères de capacité physique requis pour intégrer la réserve ;

c) Permettant que des militaires temporairement éloignés du service du fait de leur placement dans une situation de non-activité (non liée à une raison de santé : disponibilité, congé parental, congés pour convenances personnelles) puissent rejoindre la réserve opérationnelle. Ce dispositif permet, pour les militaires concernés, de maintenir leurs compétences et, pour l’institution militaire, de continuer à bénéficier de leur expertise, tout en facilitant leur retour ultérieur en position d’activité. Cette mesure prolonge celle instaurée en 2018 et modifiée au début de l’année 2023, en faveur des militaires en congé pour convenances personnelles pour éducation d’un enfant de moins de 12 ans. Cette mesure permettra par ailleurs de conforter l’objectif de parité hommes/femmes dans le déroulement de carrière ;

d) Valorisant et fidélisant les réservistes spécialistes par le biais d’un assouplissement de leurs conditions d’emploi et l’instauration d’une possibilité d’avancement ;

2° Garantir et accroître la disponibilité et la réactivité de la réserve opérationnelle en :

a) Facilitant la convocation des réservistes par l’autorité militaire notamment vis à vis de l’employeur ;

b) Optimisant l’emploi des réservistes opérationnels par l’élargissement des possibilités d’affectation des réservistes hors des armées dans l’intérêt de la défense, au sein de tout entreprise ou organisme de droit privé, sous réserve, d’une part, que l’intérêt de la défense ou de la sécurité nationale le justifie et, d’autre part, de la signature d’une convention avec l’entité en cause, de tout administration, établissement public ou organisme public ou autorité publique indépendante ou de toute organisation internationale ;

c) Réformant la réserve opérationnelle de deuxième niveau constituée d’anciens militaires.

L’article garantit et accroît la disponibilité et la réactivité des deux composantes de la réserve opérationnelle (volontaires de la réserve opérationnelle et anciens militaires astreints à l’obligation de disponibilité).

Il porte de cinq à dix le nombre minimal de jours de convocation pouvant être réalisés pendant le temps de travail d’un volontaire de la réserve opérationnelle sans l’accord préalable de son employeur civil. Cette mesure vise un équilibre combinant un accroissement de l’efficacité et de la réactivité de la réserve opérationnelle avec la préservation des intérêts économiques des entreprises employant les réservistes face aux sujétions de la défense nationale. Incidemment, le régime applicable aux employeurs de réservistes opérationnels militaires est aligné sur celui applicable aux employeurs de réservistes opérationnels de la police nationale (cf. article L. 411‑13 du code de la sécurité intérieure).

Il modifie les conditions de convocation des anciens militaires soumis à l’obligation de disponibilité dans les cinq années suivant leur retour à la vie civile (cf. 2° de l’article L. 4231-1 du code de la défense). Alors que cette composante de la réserve opérationnelle est aujourd’hui inutilisée, le projet met en place les conditions d’un recours effectif et efficace à cette ressource humaine. Hors temps de crise, les anciens militaires astreints à l’obligation de disponibilité ne peuvent aujourd’hui être convoqués que dans la limite de cinq jours sur les cinq années de leur disponibilité, aux seules fins de contrôler leur aptitude. Le projet modifie l’article L. 4231-2 du code de la défense pour porter la durée maximale de convocation à dix jours et pour élargir la nature des activités susceptibles d’être réalisées à cette occasion à l’évaluation et au maintien de leurs compétences. Afin de garantir l’effectivité de ce dispositif, il introduit au niveau législatif une obligation pour l’ancien militaire de déclarer à l’autorité militaire toute modification de sa situation personnelle de nature à influer sur les modalités de sa convocation, notamment en cas de changement d’adresse.

Il prévoit un appel ou un maintien en activité gradué des réservistes opérationnels en fonction du niveau d’urgence ou de menace, en amont du seuil de recours à la mobilisation ou à la mise en garde déclenchées sur le fondement de l’article L. 1111-2 du code de la défense. En l’état du droit, outre ces hypothèses et celles de la mise en œuvre des contrats d’engagement à servir dans la réserve ou de la vérification d’aptitude médicale évoquée précédemment, les cas d’appel ou de maintien en activité des réservistes militaires ne sont pas articulés les uns aux autres, se recoupant partiellement et reposant sur des compétences concurrentes entre différentes autorités. En effet, ce rappel n’est possible, pour les seuls réservistes volontaires, qu’en cas de « crise majeure menaçant la sécurité nationale » (cf. article L. 4211-1-1 du code de la défense), par voie d’arrêté ministériel, et, pour l’ensemble des réservistes soumis à l’obligation de disponibilité, en cas d’activation de la réserve de sécurité nationale, par décret, impliquant également la survenance d’une « crise majeure ». Le projet de loi aligne les circonstances dans lesquelles ce rappel pourra intervenir sur celles autorisant la mise en œuvre des régimes de réquisition créés par le projet de loi aux articles L. 2212-1 (menace, actuelle ou prévisible, sur la vie de la Nation) et L. 2212-2 (en cas d’urgence, lorsque la sauvegarde des intérêts de la défense nationale le justifie) du code de la défense, dans leur rédaction issue de l’article 23 du projet de loi.

Dans un souci de proportionnalité, il sera désormais possible :

‑ en cas d’urgence, lorsque la sauvegarde des intérêts de la défense nationale le justifie, de rappeler, par arrêté du ministre de la défense ou, pour les militaires de la gendarmerie nationale, du ministre de l’intérieur, les seuls engagés volontaires dans la réserve, pour une durée limitée à quinze jours ;

‑ en cas de menace, actuelle ou prévisible, sur la vie de la Nation, de rappeler, via le décret du Président de la République portant activation de la réserve de sécurité nationale, l’ensemble des militaires soumis à l’obligation de disponibilité. Ce décret pourra néanmoins habiliter le ministre de la défense ou, pour les militaires de la gendarmerie nationale, le ministre de l’intérieur à procéder lui-même à ce rappel, par voie d’arrêté, lorsque le recours à la seule réserve opérationnelle militaire apparaît suffisant pour répondre à la menace. En principe limitée à trente jours consécutifs, la durée dudit rappel pourra, compte tenu du haut degré d’incertitude inhérente aux circonstances justifiant la mise en œuvre du dispositif, être augmentée dans des conditions et selon des modalités à définir par décret en Conseil d’Etat ;

‑ en cas de mobilisation ou de mise en garde, de rappeler, par décret du Président de la République, l’ensemble des militaires soumis à l’obligation de disponibilité, dans les conditions actuellement prévues à l’article L. 4132-4 du code de la défense.

L’ article 15 renforce la capacité des armées à disposer d’une ressource humaine conforme à ses besoins en effectifs et en qualité et améliore les conditions de réengagement des militaires.

La satisfaction des besoins RH militaires, en quantité et en qualité, constitue un objectif stratégique qui conditionne la disponibilité et l’efficacité opérationnelle des armées et, partant, la crédibilité de l’outil de défense et du respect des engagements internationaux de la France.

L’ambition RH du ministère au cours de la période de programmation 2024-2030 est ainsi d’assouplir les règles de la gestion RH militaire et de faciliter les échanges avec la société civile. Elle répond au but général d’amplifier la capacité à intégrer simplement des compétences, de favoriser le maintien des talents au sein de l’institution et de faciliter la reconversion ou le départ des militaires lorsque ceux-ci s’avèrent nécessaires. Il s’agit donc de déconcentrer au niveau des directions et des services gestionnaires du personnel militaire davantage de leviers.

a) S’agissant des anciens militaires de carrière :

Les dispositions du code de la défense ne permettent pas le recrutement d’anciens militaires de carrière.

Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 a autorisé pour une durée limitée le réengagement temporaire d’anciens militaires pour permettre aux armées de continuer à mener ses missions dans un contexte tendu lié aux enjeux de la crise sanitaire. Les armées dressent un bilan très positif de cette faculté qui leur a été offerte, conduisant le ministère des armées à souhaiter pérenniser ce dispositif.

