Conseil d'État, 6ème chambre, 08/04/2024, 469526, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, 6ème chambre, 08/04/2024, 469526, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - 6ème chambre
- N° 469526
- ECLI:FR:CECHS:2024:469526.20240408
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
lundi
08 avril 2024
- Rapporteur
- Mme Juliette Mongin
- Avocat(s)
- SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET ; SCP BAUER-VIOLAS - FESCHOTTE-DESBOIS - SEBAGH
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Les associations Biodiversité sous nos pieds et France Nature Environnement Haute-Savoie ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 30 mai 2022 du préfet de la Haute-Savoie portant dérogation aux dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement au bénéfice de la société des Remontées mécaniques de Megève. Par une ordonnance n° 2206980 du 16 novembre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 et 20 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Biodiversité sous nos pieds demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société des Remontées mécaniques de Megève la somme de 3 500 euros à verser à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Juliette Mongin, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'association Biodiversité sous nos pieds et à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois - Sebagh, avocat de la société des Remontées mécaniques de Megève ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble que par un arrêté du 30 mai 2022, le préfet de la Haute-Savoie a délivré à la société des Remontées mécaniques de Megève une dérogation aux dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, dans le cadre du projet de restructuration du domaine de Rochebrune, sur le territoire de la commune de Megève (Haute-Savoie). Par une ordonnance du 16 novembre 2022, contre laquelle l'association Biodiversité sous nos pieds se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. Il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence.
4. Le I de l'article L. 411-1 du code de l'environnement comporte un ensemble d'interdictions visant à assurer la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats. Sont ainsi interdits, en vertu du 1° du I de cet article : " La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ". Sont interdits, en vertu du 2° du I du même article : " La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ". Sont interdits, en vertu du 3° du I du même article : " La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ". Toutefois, le 4° du I de l'article L. 411-2 du même code permet à l'autorité administrative de délivrer des dérogations à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant à l'absence de solution alternative satisfaisante, à la condition de ne pas nuire " au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle " et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs qu'il énumère limitativement, dont celui énoncé au c) qui mentionne " l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ", " d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique " et " les motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ".
5. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés, parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur. Pour déterminer, enfin, si une dérogation peut être accordée sur le fondement du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de porter une appréciation qui prenne en compte l'ensemble des aspects mentionnés au point précédent, parmi lesquels figurent les atteintes que le projet est susceptible de porter aux espèces protégées, compte tenu, notamment, des mesures d'évitement, réduction et compensation proposées par le pétitionnaire, et de l'état de conservation des espèces concernées.
6. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la liste des espèces protégées affectées par le projet, telle qu'elle figure à l'article 1er de l'arrêté contesté du 30 mai 2022, comporte onze espèces de mammifères, trente espèces d'oiseaux, cinq espèces de reptiles et amphibiens.
7. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que, pour estimer que la condition d'urgence à suspendre l'exécution de l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 30 mai 2022 n'était pas établie, alors qu'était invoqué le risque de destruction d'espèces protégées, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a relevé que, eu égard à l'état d'avancement des travaux, notamment la réalisation à 90 % du défrichement de la zone qui avait été autorisée, l'atteinte aux espèces protégées était déjà très largement consommée. En se bornant à relever l'état avancé des travaux, alors que l'argumentation dont il était saisi lui imposait d'examiner si l'impact des travaux restant à effectuer sur les espèces protégées pouvait conduire à regarder la condition d'urgence comme remplie, le juge des référés a entaché son ordonnance d'une erreur de droit.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que l'association Biodiversité sous nos pieds est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
9. L'association Biodiversité sous nos pieds a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'association Biodiversité sous nos pieds, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat et de la société Remontées mécaniques de Megève la somme de 1 500 euros chacun à verser à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'association Biodiversité sous nos pieds, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 16 novembre 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble.
Article 3 : L'Etat et la société des Remontées mécaniques de Megève verseront chacun la somme de 1 500 euros à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'association Biodiversité sous nos pieds, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société des Remontées mécaniques de Megève au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association Biodiversité sous nos pieds, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société des Remontées mécaniques de Megève.
Copie en sera adressée à l'association France nature environnement Haute-Savoie.
Délibéré à l'issue de la séance du 14 mars 2024 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et Mme Juliette Mongin, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 8 avril 2024.
