CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 30/05/2024, 21VE02139, Inédit au recueil Lebon
CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 30/05/2024, 21VE02139, Inédit au recueil Lebon
CAA de VERSAILLES - 5ème chambre
- N° 21VE02139
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
30 mai 2024
- Président
- Mme SIGNERIN-ICRE
- Rapporteur
- Mme Sarah HOULLIER
- Avocat(s)
- LE GUE & DA COSTA
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Puteaux a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner in solidum la société Menuiserie Aluminium (SMAGG) et la société AetI Architectes et Ingénieurs à lui verser la somme de 827 755,34 euros TTC au titre des travaux de reprise rendus nécessaires par les désordres constatés sur les murs rideaux du Palais des Congrès, somme à parfaire au regard des futures dépenses qui seront exposées dans le cadre des marchés publics qu'elle devra passer pour la réfection des ouvrages, ainsi que la somme de 15 626,40 euros TTC au titre des frais d'expertise, de rejeter, à titre principal, les conclusions indemnitaires formulées à son encontre par la société SMAGG et de condamner, à titre subsidiaire, la société AetI Architectes et Ingénieurs à la garantir des sommes qu'elle serait condamnée à verser à la société SMAGG et de constater la compensation opérée de plein droit entre les créances réciproques de la commune et de la société SMAGG et de mettre à la charge de la société SMAGG et de la société AetI Architectes et Ingénieurs la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1609140 du 18 mai 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a mis hors de cause la Société Mutuelle d'Assurances du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP), rejeté la demande de la commune de Puteaux, mis à la charge de la commune de Puteaux les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 15 626,40 euros ainsi que la somme de 1 500 euros à verser respectivement à la société SMAGG et à la société AetI Architectes et Ingénieurs sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2021, la commune de Puteaux, représentée par Me Sabattier, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de condamner in solidum la société SMAGG et la société AetI Architectes et Ingénieurs à lui verser la somme de 827 755,34 euros TTC au titre des travaux de reprise rendus nécessaires par les désordres constatés sur les murs rideaux du Palais des congrès sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ou, à titre subsidiaire, de condamner la société AetI Architectes et Ingénieurs à lui verser cette somme sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;
3°) de condamner in solidum la société SMAGG et la société AetI Architectes et Ingénieurs à lui verser la somme de 15 626,40 euros au titre des frais d'expertise avancés par elle ;
4°) de mettre à la charge des sociétés SMAGG et AetI Architectes et Ingénieurs la somme de 10 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les désordres constatés, se traduisant par des infiltrations et défauts d'étanchéité, revêtent un caractère décennal dès lors qu'ils rendent l'ouvrage impropre à sa destination et sont de nature à compromettre sa solidité ;
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation en ce que ces désordres n'étaient pas apparents au moment de la réception de l'ouvrage et que les réserves émises ne reflétaient pas l'importance des défauts et malfaçons relevés depuis ;
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation en ce qu'il a jugé que les seules réserves relatives, pour le mur rideau côté cour, aux " habillages en partie basse " et à la reprise de la " bavette en partie haute " suffisaient à écarter le caractère décennal des désordres ; aucune de ces réserves ne porte sur les problèmes d'infiltration des murs rideaux ou la déformation des traverses ;
- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs sur ce point ;
- le jugement attaqué a omis de statuer sur les désordres affectant la verrière située au 4ème étage ; ces désordres sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage et n'ont fait l'objet d'aucune réserve à la réception ; le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation à cet égard ;
- les désordres constatés engagent la responsabilité de la société SMAGG ;
- la responsabilité de cette dernière peut être engagée alors même qu'elle ferait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ;
- les désordres constatés résultent de défaut d'exécution imputable à cette entreprise dès lors qu'elle était en charge de la pose des murs rideaux ;
- les désordres ainsi constatés engagent la responsabilité décennale de la société AetI Architectes et Ingénieurs dès lors qu'en sa qualité de maître d'œuvre elle était titulaire d'une mission de direction et de suivi de l'exécution des travaux ainsi que d'assistance du maître d'ouvrage dans les opérations de réception ;
