Décision 2011-122 QPC - 29 avril 2011 - Syndicat CGT et autre [Calcul des effectifs de l'entreprise] - Conformité
Décision 2011-122 QPC - 29 avril 2011 - Syndicat CGT et autre [Calcul des effectifs de l'entreprise] - Conformité
Décision n° 2011-122 QPC
- Journal officiel du 30 avril 2011, page 7535, texte n° 70
- NOR : CSCX1111794S
- ECLI:FR:CC:2011:2011.122.QPC
Texte intégral
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 février 2011 par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 618 du 16 février 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'Union locale des syndicats CGT des quartiers nord de Marseille et par M. Hichem L., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 1111-3 du code du travail.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code du travail ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les requérants par Me Jérôme Ferraro, avocat au barreau de Marseille, enregistrées les 25 février et 18 mars 2011 ;
Vu les observations produites pour l'Association de Médiation Sociale, par Me Jean-Emmanuel Franzis, avocat au barreau de Marseille, enregistrées le 2 mars 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 3 mars 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Ferraro, pour les requérants, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 5 avril 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-3 du code du travail : « Ne sont pas pris en compte dans le calcul des effectifs de l'entreprise :
« 1° Les apprentis ;
« 2° Les titulaires d'un contrat initiative-emploi, pendant la durée de la convention prévue à l'article L. 5134-66 ;
« 4° Les titulaires d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi pendant la durée de la convention mentionnée à l'article L. 5134-19-1 ;
« 6° Les titulaires d'un contrat de professionnalisation jusqu'au terme prévu par le contrat lorsque celui-ci est à durée déterminée ou jusqu'à la fin de l'action de professionnalisation lorsque le contrat est à durée indéterminée.
« Toutefois, ces salariés sont pris en compte pour l'application des dispositions légales relatives à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles » ;
2. Considérant que, selon les requérants, cette disposition porterait atteinte au principe d'égalité devant la loi, au principe de la liberté syndicale et au principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
4. Considérant que le contrat d'apprentissage a pour objet, en vertu de l'article L. 6211-1 du code du travail, de donner à de jeunes travailleurs une formation professionnelle dont une partie est dispensée en entreprise ; que les contrats initiative-emploi et les contrats d'accompagnement dans l'emploi ont pour but, en application des articles L. 5134-65 et L. 5134-20 du même code, de favoriser l'insertion professionnelle des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles d'accès à l'emploi ; que le contrat de professionnalisation a pour objet, en vertu de l'article L. 6325-1, l'insertion ou le retour à l'emploi de jeunes ou d'adultes par l'acquisition d'une qualification professionnelle ; que la non-prise en compte de ces salariés dans le calcul des effectifs a une durée limitée ;
5. Considérant qu'aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'interdit au législateur de prendre des mesures destinées à venir en aide à des catégories de personnes défavorisées ; que le législateur pouvait donc, en vue d'améliorer l'emploi des jeunes et des personnes en difficulté et leur faire acquérir une qualification professionnelle, autoriser des mesures propres à ces catégories de travailleurs ; que les différences de traitement qui peuvent en résulter entre catégories de travailleurs ou catégories d'entreprises répondent à ces fins d'intérêt général et ne sont pas, dès lors, contraires au principe d'égalité ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises » ; que ce droit a pour bénéficiaires, sinon la totalité des travailleurs employés à un moment donné dans une entreprise, du moins tous ceux qui sont intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail qu'elle constitue, même s'ils n'en sont pas les salariés ;
7. Considérant que l'article L. 1111-3 du code du travail exclut certaines catégories de salariés du décompte des effectifs de l'entreprise sauf pour l'application des dispositions légales relatives à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles ; que cette exclusion s'applique notamment au calcul des effectifs au regard des divers seuils fixés par le code du travail en vue d'assurer la représentation du personnel dans l'entreprise ; qu'en l'adoptant, le législateur a entendu alléger les contraintes susceptibles de peser sur les entreprises afin de favoriser l'insertion ou le retour de ces personnes sur le marché du travail ; que la différence de traitement qui en résulte est en rapport direct avec l'objet de la loi ;
8. Considérant que l'article L. 1111-3 du code du travail n'a pas de conséquences sur les droits et obligations des salariés en cause ; qu'il ne leur interdit pas, en particulier, d'être électeur ou éligible au sein des instances représentatives du personnel de l'entreprise dans laquelle ils travaillent ; que, par suite, il ne porte pas atteinte, en lui-même, au principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ;
9. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du sixième alinéa du Préambule de 1946 : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix » ; que la disposition contestée ne fait pas obstacle au droit des salariés mentionnés à l'article L. 1111-3 du code du travail de constituer librement une organisation syndicale ou d'adhérer librement à celle de leur choix ;
10. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article L. 1111-3 du code du travail est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 avril 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Rendu public le 29 avril 2011.