Le présent projet de modification permettrait aux anciens militaires de carrière qui ont cessé leurs fonctions depuis moins de cinq ans, et qui souhaiteraient reprendre une carrière militaire, d’être réintégrés dans des conditions de reprise attractives : sous statut de carrière, au grade et à l’ancienneté de grade détenus lors de leur radiation des cadres. Un décret en Conseil d’Etat viendra préciser que ces militaires réengagés sont réintégrés dans l’échelon et avec l’ancienneté qu’ils détenaient lors de leur radiation des cadres.

Cette disposition permet aux forces armées et formations rattachées d’élargir leur recrutement et de bénéficier d’une ressource humaine déjà formée, désireuse de revenir servir au sein des armées après une expérience dans la vie civile.

Le dispositif ne crée pas de droit à réengagement mais offre aux forces armées et formation rattachées la faculté d’accepter les demandes de réengagement susceptibles de répondre à leurs besoins. Il pérennise le dispositif temporaire institué en 2020 dans des conditions ajustées (délai de réengagement passant de trois à cinq ans) pour répondre de la même façon à des besoins qualitatifs et non quantitatifs. Il demeure notamment incompatible avec le fait d’avoir bénéficié d’une mesure d’aide au départ au terme de son premier engagement militaire.

Les conditions de réengagement offertes ne modifient pas les paramètres de départ à la retraite ni d’accès à l’indemnisation du chômage, qui restent ceux des militaires de carrière. Elles n’affectent pas non plus l’impératif de jeunesse, dès lors que la limite d’âge des militaires réengagés n’est pas modifiée à raison de l’interruption de leurs services.

La codification de cette mesure, dont la pertinence et l’utilité ont été démontrées, pérennise un instrument de résilience qu’il ne serait plus nécessaire d’inscrire dans une législation d’urgence en cas de circonstances exceptionnelles.

b) S’agissant des anciens militaires servant en vertu d’un contrat :

A la différence des militaires de carrière, l’article L. 4132-6 du code de la défense permet de réengager d’anciens militaires ayant servi en vertu d’un contrat. Néanmoins, les intéressés peuvent être admis à servir soit dans un grade inférieur à celui acquis avant d’être rayé des contrôles, soit dans le grade détenu à l’époque de cette radiation. Dans les deux cas, ils sont réintégrés sans reprise d’échelon ni d’ancienneté d’échelon ; soit au premier échelon du grade du nouveau recrutement.

La régression indiciaire accompagnant le réengagement, particulièrement sensible en cas de recrutement dans un grade inférieur, est un frein à l’attractivité de cette voie de recrutement. Il est proposé de légiférer pour remédier à cette situation décourageante, en renvoyant à l’article L. 4132-6 à un décret en Conseil d’Etat la fixation des modalités des recrutements opérés, s’agissant notamment des conditions de reprise d’échelon et d’ancienneté d’échelon destinées à restaurer l’attractivité nécessaire à cette voie de nouvel accès à l’état militaire, et d’harmoniser les conditions de réengagement avec celles désormais prévues pour les anciens militaires de carrière.

Par ailleurs, l’article L. 4139-16 fixe les limites d’âge et limites de durée de service des militaires de carrière ou sous contrat. Dès l’atteinte de ces limites, le militaire est, d’office radié des cadres ou rayé des contrôles, de sorte qu’il n’est plus en mesure de continuer à servir au sein de l’institution.

Or, les armées font face à des difficultés de recrutement ou de fidélisation dans différentes spécialités, métiers ou familles professionnelles en forte concurrence avec les employeurs civils, notamment du secteur privé. Elles éprouvent de ce fait des difficultés à remplacer des départs inopinés de militaires qui ne renouvellent pas leur contrat ou font valoir leur droit à la retraite avant atteinte de leur limite d’âge.

Afin de ne pas créer de discontinuité dans la conduite des missions des armées, et d’accroître leur résilience en temps ordinaire comme en période de crise, il est proposé de créer un article L. 4139-17 dans le code de la défense afin d’autoriser les armées à maintenir au service certains militaires qui en ont fait la demande, pour une durée maximale de trois ans après avoir atteint leur limite d’âge statutaire ou leur limite de durée des services. Cette mesure a vocation à n’être mise en œuvre que de façon ciblée. Les militaires volontaires concernés sont ceux détenant des compétences rares, indispensables à la satisfaction des besoins des forces armées et formations rattachées, dont la relève ne peut pas être assurée en quantité ou en qualité de façon immédiate.

La mesure proposée consiste à pérenniser le dispositif mis en œuvre avec une réelle efficacité au cours de l’état d’urgence sanitaire entre juillet 2020 et octobre 2022, en la codifiant dans le statut général des militaires. Plusieurs centaines de militaires (454) ont ainsi été admis durant cette période à prolonger leurs services, pour une durée maximale de douze mois, permettant aux forces armées et formations rattachées de préserver les compétences indispensables à la conduite de l’activité, dans une période de gestion de crise consécutive à une interruption des recrutements pendant plusieurs mois en 2020. Le retour d’expérience des mesures RH mises en œuvre durant l’état d’urgence sanitaire incite à porter la durée maximale de maintien temporaire au service à trois ans, douze mois étant jugé trop court pour les spécialités les plus critiques, qui impliquent une génération de compétences plus longue.

Afin d’être pleinement utile et de garantir une extrême réactivité, la mise en œuvre du dispositif ainsi pérennisé n’est plus subordonné une situation particulière : les forces armées et formations rattachées peuvent y avoir recours dès qu’un besoin est identifié.

L’ article 16 procède au relèvement du seuil d’irréversibilité du congé de reconversion.

Répondant à la logique de flux d’une armée professionnelle durcie et modernisée, l’ambition RH du ministère des armées au cours de la période de programmation 2024-2030 est d’assouplir les règles de la gestion RH militaire dans les buts à la fois d’instaurer une véritable stratégie des compétences au sein du ministère mais également de mettre en place des passerelles entre les armées et la société civile.

Développer la capacité à intégrer simplement des compétences et faciliter la rétention des talents imposent de pouvoir en parallèle accompagner les militaires en reconversion selon des modalités adaptées qu’il apparaît au surplus nécessaire de pouvoir modifier sans recourir à la loi.

La mesure relative au congé de reconversion a pour objectif d’adapter le seuil au-delà duquel la reconversion est considérée comme irrévocable. Elle permet surtout de renvoyer ce seuil au profit d’une disposition réglementaire au bénéfice de davantage de souplesse de mise en œuvre par les directions et services gestionnaires de personnel militaire.

En cohérence avec leur modèle de ressources humaines à flux, les forces armées et formations rattachées ont mis en place un dispositif de reconversion des militaires qui, au terme de leur contrat d’engagement, par atteinte de la limite de durée de leurs services ou de la limite d’âge de leur grade ou en raison d’une inaptitude médicale, sont conduits à quitter le service.

Le dispositif de reconversion permet au militaire éligible de bénéficier, sur demande agréée, de bénéficier, d’une part, de dispositifs d'évaluation et d'orientation professionnelle ainsi que, d’autre part, d'une formation professionnelle ou d'un accompagnement vers l'emploi, destinés à le préparer à l'exercice d'un métier civil.

La phase de sa formation professionnelle et d’accompagnement s’organise sur 120 jours ouvrés fractionnables. Elle peut être complétée par une seconde période de 6 mois consécutifs. Toutefois, dès atteinte du 40 e jour de la première période, le militaire est irrévocablement tenu de quitter le service au terme de sa ou de ses formations. Cette période de quarante jours pour fixer l’irrévocabilité de la radiation des cadres ou des contrôles est considérée par les forces armées et formations rattachées comme étant trop courte.

