Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 28/03/2024, 464058, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 28/03/2024, 464058, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - 6ème - 5ème chambres réunies
- N° 464058
- ECLI:FR:CECHR:2024:464058.20240328
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
28 mars 2024
- Rapporteur
- Mme Pauline Hot
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 464058, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 16 mai et 12 août 2022 et le 5 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Amorce demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 mars 2022 portant modification de l'arrêté du 29 novembre 2016 modifié relatif à la procédure d'agrément et portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des emballages ménagers ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 464068, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 16 mai et 12 août 2022 et le 26 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des entreprises du recyclage (FEDEREC), la Fédération nationale des activités de dépollution et de l'environnement (FNADE) et le Syndicat national des entrepreneurs de la filière déchet (SNEFID) demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 mars 2022 portant modification de l'arrêté du 29 novembre 2016 modifié relatif à la procédure d'agrément et portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des emballages ménagers ;
2°) d'ordonner une enquête en application de l'article R. 623-1 du code de justice administrative ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment ses articles 102 et 106 ;
- la directive UE 2015/1535/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 ;
- le code de commerce, notamment son article L. 462-2 ;
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté du 29 novembre 2016 de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, le ministre de l'économie et des finances, le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales et le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement relatif à la procédure d'agrément et portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des déchets d'emballages ménagers en application des articles L. 541-10 et R. 543-65 du code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Pauline Hot, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la Fédération des entreprises du recyclage (FEDEREC) et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes de l'association Amorce et de la Fédération des entreprises du recyclage et autres sont dirigées contre le même arrêté. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. La société Citeo justifie d'un intérêt au maintien des dispositions de l'arrêté attaqué. Par suite, son intervention est recevable.
3. Il ressort des pièces du dossier que, pour l'application du principe de responsabilité élargie du producteur, l'article L. 541-10 du code de l'environnement prévoit que les personnes, physiques ou morales, qui élaborent, fabriquent, manipulent, traitent, vendent ou importent des produits générateurs de déchets peuvent s'acquitter de leur obligation en matière de traitement de ces déchets en la transférant à des éco-organismes agréés auxquels ils versent, en contrepartie, une contribution financière. S'agissant des déchets résultant de l'abandon des emballages ménagers, définis aux articles R. 543-53 et suivants du même code, l'obligation de traitement de ces déchets a été transférée par les producteurs, importateurs et distributeurs d'emballages ménagers à des éco-organismes agréés, en contrepartie de contributions financières qui sont ensuite pour partie reversées aux collectivités territoriales sous forme de soutiens financiers, compte tenu des obligations légales qui pèsent sur ces dernières, en vertu de l'article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales, s'agissant de la collecte, du tri et du traitement des déchets ménagers. Conformément au II de l'article L. 541-10, un arrêté interministériel du 29 novembre 2016 relatif à la procédure d'agrément et portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des déchets d'emballages ménagers, modifié par un arrêté du 4 janvier 2019, fixe le cahier des charges de la filière des déchets d'emballages ménagers. Il définit notamment les modalités techniques et financières de prise en charge de ces déchets, en offrant aux collectivités concernées quatre options de reprise de ces déchets, en vue de leur traitement, soit, selon les options 1 et 2, par des filières de matériaux et d'emballage ou des fédérations, soit, selon l'option 3, par un opérateur individuel qu'elles choisissent elles-mêmes, soit, selon l'option 4, par l'éco-organisme qui reprend directement à sa charge ces déchets en vue de leur traitement.
4. L'arrêté interministériel attaqué du 15 mars 2022 modifie à nouveau ce cahier des charges, notamment en rendant obligatoire, à titre transitoire, la reprise directe par les éco-organismes de certains déchets, correspondant à des flux et standards. Le cahier des charges annexé à l'arrêté du 29 novembre 2016, dans sa version issue de l'arrêté attaqué, précise à cet égard, à son point VI.8.a, que cette reprise directe s'applique au standard de déchets dit " flux développement ", au standard du modèle de tri simplifié plastique ainsi qu'au standard du modèle transitoire de tri des plastiques, à l'exception du standard PET clair, qui concerne certains déchets d'emballages définis à l'annexe VIII. Le point VI.4.d du cahier des charges prévoit par ailleurs qu'à compter du 1er janvier 2024, l'éco-organisme propose à toute collectivité cocontractante d'organiser la reprise des refus de tri des déchets d'emballages issus de leurs centres de tri afin qu'il procède à leur valorisation, dans certaines conditions qu'il définit. Enfin, afin d'inciter les collectivités à achever la mise en œuvre effective des consignes de tri, le cahier des charges prévoit désormais, à la fin de son annexe V, la fin des soutiens financiers aux collectivités dont les consignes de tri données aux habitants ne seront pas élargies à tous les plastiques au 1er janvier 2023. Pour les mêmes raisons, l'arrêté prévoit la fin des soutiens financiers aux collectivités qui ne seront pas passées en modèle de tri à deux standards plastiques ou en modèle de tri simplifié plastique d'ici au 1er janvier 2026.