La présidente :
Signé : Mme Isabelle de Silva
La rapporteure :
Signé : Mme Juliette Mongin
La secrétaire :
Signé : Mme Valérie Peyrisse
ECLI:FR:CECHS:2024:469526.20240408
Les associations Biodiversité sous nos pieds et France Nature Environnement Haute-Savoie ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 30 mai 2022 du préfet de la Haute-Savoie portant dérogation aux dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement au bénéfice de la société des Remontées mécaniques de Megève. Par une ordonnance n° 2206980 du 16 novembre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 et 20 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Biodiversité sous nos pieds demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société des Remontées mécaniques de Megève la somme de 3 500 euros à verser à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Juliette Mongin, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'association Biodiversité sous nos pieds et à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois - Sebagh, avocat de la société des Remontées mécaniques de Megève ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble que par un arrêté du 30 mai 2022, le préfet de la Haute-Savoie a délivré à la société des Remontées mécaniques de Megève une dérogation aux dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, dans le cadre du projet de restructuration du domaine de Rochebrune, sur le territoire de la commune de Megève (Haute-Savoie). Par une ordonnance du 16 novembre 2022, contre laquelle l'association Biodiversité sous nos pieds se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. Il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence.
4. Le I de l'article L. 411-1 du code de l'environnement comporte un ensemble d'interdictions visant à assurer la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats. Sont ainsi interdits, en vertu du 1° du I de cet article : " La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ". Sont interdits, en vertu du 2° du I du même article : " La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ". Sont interdits, en vertu du 3° du I du même article : " La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ". Toutefois, le 4° du I de l'article L. 411-2 du même code permet à l'autorité administrative de délivrer des dérogations à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant à l'absence de solution alternative satisfaisante, à la condition de ne pas nuire " au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle " et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs qu'il énumère limitativement, dont celui énoncé au c) qui mentionne " l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ", " d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique " et " les motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ".
5. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés, parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur. Pour déterminer, enfin, si une dérogation peut être accordée sur le fondement du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de porter une appréciation qui prenne en compte l'ensemble des aspects mentionnés au point précédent, parmi lesquels figurent les atteintes que le projet est susceptible de porter aux espèces protégées, compte tenu, notamment, des mesures d'évitement, réduction et compensation proposées par le pétitionnaire, et de l'état de conservation des espèces concernées.
6. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la liste des espèces protégées affectées par le projet, telle qu'elle figure à l'article 1er de l'arrêté contesté du 30 mai 2022, comporte onze espèces de mammifères, trente espèces d'oiseaux, cinq espèces de reptiles et amphibiens.
7. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que, pour estimer que la condition d'urgence à suspendre l'exécution de l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 30 mai 2022 n'était pas établie, alors qu'était invoqué le risque de destruction d'espèces protégées, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a relevé que, eu égard à l'état d'avancement des travaux, notamment la réalisation à 90 % du défrichement de la zone qui avait été autorisée, l'atteinte aux espèces protégées était déjà très largement consommée. En se bornant à relever l'état avancé des travaux, alors que l'argumentation dont il était saisi lui imposait d'examiner si l'impact des travaux restant à effectuer sur les espèces protégées pouvait conduire à regarder la condition d'urgence comme remplie, le juge des référés a entaché son ordonnance d'une erreur de droit.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que l'association Biodiversité sous nos pieds est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
9. L'association Biodiversité sous nos pieds a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'association Biodiversité sous nos pieds, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat et de la société Remontées mécaniques de Megève la somme de 1 500 euros chacun à verser à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'association Biodiversité sous nos pieds, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 16 novembre 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble.
Article 3 : L'Etat et la société des Remontées mécaniques de Megève verseront chacun la somme de 1 500 euros à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'association Biodiversité sous nos pieds, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société des Remontées mécaniques de Megève au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association Biodiversité sous nos pieds, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société des Remontées mécaniques de Megève.
Copie en sera adressée à l'association France nature environnement Haute-Savoie.
Délibéré à l'issue de la séance du 14 mars 2024 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et Mme Juliette Mongin, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 8 avril 2024.
La présidente :
Signé : Mme Isabelle de Silva
La rapporteure :
Signé : Mme Juliette Mongin
La secrétaire :
Signé : Mme Valérie Peyrisse