Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 22/03/2024, 463970
Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 22/03/2024, 463970
Conseil d'État - 1ère - 4ème chambres réunies
- N° 463970
- ECLI:FR:CECHR:2024:463970.20240322
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
vendredi
22 mars 2024
- Rapporteur
- M. Cyril Noël
- Avocat(s)
- SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON ; SARL LE PRADO – GILBERT
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société à responsabilité limitée AC Promotions a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler, d'une part, la décision du 11 décembre 2015 par laquelle le maire de Cuttoli Corticchiato a refusé de lui délivrer un permis de construire trois immeubles comprenant dix-huit logements, ainsi que la décision du 12 février 2016 rejetant son recours gracieux, d'autre part, la délibération du 11 juillet 2006 par laquelle le conseil municipal de Cuttoli-Corticchiato a adopté le plan local d'urbanisme de la commune en tant qu'il classe en zone N la parcelle cadastrée section A n° 1384. Par un jugement n° 1600478 du 18 janvier 2018, le tribunal administratif de Bastia a annulé les décisions du 11 décembre 2015 et du 12 février 2016 du maire de Cuttoli-Corticchiato et rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société AC Promotions.
Par un arrêt n° 18MA01249 du 8 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la commune de Cuttoli-Corticchiato contre ce jugement.
Par une décision n° 434335 du 3 février 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par la commune de Cuttoli-Corticchiato, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.
Par un arrêt n° 21MA00676 du 11 mars 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 18 janvier 2018 du tribunal administratif de Bastia et a rejeté la demande présentée par la société AC Promotions devant ce tribunal.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 mai et 12 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société AC Promotions demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Cuttoli-Corticchiato la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2003-1169 du 2 décembre 2003 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cyril Noël, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de la Société AC Promotions et à la SARL Le Prado, Gilbert, avocat de la commune de Cuttoli-Corticchiato ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 4 octobre 2013, le maire de Cuttoli-Corticchiato a refusé de délivrer à la société AC Promotions un permis de construire trois immeubles comprenant dix-huit logements. Par un jugement du 1er octobre 2015, le tribunal administratif de Bastia a annulé cet arrêté et a enjoint à la commune de se prononcer à nouveau sur la demande de permis de construire. Par un arrêté du 11 décembre 2015, le maire de Cuttoli-Corticchiato a une nouvelle fois refusé de délivrer le permis de construire sollicité, puis il a, le 12 février 2016, rejeté le recours gracieux formé contre ce refus. La cour administrative d'appel de Marseille a rejeté, par un arrêt du 8 juillet 2019, l'appel formé par la société contre le jugement du 18 janvier 2018 du tribunal administratif de Bastia ayant annulé l'arrêté du 11 décembre 2015 et le rejet du recours gracieux. Par une décision du 3 février 2021, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille. Par un nouvel arrêt du 11 mars 2022, contre lequel la société AC Promotions se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel a annulé le jugement du 18 janvier 2018 du tribunal administratif de Bastia et rejeté la demande présentée par cette société devant ce tribunal.
Sur le pourvoi :
2. En premier lieu, en vertu du premier alinéa de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme, les constructions doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire. Aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis (...) ". Aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande (...), elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet (...) ". Aux termes de l'article L. 600 4 1 de ce code : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ".
3. Une décision rejetant une demande d'autorisation d'urbanisme pour plusieurs motifs ne peut être annulée par le juge de l'excès de pouvoir à raison de son illégalité interne, réserve faite du détournement de pouvoir, que si chacun des motifs qui pourraient suffire à la justifier sont entachés d'illégalité. En outre, en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, le tribunal administratif saisi doit, lorsqu'il annule une telle décision de refus, se prononcer sur l'ensemble des moyens de la demande qu'il estime susceptibles de fonder cette annulation, qu'ils portent d'ailleurs sur la légalité externe ou sur la légalité interne de la décision. En revanche, lorsqu'il juge que l'un ou certains seulement des motifs de la décision de refus en litige sont de nature à la justifier légalement, le tribunal administratif peut rejeter la demande tendant à son annulation sans être tenu de se prononcer sur les moyens de cette demande qui ne se rapportent pas à la légalité de ces motifs de refus.
