CAA de PARIS, 9ème chambre, 27/02/2024, 23PA01342, Inédit au recueil Lebon
CAA de PARIS, 9ème chambre, 27/02/2024, 23PA01342, Inédit au recueil Lebon
CAA de PARIS - 9ème chambre
- N° 23PA01342
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mardi
27 février 2024
- Président
- Mme la Pdte. FOMBEUR
- Rapporteur
- Mme Cécile LORIN
- Avocat(s)
- JAMAIS
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une indemnité, équivalant à un traitement brut de 36 054,28 euros, en réparation du préjudice matériel qu'il estime avoir subi en raison de la privation de son traitement entre le 6 juin 2018 et le 5 juillet 2019 et une indemnité de 10 000 euros au titre du préjudice moral résultant de cette même privation.
Par un jugement n° 2116863 du 3 février 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 3 avril 2023, M. B..., représenté par Me Jamais, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 3 février 2023 ;
2°) de condamner l'administration à lui verser la somme de 36 054,28 euros au titre du préjudice matériel qu'il estime avoir subi au cours de la période comprise entre le 1er juin 2018 et le 1er juillet 2019 et la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en décidant de le priver de tout traitement par un arrêté du 8 juin 2018 à la suite de son placement sous contrôle judiciaire prononcé par une ordonnance du 6 juin 2018, qui ne revêtait pas un caractère définitif, alors qu'il lui appartenait, en application de l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, de l'affecter dans un emploi compatible avec les obligations du contrôle judiciaire auquel il était soumis ou de le détacher d'office à titre provisoire dans un autre corps pour occuper un emploi compatible avec ses obligations ;
- les faits qui ont conduit à son placement sous contrôle judiciaire n'ayant pas donné lieu à une condamnation, l'absence de service fait ne lui est pas imputable mais résulte de la carence fautive de l'administration ;
- le préjudice matériel subi, constitué de son traitement, des indemnités et primes qu'il aurait dû percevoir au titre de la période comprise entre le 1er juin 2018 et le 1er juillet 2019, s'élève à la somme globale de 36 054,28 euros ;
- le préjudice moral résultant d'un état de stress permanent et des troubles dans ses conditions d'existence doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;
- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lorin,
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., gardien de la paix affecté à la circonscription de sécurité de proximité du 17ème arrondissement de Paris, a été mis en examen pour des faits de trafic d'influence passif et corruption passive. En conséquence, il a été placé sous contrôle judiciaire et interdit d'exercer toute activité de fonctionnaire de police et toute activité au sein de la fonction publique d'Etat ou de la fonction publique territoriale par une ordonnance du 6 juin 2018 du vice-président chargé de l'instruction au tribunal de grande instance. Par un arrêté du 8 juin 2018, le préfet de police a décidé d'interrompre le versement de son traitement à compter du 6 juin 2018. La demande de mainlevée partielle de son contrôle judiciaire formée par M. B... a été rejetée par ordonnance du 16 juillet 2018, dont il a relevé appel. Par un arrêt rendu le 27 septembre 2018, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a supprimé l'interdiction d'exercer toute activité au sein de la fonction publique de l'Etat ou de la fonction publique territoriale mais confirmé l'interdiction d'exercer toute activité de fonctionnaire de police. En conséquence de l'arrêté du 8 juin 2018, M. B... a été privé de sa rémunération jusqu'au 5 juillet 2019, date à laquelle il a été suspendu de ses fonctions à plein traitement à titre conservatoire. Par une demande indemnitaire préalable réceptionnée le 12 mai 2021, il a sollicité la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en conséquence de fautes commises par l'administration dans la gestion de sa carrière depuis l'édiction de l'arrêté du 8 juin 2018 et jusqu'au mois de juillet 2019.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable au présent litige, dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article L. 115-1 du code général de la fonction publique : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. (...) ".
3. D'autre part, l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, dont les dispositions sont désormais codifiées aux articles L. 531-1 et suivants du code général de la fonction publique, dispose que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire peut prononcer la suspension d'un fonctionnaire, en cas de faute grave, " qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun ", en saisissant sans délai le conseil de discipline, le fonctionnaire suspendu conservant alors son traitement. En cas de poursuites pénales, si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire et si les mesures décidées par l'autorité judicaire ou l'intérêt du service n'y font pas obstacle, le fonctionnaire est rétabli dans ses fonctions. Ce même article prévoit également que : " Lorsque, sur décision motivée, il n'est pas rétabli dans ses fonctions, il peut être affecté provisoirement par l'autorité investie du pouvoir de nomination, sous réserve de l'intérêt du service, dans un emploi compatible avec les obligations du contrôle judiciaire auquel il est, le cas échéant, soumis. A défaut, il peut être détaché d'office, à titre provisoire, dans un autre corps ou cadre d'emplois pour occuper un emploi compatible avec de telles obligations. L'affectation provisoire ou le détachement provisoire prend fin lorsque la situation du fonctionnaire est définitivement réglée par l'administration ou lorsque l'évolution des poursuites pénales rend impossible sa prolongation. / (...) / Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions, affecté provisoirement ou détaché provisoirement dans un autre emploi peut subir une retenue, qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée au deuxième alinéa. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille ". Toutefois, ces dispositions ne font pas obligation à l'administration de prononcer la suspension qu'elles prévoient à la suite d'une faute grave et ne l'empêchent pas d'interrompre, indépendamment de toute action disciplinaire, le versement du traitement d'un fonctionnaire pour absence de service fait, notamment en raison de l'interdiction d'exercer ses fonctions résultant d'une mesure de contrôle judiciaire.
