CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 26/03/2024, 22VE00208, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a présenté deux demandes que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a regardées comme lui demandant de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012, 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes, et d'annuler pour excès de pouvoir la décision de rejet du 4 septembre 2018 de la directrice départementale des finances publiques du Val-d'Oise, en tant qu'elle refuse de faire droit à sa demande gracieuse de rattachement de son fils majeur à son foyer fiscal au titre de l'année 2014.

Par un jugement nos1811431, 2010661 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er février 2022, Mme B..., représentée par Me Elbaz, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) d'annuler les décisions de rejet datées des 4 septembre 2018 et 18 août 2020 et de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne le dépôt de ses déclarations ;
- elle a été privée du bénéfice d'un entretien avec l'interlocuteur départemental malgré sa demande ;
- les conséquences financières des rectifications ne lui ont pas été notifiées à son adresse personnelle ;
- c'est à tort que l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice de l'exonération prévue par l'article 44 octies A du code général des impôts au motif qu'elle avait déposé tardivement ses déclarations de résultat, alors qu'elle n'a pas déposé tardivement ses déclarations ;
- une partie des honoraires perçus a été rétrocédée ;
- aucune raison objective ne justifie le refus de rattachement à son foyer fiscal de son fils majeur au titre de l'année 2014.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que le juge de l'impôt n'est pas compétent en matière de juridiction gracieuse et que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 20 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 31 juillet 2023 à 12 heures en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dorion,
- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public ;
- et les observations de Me Elbaz pour Mme B....


Considérant ce qui suit :

1. Mme B... exerce une activité d'infirmière libérale à Sarcelles, en zone franche urbaine. Cette activité a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2012, 2013 et 2014, à l'issue de laquelle le service a notamment remis en cause le bénéfice du régime d'exonération d'impôt sur les bénéfices prévu par les dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts en faveur des contribuables créant ou exerçant une activité dans une zone franche urbaine. Mme B... relève appel du jugement du 7 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012, 2013 et 2014 et d'annulation de la décision du 4 septembre 2018 de rejet de sa demande gracieuse de rattachement à son foyer fiscal de son fils majeur.


Sur la régularité du jugement attaqué :

2. A supposer que Mme B... ait entendu soulever un moyen d'irrégularité du jugement, tiré de ce que le tribunal n'aurait pas suffisamment précisé les motifs pour lesquels il a estimé que les éléments avancés étaient sans incidence sur l'appréciation du respect par celle-ci de ses obligations déclaratives de ses revenus professionnels imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, il résulte notamment du point 18 du jugement que le moyen manque en fait.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration. ". Dans sa partie relative à la conclusion du contrôle, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié prévoit, dans son texte applicable à la procédure en litige, que : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal. Si, après ces contacts, des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur. ". Il résulte de ces dispositions que les contribuables ne peuvent faire appel à l'interlocuteur départemental qu'à la double condition d'avoir saisi au préalable le supérieur hiérarchique du vérificateur et qu'à l'issue de cet entretien, des divergences importantes subsistent. Une demande de saisir l'interlocuteur présentée avant qu'ait eu lieu ce premier entretien n'est pas recevable.

4. Il résulte de l'instruction que, par un courrier le 10 avril 2016, Mme B... a demandé à rencontrer le supérieur hiérarchique du vérificateur et, " le cas échéant ", l'interlocuteur départemental, préalablement à la consultation de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Mme B... n'a pas réitéré sa demande de saisine de l'interlocuteur départemental à la suite de l'entretien dont elle a bénéficié avec le supérieur hiérarchique le 3 juin 2016, alors que le compte rendu de cet entretien l'invitait à confirmer sa demande d'interlocution. Il s'ensuit qu'en s'abstenant de donner suite à la demande de saisine de l'interlocuteur départemental de Mme B..., l'administration n'a pas entaché d'irrégularité la procédure d'imposition.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales : " A l'issue (...) d'une vérification de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. (...) ". Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". La proposition de rectification doit être envoyée à l'adresse que le contribuable a donnée à l'administration. Celui-ci n'est toutefois pas privé des garanties que lui assure la procédure d'imposition au seul motif que le pli contenant l'acte de procédure a été envoyé à une autre adresse si ce pli lui est effectivement parvenu.

6. Mme B... fait valoir que les conséquences financières du contrôle lui ont été notifiées à son adresse professionnelle à Sarcelles, au lieu de son adresse personnelle à Saint-Prix. Cependant, ces deux adresses étant celles de la contribuable, l'administration fiscale n'a pas méconnu les dispositions rappelées au point précédent. En outre, il est constant que Mme B... a retiré le 10 décembre 2015 le pli recommandé contenant la proposition de rectification du 30 novembre 2015, qu'elle a d'ailleurs présenté ses observations le 9 février 2016 et qu'elle a également été destinataire de la réponse du 14 mars 2016 à ses observations, ainsi que des nouvelles conséquences financières résultant de l'entretien avec le supérieur hiérarchique qui lui ont été adressées le 30 août 2016. Dès lors que les actes de procédures lui sont effectivement parvenus, Mme B... n'a, en tout état de cause, été privée d'aucune garantie.