4. Saisi d'un jugement ayant annulé une décision refusant une autorisation d'urbanisme, il appartient au juge d'appel, pour confirmer cette annulation, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation que les premiers juges ont retenus, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui. En revanche, si le juge d'appel estime qu'un des motifs de la décision de refus litigieuse est fondé et que l'administration aurait pris la même décision si elle avait retenu ce seul motif, il peut, sans méconnaître les dispositions citées au point 2, rejeter la demande d'annulation de cette décision et infirmer en conséquence le jugement attaqué devant lui, sans être tenu de statuer sur la légalité des autres motifs retenus par l'autorité administrative et sur lesquels les premiers juges se sont prononcés.
5. En l'espèce, pour annuler l'arrêté du 11 décembre 2015 du maire de Cuttoli-Corticchiato, le tribunal administratif de Bastia a jugé que les cinq motifs fondant cet arrêté étaient entachés d'illégalité. En appel, pour rejeter la demande d'annulation de la décision de refus litigieuse et annuler en conséquence le jugement du tribunal administratif, la cour administrative d'appel s'est bornée à juger que la commune était fondée à refuser, au seul motif de la méconnaissance des dispositions du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme, le permis de construire sollicité, sans se prononcer sur les autres motifs opposés par le maire et que les premiers juges avaient jugé entachés d'illégalité. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en statuant ainsi, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit.
6. En second lieu, toutefois, aux termes de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire. "
7. Pour juger que le maire de Cuttoli-Corticchiato avait, par son arrêté du 11 décembre 2015, légalement opposé un refus à la demande de permis de construire sollicité par la société requérante, la cour administrative d'appel a retenu que le projet envisagé méconnaissait les dispositions du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme imposant que, dans les zones de montagne, l'urbanisation se réalise en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, combinées avec celles du plan d'aménagement et de développement durable de Corse adopté par l'assemblée de Corse le 2 octobre 2015. En statuant ainsi, alors que, ainsi qu'il a été dit au point 1, il s'agissait d'un nouveau refus faisant suite à l'annulation d'une précédente décision de refus du 4 octobre 2013, définitivement prononcée par un jugement du 1er octobre 2015 du tribunal administratif de Bastia, de sorte qu'en application de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, les dispositions du plan d'aménagement et de développement durable de Corse, qui sont au nombre des dispositions d'urbanismes et sont intervenues postérieurement à la date de ce premier refus, ne pouvaient être opposées au pétitionnaire, dont la demande devait être regardée comme ayant été confirmée dès lors que le tribunal administratif avait dans son jugement d'annulation enjoint à l'autorité administrative de la réexaminer, la cour a commis une erreur de droit.
8. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la société AC Promotions est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
9. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.
Sur les conclusions de la commune de Cuttoli-Corticchiato dirigées contre le jugement du tribunal administratif :
10. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité par la société AC Promotions, le maire de Cuttoli-Corticchiato s'est fondé, dans l'arrêté du 11 décembre 2015, sur cinq motifs. Le tribunal administratif a, comme il a été dit au point 5, jugé que chacun de ces motifs était entaché d'illégalité.
11. En premier lieu, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire (...) sont adressées (...) ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés (...) soit par le ou les propriétaires du ou terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (...) ". Lorsque l'autorité saisie d'une demande de permis de construire vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose d'aucun droit à la déposer, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que la promesse de vente conclue le 26 octobre 2012 entre la société AC Promotions, acquéreur, et les époux A..., vendeurs, était caduque à la date à laquelle la société a déposé auprès du maire de Cuttoli-Corticchiato une demande de permis de construire. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé que le maire de Cuttoli-Corticchiato ne pouvait refuser le permis sollicité au motif que la société AC Promotions n'aurait pas eu qualité pour le demander.
12. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, si la demande de permis de construire présentée par la société AC Promotions portait sur un terrain d'assiette situé sur les parcelles cadastrées section A nos 1384 et 1378 du plan local d'urbanisme, seule la parcelle cadastrée section A n° 1384 est classée en zone N et cette demande ne prévoit aucune construction sur cette parcelle, laquelle supporte une route desservant les propriétés voisines. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que le maire de Cuttoli-Corticchiato ne pouvait opposer à la demande de permis de construire les prescriptions du plan local d'urbanisme relatives à la zone N.