4. Il résulte de l'instruction que le placement sous contrôle judiciaire de M. B..., prononcé le 6 juin 2018 par une ordonnance du vice-président chargé de l'instruction du tribunal de grande instance de Paris, était assorti de l'interdiction d'exercer toute activité de fonctionnaire de police et toute activité au sein de la fonction publique d'Etat ou de la fonction publique territoriale, puis de l'interdiction d'exercer toute activité de fonctionnaire de police, que ce soit au sein de la police nationale ou municipale, en vertu d'un arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris du 27 septembre 2018. L'engagement d'une procédure disciplinaire ne s'imposait pas pour tirer les conséquences de l'interdiction judiciaire à laquelle il était soumis et l'administration n'était aucunement tenue de prendre à son encontre une mesure de suspension de ses fonctions. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 en s'abstenant de le suspendre avant le 5 juillet 2019 et ne peut utilement se prévaloir des dispositions de cet article relatives à l'affectation ou au détachement provisoire dans un autre emploi et au maintien de tout ou partie de la rémunération.
5. En deuxième lieu, s'agissant de la période comprise entre le 6 juin et le 27 septembre 2018, si M. B... fait valoir que les faits au titre desquels son contrôle judiciaire a été prononcé n'ont pas donné lieu à une condamnation et que l'ordonnance prise le 6 juin 2018 n'avait pas de caractère définitif, cette ordonnance n'en était pas moins exécutoire par provision et l'appel formé à son encontre était dépourvu d'effet suspensif. Dès lors, l'administration était tenue d'en tirer les conséquences en s'abstenant, dès le moment où elle en a eu connaissance, de confier toute fonction à l'intéressé.
6. En dernier lieu, s'agissant de la période comprise entre le 27 septembre 2018 et le 5 juillet 2019, d'une part, aux termes de l'article R. 411-2 du code de la sécurité intérieure : " Les fonctionnaires actifs des services de la police nationale sont affectés à des missions ou activités : / 1° De protection des personnes et des biens ; / 2° De prévention de la criminalité et de la délinquance ; / 3° De police administrative ; / 4° De recherche et de constatation des infractions pénales, de recherche et d'arrestation de leurs auteurs ; / 5° De recherche de renseignements ; / 6° De maintien de l'ordre public ; / 7° De coopération internationale ; / 8° D'état-major et de soutien des activités opérationnelles ; / 9° De formation des personnels. / Ces missions ou activités doivent être exécutées dans le respect des principes républicains et du code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale prévu au chapitre IV du titre III du présent livre ". En vertu des articles 1er et 2 du décret du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale, les gradés et gardiens de la paix, qui constituent ce corps également régi par les dispositions du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale, participent aux missions qui incombent aux services actifs de police et exercent celles qui leur sont conférées par le code de procédure pénale ; ils peuvent être appelés à exercer leurs fonctions dans les établissements publics placés sous la tutelle du ministre de l'intérieur.
7. Un gardien de la paix à l'encontre duquel a été prononcée une interdiction d'exercer toute activité de fonctionnaire de police ne peut être affecté dans aucun emploi correspondant à son grade, compte tenu des dispositions statutaires applicables aux membres du corps d'encadrement et d'application de la police nationale. Par suite, si l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 27 septembre 2018 a partiellement levé l'interdiction d'exercice applicable à M. B..., en la limitant aux activités de fonctionnaire de police, le ministre de l'intérieur ne pouvait l'affecter à aucune des missions ou activités que son grade lui donnait vocation à exercer.
8. D'autre part, l'administration n'était pas tenue de rechercher un poste en détachement compatible avec l'interdiction judiciaire prononcée à son encontre.
9. Par suite, et alors que le requérant ne soutient pas avoir sollicité de son administration son détachement sur un emploi particulier, aucune carence fautive n'est imputable à l'administration, qui ne s'est pas davantage abstenue de le placer dans une position régulière. C'est, dès lors, à bon droit qu'elle a interrompu le versement de la rémunération de M. B... pour absence de service fait.
