Décision 2003-488 DC - 29 décembre 2003 - Loi de finances rectificative pour 2003 - Non conformité partielle - réserve - déclassement organique
Décision 2003-488 DC - 29 décembre 2003 - Loi de finances rectificative pour 2003 - Non conformité partielle - réserve - déclassement organique
Décision n° 2003-488 DC
- Journal officiel du 31 décembre 2003, page 22652
- NOR : CSCL0307046S
- ECLI:FR:CC:2003:2003.488.DC
Texte intégral
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi de finances rectificative pour 2003, le 19 décembre 2003, par M. Jean-Marc AYRAULT, Mme Patricia ADAM, M. Damien ALARY, Mme Sylvie ANDRIEUX-BACQUET, MM. Jean-Marie AUBRON, Jean-Paul BACQUET, Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Jacques BASCOU, Christian BATAILLE, Jean-Claude BATEUX, Jean-Claude BEAUCHAUD, Éric BESSON, Jean-Louis BIANCO, Jean-Pierre BLAZY, Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Jean-Claude BOIS, Daniel BOISSERIE, Maxime BONO, Augustin BONREPAUX, Jean-Michel BOUCHERON, Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET, MM. François BROTTES, Thierry CARCENAC, Christophe CARESCHE, Mme Martine CARILLON-COUVREUR, MM. Laurent CATHALA, Jean-Paul CHANTEGUET, Alain CLAEYS, Gilles COCQUEMPOT, Pierre COHEN, Mme Claude DARCIAUX, M. Michel DASSEUX, Mme Martine DAVID, MM. Marcel DEHOUX, Bernard DEROSIER, Marc DOLEZ, François DOSÉ, René DOSIÈRE, Julien DRAY, Tony DREYFUS, Pierre DUCOUT, Jean-Pierre DUFAU, Jean-Paul DUPRÉ, Yves DURAND, Henri EMMANUELLI, Claude ÉVIN, Laurent FABIUS, Jacques FLOCH, Pierre FORGUES, Michel FRANÇAIX, Jean GAUBERT, Mmes Nathalie GAUTIER, Catherine GÉNISSON, MM. Jean GLAVANY, Gaétan GORCE, Alain GOURIOU, Mmes Elisabeth GUIGOU, Paulette GUINCHARD- KUNSTLER, M. David HABIB, Mme Danièle HOFFMAN-RISPAL, MM. François HOLLANDE, Jean-Louis IDIART, Mme Françoise IMBERT, MM. Serge JANQUIN, Armand JUNG, Jean-Pierre KUCHEIDA, Mme Conchita LACUEY, MM. Jérôme LAMBERT, François LAMY, Jack LANG, Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Gilbert LE BRIS, Jean-Yves LE DÉAUT, Jean LE GARREC, Jean-Marie LE GUEN, Bruno LE ROUX, Mme Marylise LEBRANCHU, MM. Michel LEFAIT, Patrick LEMASLE, Guy LENGAGNE, Mme Annick LEPETIT, MM. Jean-Claude LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, MM. François LONCLE, Bernard MADRELLE, Christophe MASSE, Didier MATHUS, Kléber MESQUIDA, Jean MICHEL, Didier MIGAUD, Mme Hélène MIGNON, MM. Arnaud MONTEBOURG, Henri NAYROU, Alain NÉRI, Mme Marie-Renée OGET, MM. Christian PAUL, Germinal PEIRO, Mmes Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, Geneviève PERRIN-GAILLARD, MM. Jean-Jack QUEYRANNE, Paul QUILÈS, Alain RODET, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Mmes Ségolène ROYAL, Odile SAUGUES, MM. Henri SICRE, Dominique STRAUSS-KAHN, Pascal TERRASSE, Philippe TOURTELIER, Daniel VAILLANT, André VALLINI, Manuel VALLS, Michel VERGNIER, Alain VIDALIES, Jean-Claude VIOLLET, Philippe VUILQUE, Jean-Pierre DEFONTAINE, Paul GIACOBBI, Joël GIRAUD, Simon RENUCCI, Mme Chantal ROBIN-RODRIGO, M. Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, Mmes Christiane TAUBIRA, Martine BILLARD, MM. Noël MAMÈRE et Yves COCHET, députés ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution,
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances ;
Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des douanes ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code l'environnement ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2002-464 DC du 27 décembre 2002 ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 23 décembre 2003 ;
Le rapporteur ayant été entendu,
1. Considérant que les auteurs de la saisine défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances rectificative pour 2003 en dénonçant son absence de sincérité ; qu'ils contestent par ailleurs la conformité à la Constitution de ses articles 20 et 97 ;
- SUR LA SINCÉRITÉ DE LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE :
2. Considérant que, selon les requérants, " l'exigence issue du respect des règles de sincérité budgétaire " aurait dû conduire le Gouvernement à présenter, au cours de l'exercice 2003, un projet de loi de finances rectificative, " conformément à l'invitation forte formulée l'an dernier par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2002-464 DC " ; qu'ils fondent leur grief sur la détérioration du déficit budgétaire et sur la baisse des recettes fiscales qui ont pu être constatées " tout au long de l'année " ; qu'ils considèrent que " le contrôle de sincérité, s'il ne peut s'appliquer a posteriori sur la loi de finances initiale, mérite, à tout le moins, de s'exercer dans le cadre d'un projet de loi de finances rectificative de fin d'année " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 32 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée, rendu applicable à compter du 1er janvier 2002 par son article 65 : " Les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de l'État. Leur sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler " ;