13. En troisième lieu, les dispositions de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme, alors en vigueur, applicables dans les communes qui ne sont pas dotées d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, limitent le droit de construire en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune aux cas limitativement énumérés à cet article. En vertu des dispositions du III de l'article L. 145-3 du même code, alors en vigueur, applicables aux communes classées en zone de montagne, ne sont de même autorisées que les opérations qui s'y trouvent énoncées, notamment celles prévues par le c) de ce III aux termes duquel : " Dans les communes ou parties de commune qui ne sont pas couvertes par un plan local d'urbanisme ou une carte communale, des constructions qui ne sont pas situées en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants peuvent être autorisées, dans les conditions définies au 4° de l'article L. 111-1-2, si la commune ne subit pas de pression foncière due au développement démographique ou à la construction de résidences secondaires et si la dérogation envisagée est compatible avec les objectifs de protection des terres agricoles, pastorales et forestières et avec la préservation des paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel prévus aux I et II ". Ces dispositions régissent entièrement la situation des communes classées en zone de montagne pour l'application de la règle de constructibilité limitée, qu'elles soient ou non dotées de plan d'urbanisme, à l'exclusion des dispositions prévues à l'article L. 111-1-2 régissant la situation des communes non dotées d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Cuttoli-Corticchiato est classée en zone de montagne. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que le maire de Cuttoli-Corticchiato ne pouvait opposer à la demande de permis de construire les dispositions de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme.
14. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 111-8 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " L'alimentation en eau potable et l'assainissement des eaux domestiques usées, la collecte et l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement ainsi que l'évacuation, l'épuration et le rejet des eaux résiduaires industrielles, doivent être assurés dans des conditions conformes aux règlements en vigueur. " Aux termes de l'article R. 111-10 du même code : " (...) En l'absence de système de collecte des eaux usées, l'assainissement non collectif doit respecter les prescriptions techniques fixées en application de l'article R. 2224-17 du code général des collectivités territoriales. / En outre, les installations collectives sont établies de manière à pouvoir se raccorder ultérieurement aux réseaux publics ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet en litige n'aurait pas prévu la construction d'une station d'épuration autonome conforme aux règlements en vigueur. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que le maire de Cuttoli-Corticchiato ne pouvait opposer à la demande de permis de construire les dispositions des articles R. 111-8 à R. 111-10 du code de l'urbanisme.
15. En cinquième lieu, il résulte des dispositions du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme, citées au point 13, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat qui les a modifiées, que l'urbanisation en zone de montagne, sans être autorisée en zone d'urbanisation diffuse, peut être réalisée non seulement en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants, mais également en continuité avec les " groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants " et qu'est ainsi possible l'édification de constructions nouvelles en continuité d'un groupe de constructions traditionnelles ou d'un groupe d'habitations qui, ne s'inscrivant pas dans les traditions locales, ne pourrait être regardé comme un hameau. L'existence d'un tel groupe suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à l'existence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble. Il ressort des pièces du dossier que, si le terrain d'assiette du projet se situe à l'écart du village de Cuttoli Corticchiato, il est implanté au sein d'un secteur bâti composé, dans un rayon d'environ un kilomètre, d'une centaine d'habitations situées à l'est, au nord et au sud, séparées entre elles par des distances inférieures à cinquante mètres, et que cet habitat, qui est d'ailleurs desservi par un ensemble de voies et relié aux réseaux publics, peut être regardé comme constituant un groupe d'habitations existant au sens des dispositions précitées. Ainsi, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que le maire de Cuttoli-Corticchiato ne pouvait légalement opposer à la demande de permis de construire les dispositions du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme.
16. Il résulte de tout ce qui précède que les cinq motifs de l'arrêté du 11 décembre 2015 refusant de délivrer le permis sollicité sont entachés d'illégalité. La commune de Cuttoli-Corticchiato n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé cet arrêté ainsi que la décision de rejet du recours gracieux formé à son encontre, sans qu'il y ait lieu de procéder à la substitution de motifs qu'elle demande. Ses conclusions tendant à l'annulation de ce jugement doivent, dès lors, être rejetées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la société AC Promotions.