L’objectif de la mesure consiste à donner plus de souplesse au dispositif, en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de définir le délai applicable. Celui-ci pourra être allongé, par décret, pour accorder au militaire en reconversion, un délai ne pouvant être inférieur à 40 jours, mais modulé au-delà par décret en Conseil d’Etat, pour évaluer les chances de succès de sa démarche et décider, le cas échéant, de continuer ses services au sein des armées.

La mesure proposée vise d’abord à mieux tenir compte des difficultés que peuvent rencontrer certains militaires en reconversion, soumis au cours de cette période à des contraintes opérationnelles peu propices à son bon aboutissement. Elle permet également aux forces armées et formations rattachées de bénéficier d’une renonciation plus tardive à leur reconversion, par des militaires qualifiés dont le départ n’était pas souhaité.

Le seuil d’irréversibilité devrait être fixé au 60e jour du congé de reconversion.

L’ article 17 vise à renforcer l’attractivité des carrières militaires en créant un régime d’apprentissage militaire.

Développer la formation technique dans les secteurs de pointe et fidéliser les compétences acquises constituent des aspects centraux de l’ambition politique de moderniser les armées. Pour y répondre, l’ambition RH du ministère au cours de la période de programmation 2024-2030 s’inscrit dans la politique gouvernementale de développement de l’apprentissage au bénéfice de la jeunesse, tout en l’adaptant au statut militaire. Le renforcement de l’attachement à l’institution en formant plus tôt répond directement à l’ambition de durcir les armées.

La mesure proposée vise ainsi à créer un statut permettant de mieux intégrer des jeunes en formation en prévoyant un aménagement des conditions d’emploi des apprentis militaires mineurs (travail de nuit, emploi dans des unités opérationnelles tels que les centres régionaux opérationnels de secours et de sauvetage). Un effectif de 1 200 apprentis militaires est envisagé dès 2023.

Les établissements militaires d’enseignement préparatoire et technique des trois armées dispensent, à leurs élèves, une éducation alternée sous la forme d’une instruction générale et d’une formation militaire, théorique et pratique, sanctionnée par un diplôme ou un titre à finalité professionnelle. Ils sont préparés, dans le cadre de cet enseignement, à occuper un emploi de militaire du rang ou de sous-officier.

Ces élèves sont amenés à accomplir des activités de mise en œuvre pratique au sein d’unités et d’organismes, qui doivent être encadrées dans le strict respect de la Convention relative aux droits de l’enfant.

Les finalités et les principes d’organisation de ces formations s’apparentent à une forme d’apprentissage, sans en avoir toutefois aujourd’hui le statut légal. L’école des mousses de la marine, l’école d'enseignement technique de l'armée de l'air et de l’espace et l’école militaire préparatoire technique de l’armée de terre sont à cet égard placées dans des situations parfaitement identiques, ce qui implique de leur appliquer un régime commun.

La mesure proposée vise notamment à encadrer l’engagement des élèves des établissements militaires d’enseignement préparatoire et technique au regard notamment du fait que certains des élèves seront mineurs (cf. art. L. 4132-1 du code de la défense). Cela implique notamment de modifier les dispositions encadrant le travail de nuit des élèves, qui ne concernent de fait pas seulement les élèves de l’école des mousses.

Le fait d’introduire au niveau de la loi la notion d’enseignement technique et préparatoire militaire (ETPM) et de l’ériger en apprentissage à part entière apparaît nécessaire pour plusieurs raisons :

‑ d’une part, pour combler une lacune du code de la défense qui emploie le terme « écoles préparatoires de la marine » sans définir ce que cela recouvre et en omettant les écoles des autres armées ;

‑ d’autre part, qualifier légalement l’ETPM d’apprentissage matérialise l’apport du ministère des armées au développement de l’apprentissage, qui constitue une priorité du Gouvernement ;

‑ enfin, il est nécessaire de recourir à la loi pour justifier que le statut d’apprenti militaire diffère sur plusieurs points du statut des apprentis civils, défini dans la partie législative du code du travail. A titre d’illustration, l’apprentissage militaire est une voie de recrutement alors que le code du travail proscrit l’embauche de l’apprenti par l’organisme auprès duquel il s’est formé en alternance.

Par ailleurs, les aménagements au statut général des militaires introduites pour les mineurs sous statut d’apprenti militaire (limitations horaires), sont étendues aux militaires mineurs de 17 à 18 ans, garantissant ainsi le respect des engagements internationaux de la France.

L’ article 18 proroge et modernise l’attribution du pécule modulable d’incitation au départ et de la promotion fonctionnelle.

La mesure relative aux leviers de départ anticipé s’appuie sur l’expérience récente de leur utilisation en vue de leur pérennisation de principe et de leur modernisation. Cette démarche passe par la codification de ces mesures dans la partie statutaire du code de la défense.

Prévus par les articles 37 et 38 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019, la promotion fonctionnelle (PF) et le pécule modulable d’incitation au départ (PMID) sont des outils de gestion qui contribuent fortement à la soutenabilité d’un modèle de ressources humaines à flux, et à l’accompagnement de la transformation et de l’adaptation des armées.

La PF permet aux officiers, sous-officiers et officiers mariniers de carrière en position d’activité, dans la limite d’un contingent annuel, d’être promus au grade supérieur afin d’exercer pendant une durée déterminée un emploi de ce grade, durée au terme de laquelle le militaire est radié des cadres ou admis dans la deuxième section du cadre des officiers généraux avant l’atteinte de sa limite d’âge, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.

Le PMID, dont l’emploi est également contingenté, permet en contrepartie du départ anticipé du militaire de carrière ou du militaire engagé, le versement d’un montant compris entre 27 et 48 mois de solde brute pour les officiers, entre 22 et 36 mois de solde brute pour les sous‑officiers et officiers-mariniers et correspondant à 17 mois de solde brute pour les militaires du rang. Ce pécule est versé en une fois au moment de la radiation des cadres ou des contrôles ou de l'admission en deuxième section.

a) Reconduire les dispositifs de départ anticipé :

L’utilité de la PF et du PMID a été largement démontrée, comme répondant à un besoin permanent d’accompagnement de la transformation des armées. Permettant de soutenir les flux de départ en contexte de déflation, ou de les créer à d’autres périodes, ils permettent toujours de les cibler à tous les grades de la pyramide, complétant en cela les leviers d’incitation au départ déjà pérennes, mais insuffisants (pécule et disponibilité des officiers de carrière).

Succédant à des dispositifs similaires constamment reconduits depuis 1975, la PF et le PMID, instaurés au titre de la programmation militaire 2013-2018, ont été prorogés jusqu’en 2025. Depuis dix ans, ils sont devenus des outils de gestion indispensables pour réguler et ajuster les flux dans les métiers en évolution. Les prolongations successives de la PF et du PMID, la permanence du besoin de transformation et du modèle RH qui la rend possible, justifient la pérennisation de ces dispositifs.

La présente mesure a donc pour objet d’inscrire dans la durée ces outils de pilotage indispensables à la gestion des ressources humaines militaires que sont le PMID et la PF, sans exclure leur contingentement (fixé à 350 par an, dont 50 PF).

Cette démarche est pleinement cohérente avec la pérennisation, symétriquement, de diverses mesures d’optimisation des ressources humaines permettant d’attirer, retenir ou ramener au service les militaires adaptés aux besoins nouveaux ou détenteurs de compétences rares, et de mieux exploiter la ressource des réserves. Elle n’exclut pas l’adaptation du dispositif.

S’agissant du PMID, le dispositif est prorogé jusqu’au 31 décembre 2030.

S’agissant de la PF, la reconduction du dispositif prend la forme d’une pérennisation. Juridiquement, cela se traduit par la codification de cette mesure dans la partie statutaire du code de la défense (création d’un article L. 4139-9-1), à l’occasion de laquelle le recours à ce levier de départ est ouvert à la gendarmerie nationale.

b) Moderniser les dispositifs de départ anticipé :

La révision du dispositif est l’occasion de faire évoluer la PF pour l’adapter aux contraintes spécifiques de gestion du haut encadrement militaire. Il s’agit de permettre aux officiers généraux placés en 1ère section au titre de la PF d’être à nouveau nommés dans un second emploi dans les mêmes conditions. Les armées pourront ainsi dynamiser et sécuriser la gestion de certains emplois de haut encadrement militaire.