5. Eu égard aux moyens qu'elles soulèvent, les requêtes de l'association Amorce et de la Fédération des entreprises du recyclage et autres doivent être regardées comme ne tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué qu'en tant qu'il a introduit ces nouvelles dispositions.
Sur la légalité externe :
6. En premier lieu, aux termes du II de l'article L. 541-10 du code de l'environnement : " Les éco-organismes et les systèmes individuels sont agréés pour une durée maximale de six ans renouvelable s'ils établissent qu'ils disposent des capacités techniques, de la gouvernance et des moyens financiers et organisationnels pour répondre aux exigences d'un cahier des charges fixé par arrêté du ministre chargé de l'environnement, après avis de la commission inter-filières. Ce cahier des charges précise les objectifs et modalités de mise en œuvre des obligations mentionnées à la présente section, les projets sur lesquels la commission inter-filières est consultée ou informée et, lorsque la nature des produits le justifie, fixe des objectifs distincts de réduction des déchets, de réemploi, de réutilisation, de réparation, d'intégration de matière recyclée, de recyclabilité et de recyclage ". Ces dispositions donnent compétence au ministre chargé de l'environnement pour arrêter un cahier des charges des éco-organismes de la filière des déchets d'emballages ménagers précisant les modalités de mise en œuvre des obligations prévues par la loi, afin d'atteindre les objectifs qu'elle fixe. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir qu'en mettant en œuvre cette compétence, le ministre aurait méconnu les dispositions de l'article 34 de la Constitution réservant au seul législateur la détermination des principes fondamentaux relatifs à la libre administration des collectivités territoriales.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 462-2 du code de commerce : " l'Autorité de la concurrence est obligatoirement consultée par le Gouvernement sur tout projet de texte réglementaire instituant un régime nouveau ayant directement pour effet : / 1° De soumettre l'exercice d'une profession ou l'accès à un marché à des restrictions quantitatives ; / 2° D'établir des droits exclusifs dans certaines zones ; / 3° D'imposer des pratiques uniformes en matière de prix ou de conditions de vente ".
8. Les dispositions attaquées, qui ne soumettent pas le marché de la reprise des déchets d'emballages ménagers à des restrictions quantitatives, n'ont pas pour effet, en confiant aux éco-organismes la reprise directe des déchets d'emballages ménagers relevant du standard " flux développement " ainsi que des standards du modèle de tri simplifié plastique et du modèle transitoire de tri des plastiques, de créer des droits exclusifs en faveur de l'éco-organisme agréé Citéo. Elles ne sont pas davantage susceptibles, par elles-mêmes, d'imposer des pratiques uniformes en matière de prix ou de conditions de vente. Par suite, ces dispositions ne sauraient relever du champ d'application des dispositions précitées de l'article L. 462-2 du code de commerce. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait dû, en application de ces dispositions, être précédé de la consultation de l'Autorité de la concurrence ne peut qu'être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes du 1 de l'article 5 de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des règlementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information : " Sous réserve de l'article 7, les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s'il s'agit d'une simple transposition intégrale d'une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit ; ils adressent également à la Commission une notification concernant les raisons pour lesquelles l'établissement d'une telle règle technique est nécessaire, à moins que ces raisons ne ressortent déjà du projet. / (...) / Les États membres procèdent à une nouvelle communication du projet de règle technique à la Commission, dans les conditions énoncées au premier et deuxième alinéas du présent paragraphe, s'ils apportent à ce projet, d'une manière significative, des changements qui auront pour effet de modifier son champ d'application, d'en raccourcir le calendrier d'application initialement prévu, d'ajouter des spécifications ou des exigences, ou de rendre celles-ci plus strictes. / (...) ". Le f) du 1 de l'article 1er de cette directive définit une règle technique comme : " une spécification technique ou autre exigence ou une règle relative aux services, y compris les dispositions administratives qui s'y appliquent, dont l'observation est obligatoire de jure ou de facto, pour la commercialisation, la prestation de services, l'établissement d'un opérateur de services ou l'utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État (...) ".