Sur le surplus des conclusions des parties à fin d'annulation :
17. Les conclusions de la commune de Cuttoli-Corticchiato tendant à l'annulation de l'avis conforme du préfet de Corse du 3 décembre 2015 émis sur le fondement de l'article L. 422 6 du code de l'urbanisme, qui n'ont pas été soumises au tribunal administratif, ont le caractère de conclusions nouvelles en appel. Par suite, elles sont irrecevables.
18. Les conclusions de la société AC Promotions tendant, par la voie de l'appel incident, à ce que le jugement rendu par le tribunal administratif de Bastia soit annulé en tant qu'il n'a pas annulé la délibération du 11 juillet 2006 par laquelle le conseil municipal de Cuttoli-Corticchiato a approuvé le plan local d'urbanisme en tant qu'il classe la parcelle cadastrée section A n° 1384 en zone naturelle soulèvent, compte tenu de l'argumentation développée par l'appelante dans le litige principal, un litige distinct de celui soulevé par l'appel principal. Les conclusions d'appel incident de la société sont par suite irrecevables.
Sur la mesure d'exécution impliquée par la présente décision :
19. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". L'exécution de la présente décision implique que la demande de la société AC Promotions soit réexaminée. Il y a lieu d'enjoindre au maire de Cuttoli-Corticchiato de se prononcer à nouveau sur la demande de permis de construire présentée par la société AC Promotions, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Cuttoli-Corticchiato une somme de 4 500 euros à verser à la société AC Promotions au titre des frais exposés par cette société en appel et devant le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société AC Promotions qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 11 mars 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : La requête d'appel de la commune de Cuttoli-Corticchiato est rejetée.
Article 3 : Il est enjoint au maire de Cuttoli-Corticchiato de se prononcer à nouveau sur la demande de permis de construire présentée par la société AC Promotions, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 4 : La commune de Cuttoli-Corticchiato versera à la société AC Promotions une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée AC Promotions et à la commune de Cuttoli-Corticchiato.
Délibéré à l'issue de la séance du 6 mars 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, Mme Célia Verot, M. Vincent Mazauric, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et M. Cyril Noël, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 22 mars 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Cyril Noël
La secrétaire :
Signé : Mme Paule Troly
ECLI:FR:CECHR:2024:463970.20240322
La société à responsabilité limitée AC Promotions a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler, d'une part, la décision du 11 décembre 2015 par laquelle le maire de Cuttoli Corticchiato a refusé de lui délivrer un permis de construire trois immeubles comprenant dix-huit logements, ainsi que la décision du 12 février 2016 rejetant son recours gracieux, d'autre part, la délibération du 11 juillet 2006 par laquelle le conseil municipal de Cuttoli-Corticchiato a adopté le plan local d'urbanisme de la commune en tant qu'il classe en zone N la parcelle cadastrée section A n° 1384. Par un jugement n° 1600478 du 18 janvier 2018, le tribunal administratif de Bastia a annulé les décisions du 11 décembre 2015 et du 12 février 2016 du maire de Cuttoli-Corticchiato et rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société AC Promotions.
Par un arrêt n° 18MA01249 du 8 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la commune de Cuttoli-Corticchiato contre ce jugement.
Par une décision n° 434335 du 3 février 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par la commune de Cuttoli-Corticchiato, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.
Par un arrêt n° 21MA00676 du 11 mars 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 18 janvier 2018 du tribunal administratif de Bastia et a rejeté la demande présentée par la société AC Promotions devant ce tribunal.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 mai et 12 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société AC Promotions demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Cuttoli-Corticchiato la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2003-1169 du 2 décembre 2003 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cyril Noël, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de la Société AC Promotions et à la SARL Le Prado, Gilbert, avocat de la commune de Cuttoli-Corticchiato ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 4 octobre 2013, le maire de Cuttoli-Corticchiato a refusé de délivrer à la société AC Promotions un permis de construire trois immeubles comprenant dix-huit logements. Par un jugement du 1er octobre 2015, le tribunal administratif de Bastia a annulé cet arrêté et a enjoint à la commune de se prononcer à nouveau sur la demande de permis de construire. Par un arrêté du 11 décembre 2015, le maire de Cuttoli-Corticchiato a une nouvelle fois refusé de délivrer le permis de construire sollicité, puis il a, le 12 février 2016, rejeté le recours gracieux formé contre ce refus. La cour administrative d'appel de Marseille a rejeté, par un arrêt du 8 juillet 2019, l'appel formé par la société contre le jugement du 18 janvier 2018 du tribunal administratif de Bastia ayant annulé l'arrêté du 11 décembre 2015 et le rejet du recours gracieux. Par une décision du 3 février 2021, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille. Par un nouvel arrêt du 11 mars 2022, contre lequel la société AC Promotions se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel a annulé le jugement du 18 janvier 2018 du tribunal administratif de Bastia et rejeté la demande présentée par cette société devant ce tribunal.
