Décision 2018-766 QPC - 22 février 2019 - Mme Sylviane D. [Majoration du dépôt de garantie restant dû à défaut de restitution dans les délais prévus] - Conformité
Décision 2018-766 QPC - 22 février 2019 - Mme Sylviane D. [Majoration du dépôt de garantie restant dû à défaut de restitution dans les délais prévus] - Conformité
Décision n° 2018-766 QPC
- JORF n°0046 du 23 février 2019, texte n° 77
- NOR : CSCX1905803S
- ECLI:FR:CC:2019:2018.766.QPC
Texte intégral
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 13 décembre 2018 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 1173 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour Mme Sylviane D. par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2018-766 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du septième alinéa de l'article 22 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code civil ;
- la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ;
- la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové ;
- l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations ;
- l'arrêt de la Cour de cassation du 15 novembre 2018 (3ème chambre civile, n° 17-26.986) ;
- le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Au vu des pièces suivantes :
- les observations présentées pour la requérante par la SCP Waquet, Farge, Hazan, enregistrées le 2 janvier 2019 ;
- les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 4 janvier 2019 ;
- les secondes observations présentées pour la requérante par la SCP Waquet, Farge, Hazan, enregistrées le 30 janvier 2019 ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu Me Hélène Farge, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la requérante, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 12 février 2019 ;
Au vu des pièces suivantes :
- la note en délibéré, présentée par le Premier ministre, enregistrée le 18 février 2019 ;
- la note en délibéré, présentée pour la requérante par Me Farge, enregistrée le 20 février 2019 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. L'article 22 de la loi du 6 juillet 1989 mentionnée ci-dessus, dans sa rédaction résultant de la loi du 24 mars 2014 mentionnée ci-dessus, fixe le régime juridique du dépôt de garanti prévu par le contrat de location ainsi que les conditions de sa restitution. Son septième alinéa prévoit :
« À défaut de restitution dans les délais prévus, le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d'une somme égale à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard. Cette majoration n'est pas due lorsque l'origine du défaut de restitution dans les délais résulte de l'absence de transmission par le locataire de l'adresse de son nouveau domicile ».
2. Selon la requérante, les dispositions contestées seraient contraires aux principes de proportionnalité et d'individualisation des peines, dans la mesure où elles sanctionnent le défaut de restitution dans les délais du dépôt de garantie d'une majoration du montant de ce dernier, automatique et indépendante des sommes effectivement dues. La majoration ainsi instaurée, qui ne tiendrait pas compte du préjudice réellement subi par le locataire, méconnaîtrait également le droit de propriété.
3. Selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes énoncés par cet article s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition.
4. Il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.
5. L'article 22 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit l'obligation pour le bailleur de restituer le dépôt de garantie, qui ne peut être supérieur à un mois de loyer en principal, au locataire dans un délai maximal de deux mois à compter de la remise des clés par ce dernier. Ce délai est réduit à un mois lorsque l'état des lieux de sortie est conforme à l'état des lieux d'entrée. Le montant du dépôt de garantie devant être restitué s'entend déduction faite des sommes restant dues au bailleur ou dont celui-ci pourrait être tenu, en lieu et place du locataire, sous réserve d'être dûment justifiées. Le septième alinéa de cet article prévoit qu'à défaut de restitution dans les délais prévus, le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d'une somme égale à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard.
6. D'une part, la majoration contestée est versée au locataire lésé. Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que cette majoration ne peut se cumuler avec les intérêts moratoires au taux légal prévus par l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 mentionnée ci-dessus. En l'instaurant, le législateur a entendu compenser le préjudice résultant pour le locataire du défaut ou du retard de restitution du dépôt de garantie et favoriser ainsi un règlement rapide des nombreux contentieux qui en découlent.
7. D'autre part, en prévoyant que cette majoration est égale à une somme forfaitaire correspondant à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard, le législateur s'est fondé sur un élément en lien avec l'ampleur du préjudice, dans la mesure où le montant du loyer mensuel est pris pour référence comme plafond du dépôt de garantie, et a pris en compte la durée de ce préjudice.