10. L'arrêté attaqué, qui ne crée pas d'obligations portant sur les produits mais précise seulement les modalités de gestion des déchets d'emballages ménagers qu'ils génèrent après leur mise sur le marché ne saurait être regardé, eu égard à son objet, comme instituant une règle technique au sens de cette directive. Par suite, la Fédération des entreprises du recyclage et autres ne sont pas fondés à soutenir qu'il aurait dû faire l'objet, sur ce fondement, d'une communication préalable à la Commission européenne.
Sur la légalité interne :
11. En premier lieu, d'une part, les dispositions de l'arrêté attaqué n'ont ni pour objet ni pour effet de remettre en cause l'exercice par les collectivités territoriales des compétences que leur attribue l'article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales en matière de collecte et de traitement des déchets des ménages. D'autre part, si, en imposant aux collectivités territoriales d'opter pour la reprise directe par les éco-organismes des déchets issus des " flux développement " et des standards du modèle de tri simplifié plastique et du modèle transitoire de tri des plastiques, l'arrêté litigieux fait peser sur celles-ci des sujétions nouvelles, cet arrêté vise à mettre en œuvre les dispositions du I de l'article L. 541-1 du code de l'environnement, qui définit notamment des objectifs d'extension de la consigne de tri à l'ensemble des déchets d'emballages ménagers sur le territoire, et de modernisation de la filière industrielle du recyclage. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté contesté méconnaîtrait dans cette mesure le principe de libre administration des collectivités territoriales, dont l'article 72 de la Constitution précise qu'elle s'exerce dans les conditions prévues par la loi.
12. En deuxième lieu, le II de l'article L. 541-1 du code de l'environnement dispose que : " Les dispositions du présent chapitre et de l'article L. 125-1 ont pour objet : 1° En priorité, de prévenir et de réduire la production et la nocivité des déchets, notamment en agissant sur la conception, la fabrication et la distribution des substances et produits et en favorisant le réemploi, ainsi que de diminuer les incidences globales de l'utilisation des ressources et d'améliorer l'efficacité de leur utilisation ;/ 2° De mettre en œuvre une hiérarchie des modes de traitement des déchets consistant à privilégier, dans l'ordre : a) La préparation en vue de la réutilisation ; b) Le recyclage ; c) Toute autre valorisation, notamment la valorisation énergétique ; d) L'élimination (...) ".
13. Il ressort des pièces du dossier que le cahier des charges de la filière de responsabilité élargie du producteur des emballages ménagers impose aux éco-organismes de nombreux objectifs tendant, d'une part, à la préparation des déchets en vue de leur réutilisation et, d'autre part, à leur recyclage, qui s'appliquent notamment aux flux de déchets dont les éco-organismes assureront la reprise. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué, en prévoyant la reprise par les éco-organismes des déchets de certains flux en vue de leur recyclage sans leur imposer d'objectifs de recyclage particuliers, aurait méconnu la hiérarchie des modes de traitement des déchets définie l'article L. 541-1 du code de l'environnement ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.
14. En troisième lieu, les dispositions de l'article R. 543-586-1 du code de l'environnement prévoient que : " Le cahier des charges indique les bases de la contribution financière due par les producteurs à l'éco-organisme. Le montant de ces contributions est fixé, compte tenu de la part des coûts du service public de gestion des déchets incombant à l'éco-organisme, à un niveau suffisant pour que les déchets d'emballages triés par filière de matériaux puissent, compte tenu des soutiens financiers qui sont accordés, permettre aux collectivités territoriales concernées de céder des déchets aux opérateurs avec une marge financière nulle ou positive. (...) ". Ces dispositions, qui définissent les critères de détermination du montant des éco-contributions dues par les producteurs, n'ont, contrairement à ce qui est soutenu, par elles-mêmes ni pour objet ni pour effet de garantir aux collectivités territoriales le libre choix de leurs opérateurs. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait, en limitant la liberté de choix de ces collectivités, méconnu l'article R. 543-586-1 du code de l'environnement ne peut qu'être écarté.