- les désordres constatés engagent la responsabilité contractuelle de la société AetI Architectes et Ingénieurs en sa qualité de maître d'œuvre en raison d'un manquement à ses devoirs de surveillance, de direction de l'exécution des travaux et d'assistance au maître d'ouvrage ;
- elle a droit à l'indemnisation de son préjudice à hauteur de 872 755,34 euros HT ;
- elle a droit au remboursement des frais d'expertise avancés, à hauteur de 15 626,40 euros TTC.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2021, Me Isabelle Goic, liquidateur judiciaire de la société SMAGG, s'en rapporte à la sagesse de la cour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2021, la SMABTP, représentée par Me Le Gué, avocat, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de la mettre hors de cause ;
3°) à titre subsidiaire, de réduire le quantum des demandes de la commune de Puteaux à la somme de 496 574 euros ;
4°) à titre subsidiaire, de condamner la société AetI Architectes et Ingénieurs à la garantir de toutes les condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;
5°) de rejeter toutes les demandes formées à son encontre ;
6°) de mettre à la charge de la commune de Puteaux la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- aucune demande n'est formée à son encontre par la commune de Puteaux ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2022, la société AetI Architectes et Ingénieurs, représentée par Me Galdos del Carpio, avocat, demande à la cour de :
1°) rejeter la requête ;
2°) rejeter les conclusions de la SMABTP formées à son encontre ;
3°) à titre subsidiaire, de ramener le quantum des demandes à une plus juste mesure ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Puteaux ou de toute partie perdante la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- la garantie décennale n'est pas engagée en l'absence de réception des murs rideaux ; l'ouvrage n'étant pas achevé, il n'a pas pu faire l'objet d'une réception ;
- à titre subsidiaire, des réserves avaient été émises, faisant obstacle à l'engagement de la responsabilité décennale ;
- sa responsabilité contractuelle ne peut être engagée dès lors qu'elle a respecté ses obligations de suivi et de direction des travaux ;
- à titre subsidiaire, à supposer qu'une condamnation soit prononcée à son encontre, la somme demandée par la commune de Puteaux devrait être ramenée à un montant de 496 574 euros HT correspondant à la reprise des désordres telle que chiffrée par l'expert judiciaire, somme à laquelle pourront être ajoutés 60 000 euros HT d'honoraires de maîtrise d'œuvre, 60 000 euros HT d'honoraires de coordonnateur SPS et 6 000 euros de frais d'étude et de sondage.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Houllier,
- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,
- et les observations de Me de Villemeur, substituant Me Sabattier, pour la commune de Puteaux.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Puteaux fait appel du jugement du 18 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la condamnation des sociétés SMAGG et AetI Architectes et Ingénieurs, sur le fondement de la garantie décennale, à lui verser la somme de 827 755,34 euros TTC et, à titre subsidiaire, à la condamnation de la seule société AetI Architectes et Ingénieurs, sur le fondement de la garantie contractuelle, à lui verser cette somme, en réparation des désordres constatés sur les façades du Palais des Congrès de la ville.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. L'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ". Le juge doit ainsi se prononcer, par une motivation suffisante au regard de la teneur de l'argumentation qui lui est soumise, sur tous les moyens expressément soulevés par les parties, à l'exception de ceux qui, quel que soit leur bien-fondé, seraient insusceptibles de conduire à l'adoption d'une solution différente de celle qu'il retient.
3. La commune de Puteaux soutient que le tribunal administratif aurait omis de statuer sur ses conclusions tendant à être indemnisée, sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs, des désordres affectant la solidité de la verrière située au quatrième étage et qu'il aurait ainsi également entaché son jugement d'une insuffisance de motivation. Toutefois, il ressort du rapport d'expertise que les désordres affectant la verrière ne sont pas dissociables de ceux constatés sur le mur-rideau côté rue, la verrière n'étant qu'une finition, au dernier étage, de cette façade. Ainsi, les juges de première instance, qui ont fait référence à la verrière au point 7 de leur jugement, n'ont pas omis de statuer sur ces conclusions et ont suffisamment motivé leur jugement. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué de ces chefs doit être écarté.