Sur le pourvoi :
2. En premier lieu, en vertu du premier alinéa de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme, les constructions doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire. Aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis (...) ". Aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande (...), elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet (...) ". Aux termes de l'article L. 600 4 1 de ce code : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ".
3. Une décision rejetant une demande d'autorisation d'urbanisme pour plusieurs motifs ne peut être annulée par le juge de l'excès de pouvoir à raison de son illégalité interne, réserve faite du détournement de pouvoir, que si chacun des motifs qui pourraient suffire à la justifier sont entachés d'illégalité. En outre, en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, le tribunal administratif saisi doit, lorsqu'il annule une telle décision de refus, se prononcer sur l'ensemble des moyens de la demande qu'il estime susceptibles de fonder cette annulation, qu'ils portent d'ailleurs sur la légalité externe ou sur la légalité interne de la décision. En revanche, lorsqu'il juge que l'un ou certains seulement des motifs de la décision de refus en litige sont de nature à la justifier légalement, le tribunal administratif peut rejeter la demande tendant à son annulation sans être tenu de se prononcer sur les moyens de cette demande qui ne se rapportent pas à la légalité de ces motifs de refus.
4. Saisi d'un jugement ayant annulé une décision refusant une autorisation d'urbanisme, il appartient au juge d'appel, pour confirmer cette annulation, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation que les premiers juges ont retenus, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui. En revanche, si le juge d'appel estime qu'un des motifs de la décision de refus litigieuse est fondé et que l'administration aurait pris la même décision si elle avait retenu ce seul motif, il peut, sans méconnaître les dispositions citées au point 2, rejeter la demande d'annulation de cette décision et infirmer en conséquence le jugement attaqué devant lui, sans être tenu de statuer sur la légalité des autres motifs retenus par l'autorité administrative et sur lesquels les premiers juges se sont prononcés.
5. En l'espèce, pour annuler l'arrêté du 11 décembre 2015 du maire de Cuttoli-Corticchiato, le tribunal administratif de Bastia a jugé que les cinq motifs fondant cet arrêté étaient entachés d'illégalité. En appel, pour rejeter la demande d'annulation de la décision de refus litigieuse et annuler en conséquence le jugement du tribunal administratif, la cour administrative d'appel s'est bornée à juger que la commune était fondée à refuser, au seul motif de la méconnaissance des dispositions du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme, le permis de construire sollicité, sans se prononcer sur les autres motifs opposés par le maire et que les premiers juges avaient jugé entachés d'illégalité. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en statuant ainsi, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit.
6. En second lieu, toutefois, aux termes de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire. "
7. Pour juger que le maire de Cuttoli-Corticchiato avait, par son arrêté du 11 décembre 2015, légalement opposé un refus à la demande de permis de construire sollicité par la société requérante, la cour administrative d'appel a retenu que le projet envisagé méconnaissait les dispositions du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme imposant que, dans les zones de montagne, l'urbanisation se réalise en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, combinées avec celles du plan d'aménagement et de développement durable de Corse adopté par l'assemblée de Corse le 2 octobre 2015. En statuant ainsi, alors que, ainsi qu'il a été dit au point 1, il s'agissait d'un nouveau refus faisant suite à l'annulation d'une précédente décision de refus du 4 octobre 2013, définitivement prononcée par un jugement du 1er octobre 2015 du tribunal administratif de Bastia, de sorte qu'en application de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, les dispositions du plan d'aménagement et de développement durable de Corse, qui sont au nombre des dispositions d'urbanismes et sont intervenues postérieurement à la date de ce premier refus, ne pouvaient être opposées au pétitionnaire, dont la demande devait être regardée comme ayant été confirmée dès lors que le tribunal administratif avait dans son jugement d'annulation enjoint à l'autorité administrative de la réexaminer, la cour a commis une erreur de droit.
8. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la société AC Promotions est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
9. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.
Sur les conclusions de la commune de Cuttoli-Corticchiato dirigées contre le jugement du tribunal administratif :
10. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité par la société AC Promotions, le maire de Cuttoli-Corticchiato s'est fondé, dans l'arrêté du 11 décembre 2015, sur cinq motifs. Le tribunal administratif a, comme il a été dit au point 5, jugé que chacun de ces motifs était entaché d'illégalité.
11. En premier lieu, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire (...) sont adressées (...) ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés (...) soit par le ou les propriétaires du ou terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (...) ". Lorsque l'autorité saisie d'une demande de permis de construire vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose d'aucun droit à la déposer, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que la promesse de vente conclue le 26 octobre 2012 entre la société AC Promotions, acquéreur, et les époux A..., vendeurs, était caduque à la date à laquelle la société a déposé auprès du maire de Cuttoli-Corticchiato une demande de permis de construire. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé que le maire de Cuttoli-Corticchiato ne pouvait refuser le permis sollicité au motif que la société AC Promotions n'aurait pas eu qualité pour le demander.
12. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, si la demande de permis de construire présentée par la société AC Promotions portait sur un terrain d'assiette situé sur les parcelles cadastrées section A nos 1384 et 1378 du plan local d'urbanisme, seule la parcelle cadastrée section A n° 1384 est classée en zone N et cette demande ne prévoit aucune construction sur cette parcelle, laquelle supporte une route desservant les propriétés voisines. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que le maire de Cuttoli-Corticchiato ne pouvait opposer à la demande de permis de construire les prescriptions du plan local d'urbanisme relatives à la zone N.
13. En troisième lieu, les dispositions de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme, alors en vigueur, applicables dans les communes qui ne sont pas dotées d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, limitent le droit de construire en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune aux cas limitativement énumérés à cet article. En vertu des dispositions du III de l'article L. 145-3 du même code, alors en vigueur, applicables aux communes classées en zone de montagne, ne sont de même autorisées que les opérations qui s'y trouvent énoncées, notamment celles prévues par le c) de ce III aux termes duquel : " Dans les communes ou parties de commune qui ne sont pas couvertes par un plan local d'urbanisme ou une carte communale, des constructions qui ne sont pas situées en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants peuvent être autorisées, dans les conditions définies au 4° de l'article L. 111-1-2, si la commune ne subit pas de pression foncière due au développement démographique ou à la construction de résidences secondaires et si la dérogation envisagée est compatible avec les objectifs de protection des terres agricoles, pastorales et forestières et avec la préservation des paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel prévus aux I et II ". Ces dispositions régissent entièrement la situation des communes classées en zone de montagne pour l'application de la règle de constructibilité limitée, qu'elles soient ou non dotées de plan d'urbanisme, à l'exclusion des dispositions prévues à l'article L. 111-1-2 régissant la situation des communes non dotées d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Cuttoli-Corticchiato est classée en zone de montagne. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que le maire de Cuttoli-Corticchiato ne pouvait opposer à la demande de permis de construire les dispositions de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme.
14. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 111-8 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " L'alimentation en eau potable et l'assainissement des eaux domestiques usées, la collecte et l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement ainsi que l'évacuation, l'épuration et le rejet des eaux résiduaires industrielles, doivent être assurés dans des conditions conformes aux règlements en vigueur. " Aux termes de l'article R. 111-10 du même code : " (...) En l'absence de système de collecte des eaux usées, l'assainissement non collectif doit respecter les prescriptions techniques fixées en application de l'article R. 2224-17 du code général des collectivités territoriales. / En outre, les installations collectives sont établies de manière à pouvoir se raccorder ultérieurement aux réseaux publics ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet en litige n'aurait pas prévu la construction d'une station d'épuration autonome conforme aux règlements en vigueur. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que le maire de Cuttoli-Corticchiato ne pouvait opposer à la demande de permis de construire les dispositions des articles R. 111-8 à R. 111-10 du code de l'urbanisme.