10. Il résulte de tout ce qui précède que l'administration n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité en interrompant le versement de son traitement entre le 6 juin 2018 et le 5 juillet 2019. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande indemnitaire. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 2 février 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Fombeur, présidente de la Cour,
- M. Carrère, président de chambre,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 27 février 2024.
La rapporteure,
C. LORIN
La présidente,
P. FOMBEUR La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23PA01342
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une indemnité, équivalant à un traitement brut de 36 054,28 euros, en réparation du préjudice matériel qu'il estime avoir subi en raison de la privation de son traitement entre le 6 juin 2018 et le 5 juillet 2019 et une indemnité de 10 000 euros au titre du préjudice moral résultant de cette même privation.
Par un jugement n° 2116863 du 3 février 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 3 avril 2023, M. B..., représenté par Me Jamais, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 3 février 2023 ;
2°) de condamner l'administration à lui verser la somme de 36 054,28 euros au titre du préjudice matériel qu'il estime avoir subi au cours de la période comprise entre le 1er juin 2018 et le 1er juillet 2019 et la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en décidant de le priver de tout traitement par un arrêté du 8 juin 2018 à la suite de son placement sous contrôle judiciaire prononcé par une ordonnance du 6 juin 2018, qui ne revêtait pas un caractère définitif, alors qu'il lui appartenait, en application de l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, de l'affecter dans un emploi compatible avec les obligations du contrôle judiciaire auquel il était soumis ou de le détacher d'office à titre provisoire dans un autre corps pour occuper un emploi compatible avec ses obligations ;
- les faits qui ont conduit à son placement sous contrôle judiciaire n'ayant pas donné lieu à une condamnation, l'absence de service fait ne lui est pas imputable mais résulte de la carence fautive de l'administration ;
- le préjudice matériel subi, constitué de son traitement, des indemnités et primes qu'il aurait dû percevoir au titre de la période comprise entre le 1er juin 2018 et le 1er juillet 2019, s'élève à la somme globale de 36 054,28 euros ;
- le préjudice moral résultant d'un état de stress permanent et des troubles dans ses conditions d'existence doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;
- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lorin,
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., gardien de la paix affecté à la circonscription de sécurité de proximité du 17ème arrondissement de Paris, a été mis en examen pour des faits de trafic d'influence passif et corruption passive. En conséquence, il a été placé sous contrôle judiciaire et interdit d'exercer toute activité de fonctionnaire de police et toute activité au sein de la fonction publique d'Etat ou de la fonction publique territoriale par une ordonnance du 6 juin 2018 du vice-président chargé de l'instruction au tribunal de grande instance. Par un arrêté du 8 juin 2018, le préfet de police a décidé d'interrompre le versement de son traitement à compter du 6 juin 2018. La demande de mainlevée partielle de son contrôle judiciaire formée par M. B... a été rejetée par ordonnance du 16 juillet 2018, dont il a relevé appel. Par un arrêt rendu le 27 septembre 2018, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a supprimé l'interdiction d'exercer toute activité au sein de la fonction publique de l'Etat ou de la fonction publique territoriale mais confirmé l'interdiction d'exercer toute activité de fonctionnaire de police. En conséquence de l'arrêté du 8 juin 2018, M. B... a été privé de sa rémunération jusqu'au 5 juillet 2019, date à laquelle il a été suspendu de ses fonctions à plein traitement à titre conservatoire. Par une demande indemnitaire préalable réceptionnée le 12 mai 2021, il a sollicité la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en conséquence de fautes commises par l'administration dans la gestion de sa carrière depuis l'édiction de l'arrêté du 8 juin 2018 et jusqu'au mois de juillet 2019.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable au présent litige, dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article L. 115-1 du code général de la fonction publique : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. (...) ".