Sur la responsabilité décennale des constructeurs :
4. La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. En l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ne se poursuivent qu'au titre des travaux ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves. Ainsi, les travaux ou les parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves ne peuvent engager la garantie décennale des constructeurs tant que ces réserves n'ont pas été levées.
5. La commune de Puteaux soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté la responsabilité décennale des constructeurs dès lors que les désordres dont elle demande réparation n'étaient pas apparents lors de la réception de l'ouvrage et que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, les réserves annexées au procès-verbal de réception de l'ouvrage ne portaient pas sur les vices à l'origine de ces désordres.
6. Toutefois, il résulte, d'une part, de l'instruction, notamment du rapport du 31 mai 2016 de l'expert désigné par ordonnance du juge des référés du 23 janvier 2015, que les infiltrations constatées sur le mur rideau côté rue Eichenberger résultent de défauts de compression et de fixation des couvre joints, de capots de traverses manquants, de graves défauts dans le raccordement des tôleries de couvertine et, s'agissant plus précisément de la verrière du quatrième étage, de nombreux défauts d'assemblage entre chevrons verticaux et inclinés, tandis que les infiltrations constatées sur le mur rideau côté cour résultent de graves défauts dans les jonctions des tôleries en raccordement, de défauts de calfeutrements et d'étanchéité en rives et de défauts de fixation des chevrons, le tout compromettant l'étanchéité de l'ouvrage.
7. D'autre part, il résulte de l'instruction que, lors des opérations préalables à la réception, plusieurs graves infiltrations ont été relevées et ont fait l'objet de réserves tenant, s'agissant du mur rideau côté cour, à la reprise de la bavette en partie haute et la réalisation des habillages en partie basse et, s'agissant du mur rideau côté rue Eichenberger, à ce que la pose soit terminée notamment s'agissant du capotage des traverses. Ces réserves n'ayant pas été levées, elles ont ensuite été reprises par l'acte de réception intervenu le 19 août 2011, ainsi que le mentionne également l'expert judiciaire qui relève que ces anomalies et désordres avaient été " relevés à la réception avec réserves ", la mise hors d'eau n'étant au demeurant toujours pas assurée au 30 août 2011. Ces réserves ne portaient pas, contrairement à ce que soutient la commune de Puteaux, sur de simples finitions sans lien direct avec les désordres constatés mais sur des travaux visant à assurer la mise hors d'eau de l'ouvrage après le constat, en juin et juillet 2011, d'infiltrations graves et répétées dont la commune de Puteaux avait été informée par le maître d'œuvre par plusieurs courriers et réunions de chantier du 24 juin 2011, 12 juillet 2011, 19 juillet 2011 et 21 juillet 2011. Dans ces conditions, dès lors que ces désordres, qui étaient apparents à la date de la réception et dont la gravité était prévisible, ont fait l'objet de réserves, la commune de Puteaux n'est pas fondée à rechercher la responsabilité décennale des constructeurs. Ainsi, c'est à bon droit et sans entacher le jugement d'une contradiction de motifs, que les juges de première instance ont refusé de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la commune de Puteaux.
Sur la responsabilité contractuelle de la société AetI Architectes et Ingénieurs :
8. En premier lieu, la commune de Puteaux soutient que la société AetI Architectes et Ingénieurs, maître d'œuvre du chantier, a commis une faute dans le suivi et la direction des travaux. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport établi le 3 avril 2013 par la société SECC à la demande de la commune et du rapport de l'expert judiciaire remis le 31 mai 2016, que les désordres constatés sur les murs rideaux du bâtiment trouvent leur origine dans des défauts d'exécution exclusivement imputables à l'entreprise SMAGG, titulaire du lot " menuiserie extérieure et murs rideaux ", dont les défaillances avaient été signalées par le maître d'œuvre lors d'une réunion de chantier du 7 avril 2011 au cours de laquelle ce dernier a alerté sur l'incompétence des ouvriers présents sur le chantier et la nécessité de faire venir un personnel qualifié et a également informé le maître d'ouvrage du retard pris dans la livraison des façades. Il ressort, en outre, des échanges entre la société SMAGG et le maître d'œuvre, systématiquement communiqués au maître d'ouvrage pour information, qu'au vu de la persistance des infiltrations, la société AetI Architectes et Ingénieurs a demandé à l'entreprise SMAGG, à plusieurs reprises, de reprendre en urgence les travaux du mur rideau côté cour et d'achever le mur rideau côté rue. Ces infiltrations ont été également évoquées à de nombreuses occasions lors des réunions de chantier qui se déroulaient en présence du maître d'ouvrage. Dans ces conditions, la commune de Puteaux, qui a été alertée tout au long du chantier par le maître d'œuvre sur les défaillances de la société SMAGG, n'est pas fondée à soutenir que la société AetI Architectes et Ingénieurs a commis une faute dans le suivi et la direction de l'exécution des travaux de nature à engager sa responsabilité contractuelle.