4. Considérant que si, en cours d'exercice, les grandes lignes de l'équilibre de la loi de finances s'écartent sensiblement des prévisions, il appartient au Gouvernement de soumettre au Parlement un projet de loi de finances rectificative ;
5. Considérant, toutefois, que l'absence de dépôt d'un projet de loi de finances rectificative en temps utile, si critiquable soit-elle, est sans effet sur la constitutionnalité de la loi déférée ; qu'il n'est ni établi ni même soutenu que celle-ci présente de façon insincère l'ensemble des ressources et des charges de l'Etat en 2003 compte tenu des informations disponibles à la date de son dépôt et à celle de son adoption, ainsi que des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ; qu'il s'ensuit que les griefs relatifs au défaut de sincérité doivent être écartés ;
- SUR L'ARTICLE 20 :
6. Considérant que le I de l'article 20 de la loi déférée insère dans le code de l'environnement un article L. 541-10-1 ; qu'en vertu du premier alinéa de ce nouvel article : " A compter du 1er janvier 2005, toute personne physique ou morale qui, gratuitement, met pour son propre compte à disposition des particuliers sans que ceux-ci en aient fait préalablement la demande, leur fait mettre à disposition, leur distribue pour son propre compte ou leur fait distribuer des imprimés non nominatifs, dans les boîtes aux lettres, dans les parties communes des habitations collectives, dans les locaux commerciaux, dans les lieux publics ou sur la voie publique, est tenue de contribuer à la collecte, la valorisation et l'élimination des déchets ainsi produits " ; que cette contribution peut être financière ou prendre la forme de prestations en nature ; qu'est exemptée de la contribution " la mise à disposition du public d'informations par un service public lorsqu'elle résulte exclusivement d'une obligation découlant d'une loi ou d'un règlement " ; que le deuxième alinéa du même article prévoit que : " Sous sa forme financière, la contribution est remise à un organisme agréé par les ministères chargés de l'environnement, des collectivités territoriales, de l'économie et de l'industrie, qui la verse aux collectivités territoriales au titre de participation aux coûts de collecte, de valorisation et d'élimination qu'elles supportent " ; que son troisième alinéa précise que la contribution, lorsqu'elle prend la forme d'une prestation en nature, " consiste en la mise à disposition d'espaces de communication au profit des établissements publics de coopération intercommunale assurant l'élimination des déchets ménagers " ; que " ces espaces de communication sont utilisés pour promouvoir la collecte, la valorisation et l'élimination des déchets " ; que le quatrième alinéa du nouvel article L. 541-10-1 dispose que : " Les contributions financières et en nature sont déterminées suivant un barème fixé par décret " ; qu'en vertu de son cinquième alinéa, la personne ou l'organisme qui ne s'acquitte pas volontairement de cette contribution est soumis à la taxe générale sur les activités polluantes ; que le II de l'article 20 de la loi déférée complète en ce sens les articles 266 sexies et suivants du code des douanes relatifs à l'assiette, aux taux et aux modalités de recouvrement de ladite taxe ; que celle-ci sera due pour la première fois, ainsi que le prévoit le III de l'article 20, au titre de l'année 2005 ;
7. Considérant que les députés requérants soutiennent qu'en exemptant de la contribution ainsi instituée les imprimés payants, c'est-à-dire en retenant un critère qui " tient compte de la gratuité de l'imprimé et non de sa nature ", le législateur aurait " institué une différence de traitement sans rapport direct avec l'objectif qu'il s'était assigné de protection de l'environnement " ; qu'en outre, en ne désignant pas l'autorité " qui déterminera la nature du versement, ni les conditions de la distinction ", le législateur serait resté en deçà de ses compétences ;
8. Considérant qu'il est loisible au législateur, dans le but d'intérêt général qui s'attache à la protection de l'environnement, de faire prendre en charge par certaines personnes mettant des imprimés à la disposition du public le coût de collecte et de recyclage desdits imprimés ;