L’adaptation de la promotion fonctionnelle pour les officiers généraux vise à promouvoir suffisamment jeunes à des emplois de haute responsabilité des officiers qualifiés. La PF évite ainsi le départ des officiers qu’une perspective d’accès tardif au généralat incite à s’orienter vers le secteur civil. Elle garantit les services de ces officiers généraux pendant la durée contractualisée d’occupation de l’emploi. Elle répond ainsi à un objectif de sécurisation d’une ressource hautement qualifiée, dont la reconversion précoce dans le monde civil serait préjudiciable au ministère.

La formule actuelle de la PF impose cependant un départ après 2 à 4 ans d’exercice de l’emploi. Ce terme des services apparaît trop précoce, si l’officier général possède un potentiel précieux pour l’exercice d’un autre emploi de haut niveau. Le recours à une seconde promotion fonctionnelle garantit la disponibilité de cette ressource pour la durée de ce second emploi, mais dans le respect de la logique de flux qui impose le départ avant limite d’âge.

A la différence des règles de fonctionnalisation d’emplois de la haute fonction publique, la fonctionnalisation de certains emplois de haut encadrement militaire s’accompagne d’une promotion au grade supérieur, à la prise de poste, mais d’un départ anticipé en fin d’exercice de l’emploi, alors que le potentiel de l’intéressé est précieux dans l’exercice d’un autre emploi de haut niveau.

La formule de double PF dans certains emplois de haut encadrement militaire peut répondre à une logique de fidélisation de ressource pour l’occupation de deux emplois successifs à durée contractualisée.

C’est à cette fin qu’elle est introduite dans le code de la défense, dans le respect du principe de contingentement, et dans une double logique de dynamisation des flux et d’optimisation des compétences.

La formule de double promotion fonctionnelle est adaptée à un parcours contractualisé plus attractif mais limité en temps dans des emplois de haut niveau nécessitant des compétences rares.

La codification du dispositif de la PF impose de procéder à des mesures de l’article 36 de la loi du 18 décembre 2013, qui fait référence à l’article 37 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013. Cette mesure de coordination ne modifie pas le fond des dispositions concernées.

Le chapitre II comporte plusieurs dispositions relatives au renseignement et à la contre‑ingérence.

L’ article 19 procède à la modification de l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure afin de permettre aux services enquêteurs d’être rendus destinataires du bulletin n°2 du casier judiciaire au titre des enquêtes administratives de sécurité réalisées préalablement à l’accès à certains emplois ou à certains sites.

En application de l’article L. 114-1, les services de l’Etat compétents sont autorisés à consulter des fichiers de sécurité (fichiers de renseignement, de police ou de justice). S’agissant des fichiers d’« antécédents judiciaires », ces services ont accès aux fichiers comportant des informations sur les personnes mises en cause dans une procédure pénale (fichier TAJ) mais n’ont pas accès au bulletin numéro 2 du casier judicaire national recensant les condamnations pénales les plus graves effectivement prononcées.

Il en résulte le risque d’autoriser le recrutement ou l’accès d’une personne à un site alors que le service chargé de l’enquête n’aurait pas eu connaissance d’une condamnation pénale prononcée à son encontre.

Le présent d’article a pour objet de remédier à cette difficulté.

L’ article 20 garantit la prise en compte des intérêts fondamentaux de la Nation en cas d’activité privée en rapport avec une puissance étrangère.

Dans le contexte de résurgence des tensions et compétitions internationales, certains Etats étrangers n’hésitent pas à rechercher activement, directement ou par l’intermédiaire d’entreprises agissant pour leur compte, la collaboration d’anciens militaires dont l’expertise technique ou le savoir-faire opérationnel présentent un intérêt stratégique pour le développement de leurs propres capacités militaires.

Le droit pénal permet certes de punir ceux qui transmettent des informations confidentielles à des compétiteurs étrangers. Les articles 411-6 à 411-8 du code pénal répriment ainsi la livraison d’informations à une puissance étrangère, lorsqu’elle est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation. Encore faut-il que cette livraison d’informations soit identifiée et consommée pour engager des poursuites pénales.

En revanche, en l’état du droit, aucun dispositif organisé ne permet de faire obstacle au départ de militaires vers des structures étrangères les démarchant dans l’objectif même d’obtenir de leur part des informations ou savoir-faire opérationnels à caractère stratégique.

La présente mesure vise à instituer un contrôle préventif et dissuasif concernant les militaires ou anciens militaires ayant occupé des fonctions d’une sensibilité particulière et souhaitant exercer une activité lucrative pour le compte d’un Etat étranger ou d’une entreprise étrangère ou sous contrôle étranger intervenant dans le domaine de la défense et de la sécurité.

Elle soumet l’exercice d’une telle activité à un régime de déclaration préalable auprès du ministre de la défense, destiné à vérifier qu’il ne comporte pas le risque d’une divulgation par l’intéressé de connaissances et savoir-faire opérationnels qui serait de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation.

Seuls seront soumis au dispositif les militaires ou anciens militaires ayant exercé des fonctions présentant une sensibilité particulière ou requérant des compétences techniques spécialisées. Un décret en Conseil d’Etat déterminera les domaines d’emploi concernés (tels que les domaines du pilotage d’aéronefs, du nucléaire ou de la cyberdéfense). La liste précise de ces fonctions sera fixée par un arrêté non publié du ministre de la défense. Les militaires ou anciens militaires soumis à cette obligation en seront informés.

L’obligation de procéder à cette déclaration préalable auprès du ministre de la défense pèsera sur les militaires concernés dans les dix années suivant la cessation des fonctions sensibles.

Le ministre aura la possibilité de s’opposer à l’exercice de l’activité envisagée par le militaire ou l’ancien militaire. En cas de méconnaissance d’une opposition du ministre, le contrat de travail conclu entre l’intéressé et le nouvel employeur sera nul de plein droit et l’autorité administrative pourra, à titre de sanction, prononcer des retenues sur la pension de l’intéressé ou le retrait des décorations obtenues.

En outre, la méconnaissance de l’obligation de déclaration préalable ou de l’opposition prononcée par le ministre sera punie de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

L’ article 21 modifie le code de procédure pénale pour permettre la communication par l’autorité judiciaire aux services spécialisés de renseignement des éléments d’une procédure recueillis dans le cadre d’une enquête ouverte pour crime et délit de guerre ou crime contre l’humanité. Ces éléments ne pourront être communiqués aux services de renseignement que pour le seul exercice de leurs missions, dont les finalités, consistant à défendre et promouvoir les intérêts fondamentaux de la Nation, sont énumérées aux 1°, 2°, 4°, 6° et 7° de l’article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure. Ils ne pourront, en outre, faire l’objet d’échange avec des services de renseignement étrangers.

Cette extension, particulièrement nécessaire au regard de l’évolution de la situation internationale, en particulier au Sahel, au Levant et en Ukraine, permettrait d’unifier le régime applicable à la communication d’informations par le parquet national antiterroriste, compte tenu des possibilités déjà ouvertes en matière de terrorisme.

L’ article 22 protège l’anonymat des anciens agents des services de renseignement ou des anciens membres des forces spéciales ou des unités spécialisées dans la lutte contre le terrorisme dans le cadre des procédures judiciaires.

La protection pénale des identités réelle ou d’emprunt des agents des services de renseignement et des membres des unités des forces spéciales ou des unités d’intervention spécialisées dans la lutte contre le terrorisme est assurée par les articles 413-13 et 413-14 du code pénal. Sont prévues des peines aggravées en cas de résultat dommageable survenu à la suite de la révélation sur les agents ou leurs proches (atteinte physique ou psychique, mort), la répression de la révélation commise par négligence ou imprudence et une extension de la protection des sources ou collaborateurs du service.