Sur le bien-fondé des impositions :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 44 octies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " I.- Les contribuables qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2014, créent des activités dans les zones franches urbaines (...) sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone (...) jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui du début de leur activité dans l'une de ces zones. (...) / II.- L'exonération s'applique au bénéfice d'un exercice ou d'une année d'imposition, déclaré selon les modalités prévues aux articles 50-0,53 A, 96 à 100, 102 ter et 103 (...) ". Aux termes de l'article 97 du même code : " Les contribuables soumis obligatoirement ou sur option au régime de la déclaration contrôlée sont tenus de souscrire chaque année, dans des conditions et délais prévus aux articles 172 et 175, une déclaration dont le contenu est fixé par décret. " L'article 175 de ce code dispose que : " Les déclarations doivent parvenir à l'administration au plus tard le 1er mars. (...). Le délai du 1er mars est prolongé jusqu'à une date fixée par décret et au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai en ce qui concerne les (...) personnes exerçant une activité non commerciale, placées sous le régime de la déclaration contrôlée. / (...) ".

8. Mme B... soutient qu'il n'est pas établi qu'elle n'a pas déposé ses déclarations de résultat dans les délais prévus par ces dispositions. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment de la date portée par la contribuable elle-même sur ses déclarations, que Mme B... n'a souscrit que le 3 juin 2013 la déclaration de ses bénéfices non commerciaux de l'année 2012, après l'expiration du délai de déclaration fixé au 3 mai 2013, qu'elle n'a adressé au service que le 1er juillet 2014 la déclaration de ses résultats de l'année 2013, après l'expiration du délai de déclaration fixé au 5 mai 2014, et que sa déclaration de résultats de l'année 2014 n'est parvenue au service que le 12 novembre 2015, après l'expiration du délai de déclaration fixé au 4 mai 2015, l'envoi d'une mise en demeure présentée le 10 juillet 2015 et la clôture des opérations de contrôle sur place. Sont sans incidence à cet égard les circonstances que la requérante a déposé dans les délais des déclarations relatives à son revenu global faisant mention de ses bénéfices non commerciaux et que les avis d'imposition primitive qui lui ont été adressés n'ont été assortis d'aucune pénalité. Il s'ensuit que la remise en cause du bénéfice de l'exonération prévue en faveur des activités créées en zone franche urbaine est justifiée par le manquement de l'intéressée à ses obligations déclaratives.

9. En second lieu, dans le cadre de l'évaluation d'office du bénéfice non commercial réalisé par Mme B... au cours de l'année 2014, le service vérificateur a écarté la rétrocession d'honoraires portée en comptabilité pour un montant de 33 475 euros, au motif qu'elle n'était pas justifiée. Si Mme B... produit des justificatifs de la qualification professionnelle des deux personnes qui l'auraient remplacée, elle ne justifie ni de ces remplacements, ni des honoraires qu'elle aurait rétrocédés, alors que la charge de la preuve lui incombe en vertu des dispositions de l'article R. 193-1 du livre des procédures fiscales, s'agissant d'une imposition évaluée d'office en application du 2° de l'article L. 73 du même livre. En outre, l'administration fiscale fait valoir, sans être contredite, qu'elle n'a pas connaissance de déclaration de revenus non commerciaux perçus par ces personnes. Dans ces conditions, Mme B... n'établit pas l'exagération des impositions mises à sa charge au titre de l'année 2014.

Sur la légalité de la décision de rejet de la demande gracieuse de rattachement d'un enfant majeur au titre de l'année 2014 :

10. Aux termes de l'article 6 du code général des impôts : " (...) 3. Toute personne majeure âgée de moins de vingt et un ans, ou de moins de vingt-cinq ans lorsqu'elle poursuit ses études (...) peut opter, dans le délai de déclaration et sous réserve des dispositions du quatrième alinéa du 2° du II de l'article 156, entre : / 1° L'imposition de ses revenus dans les conditions de droit commun ; / 2° Le rattachement au foyer fiscal dont elle faisait partie avant sa majorité, si le contribuable auquel elle se rattache accepte ce rattachement et inclut dans son revenu imposable les revenus perçus pendant l'année entière par cette personne (...) ".

11. Mme B... a demandé, à titre gracieux, au titre de l'année 2014, le rattachement à son foyer fiscal de son fils aîné majeur. Cependant elle n'établit pas que celui-ci, alors âgé de 22 ans, poursuivait des études au cours de cette année d'imposition. Sa demande ne pouvait, dès lors, qu'être rejetée.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par suite, la requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Dorion, présidente-assesseure,
Mme Troalen, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 mars 2024.


La rapporteure,
O. DORION La présidente,
F. VERSOL
La greffière,
S. LOUISERE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 22VE00208



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