9. En second lieu, la responsabilité des maîtres d'œuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves.
10. En l'espèce, la commune de Puteaux soutient que le maître d'œuvre a commis un manquement dans le cadre de sa mission de conseil lors des opérations de réception de l'ouvrage en ne cherchant pas à la dissuader de réceptionner les travaux et en proposant, à cette occasion, des réserves inadéquates. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'alors même qu'elle était informée des retards et difficultés rencontrés dans l'exécution du chantier, et notamment des graves infiltrations constatées sur les façades et des carences de la société SMAGG, la commune de Puteaux a mis en demeure, le 18 juillet 2011, la société AetI Architectes et Ingénieurs de procéder à une réception des travaux avant le 25 juillet 2011 en dépit des réticences clairement exprimées par cette dernière lors d'échanges du 24 juin 2011, du 1er juillet 2011 et du 12 juillet 2011. Il résulte également de l'instruction que, lors des opérations préalables à la réception du chantier qui se sont tenues le 4 août 2011, la société AetI Architectes et Ingénieurs, constatant la non-exécution des travaux nécessaires, a exigé de la société SMAGG, qui s'y est engagée le 10 août 2011, que l'ensemble de ces travaux soit réalisé avant le 19 août 2011. Toutefois, alors que cet engagement n'a pas été tenu et que, de ce fait les murs rideaux restaient affectés d'un défaut d'étanchéité majeur, le maître d'ouvrage a décidé, en toute connaissance de cause, de procéder, le 19 août 2011, à la réception du chantier en reprenant l'ensemble des réserves formulées le 4 août 2011 par la société AetI Architectes et Ingénieurs. En outre, si la commune de Puteaux soutient que ces réserves étaient trop imprécises, il résulte de ce qui a été précédemment exposé au point 7 du présent arrêt que ces réserves permettaient d'identifier les défauts constatés et de les mettre en relation avec les désordres d'étanchéité relevés. Dans ces conditions, la commune de Puteaux n'établit pas que le maître d'œuvre aurait commis une faute dans sa mission de conseil lors des opérations de réception des travaux de nature à engager sa responsabilité contractuelle.
Sur les frais d'expertise :
11. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le tribunal administratif a mis à la charge de la commune de Puteaux les frais et honoraires de l'expertise réalisée par M. A..., taxés et liquidés à la somme de 15 626,40 euros TTC par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Par suite, les conclusions de la commune de Puteaux tendant à ce que la société SMAGG et la société AetI Architectes et Ingénieurs soient condamnées à lui rembourser cette somme doivent être rejetées.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Puteaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Sur les frais de justice :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des sociétés SMAGG et AetI Architectes et Ingénieurs, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que la commune de Puteaux demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Puteaux la somme de 2 000 euros à verser à la société AetI Architectes et Ingénieurs sur le fondement des mêmes dispositions. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Puteaux le versement de la somme que la SMABTP demande sur le fondement des mêmes dispositions.
14. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions de la société AetI Architectes et Ingénieurs et de la société SMABTP présentées sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Puteaux est rejetée.
Article 2 : La commune de Puteaux versera à la société AetI Architectes et Ingénieurs la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Puteaux, à Me Isabelle Goic, mandataire liquidatrice judiciaire de la société SMAGG, à la société AetI Architectes et Ingénieurs et à la Société Mutuelle d'Assurances du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP).
Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Houllier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2024.
La rapporteure,
S. HoullierLa présidente,
C. Signerin-IcreLa greffière,
C. Fourteau
La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 21VE02139
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Puteaux a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner in solidum la société Menuiserie Aluminium (SMAGG) et la société AetI Architectes et Ingénieurs à lui verser la somme de 827 755,34 euros TTC au titre des travaux de reprise rendus nécessaires par les désordres constatés sur les murs rideaux du Palais des Congrès, somme à parfaire au regard des futures dépenses qui seront exposées dans le cadre des marchés publics qu'elle devra passer pour la réfection des ouvrages, ainsi que la somme de 15 626,40 euros TTC au titre des frais d'expertise, de rejeter, à titre principal, les conclusions indemnitaires formulées à son encontre par la société SMAGG et de condamner, à titre subsidiaire, la société AetI Architectes et Ingénieurs à la garantir des sommes qu'elle serait condamnée à verser à la société SMAGG et de constater la compensation opérée de plein droit entre les créances réciproques de la commune et de la société SMAGG et de mettre à la charge de la société SMAGG et de la société AetI Architectes et Ingénieurs la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1609140 du 18 mai 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a mis hors de cause la Société Mutuelle d'Assurances du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP), rejeté la demande de la commune de Puteaux, mis à la charge de la commune de Puteaux les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 15 626,40 euros ainsi que la somme de 1 500 euros à verser respectivement à la société SMAGG et à la société AetI Architectes et Ingénieurs sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2021, la commune de Puteaux, représentée par Me Sabattier, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de condamner in solidum la société SMAGG et la société AetI Architectes et Ingénieurs à lui verser la somme de 827 755,34 euros TTC au titre des travaux de reprise rendus nécessaires par les désordres constatés sur les murs rideaux du Palais des congrès sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ou, à titre subsidiaire, de condamner la société AetI Architectes et Ingénieurs à lui verser cette somme sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;
3°) de condamner in solidum la société SMAGG et la société AetI Architectes et Ingénieurs à lui verser la somme de 15 626,40 euros au titre des frais d'expertise avancés par elle ;
4°) de mettre à la charge des sociétés SMAGG et AetI Architectes et Ingénieurs la somme de 10 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les désordres constatés, se traduisant par des infiltrations et défauts d'étanchéité, revêtent un caractère décennal dès lors qu'ils rendent l'ouvrage impropre à sa destination et sont de nature à compromettre sa solidité ;
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation en ce que ces désordres n'étaient pas apparents au moment de la réception de l'ouvrage et que les réserves émises ne reflétaient pas l'importance des défauts et malfaçons relevés depuis ;
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation en ce qu'il a jugé que les seules réserves relatives, pour le mur rideau côté cour, aux " habillages en partie basse " et à la reprise de la " bavette en partie haute " suffisaient à écarter le caractère décennal des désordres ; aucune de ces réserves ne porte sur les problèmes d'infiltration des murs rideaux ou la déformation des traverses ;
- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs sur ce point ;
- le jugement attaqué a omis de statuer sur les désordres affectant la verrière située au 4ème étage ; ces désordres sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage et n'ont fait l'objet d'aucune réserve à la réception ; le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation à cet égard ;
- les désordres constatés engagent la responsabilité de la société SMAGG ;
- la responsabilité de cette dernière peut être engagée alors même qu'elle ferait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ;
- les désordres constatés résultent de défaut d'exécution imputable à cette entreprise dès lors qu'elle était en charge de la pose des murs rideaux ;
- les désordres ainsi constatés engagent la responsabilité décennale de la société AetI Architectes et Ingénieurs dès lors qu'en sa qualité de maître d'œuvre elle était titulaire d'une mission de direction et de suivi de l'exécution des travaux ainsi que d'assistance du maître d'ouvrage dans les opérations de réception ;
- les désordres constatés engagent la responsabilité contractuelle de la société AetI Architectes et Ingénieurs en sa qualité de maître d'œuvre en raison d'un manquement à ses devoirs de surveillance, de direction de l'exécution des travaux et d'assistance au maître d'ouvrage ;