15. En quatrième lieu, d'une part, les dispositions introduites par l'arrêté attaqué, en vertu desquelles l'éco-organisme agréé reprend lui-même, à titre temporaire, certains flux de déchets d'emballages ménagers, n'ont ni pour objet ni pour effet de le mettre en concurrence avec les opérateurs du marché du recyclage et de la valorisation des déchets concernés, mais visent seulement à lui transférer la responsabilité de détenteur de ces déchets, qualité au titre de laquelle il lui appartient, conformément aux dispositions de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, d'en faire assurer le traitement en faisant appel aux opérateurs qu'il sélectionne pour leur " sur-tri ", opération complémentaire au tri initial, et leur valorisation, au terme d'une procédure d'appel d'offres concurrentielle, transparente et non discriminatoire, conformément aux dispositions de l'article L. 541-10-6 du code de l'environnement. D'autre part, il ne saurait être soutenu que l'arrêté litigieux favorise les procédés de recyclage par voie chimique, dès lors que les éco-organismes sont seulement tenus de tenir compte de la performance environnementale des méthodes de recyclage lorsqu'ils sélectionnent les candidats à la passation des marchés nécessaires à la reprise, au recyclage ou au traitement des flux concernés en application de ces dispositions. Dès lors que l'éco-organisme n'intervient pas en tant qu'opérateur sur le marché du recyclage et de la valorisation de ces déchets, les moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait le principe de la liberté d'entreprendre des opérateurs sur ce marché et le principe de libre concurrence ne peuvent qu'être écartés, comme ceux tirés de la méconnaissance des articles 102 et 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
16. En cinquième lieu, l'article 2 de l'arrêté litigieux prévoit que les dispositions du cahier des charges, tel qu'il le modifie, n'entrent en vigueur que le 1er janvier 2023, à l'exception de celles du paragraphe VI.4.c, du paragraphe VI.8 et du paragraphe " Modèle transitoire de tri des plastiques " de l'annexe VIII, qui fixent les principes du nouveau régime. Les requérants, en se bornant à soutenir que ce différé d'entrée en vigueur serait insuffisant, n'apportent pas d'éléments suffisamment précis de nature à établir que la mise en œuvre de cet arrêté aurait pour effet de porter atteinte aux contrats en cours. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique ne peut qu'être écarté.
17. En dernier lieu, le point VI.4.d du cahier des charges, dans sa version issue de l'arrêté attaqué, prévoit, ainsi qu'il a été dit au point 4, qu'à compter du 1er janvier 2024, l'éco-organisme propose à toute collectivité cocontractante d'organiser la reprise des refus de tri des déchets d'emballages issus de leurs centres de tri afin qu'il procède à leur valorisation, en subordonnant notamment cette possibilité au respect par les centres de tri en cause des dispositions de l'arrêté du 29 juin 2021 pris pour l'application de l'article L. 541-30-2 du code de l'environnement relatif aux critères de performance d'une opération de tri des déchets non dangereux non inertes. Le point VI.4.d du cahier des charges n'ayant pas été pris pour l'application de cet arrêté, qui n'en constitue pas davantage la base légale, mais se bornant à renvoyer au respect de conditions qu'il fixe, l'annulation de l'arrêté du 29 juin 2021 par une décision n° 456187 du 28 mars 2024 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux ne saurait, contrairement à ce qui est soutenu, entraîner l'annulation par voie de conséquence des dispositions de ce point.
18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de prescrire une enquête sur le fondement de l'article R. 623-1 du code de justice administrative, que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté qu'ils attaquent.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Les conclusions présentées au même titre par la société Citéo, qui n'est pas partie au litige, ne sont pas recevables.
D E C I D E :
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Article 1er : Les interventions de la société Citeo sont admises.