9. Considérant que, conformément à l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être assujettis les contribuables ; que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que soient établies des impositions spécifiques ayant pour objet d'inciter les redevables à adopter des comportements conformes à des objectifs d'intérêt général, pourvu que les règles qu'il fixe à cet effet soient justifiées au regard desdits objectifs ;
10. Considérant que la prolifération d'imprimés gratuits distribués aux particuliers ou mis à leur disposition en dehors de toute demande préalable de leur part est une cause importante de dégradation de l'environnement ; que, dans ces conditions, le législateur pouvait, sans porter atteinte au principe d'égalité, limiter aux seuls producteurs et distributeurs de tels imprimés le champ d'application du dispositif institué ; que la différence de traitement qui en résulte, fondée sur des critères objectifs et rationnels, est en rapport direct avec la finalité poursuivie par la loi en matière de collecte et de recyclage des imprimés ;
11. Considérant, en revanche, qu'en soumettant à ce dispositif les imprimés gratuits et non demandés distribués dans les boîtes aux lettres de façon non nominative, tout en exemptant les mêmes imprimés lorsqu'ils font l'objet d'une distribution nominative, le législateur a instauré une différence de traitement injustifiée au regard de l'objectif poursuivi ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'au deuxième alinéa du I ainsi qu'aux 1, 2 et 4 du II de l'article 20 de la loi déférée, les mots " non nominatifs " doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
13. Considérant, par ailleurs, qu'en déterminant la nature et les modalités de la contribution mentionnée au premier alinéa du nouvel article L. 541-10-1 du code de l'environnement, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de ses compétences ; que le grief tiré de la violation de l'article 34 de la Constitution doit être écarté ;
- SUR L'ARTICLE 97 :
14. Considérant que, par son 1°, l'article 97 de la loi déférée, qui modifie l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles, subordonne à une condition de séjour ininterrompu d'au moins trois mois en France le bénéfice de l'aide médicale aux étrangers en situation irrégulière ; que son 2° insère un nouveau chapitre intitulé " Prise en charge des soins urgents " comportant un article L. 254-1 aux termes duquel : " Les soins urgents dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou d'un enfant à naître et qui sont dispensés par les établissements de santé à ceux des étrangers résidant en France sans remplir la condition de régularité mentionnée à l'article L. 380-1 du code de la sécurité sociale et qui ne sont pas bénéficiaires de l'aide médicale de l'État en application de l'article L. 251-1 sont pris en charge dans les conditions prévues à l'article L. 251-2. Une dotation forfaitaire est versée à ce titre par l'État à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés " ;
15. Considérant que les requérants font grief à ces dispositions de méconnaître les exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et de porter atteinte au principe d'égalité ;
16. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation " garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé... " ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, ce faisant, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ;
17. Considérant que l'aide médicale de l'Etat réside dans la prise en charge par l'Etat des frais sanitaires mentionnés à l'article L. 251-2 du code de l'action sociale et des familles ; qu'en vertu de l'article L. 252-3 du même code, l'admission à cette aide est accordée pour une période d'un an ;
18. Considérant que les dispositions critiquées ont pour objet d'éviter que l'aide médicale de l'Etat ne prenne intégralement en charge pendant un an les dépenses de soins engagées au bénéfice de personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière et qui séjournent en France depuis moins de trois mois ; que ces dispositions leur assurent cependant les soins urgents " dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital " ou pourrait conduire à une altération grave et durable de leur état de santé ; qu'en adoptant de telles mesures, le législateur n'a pas privé de garanties légales l'exigence résultant du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ;
19. Considérant, en second lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