- elle a droit à l'indemnisation de son préjudice à hauteur de 872 755,34 euros HT ;
- elle a droit au remboursement des frais d'expertise avancés, à hauteur de 15 626,40 euros TTC.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2021, Me Isabelle Goic, liquidateur judiciaire de la société SMAGG, s'en rapporte à la sagesse de la cour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2021, la SMABTP, représentée par Me Le Gué, avocat, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de la mettre hors de cause ;
3°) à titre subsidiaire, de réduire le quantum des demandes de la commune de Puteaux à la somme de 496 574 euros ;
4°) à titre subsidiaire, de condamner la société AetI Architectes et Ingénieurs à la garantir de toutes les condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;
5°) de rejeter toutes les demandes formées à son encontre ;
6°) de mettre à la charge de la commune de Puteaux la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- aucune demande n'est formée à son encontre par la commune de Puteaux ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2022, la société AetI Architectes et Ingénieurs, représentée par Me Galdos del Carpio, avocat, demande à la cour de :
1°) rejeter la requête ;
2°) rejeter les conclusions de la SMABTP formées à son encontre ;
3°) à titre subsidiaire, de ramener le quantum des demandes à une plus juste mesure ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Puteaux ou de toute partie perdante la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- la garantie décennale n'est pas engagée en l'absence de réception des murs rideaux ; l'ouvrage n'étant pas achevé, il n'a pas pu faire l'objet d'une réception ;
- à titre subsidiaire, des réserves avaient été émises, faisant obstacle à l'engagement de la responsabilité décennale ;
- sa responsabilité contractuelle ne peut être engagée dès lors qu'elle a respecté ses obligations de suivi et de direction des travaux ;
- à titre subsidiaire, à supposer qu'une condamnation soit prononcée à son encontre, la somme demandée par la commune de Puteaux devrait être ramenée à un montant de 496 574 euros HT correspondant à la reprise des désordres telle que chiffrée par l'expert judiciaire, somme à laquelle pourront être ajoutés 60 000 euros HT d'honoraires de maîtrise d'œuvre, 60 000 euros HT d'honoraires de coordonnateur SPS et 6 000 euros de frais d'étude et de sondage.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Houllier,
- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,
- et les observations de Me de Villemeur, substituant Me Sabattier, pour la commune de Puteaux.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Puteaux fait appel du jugement du 18 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la condamnation des sociétés SMAGG et AetI Architectes et Ingénieurs, sur le fondement de la garantie décennale, à lui verser la somme de 827 755,34 euros TTC et, à titre subsidiaire, à la condamnation de la seule société AetI Architectes et Ingénieurs, sur le fondement de la garantie contractuelle, à lui verser cette somme, en réparation des désordres constatés sur les façades du Palais des Congrès de la ville.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. L'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ". Le juge doit ainsi se prononcer, par une motivation suffisante au regard de la teneur de l'argumentation qui lui est soumise, sur tous les moyens expressément soulevés par les parties, à l'exception de ceux qui, quel que soit leur bien-fondé, seraient insusceptibles de conduire à l'adoption d'une solution différente de celle qu'il retient.
3. La commune de Puteaux soutient que le tribunal administratif aurait omis de statuer sur ses conclusions tendant à être indemnisée, sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs, des désordres affectant la solidité de la verrière située au quatrième étage et qu'il aurait ainsi également entaché son jugement d'une insuffisance de motivation. Toutefois, il ressort du rapport d'expertise que les désordres affectant la verrière ne sont pas dissociables de ceux constatés sur le mur-rideau côté rue, la verrière n'étant qu'une finition, au dernier étage, de cette façade. Ainsi, les juges de première instance, qui ont fait référence à la verrière au point 7 de leur jugement, n'ont pas omis de statuer sur ces conclusions et ont suffisamment motivé leur jugement. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué de ces chefs doit être écarté.
Sur la responsabilité décennale des constructeurs :
4. La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. En l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ne se poursuivent qu'au titre des travaux ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves. Ainsi, les travaux ou les parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves ne peuvent engager la garantie décennale des constructeurs tant que ces réserves n'ont pas été levées.