Article 2 : Les requêtes des associations Amorce et de la Fédération des entreprises de recyclage et autres sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la société Citéo présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association Amorce, à la Fédération des entreprises de recyclage, premier dénommé pour l'ensemble des requérants sous le n° 464068, à la société Citéo, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Délibéré à l'issue de la séance du 1er mars 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Alain Seban, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillers d'Etat ; M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire et Mme Pauline Hot, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 28 mars 2024.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Pauline Hot
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain
ECLI:FR:CECHR:2024:464058.20240328
1° Sous le n° 464058, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 16 mai et 12 août 2022 et le 5 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Amorce demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 mars 2022 portant modification de l'arrêté du 29 novembre 2016 modifié relatif à la procédure d'agrément et portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des emballages ménagers ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 464068, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 16 mai et 12 août 2022 et le 26 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des entreprises du recyclage (FEDEREC), la Fédération nationale des activités de dépollution et de l'environnement (FNADE) et le Syndicat national des entrepreneurs de la filière déchet (SNEFID) demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 mars 2022 portant modification de l'arrêté du 29 novembre 2016 modifié relatif à la procédure d'agrément et portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des emballages ménagers ;
2°) d'ordonner une enquête en application de l'article R. 623-1 du code de justice administrative ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment ses articles 102 et 106 ;
- la directive UE 2015/1535/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 ;
- le code de commerce, notamment son article L. 462-2 ;
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté du 29 novembre 2016 de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, le ministre de l'économie et des finances, le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales et le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement relatif à la procédure d'agrément et portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des déchets d'emballages ménagers en application des articles L. 541-10 et R. 543-65 du code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Pauline Hot, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la Fédération des entreprises du recyclage (FEDEREC) et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes de l'association Amorce et de la Fédération des entreprises du recyclage et autres sont dirigées contre le même arrêté. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. La société Citeo justifie d'un intérêt au maintien des dispositions de l'arrêté attaqué. Par suite, son intervention est recevable.
3. Il ressort des pièces du dossier que, pour l'application du principe de responsabilité élargie du producteur, l'article L. 541-10 du code de l'environnement prévoit que les personnes, physiques ou morales, qui élaborent, fabriquent, manipulent, traitent, vendent ou importent des produits générateurs de déchets peuvent s'acquitter de leur obligation en matière de traitement de ces déchets en la transférant à des éco-organismes agréés auxquels ils versent, en contrepartie, une contribution financière. S'agissant des déchets résultant de l'abandon des emballages ménagers, définis aux articles R. 543-53 et suivants du même code, l'obligation de traitement de ces déchets a été transférée par les producteurs, importateurs et distributeurs d'emballages ménagers à des éco-organismes agréés, en contrepartie de contributions financières qui sont ensuite pour partie reversées aux collectivités territoriales sous forme de soutiens financiers, compte tenu des obligations légales qui pèsent sur ces dernières, en vertu de l'article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales, s'agissant de la collecte, du tri et du traitement des déchets ménagers. Conformément au II de l'article L. 541-10, un arrêté interministériel du 29 novembre 2016 relatif à la procédure d'agrément et portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des déchets d'emballages ménagers, modifié par un arrêté du 4 janvier 2019, fixe le cahier des charges de la filière des déchets d'emballages ménagers. Il définit notamment les modalités techniques et financières de prise en charge de ces déchets, en offrant aux collectivités concernées quatre options de reprise de ces déchets, en vue de leur traitement, soit, selon les options 1 et 2, par des filières de matériaux et d'emballage ou des fédérations, soit, selon l'option 3, par un opérateur individuel qu'elles choisissent elles-mêmes, soit, selon l'option 4, par l'éco-organisme qui reprend directement à sa charge ces déchets en vue de leur traitement.
4. L'arrêté interministériel attaqué du 15 mars 2022 modifie à nouveau ce cahier des charges, notamment en rendant obligatoire, à titre transitoire, la reprise directe par les éco-organismes de certains déchets, correspondant à des flux et standards. Le cahier des charges annexé à l'arrêté du 29 novembre 2016, dans sa version issue de l'arrêté attaqué, précise à cet égard, à son point VI.8.a, que cette reprise directe s'applique au standard de déchets dit " flux développement ", au standard du modèle de tri simplifié plastique ainsi qu'au standard du modèle transitoire de tri des plastiques, à l'exception du standard PET clair, qui concerne certains déchets d'emballages définis à l'annexe VIII. Le point VI.4.d du cahier des charges prévoit par ailleurs qu'à compter du 1er janvier 2024, l'éco-organisme propose à toute collectivité cocontractante d'organiser la reprise des refus de tri des déchets d'emballages issus de leurs centres de tri afin qu'il procède à leur valorisation, dans certaines conditions qu'il définit. Enfin, afin d'inciter les collectivités à achever la mise en œuvre effective des consignes de tri, le cahier des charges prévoit désormais, à la fin de son annexe V, la fin des soutiens financiers aux collectivités dont les consignes de tri données aux habitants ne seront pas élargies à tous les plastiques au 1er janvier 2023. Pour les mêmes raisons, l'arrêté prévoit la fin des soutiens financiers aux collectivités qui ne seront pas passées en modèle de tri à deux standards plastiques ou en modèle de tri simplifié plastique d'ici au 1er janvier 2026.