La protection de l’anonymat conditionne également le choix du cadre d’audition, soit l’application de l’article 656-1 du code de procédure pénale (cadre spécifique). Celui-ci prévoit que « Lorsque le témoignage d'un agent d'un service mentionné à l'article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure ou d'un service désigné par le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 811‑4 du même code ou d'une personne mentionnée à l'article 413-14 du code pénal est requis au cours d'une procédure judiciaire sur des faits dont il aurait eu connaissance lors d'une mission intéressant la défense et la sécurité nationale, son identité réelle ne doit jamais apparaître au cours de la procédure judiciaire ». L’article 22 complète ces dispositions afin d’expliciter qu’elles s’appliquent également aux anciens agents des services de renseignement et anciens membres des unités des forces spéciales ou des unités d’intervention spécialisée dans la lutte contre le terrorisme.

Le chapitre III comporte plusieurs dispositions relatives à l’économie de défense.

L’ article 23 modernise et adapte le régime des réquisitions du code de la défense.

La réquisition est un mécanisme de puissance publique dont dispose l’Etat pour obtenir, à défaut de tout autre moyen à sa disposition, la fourniture d’un bien ou l’exécution d’une prestation de service, par une personne physique ou morale, lorsque celles-ci ne peuvent être obtenues au moyen d’une négociation amiable ni par voie contractuelle.

Le code de la défense prévoit deux régimes distincts, chacun ne pouvant être déclenché que par décret en conseil des ministres :

‑ celui des réquisitions militaires, qui ont pour objet principal l’approvisionnement des forces armées et formations rattachées ;

‑ et celui des réquisitions pour les besoins généraux de la Nation.

Ces dispositions apparaissent toutefois largement obsolètes, complexes à mettre en œuvre et fondées sur des critères dont la portée est parfois incertaine. Ces carences nuisent à l’efficacité générale de ces dispositifs et obèrent les capacités des autorités compétentes à les mettre en œuvre dans des situations d’urgence, pour plusieurs raisons.

En premier lieu, les cas d’ouverture du droit à réquisition paraissent à la fois insuffisamment précis et mal adaptés aux besoins actuels de la défense nationale comme aux nouvelles missions des forces armées et formations rattachées.

En effet, hormis quelques hypothèses limitées, les réquisitions miliaires ne peuvent être utilisées qu’en cas de mobilisation partielle ou générale, ce qui apparaît particulièrement restrictif.

Ainsi, la mise en œuvre des réquisitions pour les besoins généraux de la Nation est destinée, par les textes, à pourvoir aux « besoins de la défense » en cas de menace (dont ni la nature ni l’intensité ne sont précisément définies) ou, en vertu d’une interprétation jurisprudentielle, à la « satisfaction des besoins de la population ».

Aussi, concrètement, il n’est pas possible de recourir à une réquisition afin de répondre à une situation d’urgence susceptible d’affecter les forces armées sans qu’une menace sur la vie de la Nation ne soit réellement caractérisée.

En deuxième lieu, les modalités d’exercice des réquisitions prévues par le code de la défense apparaissent particulièrement complexes, étant précisé qu’elles sont régies par près d’une centaine d’articles législatifs et plus de cent quatre-vingt articles réglementaires.

A titre de comparaison, le cadre juridique applicable aux réquisitions préfectorales, s’agissant des atteintes à l’ordre public, est fondé sur un article législatif unique, prévu par le code général des collectivités territoriales.

Ce constat témoigne de la nécessité de simplifier les règles en vigueur afin de les rendre pleinement applicables pour garantir plus efficacement les intérêts de la défense nationale, particulièrement dans le contexte d’un retour des tensions sur le continent européen.

En troisième et dernier lieu, il apparaît que le régime d’indemnisation des réquisitions et des dommages qui en résultent, tel qu’il est défini par le code de la défense, est particulièrement inadapté, eu égard à la complexité des mécanismes de détermination du montant des indemnités, à l’inadéquation des règles procédurales en vigueur avec la structuration actuelle de l’administration ainsi qu’au caractère désuet des modes de règlement des différends qu’il institue entre l’Etat et les administrés.

A l’aune de ces constats, l’article 23 procède à la rénovation complète des réquisitions relevant du code de la défense.

Il distingue :

‑ les réquisitions visant à faire face aux menaces pesant sur la vie de la Nation. Il s’agit de menaces dont l’ampleur territoriale excèdent celles auxquelles les autorités préfectorales peuvent parer sur le fondement du code général des collectivités territoriales. Ceci concerne aussi bien les activités économiques essentielles (nécessaires à l’approvisionnement en eau, en énergie ou en alimentation, par exemple), la protection de la population, l’intégrité du territoire ou la permanence des institutions de la République que les menaces justifiant la mise en œuvre des engagements internationaux de la France en matière de défense. Eu égard aux prérogatives constitutionnelles du Président de la République, garant de l’indépendance nationale, de la continuité de l’Etat et du fonctionnement régulier des pouvoirs publics, il lui revient d’ordonner de telles réquisitions, par décret délibéré en conseil des ministres. Il pourra le faire alors même que la menace ne serait pas immédiate, mais seulement prévisible, afin de garantir une préparation plus précoce de la Nation face à la montée des périls pouvant l’affecter. Lorsqu’une telle menace survient, il sera en outre possible d’ordonner le blocage des biens mobiliers susceptibles de faire l’objet d’une réquisition, pour une période ne pouvant excéder quinze jours, renouvelable une seule fois ;

‑ les réquisitions décidées par décret du Premier ministre, visant spécifiquement à faire face aux situations d’urgence mettant en cause la sauvegarde des intérêts de la défense nationale. Il s’agit de confier au chef du Gouvernement, responsable de la défense nationale, le soin de prendre les mesures urgentes qui s’imposent, à défaut de tout autre moyen disponible en temps utile, pour permettre à l’Etat de conduire les opérations nécessaires à sa défense, indépendamment même de toute menace pesant sur la vie de la Nation. Il peut s’agir, par exemple, de la nécessité de réaliser de toute urgence une opération de défense en employant des moyens dont l’Etat ne peut se munir dans des délais compatibles avec la conduite de l’opération (telle que la récupération d’un aéronef militaire abîmé en mer).

Par ailleurs, l’utilité des réquisitions n’est assurée que si les personnes, biens et services susceptibles d’être réquisitionnés sont identifiés en amont des périodes de crises ou des situations d’urgence. Par conséquent, des dispositions de recensement des biens et personnes susceptibles de faire l’objet d’une réquisition, mais également d’organisation d’exercices sont-elles prévues.

Les garanties apportées aux personnes faisant l’objet d’une réquisition sont consolidées : les réquisitions doivent être strictement nécessaires, c’est-à-dire qu’il est impossible que l’Etat atteigne ses objectifs sans y recourir, strictement proportionnées et limitées dans le temps. Elles sont également précédées de la recherche d’un accord amiable.

La rétribution des frais engagés par la personne requise au titre de la réquisition est par ailleurs considérablement simplifiée ; en cas de réquisition de service, elle est déterminée en fonction du prix commercial normal de la prestation. En outre, les dommages subis par la personne requise résultant de manière directe et certaine des mesures de réquisition sont intégralement pris en charge par l’Etat, à moins qu’ils ne soient imputables à la personne requise. S’ils sont imputables à un tiers, l’Etat est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir le remboursement de l’indemnisation qu’il lui a versée.

Enfin, les sanctions pénales sont alignées sur celles prévues au titre du régime des réquisitions de biens et services spatiaux introduit par l’ordonnance n° 2022‑232 du 23 février 2022.

Les autres régimes de réquisition ne sont pas modifiés. En particulier, demeurent inchangées les prérogatives conférées aux préfets, dans les limites de leur compétence territoriale, par l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales.

L’ article 24 organise la possibilité de constituer des stocks stratégiques des matières ou composants d’intérêt stratégique pour les armées ainsi que la priorisation de la livraison de biens et services au bénéfice des armées.

