Dossiers législatifs
LOI n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat
Exposé des motifs
La France s’est dotée dès 2000 d’objectifs et de plans stratégiques pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) et amorcer sa transition énergétique avec le Plan national de lutte contre le changement climatique puis à travers les Plans Climat successifs. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) a fixé l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et de les diviser par 4 en 2050 par rapport à 1990 (Facteur 4). La France s’est également fixé d’autres objectifs ambitieux en termes de baisse de la consommation d’énergie, de développement des énergies renouvelables, afin d’atteindre 32 % en 2030, et de diversification de son mix électrique, avec l’objectif de baisser la part du nucléaire à 50 %. Tous ces objectifs concourent à la baisse de nos émissions de gaz à effet de serre.
Au niveau international, la France s’est engagée, avec les autres pays européens, à réduire les émissions de l’Europe de 40 % en 2030 par rapport à 1990 dans le cadre de l’Accord de Paris.
En 2015, la France a également publié la première Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) qui a fixé trois premiers budgets-carbone jusqu’en 2028, constituant des plafonds d’émissions à ne pas dépasser par période de cinq ans. En 2016, elle a adopté la première Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE), qui fixe à 2023 des objectifs ambitieux d’efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables.
Dans un contexte d’urgence à agir et en réponse à l’appel de l’Accord de Paris, le Gouvernement a rehaussé son ambition, en fixant, au sein du Plan climat de juillet 2017, l’objectif d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 à l’échelle du territoire national. Dans les termes de l’accord de Paris, la neutralité carbone est entendue comme l’atteinte de l’équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre et les absorptions anthropiques (c’est-à-dire les absorptions par les écosystèmes gérés par l’homme tels que les forêts, les prairies, les sols agricoles et les zones humides, et par certains procédés industriels, tels que la capture et le stockage du carbone). Les travaux de la SNBC ont montré que cet objectif de neutralité carbone est plus ambitieux que l’objectif précédent de division des émissions de gaz à effet de serre par quatre entre 1990 et 2050 et correspond à une division des émissions par un facteur supérieur à six. En même temps que l’ambition de long terme a été renforcée, le bilan de la mise en œuvre de la SNBC sur la première période 2015-2018 a conduit à constater que le premier budget carbone sera dépassé.
La SNBC est en cours de révision pour intégrer cette ambition renforcée et doit être publiée au premier semestre 2019. Elle dessine le chemin de la transition écologique et solidaire dans tous les secteurs – transports, bâtiments, agriculture, forêts, énergie, industrie, déchets – et des politiques transversales – réorientation des flux financiers publics et privés, développement de formes urbaines résilientes et économes en carbone, engagement des citoyens dans une culture bas-carbone, politique de recherche et d’innovation, accompagnement des transitions professionnelles dans le domaine de l’énergie.
La PPE, qui définit la trajectoire que le Gouvernement se fixe pour les dix prochaines années, est également en cours de révision. Les travaux, menés en grande concertation avec l’ensemble des acteurs, ont montré l’impossibilité de respecter en même temps tous les objectifs climatiques et énergétiques fixés par la loi de transition énergétique. Réduire à 50 % la part de nucléaire dès 2025 aurait nécessité de construire de nouvelles centrales au gaz, en contradiction avec nos objectifs climatiques. Il est donc proposé de porter ce délai à 2035, permettant d’engager une transition réaliste et pilotée. A l’inverse, les travaux ont montré qu’il était possible d’accélérer la baisse des consommations d’énergies fossiles à – 40% en 2030 au lieu de – 30 %. Le Gouvernement s’est en particulier engagé à l’arrêt de la production d’électricité à partir de charbon d’ici 2022.
Les travaux menés dans le cadre de ces deux exercices ont permis de décrire une trajectoire ambitieuse et crédible, permettant de diversifier notre mix énergétique, tout en réaffirmant la priorité consacrée à la lutte contre le changement climatique et à la baisse des émissions de gaz à effets de serre. L’atteinte de la neutralité carbone nécessite une transformation en profondeur de la société, de l’économie et des comportements.
Cette transformation doit s’accompagner d’une gouvernance renforcée, qui puisse réunir et croiser les expertises en matière de climat. Une transformation d’une telle ampleur doit être nourrie par un bilan régulier de la politique climatique de l’Etat et de sa mise en œuvre concrète et opérationnelle dans tous les secteurs. C’est pourquoi le Président de la République a annoncé la création d’un Haut Conseil pour le climat, rattaché au Premier ministre, indépendant et doté de moyens spécifiques. Fort de l’expertise de ses membres, il devra évaluer si la stratégie nationale bas-carbone de la France est suffisante, alerter si elle est insuffisamment mise en œuvre ou si les décisions prises par les autorités publiques ne sont pas cohérentes avec les objectifs que la France s’est fixée, et le cas échéant recommander des actions pour redresser la trajectoire. Il doit s’assurer que les politiques sectorielles et le financement sont cohérents avec les objectifs et que la SNBC est déclinée dans les territoires.