5. Eu égard aux moyens qu'elles soulèvent, les requêtes de l'association Amorce et de la Fédération des entreprises du recyclage et autres doivent être regardées comme ne tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué qu'en tant qu'il a introduit ces nouvelles dispositions.
Sur la légalité externe :
6. En premier lieu, aux termes du II de l'article L. 541-10 du code de l'environnement : " Les éco-organismes et les systèmes individuels sont agréés pour une durée maximale de six ans renouvelable s'ils établissent qu'ils disposent des capacités techniques, de la gouvernance et des moyens financiers et organisationnels pour répondre aux exigences d'un cahier des charges fixé par arrêté du ministre chargé de l'environnement, après avis de la commission inter-filières. Ce cahier des charges précise les objectifs et modalités de mise en œuvre des obligations mentionnées à la présente section, les projets sur lesquels la commission inter-filières est consultée ou informée et, lorsque la nature des produits le justifie, fixe des objectifs distincts de réduction des déchets, de réemploi, de réutilisation, de réparation, d'intégration de matière recyclée, de recyclabilité et de recyclage ". Ces dispositions donnent compétence au ministre chargé de l'environnement pour arrêter un cahier des charges des éco-organismes de la filière des déchets d'emballages ménagers précisant les modalités de mise en œuvre des obligations prévues par la loi, afin d'atteindre les objectifs qu'elle fixe. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir qu'en mettant en œuvre cette compétence, le ministre aurait méconnu les dispositions de l'article 34 de la Constitution réservant au seul législateur la détermination des principes fondamentaux relatifs à la libre administration des collectivités territoriales.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 462-2 du code de commerce : " l'Autorité de la concurrence est obligatoirement consultée par le Gouvernement sur tout projet de texte réglementaire instituant un régime nouveau ayant directement pour effet : / 1° De soumettre l'exercice d'une profession ou l'accès à un marché à des restrictions quantitatives ; / 2° D'établir des droits exclusifs dans certaines zones ; / 3° D'imposer des pratiques uniformes en matière de prix ou de conditions de vente ".
8. Les dispositions attaquées, qui ne soumettent pas le marché de la reprise des déchets d'emballages ménagers à des restrictions quantitatives, n'ont pas pour effet, en confiant aux éco-organismes la reprise directe des déchets d'emballages ménagers relevant du standard " flux développement " ainsi que des standards du modèle de tri simplifié plastique et du modèle transitoire de tri des plastiques, de créer des droits exclusifs en faveur de l'éco-organisme agréé Citéo. Elles ne sont pas davantage susceptibles, par elles-mêmes, d'imposer des pratiques uniformes en matière de prix ou de conditions de vente. Par suite, ces dispositions ne sauraient relever du champ d'application des dispositions précitées de l'article L. 462-2 du code de commerce. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait dû, en application de ces dispositions, être précédé de la consultation de l'Autorité de la concurrence ne peut qu'être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes du 1 de l'article 5 de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des règlementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information : " Sous réserve de l'article 7, les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s'il s'agit d'une simple transposition intégrale d'une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit ; ils adressent également à la Commission une notification concernant les raisons pour lesquelles l'établissement d'une telle règle technique est nécessaire, à moins que ces raisons ne ressortent déjà du projet. / (...) / Les États membres procèdent à une nouvelle communication du projet de règle technique à la Commission, dans les conditions énoncées au premier et deuxième alinéas du présent paragraphe, s'ils apportent à ce projet, d'une manière significative, des changements qui auront pour effet de modifier son champ d'application, d'en raccourcir le calendrier d'application initialement prévu, d'ajouter des spécifications ou des exigences, ou de rendre celles-ci plus strictes. / (...) ". Le f) du 1 de l'article 1er de cette directive définit une règle technique comme : " une spécification technique ou autre exigence ou une règle relative aux services, y compris les dispositions administratives qui s'y appliquent, dont l'observation est obligatoire de jure ou de facto, pour la commercialisation, la prestation de services, l'établissement d'un opérateur de services ou l'utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État (...) ".