15. En cinquième lieu, il résulte des dispositions du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme, citées au point 13, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat qui les a modifiées, que l'urbanisation en zone de montagne, sans être autorisée en zone d'urbanisation diffuse, peut être réalisée non seulement en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants, mais également en continuité avec les " groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants " et qu'est ainsi possible l'édification de constructions nouvelles en continuité d'un groupe de constructions traditionnelles ou d'un groupe d'habitations qui, ne s'inscrivant pas dans les traditions locales, ne pourrait être regardé comme un hameau. L'existence d'un tel groupe suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à l'existence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble. Il ressort des pièces du dossier que, si le terrain d'assiette du projet se situe à l'écart du village de Cuttoli Corticchiato, il est implanté au sein d'un secteur bâti composé, dans un rayon d'environ un kilomètre, d'une centaine d'habitations situées à l'est, au nord et au sud, séparées entre elles par des distances inférieures à cinquante mètres, et que cet habitat, qui est d'ailleurs desservi par un ensemble de voies et relié aux réseaux publics, peut être regardé comme constituant un groupe d'habitations existant au sens des dispositions précitées. Ainsi, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que le maire de Cuttoli-Corticchiato ne pouvait légalement opposer à la demande de permis de construire les dispositions du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme.
16. Il résulte de tout ce qui précède que les cinq motifs de l'arrêté du 11 décembre 2015 refusant de délivrer le permis sollicité sont entachés d'illégalité. La commune de Cuttoli-Corticchiato n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé cet arrêté ainsi que la décision de rejet du recours gracieux formé à son encontre, sans qu'il y ait lieu de procéder à la substitution de motifs qu'elle demande. Ses conclusions tendant à l'annulation de ce jugement doivent, dès lors, être rejetées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la société AC Promotions.
Sur le surplus des conclusions des parties à fin d'annulation :
17. Les conclusions de la commune de Cuttoli-Corticchiato tendant à l'annulation de l'avis conforme du préfet de Corse du 3 décembre 2015 émis sur le fondement de l'article L. 422 6 du code de l'urbanisme, qui n'ont pas été soumises au tribunal administratif, ont le caractère de conclusions nouvelles en appel. Par suite, elles sont irrecevables.
18. Les conclusions de la société AC Promotions tendant, par la voie de l'appel incident, à ce que le jugement rendu par le tribunal administratif de Bastia soit annulé en tant qu'il n'a pas annulé la délibération du 11 juillet 2006 par laquelle le conseil municipal de Cuttoli-Corticchiato a approuvé le plan local d'urbanisme en tant qu'il classe la parcelle cadastrée section A n° 1384 en zone naturelle soulèvent, compte tenu de l'argumentation développée par l'appelante dans le litige principal, un litige distinct de celui soulevé par l'appel principal. Les conclusions d'appel incident de la société sont par suite irrecevables.
Sur la mesure d'exécution impliquée par la présente décision :
19. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". L'exécution de la présente décision implique que la demande de la société AC Promotions soit réexaminée. Il y a lieu d'enjoindre au maire de Cuttoli-Corticchiato de se prononcer à nouveau sur la demande de permis de construire présentée par la société AC Promotions, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Cuttoli-Corticchiato une somme de 4 500 euros à verser à la société AC Promotions au titre des frais exposés par cette société en appel et devant le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société AC Promotions qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 11 mars 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : La requête d'appel de la commune de Cuttoli-Corticchiato est rejetée.
Article 3 : Il est enjoint au maire de Cuttoli-Corticchiato de se prononcer à nouveau sur la demande de permis de construire présentée par la société AC Promotions, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 4 : La commune de Cuttoli-Corticchiato versera à la société AC Promotions une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée AC Promotions et à la commune de Cuttoli-Corticchiato.
Délibéré à l'issue de la séance du 6 mars 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, Mme Célia Verot, M. Vincent Mazauric, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et M. Cyril Noël, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 22 mars 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Cyril Noël
La secrétaire :
Signé : Mme Paule Troly