5. La commune de Puteaux soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté la responsabilité décennale des constructeurs dès lors que les désordres dont elle demande réparation n'étaient pas apparents lors de la réception de l'ouvrage et que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, les réserves annexées au procès-verbal de réception de l'ouvrage ne portaient pas sur les vices à l'origine de ces désordres.
6. Toutefois, il résulte, d'une part, de l'instruction, notamment du rapport du 31 mai 2016 de l'expert désigné par ordonnance du juge des référés du 23 janvier 2015, que les infiltrations constatées sur le mur rideau côté rue Eichenberger résultent de défauts de compression et de fixation des couvre joints, de capots de traverses manquants, de graves défauts dans le raccordement des tôleries de couvertine et, s'agissant plus précisément de la verrière du quatrième étage, de nombreux défauts d'assemblage entre chevrons verticaux et inclinés, tandis que les infiltrations constatées sur le mur rideau côté cour résultent de graves défauts dans les jonctions des tôleries en raccordement, de défauts de calfeutrements et d'étanchéité en rives et de défauts de fixation des chevrons, le tout compromettant l'étanchéité de l'ouvrage.
7. D'autre part, il résulte de l'instruction que, lors des opérations préalables à la réception, plusieurs graves infiltrations ont été relevées et ont fait l'objet de réserves tenant, s'agissant du mur rideau côté cour, à la reprise de la bavette en partie haute et la réalisation des habillages en partie basse et, s'agissant du mur rideau côté rue Eichenberger, à ce que la pose soit terminée notamment s'agissant du capotage des traverses. Ces réserves n'ayant pas été levées, elles ont ensuite été reprises par l'acte de réception intervenu le 19 août 2011, ainsi que le mentionne également l'expert judiciaire qui relève que ces anomalies et désordres avaient été " relevés à la réception avec réserves ", la mise hors d'eau n'étant au demeurant toujours pas assurée au 30 août 2011. Ces réserves ne portaient pas, contrairement à ce que soutient la commune de Puteaux, sur de simples finitions sans lien direct avec les désordres constatés mais sur des travaux visant à assurer la mise hors d'eau de l'ouvrage après le constat, en juin et juillet 2011, d'infiltrations graves et répétées dont la commune de Puteaux avait été informée par le maître d'œuvre par plusieurs courriers et réunions de chantier du 24 juin 2011, 12 juillet 2011, 19 juillet 2011 et 21 juillet 2011. Dans ces conditions, dès lors que ces désordres, qui étaient apparents à la date de la réception et dont la gravité était prévisible, ont fait l'objet de réserves, la commune de Puteaux n'est pas fondée à rechercher la responsabilité décennale des constructeurs. Ainsi, c'est à bon droit et sans entacher le jugement d'une contradiction de motifs, que les juges de première instance ont refusé de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la commune de Puteaux.
Sur la responsabilité contractuelle de la société AetI Architectes et Ingénieurs :
8. En premier lieu, la commune de Puteaux soutient que la société AetI Architectes et Ingénieurs, maître d'œuvre du chantier, a commis une faute dans le suivi et la direction des travaux. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport établi le 3 avril 2013 par la société SECC à la demande de la commune et du rapport de l'expert judiciaire remis le 31 mai 2016, que les désordres constatés sur les murs rideaux du bâtiment trouvent leur origine dans des défauts d'exécution exclusivement imputables à l'entreprise SMAGG, titulaire du lot " menuiserie extérieure et murs rideaux ", dont les défaillances avaient été signalées par le maître d'œuvre lors d'une réunion de chantier du 7 avril 2011 au cours de laquelle ce dernier a alerté sur l'incompétence des ouvriers présents sur le chantier et la nécessité de faire venir un personnel qualifié et a également informé le maître d'ouvrage du retard pris dans la livraison des façades. Il ressort, en outre, des échanges entre la société SMAGG et le maître d'œuvre, systématiquement communiqués au maître d'ouvrage pour information, qu'au vu de la persistance des infiltrations, la société AetI Architectes et Ingénieurs a demandé à l'entreprise SMAGG, à plusieurs reprises, de reprendre en urgence les travaux du mur rideau côté cour et d'achever le mur rideau côté rue. Ces infiltrations ont été également évoquées à de nombreuses occasions lors des réunions de chantier qui se déroulaient en présence du maître d'ouvrage. Dans ces conditions, la commune de Puteaux, qui a été alertée tout au long du chantier par le maître d'œuvre sur les défaillances de la société SMAGG, n'est pas fondée à soutenir que la société AetI Architectes et Ingénieurs a commis une faute dans le suivi et la direction de l'exécution des travaux de nature à engager sa responsabilité contractuelle.