10. L'arrêté attaqué, qui ne crée pas d'obligations portant sur les produits mais précise seulement les modalités de gestion des déchets d'emballages ménagers qu'ils génèrent après leur mise sur le marché ne saurait être regardé, eu égard à son objet, comme instituant une règle technique au sens de cette directive. Par suite, la Fédération des entreprises du recyclage et autres ne sont pas fondés à soutenir qu'il aurait dû faire l'objet, sur ce fondement, d'une communication préalable à la Commission européenne.
Sur la légalité interne :
11. En premier lieu, d'une part, les dispositions de l'arrêté attaqué n'ont ni pour objet ni pour effet de remettre en cause l'exercice par les collectivités territoriales des compétences que leur attribue l'article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales en matière de collecte et de traitement des déchets des ménages. D'autre part, si, en imposant aux collectivités territoriales d'opter pour la reprise directe par les éco-organismes des déchets issus des " flux développement " et des standards du modèle de tri simplifié plastique et du modèle transitoire de tri des plastiques, l'arrêté litigieux fait peser sur celles-ci des sujétions nouvelles, cet arrêté vise à mettre en œuvre les dispositions du I de l'article L. 541-1 du code de l'environnement, qui définit notamment des objectifs d'extension de la consigne de tri à l'ensemble des déchets d'emballages ménagers sur le territoire, et de modernisation de la filière industrielle du recyclage. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté contesté méconnaîtrait dans cette mesure le principe de libre administration des collectivités territoriales, dont l'article 72 de la Constitution précise qu'elle s'exerce dans les conditions prévues par la loi.
12. En deuxième lieu, le II de l'article L. 541-1 du code de l'environnement dispose que : " Les dispositions du présent chapitre et de l'article L. 125-1 ont pour objet : 1° En priorité, de prévenir et de réduire la production et la nocivité des déchets, notamment en agissant sur la conception, la fabrication et la distribution des substances et produits et en favorisant le réemploi, ainsi que de diminuer les incidences globales de l'utilisation des ressources et d'améliorer l'efficacité de leur utilisation ;/ 2° De mettre en œuvre une hiérarchie des modes de traitement des déchets consistant à privilégier, dans l'ordre : a) La préparation en vue de la réutilisation ; b) Le recyclage ; c) Toute autre valorisation, notamment la valorisation énergétique ; d) L'élimination (...) ".
13. Il ressort des pièces du dossier que le cahier des charges de la filière de responsabilité élargie du producteur des emballages ménagers impose aux éco-organismes de nombreux objectifs tendant, d'une part, à la préparation des déchets en vue de leur réutilisation et, d'autre part, à leur recyclage, qui s'appliquent notamment aux flux de déchets dont les éco-organismes assureront la reprise. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué, en prévoyant la reprise par les éco-organismes des déchets de certains flux en vue de leur recyclage sans leur imposer d'objectifs de recyclage particuliers, aurait méconnu la hiérarchie des modes de traitement des déchets définie l'article L. 541-1 du code de l'environnement ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.
14. En troisième lieu, les dispositions de l'article R. 543-586-1 du code de l'environnement prévoient que : " Le cahier des charges indique les bases de la contribution financière due par les producteurs à l'éco-organisme. Le montant de ces contributions est fixé, compte tenu de la part des coûts du service public de gestion des déchets incombant à l'éco-organisme, à un niveau suffisant pour que les déchets d'emballages triés par filière de matériaux puissent, compte tenu des soutiens financiers qui sont accordés, permettre aux collectivités territoriales concernées de céder des déchets aux opérateurs avec une marge financière nulle ou positive. (...) ". Ces dispositions, qui définissent les critères de détermination du montant des éco-contributions dues par les producteurs, n'ont, contrairement à ce qui est soutenu, par elles-mêmes ni pour objet ni pour effet de garantir aux collectivités territoriales le libre choix de leurs opérateurs. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait, en limitant la liberté de choix de ces collectivités, méconnu l'article R. 543-586-1 du code de l'environnement ne peut qu'être écarté.