20. Considérant qu'eu égard à l'objet de l'article 97, le législateur a pu, sans méconnaître le principe d'égalité, écarter de l'aide médicale de l'Etat, tout en leur maintenant le bénéfice des soins urgents, les étrangers qui sont en France depuis moins de trois mois ;
- SUR LA PLACE DE CERTAINES DISPOSITIONS DANS LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE :
. En ce qui concerne les articles 80 et 86 :
21. Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article 47 de la Constitution : " Le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique " ; qu'il en résulte que seule la loi organique peut définir la nature et le contenu des documents qui doivent être joints aux lois de finances ;
22. Considérant que l'article 54 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée, applicable à compter de l'exercice 2006, définit le contenu des documents et informations qui sont joints à la loi de règlement, laquelle est une loi de finances en vertu de son article 1er ; que, parmi ces documents, figurent, en application du 4° de l'article 54, les rapports annuels de performances et, en application de son 7°, un rapport de présentation du compte général de l'Etat ;
23. Considérant, d'une part, que le B du III de l'article 80 de la loi déférée dispose que, à compter de l'exercice 2006, une annexe récapitulant certaines informations relatives à chaque dispositif de garantie de l'Etat est jointe au rapport de présentation du " compte général de l'Etat " ;
24. Considérant, d'autre part, que le troisième alinéa de l'article 86 de la loi déférée prévoit que la mise en oeuvre des opérations sur instruments financiers que le ministre de la défense est autorisé à effectuer en vue de couvrir les risques relatifs aux variations de prix des approvisionnements en produits pétroliers nécessaires aux besoins des armées est retracée, à compter de l'exercice 2006, par le " rapport annuel de performances " ;
25. Considérant que ces dispositions ont empiété sur le domaine réservé par la Constitution à la loi organique ; que, dès lors, le B du III de l'article 80, le troisième alinéa de l'article 86 ainsi que son quatrième alinéa, qui en est inséparable, n'ont pas leur place dans la loi déférée et doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
. En ce qui concerne les articles 58, 70 et 100 :
26. Considérant que l'article 58 de la loi déférée modifie l'article 953 du code général des impôts pour porter de six mois à un an la durée de validité des passeports délivrés à titre exceptionnel et pour un motif d'urgence dûment justifié ou par une autorité qui n'est pas celle du lieu de résidence ou de domicile du demandeur ;
27. Considérant que l'article 70 est relatif au contrôle économique et financier de l'Etat sur les organismes bénéficiaires de taxes fiscales affectées ou de taxes parafiscales ;
28. Considérant que le deuxième alinéa de l'article 100, qui complète par un I l'article L. 512-94 du code monétaire et financier, définit les règles de représentation des caisses d'épargne et de prévoyance régionales au conseil de surveillance de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance ;
29. Considérant que ces dispositions ne concernent pas la détermination des ressources et des charges de l'État ; qu'elles n'ont pas pour but d'organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ou d'imposer aux agents des services publics des responsabilités pécuniaires ; qu'elles n'entraînent ni création ni transformation d'emplois au sens du cinquième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée ; qu'enfin, elles n'ont pas le caractère de dispositions d'ordre fiscal ; qu'ainsi, les articles 58, 70 et le deuxième alinéa de l'article 100 de la loi déférée sont étrangers au domaine des lois de finances ; qu'il suit de là que ces articles ont été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution ;
30. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution,
Décide :
Article premier .- Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi de finances rectificative pour 2003 :
au deuxième alinéa du I ainsi qu'aux 1, 2 et 4 du II de l'article 20, les mots " non nominatifs " ;
les articles 58 et 70 ;
le B du III de l'article 80 ;
les troisième et quatrième alinéas de l'article 86 ;
le deuxième alinéa (I) de l'article 100.
Article 2 .- Le surplus de l'article 20 et l'article 97 de la loi de finances rectificative pour 2003 sont déclarés conformes à la Constitution.
Article 3 .- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 décembre 2003, où siégeaient : MM. Yves GUÉNA, Président, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Pierre JOXE, Pierre MAZEAUD, Mmes Monique PELLETIER, Dominique SCHNAPPER et Simone VEIL.
