CAA de NANTES, 4ème chambre, 19/04/2024, 23NT01257, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Mayenne a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de la délibération du 6 mai 2021 par laquelle le conseil municipal de la commune de Congrier a décidé de souscrire au capital de la société CS Biogaz SAS à concurrence d'un montant de 17 250 euros et approuvé le versement d'une avance en compte-courtant d'associé d'un montant de 32 750 euros, ainsi que la décision du 15 juillet 2021 par laquelle le maire a refusé de saisir le conseil municipal pour retirer cette délibération.

Par un jugement n° 2110252 du 1er mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la délibération du conseil municipal de Congrier du 6 mai 2021 en tant qu'elle décide du versement d'une première avance en compte-courant d'associé, a annulé la décision du maire de la commune de Congrier du 15 juillet 2021 en tant qu'il a refusé d'inscrire à l'ordre du jour du conseil municipal la question du retrait de la délibération du 6 mai 2021 en tant qu'elle décide du versement d'une première avance en compte-courant d'associé et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 mai et 11 décembre 2023, la préfète de la Mayenne, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er mars 2023 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) d'annuler la délibération du 6 mai 2021 en tant que le conseil municipal de la commune de Congrier a décidé de souscrire au capital de la société CS Biogaz SAS à concurrence d'un montant de 17 250 euros, ainsi que la décision du 15 juillet 2021 par laquelle le maire a refusé de retirer cette délibération dans cette mesure.

Elle soutient que :
- la participation de la commune de Congrier au capital de la société CS Biogaz méconnait le principe de spécialité et d'exclusivité, la possibilité de souscription au capital de la société commerciale ayant été transférée au syndicat mixte de manière indissociable de l'exercice de la compétence relative à la production d'énergie renouvelable définie à l'article L. 2224-32 du code général des collectivités territoriales ;
- la circonstance selon laquelle la précédente délibération portant sur le principe même de la souscription serait devenue définitive est inopérante.


Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2023, la commune de Congrier, représentée par Me Belet-Cessac, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros eu titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- postérieurement à la délibération contestée, le syndicat d'Energie n'est plus coactionnaire de la société CS Biogaz avec la commune de Congrier ;
- il convient de distinguer la compétence tirée des dispositions de l'article L. 2224-32 du code général des collectivités territoriales et la faculté consistant à prendre des participations dans une société commerciale de production d'énergie renouvelable au sens des dispositions de l'article L. 2253-1 du code général des collectivités territoriales ;
- la délibération initiale actant la prise de participation dans la société de projet de 2020 autant que la délibération du 14 octobre 2021 portant sur la mise en œuvre des conditions de financement du projet sont aujourd'hui définitives.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,
- et les observations de Me Belet-Cessac pour la commune de Congrier.


Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 6 mai 2021 le conseil municipal de la commune de Congrier a décidé de souscrire au capital de la société CS Biogaz à concurrence d'un montant de
17 250 euros, de verser une première avance en compte-courant d'associé d'un montant de
32 750 euros et a autorisé le maire à signer tous les documents en vue de la réalisation de cette souscription. Par courrier du 31 mai 2021, le préfet de la Mayenne a demandé au maire d'inviter le conseil municipal de la commune à retirer cette délibération. Par courrier du 15 juillet 2021, le maire a rejeté cette demande. Le préfet de la Mayenne a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la délibération du 6 mai 2021 ainsi que la décision du maire de la commune du
15 juillet 2021 refusant de procéder à son retrait. Par un jugement du 1er mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la délibération du conseil municipal de Congrier du 6 mai 2021 en tant qu'elle décide du versement d'une première avance en compte courant d'associé, a annulé la décision du maire de la commune de Congrier du 15 juillet 2021 en tant qu'il a refusé d'inscrire à l'ordre du jour du conseil municipal la question du retrait de la délibération du 6 mai 2021 en tant qu'elle décide du versement d'une première avance en compte courant d'associé et a rejeté le surplus de sa demande. La préfète de la Mayenne fait appel de ce jugement en tant qu'il rejette sa demande dirigée contre la délibération du 6 mai 2021 en tant qu'elle décidait la prise de participation de la commune de Congrier au capital de la société CS Biogaz SAS.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 2224-32 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable à la date de la délibération en litige : " Sous réserve de l'autorisation prévue à l'article 7 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, les communes, sur leur territoire, et les établissements publics de coopération, sur le territoire des communes qui en sont membres, peuvent, outre les possibilités ouvertes par les douzième et treizième alinéas de l'article 8 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée, aménager, exploiter, faire aménager et faire exploiter dans les conditions prévues par le présent code toute nouvelle installation hydroélectrique, toute nouvelle installation utilisant les autres énergies renouvelables, toute nouvelle installation de valorisation énergétique des déchets ménagers ou assimilés mentionnés aux articles L. 2224-13 et L. 2224-14, ou toute nouvelle installation de cogénération ou de récupération d'énergie provenant d'installations visant l'alimentation d'un réseau de chaleur dans les conditions fixées par le dixième alinéa (6°) de l'article 8 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée lorsque ces nouvelles installations se traduisent par une économie d'énergie et une réduction des pollutions atmosphériques. (...) ". Aux termes de l'article L. 2253-1 du même code dans sa rédaction applicable : " Sont exclues, sauf autorisation prévue par décret en Conseil d'Etat, toutes participations d'une commune dans le capital d'une société commerciale et de tout autre organisme à but lucratif n'ayant pas pour objet d'exploiter les services communaux ou des activités d'intérêt général dans les conditions prévues à l'article L. 2253-2. / (...) / Par dérogation au premier alinéa, les communes et leurs groupements peuvent, par délibération de leurs organes délibérants, participer au capital d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiée dont l'objet social est la production d'énergies renouvelables par des installations situées sur leur territoire ou, pour une commune, sur le territoire d'une commune limitrophe ou, pour un groupement, sur le territoire d'un groupement limitrophe. (...) ".
3. Aux termes de l'article 4 des statuts du syndicat mixte " Territoire d'énergie Mayenne ", dont la commune de Congrier est membre, le syndicat mixte est " autorisé à prendre des participations dans des sociétés commerciales ou coopératives dont l'objet social concerne l'un de ses domaines d'intervention selon les modalités légales et réglementaires en vigueur et, en particulier, les dispositions de l'article L.2253-1 du code général des collectivités territoriales (...) ".
4. D'une part, il ressort des termes de l'article L. 2253-1 du code général des collectivités territoriales que ce dernier, qui pose des conditions de manière limitative et exclusive, n'a pas entendu imposer que seules les collectivités ayant la compétence en matière d'énergies renouvelables en vertu de l'article L. 2224-32 du même code puissent participer au capital d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiée dont l'objet social est la production d'énergies renouvelables. Ainsi, la circonstance que la compétence prévue à l'article L. 2224-32 du code général des collectivités territoriales aurait été transférée par la commune de Congrier au syndicat mixte est sans influence sur la légalité de la délibération du 6 mai 2021.
5. D'autre part, les dispositions de l'article L. 2253-1 du code général des collectivités territoriales définissent des modalités d'intervention dans le champ économique et permettent l'intervention des communes et de leurs groupements. Ainsi, les dispositions de l'article 4 des statuts du syndicat mixte " Territoire d'énergie Mayenne ", qui ne font que rappeler les règles posées à l'article L. 2253-1 du code général des collectivités territoriales, ne peuvent être regardées comme un transfert de compétence de la commune au syndicat mixte.
6. Par conséquent, le moyen tiré de ce que la commune de Congrier n'était plus compétente en matière d'énergies renouvelables et ne pouvait donc pas participer au capital de la société CS Biogaz doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Mayenne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation de la délibération contestée en tant qu'elle décidait de la prise de participation de la commune de Congrier au capital de la société CS Biogaz SAS.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Congrier, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :


Article 1er : La requête de la préfète de la Mayenne est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la commune de Congrier une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la préfète de la Mayenne et à la commune de Congrier.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.


Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2024.


La rapporteure,




P. PICQUET



Le président,




L. LAINÉ
Le greffier,




C. WOLF



La République mande et ordonne à la préfète de la Mayenne en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01257



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