Cette transformation doit également s’appuyer sur des outils plus nombreux dans tous les domaines, notamment pour la simplification des différentes procédures administratives applicables aux projets d’énergies renouvelables, pour la limitation de nos moyens de production d’électricité les plus polluants, pour lutter contre les fraudes aux certificats d’économie d’énergie, etc.
L’article 1er de ce projet de loi modifie les objectifs de la politique énergétique de la France. Il intègre les résultats des travaux réalisés dans le cadre de la préparation de la SNBC et de la PPE en proposant une révision des objectifs associée à des trajectoires crédibles.
L’article 2 crée le Haut Conseil pour le climat qui remplace le comité d’experts de la transition énergétique, avec des prérogatives renforcées.
L’article 3 met en place un dispositif pour limiter à partir du 1er janvier 2022 les émissions de gaz à effet de serre du secteur de la production d’électricité, en permettant de plafonner la durée de fonctionnement des centrales les plus polluantes. Il permettra en particulier de conduire à la fermeture des centrales au charbon d’ici à 2022. Il prévoit également des mesures d’accompagnement spécifiques pour les salariés de ces installations et leurs sous‑traitants qui seraient impactés par leur fermeture, en complément de l’engagement du Gouvernement dans l’élaboration de chacun des projets de territoire concernés.
L’article 4 vise à simplifier les procédures applicables aux projets d’énergies renouvelables. Il clarifie la distinction, entre d’une part, l’« autorité environnementale », qui rend un avis sur la qualité de l’évaluation des incidences sur l’environnement et, d’autre part l’autorité en charge d’examiner au cas par cas, au vu des incidences sur l’environnement, la nécessité de soumettre un projet à évaluation environnementale.
Le dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE) constitue l’un des principaux instruments de la politique de maîtrise de la demande énergétique. Il impose aux fournisseurs d’énergie de développer les économies d’énergie. Un objectif pluriannuel est défini et réparti entre les fournisseurs d’énergie en fonction de leur volume de ventes. En fin de période, ils doivent justifier de l’atteinte de cet objectif en ayant obtenu suffisamment de certificats d’économies d’énergie.
Les certificats d’économies d’énergie peuvent être échangés de gré à gré et ont une valeur vénale. Ils sont donc susceptibles de donner lieu à des manœuvres frauduleuses. Compte tenu des enjeux financiers croissants, un renforcement des moyens de lutte contre la fraude est nécessaire.
L’article 5 met en place de nouveaux outils pour lutter contre la fraude aux certificats d’économie d’énergie, en accélérant les procédures, en facilitant le cadre juridique de l’échange d’informations entre les différents services de l’Etat.
L’article 6 autorise le Gouvernement à transposer par ordonnance un ensemble de textes européens qui viennent d’être adoptés ou sont sur le point de l’être, le paquet « Une énergie propre pour tous les Européens », dont les objectifs sont cohérents avec le reste des dispositions du projet de loi.
L’article 7 corrige une scorie à l’article L. 132-2 du code de l’énergie résultant de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes modifiant les règles de renouvellement du collège de la Commission de régulation de l’énergie (CRE).
Il autorise également le Gouvernement à modifier par ordonnance le code de l’énergie afin de clarifier les différentes étapes de la procédure du comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS) en matière de règlement de différends et de sanctions. Cette modification de la procédure du CoRDiS permettra de renforcer les exigences du droit à un recours effectif dans le respect des droits de la défense et du principe du contradictoire et d’habiliter la CRE à déposer des observations devant la Cour de cassation ou à former un recours contre un arrêt de la cour d’appel de Paris si ce dernier n’est pas contesté par l’une des parties.
Enfin, il habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour ouvrir la possibilité d’un traitement non juridictionnel des près de 15 000 requêtes en remboursement de tout ou partie de la contribution au service public de l'électricité (CSPE), actuellement pendantes devant le tribunal administratif de Paris, auxquelles s’ajoutent 45 000 réclamations préalables engagées devant la CRE . Afin de garantir un traitement rapide de ces demandes de remboursement, il convient d’autoriser la CRE à transiger.
L’article 8 vise à assurer un calcul des compléments de prix du mécanisme de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) tenant compte de l’effet de plafonnement prévu à l’article L. 336-1 du code de l’énergie afin d'éviter toute distorsion du signal pouvant conduire à des effets d'aubaine défavorables pour la collectivité.