ECLI:FR:CC:2003:2003.488.DC
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution,
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances ;
Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des douanes ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code l'environnement ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2002-464 DC du 27 décembre 2002 ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 23 décembre 2003 ;
Le rapporteur ayant été entendu,
1. Considérant que les auteurs de la saisine défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances rectificative pour 2003 en dénonçant son absence de sincérité ; qu'ils contestent par ailleurs la conformité à la Constitution de ses articles 20 et 97 ;
- SUR LA SINCÉRITÉ DE LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE :
2. Considérant que, selon les requérants, " l'exigence issue du respect des règles de sincérité budgétaire " aurait dû conduire le Gouvernement à présenter, au cours de l'exercice 2003, un projet de loi de finances rectificative, " conformément à l'invitation forte formulée l'an dernier par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2002-464 DC " ; qu'ils fondent leur grief sur la détérioration du déficit budgétaire et sur la baisse des recettes fiscales qui ont pu être constatées " tout au long de l'année " ; qu'ils considèrent que " le contrôle de sincérité, s'il ne peut s'appliquer a posteriori sur la loi de finances initiale, mérite, à tout le moins, de s'exercer dans le cadre d'un projet de loi de finances rectificative de fin d'année " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 32 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée, rendu applicable à compter du 1er janvier 2002 par son article 65 : " Les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de l'État. Leur sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler " ;
4. Considérant que si, en cours d'exercice, les grandes lignes de l'équilibre de la loi de finances s'écartent sensiblement des prévisions, il appartient au Gouvernement de soumettre au Parlement un projet de loi de finances rectificative ;
5. Considérant, toutefois, que l'absence de dépôt d'un projet de loi de finances rectificative en temps utile, si critiquable soit-elle, est sans effet sur la constitutionnalité de la loi déférée ; qu'il n'est ni établi ni même soutenu que celle-ci présente de façon insincère l'ensemble des ressources et des charges de l'Etat en 2003 compte tenu des informations disponibles à la date de son dépôt et à celle de son adoption, ainsi que des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ; qu'il s'ensuit que les griefs relatifs au défaut de sincérité doivent être écartés ;
- SUR L'ARTICLE 20 :
6. Considérant que le I de l'article 20 de la loi déférée insère dans le code de l'environnement un article L. 541-10-1 ; qu'en vertu du premier alinéa de ce nouvel article : " A compter du 1er janvier 2005, toute personne physique ou morale qui, gratuitement, met pour son propre compte à disposition des particuliers sans que ceux-ci en aient fait préalablement la demande, leur fait mettre à disposition, leur distribue pour son propre compte ou leur fait distribuer des imprimés non nominatifs, dans les boîtes aux lettres, dans les parties communes des habitations collectives, dans les locaux commerciaux, dans les lieux publics ou sur la voie publique, est tenue de contribuer à la collecte, la valorisation et l'élimination des déchets ainsi produits " ; que cette contribution peut être financière ou prendre la forme de prestations en nature ; qu'est exemptée de la contribution " la mise à disposition du public d'informations par un service public lorsqu'elle résulte exclusivement d'une obligation découlant d'une loi ou d'un règlement " ; que le deuxième alinéa du même article prévoit que : " Sous sa forme financière, la contribution est remise à un organisme agréé par les ministères chargés de l'environnement, des collectivités territoriales, de l'économie et de l'industrie, qui la verse aux collectivités territoriales au titre de participation aux coûts de collecte, de valorisation et d'élimination qu'elles supportent " ; que son troisième alinéa précise que la contribution, lorsqu'elle prend la forme d'une prestation en nature, " consiste en la mise à disposition d'espaces de communication au profit des établissements publics de coopération intercommunale assurant l'élimination des déchets ménagers " ; que " ces espaces de communication sont utilisés pour promouvoir la collecte, la valorisation et l'élimination des déchets " ; que le quatrième alinéa du nouvel article L. 541-10-1 dispose que : " Les contributions financières et en nature sont déterminées suivant un barème fixé par décret " ; qu'en vertu de son cinquième alinéa, la personne ou l'organisme qui ne s'acquitte pas volontairement de cette contribution est soumis à la taxe générale sur les activités polluantes ; que le II de l'article 20 de la loi déférée complète en ce sens les articles 266 sexies et suivants du code des douanes relatifs à l'assiette, aux taux et aux modalités de recouvrement de ladite taxe ; que celle-ci sera due pour la première fois, ainsi que le prévoit le III de l'article 20, au titre de l'année 2005 ;
7. Considérant que les députés requérants soutiennent qu'en exemptant de la contribution ainsi instituée les imprimés payants, c'est-à-dire en retenant un critère qui " tient compte de la gratuité de l'imprimé et non de sa nature ", le législateur aurait " institué une différence de traitement sans rapport direct avec l'objectif qu'il s'était assigné de protection de l'environnement " ; qu'en outre, en ne désignant pas l'autorité " qui déterminera la nature du versement, ni les conditions de la distinction ", le législateur serait resté en deçà de ses compétences ;
8. Considérant qu'il est loisible au législateur, dans le but d'intérêt général qui s'attache à la protection de l'environnement, de faire prendre en charge par certaines personnes mettant des imprimés à la disposition du public le coût de collecte et de recyclage desdits imprimés ;
9. Considérant que, conformément à l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être assujettis les contribuables ; que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que soient établies des impositions spécifiques ayant pour objet d'inciter les redevables à adopter des comportements conformes à des objectifs d'intérêt général, pourvu que les règles qu'il fixe à cet effet soient justifiées au regard desdits objectifs ;
10. Considérant que la prolifération d'imprimés gratuits distribués aux particuliers ou mis à leur disposition en dehors de toute demande préalable de leur part est une cause importante de dégradation de l'environnement ; que, dans ces conditions, le législateur pouvait, sans porter atteinte au principe d'égalité, limiter aux seuls producteurs et distributeurs de tels imprimés le champ d'application du dispositif institué ; que la différence de traitement qui en résulte, fondée sur des critères objectifs et rationnels, est en rapport direct avec la finalité poursuivie par la loi en matière de collecte et de recyclage des imprimés ;
11. Considérant, en revanche, qu'en soumettant à ce dispositif les imprimés gratuits et non demandés distribués dans les boîtes aux lettres de façon non nominative, tout en exemptant les mêmes imprimés lorsqu'ils font l'objet d'une distribution nominative, le législateur a instauré une différence de traitement injustifiée au regard de l'objectif poursuivi ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'au deuxième alinéa du I ainsi qu'aux 1, 2 et 4 du II de l'article 20 de la loi déférée, les mots " non nominatifs " doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
13. Considérant, par ailleurs, qu'en déterminant la nature et les modalités de la contribution mentionnée au premier alinéa du nouvel article L. 541-10-1 du code de l'environnement, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de ses compétences ; que le grief tiré de la violation de l'article 34 de la Constitution doit être écarté ;
- SUR L'ARTICLE 97 :
14. Considérant que, par son 1°, l'article 97 de la loi déférée, qui modifie l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles, subordonne à une condition de séjour ininterrompu d'au moins trois mois en France le bénéfice de l'aide médicale aux étrangers en situation irrégulière ; que son 2° insère un nouveau chapitre intitulé " Prise en charge des soins urgents " comportant un article L. 254-1 aux termes duquel : " Les soins urgents dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou d'un enfant à naître et qui sont dispensés par les établissements de santé à ceux des étrangers résidant en France sans remplir la condition de régularité mentionnée à l'article L. 380-1 du code de la sécurité sociale et qui ne sont pas bénéficiaires de l'aide médicale de l'État en application de l'article L. 251-1 sont pris en charge dans les conditions prévues à l'article L. 251-2. Une dotation forfaitaire est versée à ce titre par l'État à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés " ;
15. Considérant que les requérants font grief à ces dispositions de méconnaître les exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et de porter atteinte au principe d'égalité ;
16. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation " garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé... " ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, ce faisant, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ;
17. Considérant que l'aide médicale de l'Etat réside dans la prise en charge par l'Etat des frais sanitaires mentionnés à l'article L. 251-2 du code de l'action sociale et des familles ; qu'en vertu de l'article L. 252-3 du même code, l'admission à cette aide est accordée pour une période d'un an ;
18. Considérant que les dispositions critiquées ont pour objet d'éviter que l'aide médicale de l'Etat ne prenne intégralement en charge pendant un an les dépenses de soins engagées au bénéfice de personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière et qui séjournent en France depuis moins de trois mois ; que ces dispositions leur assurent cependant les soins urgents " dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital " ou pourrait conduire à une altération grave et durable de leur état de santé ; qu'en adoptant de telles mesures, le législateur n'a pas privé de garanties légales l'exigence résultant du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ;
19. Considérant, en second lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
20. Considérant qu'eu égard à l'objet de l'article 97, le législateur a pu, sans méconnaître le principe d'égalité, écarter de l'aide médicale de l'Etat, tout en leur maintenant le bénéfice des soins urgents, les étrangers qui sont en France depuis moins de trois mois ;
- SUR LA PLACE DE CERTAINES DISPOSITIONS DANS LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE :
. En ce qui concerne les articles 80 et 86 :
21. Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article 47 de la Constitution : " Le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique " ; qu'il en résulte que seule la loi organique peut définir la nature et le contenu des documents qui doivent être joints aux lois de finances ;
22. Considérant que l'article 54 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée, applicable à compter de l'exercice 2006, définit le contenu des documents et informations qui sont joints à la loi de règlement, laquelle est une loi de finances en vertu de son article 1er ; que, parmi ces documents, figurent, en application du 4° de l'article 54, les rapports annuels de performances et, en application de son 7°, un rapport de présentation du compte général de l'Etat ;
23. Considérant, d'une part, que le B du III de l'article 80 de la loi déférée dispose que, à compter de l'exercice 2006, une annexe récapitulant certaines informations relatives à chaque dispositif de garantie de l'Etat est jointe au rapport de présentation du " compte général de l'Etat " ;
24. Considérant, d'autre part, que le troisième alinéa de l'article 86 de la loi déférée prévoit que la mise en oeuvre des opérations sur instruments financiers que le ministre de la défense est autorisé à effectuer en vue de couvrir les risques relatifs aux variations de prix des approvisionnements en produits pétroliers nécessaires aux besoins des armées est retracée, à compter de l'exercice 2006, par le " rapport annuel de performances " ;
25. Considérant que ces dispositions ont empiété sur le domaine réservé par la Constitution à la loi organique ; que, dès lors, le B du III de l'article 80, le troisième alinéa de l'article 86 ainsi que son quatrième alinéa, qui en est inséparable, n'ont pas leur place dans la loi déférée et doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
. En ce qui concerne les articles 58, 70 et 100 :
26. Considérant que l'article 58 de la loi déférée modifie l'article 953 du code général des impôts pour porter de six mois à un an la durée de validité des passeports délivrés à titre exceptionnel et pour un motif d'urgence dûment justifié ou par une autorité qui n'est pas celle du lieu de résidence ou de domicile du demandeur ;
27. Considérant que l'article 70 est relatif au contrôle économique et financier de l'Etat sur les organismes bénéficiaires de taxes fiscales affectées ou de taxes parafiscales ;
28. Considérant que le deuxième alinéa de l'article 100, qui complète par un I l'article L. 512-94 du code monétaire et financier, définit les règles de représentation des caisses d'épargne et de prévoyance régionales au conseil de surveillance de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance ;
29. Considérant que ces dispositions ne concernent pas la détermination des ressources et des charges de l'État ; qu'elles n'ont pas pour but d'organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ou d'imposer aux agents des services publics des responsabilités pécuniaires ; qu'elles n'entraînent ni création ni transformation d'emplois au sens du cinquième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée ; qu'enfin, elles n'ont pas le caractère de dispositions d'ordre fiscal ; qu'ainsi, les articles 58, 70 et le deuxième alinéa de l'article 100 de la loi déférée sont étrangers au domaine des lois de finances ; qu'il suit de là que ces articles ont été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution ;
30. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution,
Décide :
Article premier .- Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi de finances rectificative pour 2003 :
au deuxième alinéa du I ainsi qu'aux 1, 2 et 4 du II de l'article 20, les mots " non nominatifs " ;
les articles 58 et 70 ;
le B du III de l'article 80 ;
les troisième et quatrième alinéas de l'article 86 ;
le deuxième alinéa (I) de l'article 100.
Article 2 .- Le surplus de l'article 20 et l'article 97 de la loi de finances rectificative pour 2003 sont déclarés conformes à la Constitution.
Article 3 .- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 décembre 2003, où siégeaient : MM. Yves GUÉNA, Président, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Pierre JOXE, Pierre MAZEAUD, Mmes Monique PELLETIER, Dominique SCHNAPPER et Simone VEIL.