Délibération 2014-219 du 22 mai 2014

Délibération n° 2014-219 du 22 mai 2014 refusant la mise en œuvre, par la commune de Gujan-Mestras, d’un traitement automatisé de contrôle des données signalétiques des véhicules collectées à partir de caméras de vidéoprotection (Demande d’autorisation n° 1692714)

La Commission nationale de l'informatique et des libertés,
Saisie par la commune de Gujan-Mestras d'une demande d'autorisation concernant la mise en œuvre d'un dispositif d'exploitation d'images de véhicules collectées à partir du système de caméras de vidéoprotection de la commune ;
Vu la convention n° 108 du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel ;
Vu la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;
Vu le code de la sécurité intérieure, notamment ses articles L. 233-1, L. 233-2 et L. 252-1 ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
Vu le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 modifié pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
Vu l'arrêté du 18 mai 2009 portant création d'un traitement automatisé de contrôle des données signalétiques des véhicules ;
Après avoir entendu M. Jean-François CARREZ, commissaire, en son rapport, et M. Jean-Alexandre SILVY, commissaire du Gouvernement, en ses observations,

Formule les observations suivantes :

La Commission nationale de l'informatique et des libertés a été saisie, par la commune de Gujan-Mestras, d'une demande d'autorisation concernant un dispositif de vidéoprotection couplé à un système de lecture automatisée des plaques d'immatriculation des véhicules.

Ce dispositif relève des dispositions de l'article L. 252-1 du code de la sécurité intérieure, qui soumettent à autorisation de la Commission les systèmes de vidéoprotection installés sur la voie publique dont les enregistrements sont utilisés dans des traitements automatisés permettant d'identifier, directement ou indirectement, des personnes physiques.


Plus précisément, ce dispositif permet d'analyser les flux vidéos issus de boîtiers de prise de vue afin de capturer et de lire en temps réel les plaques d'immatriculation des véhicules passant dans le champ des caméras de vidéoprotection. Mis en œuvre par la police municipale de Gujan-Mestras, il a pour objet de collecter et d'enregistrer dans une base de données les plaques d'immatriculation de tous les véhicules empruntant la voie publique filmée, ainsi que la photographie de ces derniers et l'horaire de son passage. Ces données, conservées pendant vingt-et-un jours, seront alors mises à disposition de la gendarmerie nationale, sur réquisition judiciaire, à des fins d'identification des auteurs d'infractions.

La Commission rappelle qu'en application des articles L. 233-1 et L. 233-2 du code de la sécurité intérieure, seuls les services de police et de gendarmerie nationales, ainsi que ceux des douanes, peuvent mettre en œuvre des dispositifs fixes ou mobiles de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules prenant la photographie de leurs occupants. Les finalités pour lesquelles de tels traitements peuvent être mis en œuvre sont limitativement énumérées à l'article L. 233-1 dudit code et concernent la prévention, la constatation et la répression d'infractions particulièrement graves, ainsi que, à titre temporaire, la préservation de l'ordre public.

En l'état actuel des textes, les services de police municipale ne font pas partie des autorités légalement habilitées, en application des dispositions précitées du code de la sécurité intérieure, à mettre en œuvre des dispositifs de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules à des fins de recherche des auteurs d'infractions.

En l'absence de base légale, l'autorisation sollicitée par la commune ne peut donc qu'être rejetée par la Commission.

Au demeurant, la Commission observe que le traitement a pour objet d'apporter aux services de police et de gendarmerie nationales des moyens d'investigation supplémentaires dans le cadre de leur mission de police judiciaire. Il poursuit ainsi une finalité de sécurité publique et de recherche d'infractions et est dès lors mis en œuvre pour le compte de l'Etat. Un tel traitement ne relève donc pas du régime de l'autorisation par la Commission, mais d'un acte règlementaire pris après avis motivé et publié de celle-ci, en application de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée.

En outre, la Commission rappelle que la mise en œuvre d'un tel traitement devrait, en tout état de cause, respecter les principes établis par la loi du 6 janvier 1978 modifiée et répondre en particulier à l'exigence de proportionnalité.

A cet égard, elle relève que l'éventuelle mise à disposition, sur demande ponctuelle et sur réquisition judiciaire, des données enregistrées dans un tel traitement ne saurait constituer une finalité déterminée, explicite et légitime au sens de l'article 6- 2° de la loi, dès lors que ces autorités constituent des tiers autorisés à accéder, dans le cas d'une procédure judiciaire, à tout traitement de données utile à la manifestation de la vérité.

De même, la Commission observe que la mise en œuvre d'un tel dispositif pourrait conduire à identifier tous les véhicules - et par conséquent leurs occupants - empruntant la voie publique pour entrer ou sortir du territoire d'une commune. Cette collecte massive de plaques d'immatriculation et de photographies des véhicules sans justification particulière serait de nature, par son caractère excessif, à constituer un manquement aux obligations découlant du 3° de l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée.

Enfin, elle rappelle que les dispositions législatives précitées du code de la sécurité intérieure limitent la durée de conservation des données signalétiques des véhicules et de la photographie de leurs occupants à huit jours, sauf en cas de rapprochement positif avec les traitements automatisés des données relatives aux véhicules volés ou signalés ainsi que le système d'information Schengen. La Commission considère que toute durée de conservation supérieure serait dès lors contraire aux dispositions de l'article 6-5° de la loi du 6 janvier 1978 modifiée.

Dans ces conditions, la Commission refuse la mise en œuvre, par la commune de Gujan-Mestras, d'un traitement automatisé ayant pour finalité le contrôle des données signalétiques des véhicules collectées à partir de caméras de vidéoprotection.


La Présidente


I. FALQUE-PIERROTIN

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