L’évolution récente de la situation internationale, marquée par la résurgence d’une guerre de haute intensité sur continent européen comme par les risques de pénurie de matières premières, rend plus que jamais nécessaire de sécuriser et de fluidifier l’approvisionnement en matériel et en munitions des forces armées françaises.

A cette fin, l’article 24 prévoit deux dispositifs visant à garantir la continuité de l’exécution des missions des forces armées et de sécuriser leur approvisionnement.

D’une part, il introduit dans le code de la défense l’article L. 1339-1 ouvrant la possibilité, pour l’autorité administrative, d’imposer aux entreprises titulaires d’une autorisation de fabrication et de commerce d’armes et matériels de guerre la constitution de stocks stratégiques de matières (telles que le titane) ou de composants d’intérêt stratégique.

Cette obligation pourra leur être imposée indépendamment de tout contrat en cours, dans l’objectif d’augmenter la réactivité des entreprises d’armement, de préparer les futures commandes et de comprimer autant que possible les délais entre la commande d’un matériel par les armées et sa livraison effective.

Les entreprises concernées ne pourront utiliser le stock ainsi prescrit sans autorisation, ni prétendre à l’indemnisation des coûts de constitution et d’immobilisation du stock, lequel concourt à la réalisation de leur activité professionnelle. Un régime de sanction administrative est prévu en cas de méconnaissance de l’obligation de stockage (l’amende encourue ne pouvant excéder le double de la valeur des stocks non constitués, dans la limite de 5% du chiffre d’affaires annuel moyen constaté au cours des deux exercices précédents), pouvant se traduire, en cas de récidive, par le retrait de l’autorisation de fabrication et de commerce.

Des garanties importantes sont prévues : le montant maximal du stock prescrit sera plafonné par voie réglementaire ; la détermination du stock prescrit devra être proportionnée et prendre en compte, au cas par cas, la situation particulière de l’entreprise (compte tenu de son volume d’activité), le degré de tension constatée pour l’approvisionnement des matériels et composants concernés, les besoins prévisibles des forces armées ; l’obligation de stock pourra être mutualisée par convention passée entre les différentes entreprises concernées, sous réserve de l’approbation de l’autorité administrative.

D’autre part, l’article 24 introduit dans le code de la défense un nouvel article L. 1339-2 ouvrant la possibilité pour l’Etat d’ordonner l’exécution prioritaire des commandes qu’il a passées à une entreprise dans le cadre d’un marché de défense et de sécurité.

Ce dispositif a pour objectif de garantir à la fois la continuité des missions des forces armées et d’honorer les engagements internationaux de la France. Il pourra aussi être mis en œuvre pour rendre prioritaire l’exécution des contrats d’armement passés par une entreprise française avec une organisation internationale ou un Etat tiers.

La priorisation s’appliquera également aux sous-contractants dont la participation est indispensable à l’exécution du marché en cause.

En cas de manquement à l’obligation d’exécution prioritaire, l’industriel sera passible de sanctions administratives, dont le montant ne pourra excéder le double de la valeur des prestations dans la limite de 5% du chiffre d’affaires annuel moyen constaté au cours des deux exercices précédents.

L’Etat sera tenu de compenser intégralement le préjudice matériel résultant de manière directe et certaine des mesures de priorisation. Ainsi, notamment, l’effet potentiel de retard induit sur la livraison des mêmes matériels aux autres clients de l’entreprise concernée sera neutralisé, pour l’entreprise, par la garantie que l’ensemble des pénalités de retard que lui infligeraient ses autres partenaires contractuels seront entièrement pris en charge par l’Etat. Enfin, les entreprises devront fournir à l’autorité administrative, si celle-ci en fait la demande, tous documents ou éléments d’information de nature à justifier le montant de l’indemnisation due. En cas de manquement à l’obligation d’exécution prioritaire et après une mise en demeure demeurée sans effet, elles seront passibles d’une sanction pécuniaire.

L’ article 25 fait évoluer le régime des enquêtes de coûts dans les marchés publics.

Le code de la commande publique prévoit, dans ses articles L. 2196-4 à L. 2196-6, la possibilité pour l’Etat et ses établissements publics de contrôler les coûts de revient des marchés pour lesquels la mise en concurrence n’a pas été possible ou efficace et pour ceux dont les prestations sont complexes et d’une durée supérieure à 5 ans. Ce contrôle s’exerce à la fois sur les titulaires, les entreprises qui leur sont liées et leurs sous-traitants.

Ce dispositif, également applicable aux marchés de défense ou de sécurité, par l’effet des articles L. 2396-3 et L. 2396-4, permet de garantir la possibilité de contrôler la justesse des coûts notamment lorsque la concurrence n’a pas naturellement régulé les prix. Néanmoins, les éléments de vérification ne sont pas objectivés et manquent de transparence.

Afin de clarifier le mode de calcul des éléments de coûts et de valorisation dans les marchés, tant auprès des industriels que des instances de l’Union européenne, il est proposé de créer un nouvel article L. 2196-7 du code de la commande publique, permettant d’établir par décret, d’une part, la forme selon laquelle les éléments techniques et comptables de l'estimation du coût de revient doivent être présentés à l’administration si celle-ci en fait la demande et, d’autre part, la nature des charges comprises dans la détermination du coût de revient et les modalités de leur comptabilisation.

Par ailleurs, il est créé un nouvel article L. 2521-6 dont l’objectif est d’appliquer aux marchés de défense ou de sécurité du livre V de la deuxième partie du code de la commande publique qui sont exclus des règles de publicité et de mise en concurrence, les dispositions relatives au contrôle des coûts déjà en vigueur pour les marchés publics de droit commun et les autres marchés de défense ou de sécurité du livre III. En effet, ces marchés, à l’instar de ceux relevant des livres I er et III, ont besoin de faire l’objet d’enquêtes de coûts afin de contrôler que les prix pratiqués restent cohérents avec les dépenses engagées.

L’application de ces dispositions aux marchés de défense ou de sécurité du livre V se justifie pleinement car l’absence de mise en concurrence dans ces marchés stratégiques et sensibles les expose particulièrement aux risques de dérive des prix et prive l’acheteur de capacité de négociation, qu’il semble opportun de compenser par une obligation de transparence sur les coûts de revient des prestations qui font l’objet du marché. Le contrôle des prix aura lieu tant au stade de la passation des marchés, lorsque les soumissionnaires remettront leur offre, qu’au stade de l’exécution du marché, après attribution de ce dernier.

Le chapitre IV renforce les dispositions nécessaires à la crédibilité stratégique des forces armées.

L’ article 26 renforce l’autonomie des armées en matière sanitaire.

Il modifie le code de la santé publique pour :

1° Permettre aux militaires blessés en opérations de bénéficier d’une transfusion sanguine en urgence, lorsque leur état de santé le nécessite, sur le territoire national, à bord des navires de la marine nationale et lors d’évacuations médicales depuis les théâtres d’opérations.

Cette mesure permet d’augmenter les chances de survie des militaires blessés en opération.

Il s’agit pour ce faire de modifier l’article L. 1221-10 du code de la santé publique afin d’autoriser les centres médicaux du service de santé des armées, à bord des bâtiments de la marine nationale éloignés des structures de santé, et leurs équipes mobiles de soins exerçant leur mission dans les aéronefs militaires en charge des rapatriements sanitaires, ainsi que la brigade de sapeurs-pompiers de Paris et le bataillon des marins-pompiers de Marseille dont les véhicules médicalisés effectuent des transports sanitaires entre les bases aériennes et les hôpitaux des armées, à conserver des produits sanguins labiles nécessaires à la réalisation des transfusions. Cette capacité de conservation sera réservée à des besoins spécifiques de la défense et offrira les mêmes garanties que pour les établissements de santé.

2° Permettre au centre de transfusion sanguine des armées (CTSA) de fabriquer de nouveaux médicaments spécifiques à la lutte contre les attaques chimiques neurotoxiques.