15. En quatrième lieu, d'une part, les dispositions introduites par l'arrêté attaqué, en vertu desquelles l'éco-organisme agréé reprend lui-même, à titre temporaire, certains flux de déchets d'emballages ménagers, n'ont ni pour objet ni pour effet de le mettre en concurrence avec les opérateurs du marché du recyclage et de la valorisation des déchets concernés, mais visent seulement à lui transférer la responsabilité de détenteur de ces déchets, qualité au titre de laquelle il lui appartient, conformément aux dispositions de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, d'en faire assurer le traitement en faisant appel aux opérateurs qu'il sélectionne pour leur " sur-tri ", opération complémentaire au tri initial, et leur valorisation, au terme d'une procédure d'appel d'offres concurrentielle, transparente et non discriminatoire, conformément aux dispositions de l'article L. 541-10-6 du code de l'environnement. D'autre part, il ne saurait être soutenu que l'arrêté litigieux favorise les procédés de recyclage par voie chimique, dès lors que les éco-organismes sont seulement tenus de tenir compte de la performance environnementale des méthodes de recyclage lorsqu'ils sélectionnent les candidats à la passation des marchés nécessaires à la reprise, au recyclage ou au traitement des flux concernés en application de ces dispositions. Dès lors que l'éco-organisme n'intervient pas en tant qu'opérateur sur le marché du recyclage et de la valorisation de ces déchets, les moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait le principe de la liberté d'entreprendre des opérateurs sur ce marché et le principe de libre concurrence ne peuvent qu'être écartés, comme ceux tirés de la méconnaissance des articles 102 et 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
16. En cinquième lieu, l'article 2 de l'arrêté litigieux prévoit que les dispositions du cahier des charges, tel qu'il le modifie, n'entrent en vigueur que le 1er janvier 2023, à l'exception de celles du paragraphe VI.4.c, du paragraphe VI.8 et du paragraphe " Modèle transitoire de tri des plastiques " de l'annexe VIII, qui fixent les principes du nouveau régime. Les requérants, en se bornant à soutenir que ce différé d'entrée en vigueur serait insuffisant, n'apportent pas d'éléments suffisamment précis de nature à établir que la mise en œuvre de cet arrêté aurait pour effet de porter atteinte aux contrats en cours. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique ne peut qu'être écarté.
17. En dernier lieu, le point VI.4.d du cahier des charges, dans sa version issue de l'arrêté attaqué, prévoit, ainsi qu'il a été dit au point 4, qu'à compter du 1er janvier 2024, l'éco-organisme propose à toute collectivité cocontractante d'organiser la reprise des refus de tri des déchets d'emballages issus de leurs centres de tri afin qu'il procède à leur valorisation, en subordonnant notamment cette possibilité au respect par les centres de tri en cause des dispositions de l'arrêté du 29 juin 2021 pris pour l'application de l'article L. 541-30-2 du code de l'environnement relatif aux critères de performance d'une opération de tri des déchets non dangereux non inertes. Le point VI.4.d du cahier des charges n'ayant pas été pris pour l'application de cet arrêté, qui n'en constitue pas davantage la base légale, mais se bornant à renvoyer au respect de conditions qu'il fixe, l'annulation de l'arrêté du 29 juin 2021 par une décision n° 456187 du 28 mars 2024 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux ne saurait, contrairement à ce qui est soutenu, entraîner l'annulation par voie de conséquence des dispositions de ce point.
18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de prescrire une enquête sur le fondement de l'article R. 623-1 du code de justice administrative, que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté qu'ils attaquent.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Les conclusions présentées au même titre par la société Citéo, qui n'est pas partie au litige, ne sont pas recevables.
D E C I D E :
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Article 1er : Les interventions de la société Citeo sont admises.
Article 2 : Les requêtes des associations Amorce et de la Fédération des entreprises de recyclage et autres sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la société Citéo présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association Amorce, à la Fédération des entreprises de recyclage, premier dénommé pour l'ensemble des requérants sous le n° 464068, à la société Citéo, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Délibéré à l'issue de la séance du 1er mars 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Alain Seban, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillers d'Etat ; M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire et Mme Pauline Hot, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 28 mars 2024.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Pauline Hot
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain