Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 19/07/2024, 476118, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société Fillé Energie a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties et de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie, respectivement, au titre de l'année 2016 et des années 2015 et 2016, dans les rôles de la commune de Fillé-sur-Sarthe (Sarthe), à raison des terrains sur lesquels elle exploite une centrale photovoltaïque. Par un jugement n° 1908602 du 25 février 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 22NT01252 du 26 mai 2023, la cour administrative d'appel de Nantes a transmis au Conseil d'Etat le pourvoi de la société Fillé Energie en ce qui concerne la taxe foncière sur les propriétés bâties et, faisant droit à l'appel formé par cette société, a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises et annulé le jugement dans cette mesure.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 19 juillet 2023 et le
15 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il porte sur la cotisation foncière des entreprises ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter l'appel de la société Fillé Energie.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Fillé Energie ;




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, la société Fillé Energie qui exploite une centrale photovoltaïque sur la commune de Fillé-sur-Sarthe (Sarthe) a été assujettie à des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre de l'année 2016 et de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2015 et 2016. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 26 mai 2023 en ce qu'il a prononcé la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises et annulé le jugement du 25 février 2022 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il avait rejeté les conclusions de la société Fillé Energie présentées à ce titre.

2. Aux termes de l'article 1380 du code général des impôts : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code. ". Aux termes de l'article 1381 du même code : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : / 5° A l'exception de ceux mentionnés au dernier alinéa de l'article 1393, les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que chantiers, lieux de dépôt de marchandises et autres emplacements de même nature, soit que le propriétaire les occupe, soit qu'il les fasse occuper par d'autres à titre gratuit ou onéreux ; "

3. Les dispositions du 5° de l'article 1381 du code général des impôts ont pour objet d'assujettir à la taxe foncière sur les propriétés bâties les terrains non cultivés productifs de revenus spécifiques à raison de leur usage commercial ou industriel. Sont regardés comme non cultivés au sens et pour l'application de ces dispositions les terrains dont la culture constitue une activité accessoire. Sont employés à un usage industriel, au sens et pour l'application de ces mêmes dispositions, les terrains sur lesquels est réalisée une activité nécessitant d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.

4. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'en jugeant que la seule circonstance que les terrains en litige sur lesquels était exploitée une centrale photovoltaïque avaient été ensemencés faisait obstacle à ce qu'ils puissent être regardés comme non cultivés au sens et pour l'application du 5° de l'article 1381 du code général des impôts et que, par suite, ils n'étaient pas passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sur le fondement de ces dispositions, alors qu'elle avait relevé que cet ensemencement avait été réalisé en vue de faire pâturer des ovins pour préserver le bon fonctionnement des panneaux photovoltaïques et qu'une convention avait été conclue par la société avec un agriculteur qu'elle rémunérait à cette fin, la cour administrative d'appel a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il a prononcé la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises en litige au titre des années 2015 et 2016.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.




D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 26 mai 2023 est annulé en tant qu'il a prononcé la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises auxquels a été assujettie la société Fillé Energie au titre des années 2015 et 2016.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation décidée à l'article 1er, à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Fillé Energie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Fillé Energie et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 26 juin 2024 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 19 juillet 2024.


Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
Le rapporteur :
Signé : M. Olivier Saby
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :

ECLI:FR:CECHR:2024:476118.20240719
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