9. En second lieu, la responsabilité des maîtres d'œuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves.
10. En l'espèce, la commune de Puteaux soutient que le maître d'œuvre a commis un manquement dans le cadre de sa mission de conseil lors des opérations de réception de l'ouvrage en ne cherchant pas à la dissuader de réceptionner les travaux et en proposant, à cette occasion, des réserves inadéquates. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'alors même qu'elle était informée des retards et difficultés rencontrés dans l'exécution du chantier, et notamment des graves infiltrations constatées sur les façades et des carences de la société SMAGG, la commune de Puteaux a mis en demeure, le 18 juillet 2011, la société AetI Architectes et Ingénieurs de procéder à une réception des travaux avant le 25 juillet 2011 en dépit des réticences clairement exprimées par cette dernière lors d'échanges du 24 juin 2011, du 1er juillet 2011 et du 12 juillet 2011. Il résulte également de l'instruction que, lors des opérations préalables à la réception du chantier qui se sont tenues le 4 août 2011, la société AetI Architectes et Ingénieurs, constatant la non-exécution des travaux nécessaires, a exigé de la société SMAGG, qui s'y est engagée le 10 août 2011, que l'ensemble de ces travaux soit réalisé avant le 19 août 2011. Toutefois, alors que cet engagement n'a pas été tenu et que, de ce fait les murs rideaux restaient affectés d'un défaut d'étanchéité majeur, le maître d'ouvrage a décidé, en toute connaissance de cause, de procéder, le 19 août 2011, à la réception du chantier en reprenant l'ensemble des réserves formulées le 4 août 2011 par la société AetI Architectes et Ingénieurs. En outre, si la commune de Puteaux soutient que ces réserves étaient trop imprécises, il résulte de ce qui a été précédemment exposé au point 7 du présent arrêt que ces réserves permettaient d'identifier les défauts constatés et de les mettre en relation avec les désordres d'étanchéité relevés. Dans ces conditions, la commune de Puteaux n'établit pas que le maître d'œuvre aurait commis une faute dans sa mission de conseil lors des opérations de réception des travaux de nature à engager sa responsabilité contractuelle.
Sur les frais d'expertise :
11. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le tribunal administratif a mis à la charge de la commune de Puteaux les frais et honoraires de l'expertise réalisée par M. A..., taxés et liquidés à la somme de 15 626,40 euros TTC par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Par suite, les conclusions de la commune de Puteaux tendant à ce que la société SMAGG et la société AetI Architectes et Ingénieurs soient condamnées à lui rembourser cette somme doivent être rejetées.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Puteaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Sur les frais de justice :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des sociétés SMAGG et AetI Architectes et Ingénieurs, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que la commune de Puteaux demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Puteaux la somme de 2 000 euros à verser à la société AetI Architectes et Ingénieurs sur le fondement des mêmes dispositions. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Puteaux le versement de la somme que la SMABTP demande sur le fondement des mêmes dispositions.
14. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions de la société AetI Architectes et Ingénieurs et de la société SMABTP présentées sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Puteaux est rejetée.
Article 2 : La commune de Puteaux versera à la société AetI Architectes et Ingénieurs la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Puteaux, à Me Isabelle Goic, mandataire liquidatrice judiciaire de la société SMAGG, à la société AetI Architectes et Ingénieurs et à la Société Mutuelle d'Assurances du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP).
Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Houllier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2024.
La rapporteure,
S. HoullierLa présidente,
C. Signerin-IcreLa greffière,
C. Fourteau
La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 21VE02139