Le centre de transfusion sanguine des armées sera ainsi en capacité de mettre à disposition ces médicaments en réponse à des expositions aux organophosphorés lors d’attaques ciblées visant les militaires en opération ou sur le territoire national. Ces médicaments constituent des solutions indispensables dans le cadre des contre-mesures médicales. L’usage de ces médicaments peut participer notamment à la prophylaxie (primaire et secondaire), aux prétraitement et traitement au titre du soutien médical lors des engagements des forces armées hors et sur le territoire national et constituer une réponse de l’Etat face aux risques et aux évènements NRBC.

Il est nécessaire, dans une logique d’autonomie stratégique comme de souveraineté nationale, de confier cette compétence à un service de l’Etat disposant des compétences pour fabriquer des médicaments dérivés du sang, tel que le centre de transfusion sanguine des armées. Il convient donc de modifier l’article L. 1222-11 du code de la santé publique afin de permettre au centre de transfusion sanguine des armées, pour répondre à des besoins spécifiques de défense ou de sécurité nationale, de fabriquer des médicaments dérivés du sang.

L’ article 27 procède au renforcement du régime légal de lutte anti-drones.

Les aéronefs circulant sans personne à bord, couramment appelés « drones », sont de plus en plus nombreux (environ 150 000 à 200 000) à circuler au-dessus du territoire. Leur faible coût, l’évolution de leurs technologies (autonomie, qualité des vidéos) et l’intérêt qu’ils suscitent dans la population concourent à cet accroissement important, lequel entraîne une utilisation de l’espace aérien susceptible de présenter des risques pour la sécurité des personnes, des biens ou de certains sites. Ainsi, entre 2017 et 2019, environ 350 incidents (dont 25 % de survols de centrales nucléaires et une vingtaine au-dessus des établissements pénitentiaires) ont été signalés. En outre, il convient de prendre en compte les nouvelles formes de menace que représentent les drones, et notamment la menace terroriste (transport d’explosif, de dispositif de piratage…).

L’article 24 de la loi n° 2021-998 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement a modifié le code des postes et des communications électroniques pour conférer une base légale à la technique du brouillage de drones « malveillants ». Néanmoins, de nouvelles technologies de lutte contre ces drones (tels que les armes à effets électromagnétiques dirigés, drones intercepteurs de drone, dispositifs de projection de filets anti-drones) peuvent être aujourd’hui déployées. Ces nouvelles technologies présentent l’intérêt d’une efficacité accrue et de ne pas porter atteinte à la liberté de communication des tiers.

Le présent article a pour objet de permettre aux services de l’Etat, en cas de menace imminente, pour les besoins de l’ordre public, de la défense et la sécurité nationales ou du service public de la justice ou afin de prévenir le survol d’une zone interdite, d’avoir la possibilité de recourir à l’ensemble des moyens techniques de lutte contre les drones « malveillants ».

L’ article 28 ratifie l’ordonnance n° 2022-232 du 23 février 2022 relative à la protection des intérêts de la défense nationale dans la conduite des opérations spatiales et l'exploitation des données d'origine spatiale.

Cette ordonnance a modifié la loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales ainsi que le code de la défense afin :

d’adapter le cadre juridique aux spécificités des opérations conduites par l’Etat dans l’intérêt de la défense nationale, comme le prévoyait la stratégie spatiale de défense présentée par la ministre des armées le 25 juillet 2019 ;

de garantir la préservation des intérêts de la défense nationale lorsque sont mises en œuvre les autres opérations et activités spatiales privées soumises à autorisation ;

d’étendre aux données d’observation de l’espace depuis l’espace le régime de déclaration des activités d’exploitation primaire de données d’origine spatiale, jusqu’alors applicables aux seules données d’observation de la Terre ;

de créer un nouveau régime de « réquisition des biens et services spatiaux au titre de la sauvegarde des intérêts de la défense nationale », destiné à pallier l’absence ou l’inexécution d’un accord amiable avec les opérateurs privés, afin de s’aligner sur les dispositions ayant cours dans le droit commun.

Par ailleurs, cet article modernise la loi sur les opérations spatiales pour tenir compte des nouvelles réalités de l’environnement spatial et des activités qui s’y développent, dans l’objectif de garantir la sécurité et l’utilisation durable et responsable de l’espace :

- en étendant le régime des autorisations de lancement et de maîtrise d’objets spatiaux aux constellations de satellites ;

- en encadrant le contrôle de la récupération des étages de lanceurs réutilisables ;

- en étendant les pouvoirs de contrôle du président du CNES à l’ensemble des opérations spatiales menées depuis le centre spatial guyanais, au-delà des seules opérations de lancement.

Enfin, cette disposition comporte des modifications de pure coordination.

L’ article 29 consolide les dispositions intéressant le nucléaire de défense.

Il est nécessaire de limiter, comme c’est le cas pour les installations nucléaires civiles, le recours à des prestataires ou à la sous-traitance dans les régimes du code de la défense, applicables aux matières, installations ou activités nucléaires (protection et contrôle des matières nucléaires, installations et activités nucléaires intéressant la défense, dissuasion nucléaire et contrôle gouvernemental). Cette limitation est susceptible de porter atteinte à la liberté d’entreprendre et nécessite l’intervention du législateur.

Le régime applicable aux installations nucléaires civiles est celui des installations nucléaires de base, fixé par le code de l’environnement. Celui-ci prévoit, à son article L. 593‑6‑1, l’encadrement ou la limitation du recours à des prestataires ou à la sous-traitance, en raison de l’importance particulière de certaines activités pour la protection de la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l'environnement. Il interdit également à l’exploitant de déléguer la surveillance des activités importantes effectuées par un prestataire extérieur.

Les régimes relevant du code de la défense et applicables aux matières, installations ou activités nucléaires, qu’ils aient pour objectif la sécurité ou la sûreté nucléaire, ne comportent pas de disposition équivalente au niveau législatif. Lorsqu’elles existent, ces limitations ne sont prévues que par des textes de niveau insuffisant (décret ou arrêté), alors même que ces régimes visent à prendre en compte aussi bien les enjeux de protection des personnes, des biens et de l'environnement que les enjeux de défense nationale.

Le recours à des prestataires ou à la sous-traitance est susceptible d’entraîner des risques de perte de maîtrise technique et de compétences chez les exploitants, de difficultés dans la transmission de l’information et de dilution des responsabilités.

Il est donc proposé d’insérer dans le code de la défense, pour chacun de ces régimes, des dispositions constituant le pendant de l’article L. 593-6-1 du code de l’environnement, et renvoyant à un décret en Conseil d’Etat la possibilité d’interdire, d’encadrer ou de limiter le recours à des prestataires ou à la sous-traitance. S’agissant des installations et activités nucléaires intéressant la défense, il est également proposé d’imposer à l’exploitant la surveillance des fournisseurs d’équipements importants pour la sûreté nucléaire et des activités importantes pour la sûreté nucléaire lorsqu'elles sont réalisées par des intervenants extérieurs.

L’ article 30 prévoit la communication par l’autorité judiciaire des suites données aux affaires pénales militaires.

L’article 698-1 du code de procédure pénale prescrit au procureur de la République, à défaut de dénonciation, de solliciter l’avis du ministre chargé de la défense ou de l’autorité militaire habilitée préalablement à tout acte de poursuite, pour les infractions relevant de la compétence des juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire.

L’économie de cette procédure, instaurée par le législateur en 1982, est non seulement d’éclairer l’autorité judiciaire sur les spécificités militaires susceptibles d’avoir un impact sur l’appréciation pénale du dossier, mais également de permettre à l’autorité hiérarchique de prendre les mesures commandées par l’implication d’un militaire dans une procédure pénale.

Cette procédure ne permet cependant pas à l’autorité militaire de connaître les suites judiciaires données aux procédures pour lesquelles elle a rendu un avis ou dénoncé des faits.