ECLI:FR:CC:2011:2011.122.QPC
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code du travail ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les requérants par Me Jérôme Ferraro, avocat au barreau de Marseille, enregistrées les 25 février et 18 mars 2011 ;
Vu les observations produites pour l'Association de Médiation Sociale, par Me Jean-Emmanuel Franzis, avocat au barreau de Marseille, enregistrées le 2 mars 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 3 mars 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Ferraro, pour les requérants, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 5 avril 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-3 du code du travail : « Ne sont pas pris en compte dans le calcul des effectifs de l'entreprise :
« 1° Les apprentis ;
« 2° Les titulaires d'un contrat initiative-emploi, pendant la durée de la convention prévue à l'article L. 5134-66 ;
« 4° Les titulaires d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi pendant la durée de la convention mentionnée à l'article L. 5134-19-1 ;
« 6° Les titulaires d'un contrat de professionnalisation jusqu'au terme prévu par le contrat lorsque celui-ci est à durée déterminée ou jusqu'à la fin de l'action de professionnalisation lorsque le contrat est à durée indéterminée.
« Toutefois, ces salariés sont pris en compte pour l'application des dispositions légales relatives à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles » ;
2. Considérant que, selon les requérants, cette disposition porterait atteinte au principe d'égalité devant la loi, au principe de la liberté syndicale et au principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
4. Considérant que le contrat d'apprentissage a pour objet, en vertu de l'article L. 6211-1 du code du travail, de donner à de jeunes travailleurs une formation professionnelle dont une partie est dispensée en entreprise ; que les contrats initiative-emploi et les contrats d'accompagnement dans l'emploi ont pour but, en application des articles L. 5134-65 et L. 5134-20 du même code, de favoriser l'insertion professionnelle des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles d'accès à l'emploi ; que le contrat de professionnalisation a pour objet, en vertu de l'article L. 6325-1, l'insertion ou le retour à l'emploi de jeunes ou d'adultes par l'acquisition d'une qualification professionnelle ; que la non-prise en compte de ces salariés dans le calcul des effectifs a une durée limitée ;
5. Considérant qu'aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'interdit au législateur de prendre des mesures destinées à venir en aide à des catégories de personnes défavorisées ; que le législateur pouvait donc, en vue d'améliorer l'emploi des jeunes et des personnes en difficulté et leur faire acquérir une qualification professionnelle, autoriser des mesures propres à ces catégories de travailleurs ; que les différences de traitement qui peuvent en résulter entre catégories de travailleurs ou catégories d'entreprises répondent à ces fins d'intérêt général et ne sont pas, dès lors, contraires au principe d'égalité ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises » ; que ce droit a pour bénéficiaires, sinon la totalité des travailleurs employés à un moment donné dans une entreprise, du moins tous ceux qui sont intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail qu'elle constitue, même s'ils n'en sont pas les salariés ;
7. Considérant que l'article L. 1111-3 du code du travail exclut certaines catégories de salariés du décompte des effectifs de l'entreprise sauf pour l'application des dispositions légales relatives à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles ; que cette exclusion s'applique notamment au calcul des effectifs au regard des divers seuils fixés par le code du travail en vue d'assurer la représentation du personnel dans l'entreprise ; qu'en l'adoptant, le législateur a entendu alléger les contraintes susceptibles de peser sur les entreprises afin de favoriser l'insertion ou le retour de ces personnes sur le marché du travail ; que la différence de traitement qui en résulte est en rapport direct avec l'objet de la loi ;
8. Considérant que l'article L. 1111-3 du code du travail n'a pas de conséquences sur les droits et obligations des salariés en cause ; qu'il ne leur interdit pas, en particulier, d'être électeur ou éligible au sein des instances représentatives du personnel de l'entreprise dans laquelle ils travaillent ; que, par suite, il ne porte pas atteinte, en lui-même, au principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ;
9. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du sixième alinéa du Préambule de 1946 : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix » ; que la disposition contestée ne fait pas obstacle au droit des salariés mentionnés à l'article L. 1111-3 du code du travail de constituer librement une organisation syndicale ou d'adhérer librement à celle de leur choix ;
10. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article L. 1111-3 du code du travail est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 avril 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Rendu public le 29 avril 2011.