8. Par conséquent, la majoration contestée, qui présente un caractère indemnitaire, ne constitue pas une sanction ayant le caractère d'une punition. Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 doivent être écartés comme inopérants. Par ailleurs, pour les motifs énoncés aux paragraphes précédents, le grief tiré de l'atteinte au droit de propriété doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le septième alinéa de l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - Le septième alinéa de l'article 22 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, est conforme à la Constitution.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 février 2019, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.
Rendu public le 22 février 2019.
ECLI:FR:CC:2019:2018.766.QPC
Au vu des textes suivants :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code civil ;
- la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ;
- la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové ;
- l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations ;
- l'arrêt de la Cour de cassation du 15 novembre 2018 (3ème chambre civile, n° 17-26.986) ;
- le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Au vu des pièces suivantes :
- les observations présentées pour la requérante par la SCP Waquet, Farge, Hazan, enregistrées le 2 janvier 2019 ;
- les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 4 janvier 2019 ;
- les secondes observations présentées pour la requérante par la SCP Waquet, Farge, Hazan, enregistrées le 30 janvier 2019 ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu Me Hélène Farge, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la requérante, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 12 février 2019 ;
Au vu des pièces suivantes :
- la note en délibéré, présentée par le Premier ministre, enregistrée le 18 février 2019 ;
- la note en délibéré, présentée pour la requérante par Me Farge, enregistrée le 20 février 2019 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. L'article 22 de la loi du 6 juillet 1989 mentionnée ci-dessus, dans sa rédaction résultant de la loi du 24 mars 2014 mentionnée ci-dessus, fixe le régime juridique du dépôt de garanti prévu par le contrat de location ainsi que les conditions de sa restitution. Son septième alinéa prévoit :
« À défaut de restitution dans les délais prévus, le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d'une somme égale à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard. Cette majoration n'est pas due lorsque l'origine du défaut de restitution dans les délais résulte de l'absence de transmission par le locataire de l'adresse de son nouveau domicile ».
2. Selon la requérante, les dispositions contestées seraient contraires aux principes de proportionnalité et d'individualisation des peines, dans la mesure où elles sanctionnent le défaut de restitution dans les délais du dépôt de garantie d'une majoration du montant de ce dernier, automatique et indépendante des sommes effectivement dues. La majoration ainsi instaurée, qui ne tiendrait pas compte du préjudice réellement subi par le locataire, méconnaîtrait également le droit de propriété.
3. Selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes énoncés par cet article s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition.
4. Il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.
5. L'article 22 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit l'obligation pour le bailleur de restituer le dépôt de garantie, qui ne peut être supérieur à un mois de loyer en principal, au locataire dans un délai maximal de deux mois à compter de la remise des clés par ce dernier. Ce délai est réduit à un mois lorsque l'état des lieux de sortie est conforme à l'état des lieux d'entrée. Le montant du dépôt de garantie devant être restitué s'entend déduction faite des sommes restant dues au bailleur ou dont celui-ci pourrait être tenu, en lieu et place du locataire, sous réserve d'être dûment justifiées. Le septième alinéa de cet article prévoit qu'à défaut de restitution dans les délais prévus, le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d'une somme égale à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard.
6. D'une part, la majoration contestée est versée au locataire lésé. Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que cette majoration ne peut se cumuler avec les intérêts moratoires au taux légal prévus par l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 mentionnée ci-dessus. En l'instaurant, le législateur a entendu compenser le préjudice résultant pour le locataire du défaut ou du retard de restitution du dépôt de garantie et favoriser ainsi un règlement rapide des nombreux contentieux qui en découlent.
7. D'autre part, en prévoyant que cette majoration est égale à une somme forfaitaire correspondant à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard, le législateur s'est fondé sur un élément en lien avec l'ampleur du préjudice, dans la mesure où le montant du loyer mensuel est pris pour référence comme plafond du dépôt de garantie, et a pris en compte la durée de ce préjudice.
8. Par conséquent, la majoration contestée, qui présente un caractère indemnitaire, ne constitue pas une sanction ayant le caractère d'une punition. Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 doivent être écartés comme inopérants. Par ailleurs, pour les motifs énoncés aux paragraphes précédents, le grief tiré de l'atteinte au droit de propriété doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le septième alinéa de l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - Le septième alinéa de l'article 22 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, est conforme à la Constitution.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 février 2019, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.
Rendu public le 22 février 2019.