Cette connaissance est pourtant rendue indispensable par l’effet que les poursuites ou l’absence de poursuites peuvent avoir sur l’employabilité des personnels concernés (aptitude/autorisation de port d’armes, projection en opération extérieure ou outre-mer, habilitation ou renouvellement d’habilitation au secret de la défense nationale, etc.).

Cet article a pour objectif de créer un alinéa supplémentaire à l’article 698-1 du code de procédure pénale afin de prévoir l’information de l’autorité militaire des suites judiciaires données aux affaires pénales militaires au vu des conséquences administratives, disciplinaires et opérationnelles qui peuvent en découler.

Ce mécanisme s’inspire de celui instauré par l’article 40-2 du code de procédure pénale qui prévoit l’information sur les suites données de l’auteur du signalement réalisé en application de l’article 40 du même code.

L’ article 31 procède à la création d’un régime d’autorisation relatif aux activités d’études préalables à la pose ou à l’enlèvement d’un câble ou d’un pipe-line sous-marin en mer territoriale.

Avant de poser un câble ou un pipe-line sous-marin, un opérateur doit effectuer des études préalables pour confirmer le tracé envisagé. Ces études sont de différents types : relevés bathymétriques, prélèvements de sédiments (carottage) ou encore études visant à détecter l’éventuelle présence d’engins explosifs immergés.

En fonction des techniques utilisées, ces études peuvent avoir un impact sur le sous-sol (carottage) ou sur l’environnement (impact des sonars sur la faune marine notamment).

La convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM) signée à Montego Bay le 10 décembre 1982 ne précise pas le régime juridique applicable aux activités d’études préalables à la pose ou à l’enlèvement d’un câble ou d’un pipe-line sous-marin.

En droit national, l’article 1er du décret n° 2017-956 du 10 mai 2017 fixant les conditions d'application des articles L. 251-1 et suivants du code de la recherche relatifs à la recherche scientifique marine (RSM) en mer territoriale exclut les activités de pose de câbles du régime de la RSM en faisant référence à l’article 28 de l'ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française. Toutefois, l’article 28 de l’ordonnance ne s’applique que sur le plateau continental et dans la zone économique exclusive et ne traite pas explicitement des activités d’études préalables à la pose ou à l’enlèvement d’un câble ou d’un pipe-line sous-marin.

Dans les faits, les préfectures maritimes ou les services des délégués du gouvernement pour l’action de l’Etat en mer (AEM) outre-mer ont des pratiques diverses (régime de RSM, application directe de la CNUDM) pour traiter ces types de demandes dans la zone économique exclusive ou dans la mer territoriale.

Ce constat a conduit à la modification du décret n° 2013-611 par le décret n° 2021-1942 du 31 décembre 2021. Sur le plateau continental et dans la zone économique exclusive, les activités d’études préalables à la pose d’un câble ou d’un pipe-line sous-marin font désormais l’objet d’un régime de notification (articles 18-1 à 18-5 du décret n° 2013-611).

Toutefois, en l’absence de fondement législatif, les activités d’études préalables à la pose ou à l’enlèvement d’un câble ou d’un pipe-line sous-marin en mer territoriale ne sont encadrées par aucune réglementation nationale.

Il est donc proposé de créer un article 41 bis dans l’ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française afin de créer un régime d’autorisation pour les activités d’études préalables à la pose ou à l’enlèvement d’un câble ou d’un pipe-line sous-marin en mer territoriale.

Cette autorisation devra tenir compte des incidences que peuvent avoir ces activités sur la sécurité de la navigation, la protection de l’environnement ou des biens culturels maritimes, ou la sauvegarde des intérêts de la défense nationale.

Une modification du décret n° 2013-611 sera par la suite nécessaire afin de définir cette procédure d’autorisation selon une architecture comparable à celle du régime de notification des études préalables en zone économique exclusive et sur le plateau continental. In fine , l’autorité compétente devra notifier l’autorisation, éventuellement assortie de prescriptions, ou le refus à l’opérateur.

La création de ce régime d’autorisation permet de fixer un cadre protecteur pour la défense des intérêts de l’Etat tout en concourant à l’attractivité de la France en matière de câbles sous-marins de communication en harmonisant les normes applicables.

Le chapitre V vise à renforcer la sécurité des systèmes d’information.

Le volet cybersécurité du projet de loi de programmation militaire prévoit quatre articles permettant à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) d’accroître sa connaissance des modes opératoires des cyberattaquants, de mieux remédier aux effets de leurs attaques et d’alerter plus efficacement les victimes des incidents ou des menaces pesant sur leurs systèmes d’information (SI).

L’ article 32 autorise l’ANSSI à prescrire des mesures graduelles de filtrage de noms de domaine aux hébergeurs, aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et aux bureaux d’enregistrement de noms de domaine, afin de neutraliser l’utilisation dévoyée d’un nom de domaine par un cyberattaquant et de mieux comprendre et contrer ses modes opératoires. Cela peut prendre la forme d’une injonction à prendre des mesures adaptées, à bloquer ou suspendre le nom de domaine, mais aussi à rediriger sans délai les noms de domaine concernés vers un serveur neutre ou sécurisé de l’ANSSI, à enregistrer, renouveler, suspendre et transférer des noms de domaine.

L’ article 33 prévoit la communication à l’ANSSI des données techniques, non identifiantes, enregistrées temporairement par les serveurs DNS qui établissent la correspondance entre le nom de domaine et l’adresse IP des machines d’un réseau). De telles données permettent de détecter les serveurs mis en place par les attaquants et d’établir la chronologie de leurs attaques.

L’ article 34 est une mesure incitative tendant à obliger les éditeurs de logiciel victimes d’un incident informatique sur leurs SI, ou ayant une vulnérabilité significative sur un produit fourni sur le territoire français, à des entreprises établies en France ou contrôlées par ces dernières, à le notifier à l’ANSSI et à en informer leurs utilisateurs. Cette mesure accroît la transparence sur les incidents et vulnérabilités affectant les logiciels et permet à l’ANSSI de rendre publics la vulnérabilité ou l’incident ainsi que l’injonction lorsque l’éditeur n’y a pas répondu.

L’ article 35 introduit un ensemble de dispositions renforçant les différentes capacités de détection chez les acteurs du numérique à des fins de meilleures prévention et caractérisation des menaces.

Sa première composante complète l’article L. 2321-2-1 du code de la défense sur trois plans, en :

‑ étendant les données recueillies au contenu des communications qui transitent par les réseaux (pouvant lui révéler l’identité des victimes, etc.) et, plus largement, en permettant à l’ANSSI d’obtenir la copie du serveur utilisé par l’attaquant ;

‑ incluant les opérateurs de centres de données dans le périmètre des opérateurs sur lesquels l’ANSSI pourrait apposer des marqueurs techniques ou obtenir la copie de leurs serveurs ;

‑ incluant les sous-traitants des autorités publiques, des opérateurs d’importance vitale et des opérateurs de services essentiels au profit desquels l’ANSSI peut détecter et caractériser des événements susceptibles d’affecter la sécurité de leurs systèmes d’information.

Sa seconde composante complète l’article L. 33-14 du code des postes et des communications électroniques en obligeant les opérateurs de communications électroniques (OCE) qui sont opérateurs d’importance vitale (OIV) à se doter de capacités de détection.

Sa troisième composante étend aux hébergeurs de données, l’obligation de communication de l’identité et de l’adresse d’utilisateurs ou de détenteurs de SI vulnérables et élargit le périmètre de cette communication aux données techniques des sous-traitants des OIV, OSE et autorités publiques. Elle vise principalement à s’adapter aux pratiques nouvelles de conception des réseaux et d’hébergement de données par l’intermédiaire du recours aux sous-traitants et aux technologies en nuage ( cloud ). Il rationalise également ladite procédure en supprimant l’assermentation des agents de l’ANSSI.

Enfin, le chapitre VI ne contient qu’un seul article, l’ article 36 , qui précise les conditions d’application de la présente loi dans les outre-mer.

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