3. D'autre part, l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, dont les dispositions sont désormais codifiées aux articles L. 531-1 et suivants du code général de la fonction publique, dispose que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire peut prononcer la suspension d'un fonctionnaire, en cas de faute grave, " qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun ", en saisissant sans délai le conseil de discipline, le fonctionnaire suspendu conservant alors son traitement. En cas de poursuites pénales, si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire et si les mesures décidées par l'autorité judicaire ou l'intérêt du service n'y font pas obstacle, le fonctionnaire est rétabli dans ses fonctions. Ce même article prévoit également que : " Lorsque, sur décision motivée, il n'est pas rétabli dans ses fonctions, il peut être affecté provisoirement par l'autorité investie du pouvoir de nomination, sous réserve de l'intérêt du service, dans un emploi compatible avec les obligations du contrôle judiciaire auquel il est, le cas échéant, soumis. A défaut, il peut être détaché d'office, à titre provisoire, dans un autre corps ou cadre d'emplois pour occuper un emploi compatible avec de telles obligations. L'affectation provisoire ou le détachement provisoire prend fin lorsque la situation du fonctionnaire est définitivement réglée par l'administration ou lorsque l'évolution des poursuites pénales rend impossible sa prolongation. / (...) / Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions, affecté provisoirement ou détaché provisoirement dans un autre emploi peut subir une retenue, qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée au deuxième alinéa. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille ". Toutefois, ces dispositions ne font pas obligation à l'administration de prononcer la suspension qu'elles prévoient à la suite d'une faute grave et ne l'empêchent pas d'interrompre, indépendamment de toute action disciplinaire, le versement du traitement d'un fonctionnaire pour absence de service fait, notamment en raison de l'interdiction d'exercer ses fonctions résultant d'une mesure de contrôle judiciaire.
4. Il résulte de l'instruction que le placement sous contrôle judiciaire de M. B..., prononcé le 6 juin 2018 par une ordonnance du vice-président chargé de l'instruction du tribunal de grande instance de Paris, était assorti de l'interdiction d'exercer toute activité de fonctionnaire de police et toute activité au sein de la fonction publique d'Etat ou de la fonction publique territoriale, puis de l'interdiction d'exercer toute activité de fonctionnaire de police, que ce soit au sein de la police nationale ou municipale, en vertu d'un arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris du 27 septembre 2018. L'engagement d'une procédure disciplinaire ne s'imposait pas pour tirer les conséquences de l'interdiction judiciaire à laquelle il était soumis et l'administration n'était aucunement tenue de prendre à son encontre une mesure de suspension de ses fonctions. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 en s'abstenant de le suspendre avant le 5 juillet 2019 et ne peut utilement se prévaloir des dispositions de cet article relatives à l'affectation ou au détachement provisoire dans un autre emploi et au maintien de tout ou partie de la rémunération.
5. En deuxième lieu, s'agissant de la période comprise entre le 6 juin et le 27 septembre 2018, si M. B... fait valoir que les faits au titre desquels son contrôle judiciaire a été prononcé n'ont pas donné lieu à une condamnation et que l'ordonnance prise le 6 juin 2018 n'avait pas de caractère définitif, cette ordonnance n'en était pas moins exécutoire par provision et l'appel formé à son encontre était dépourvu d'effet suspensif. Dès lors, l'administration était tenue d'en tirer les conséquences en s'abstenant, dès le moment où elle en a eu connaissance, de confier toute fonction à l'intéressé.
6. En dernier lieu, s'agissant de la période comprise entre le 27 septembre 2018 et le 5 juillet 2019, d'une part, aux termes de l'article R. 411-2 du code de la sécurité intérieure : " Les fonctionnaires actifs des services de la police nationale sont affectés à des missions ou activités : / 1° De protection des personnes et des biens ; / 2° De prévention de la criminalité et de la délinquance ; / 3° De police administrative ; / 4° De recherche et de constatation des infractions pénales, de recherche et d'arrestation de leurs auteurs ; / 5° De recherche de renseignements ; / 6° De maintien de l'ordre public ; / 7° De coopération internationale ; / 8° D'état-major et de soutien des activités opérationnelles ; / 9° De formation des personnels. / Ces missions ou activités doivent être exécutées dans le respect des principes républicains et du code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale prévu au chapitre IV du titre III du présent livre ". En vertu des articles 1er et 2 du décret du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale, les gradés et gardiens de la paix, qui constituent ce corps également régi par les dispositions du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale, participent aux missions qui incombent aux services actifs de police et exercent celles qui leur sont conférées par le code de procédure pénale ; ils peuvent être appelés à exercer leurs fonctions dans les établissements publics placés sous la tutelle du ministre de l'intérieur.
7. Un gardien de la paix à l'encontre duquel a été prononcée une interdiction d'exercer toute activité de fonctionnaire de police ne peut être affecté dans aucun emploi correspondant à son grade, compte tenu des dispositions statutaires applicables aux membres du corps d'encadrement et d'application de la police nationale. Par suite, si l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 27 septembre 2018 a partiellement levé l'interdiction d'exercice applicable à M. B..., en la limitant aux activités de fonctionnaire de police, le ministre de l'intérieur ne pouvait l'affecter à aucune des missions ou activités que son grade lui donnait vocation à exercer.
8. D'autre part, l'administration n'était pas tenue de rechercher un poste en détachement compatible avec l'interdiction judiciaire prononcée à son encontre.
9. Par suite, et alors que le requérant ne soutient pas avoir sollicité de son administration son détachement sur un emploi particulier, aucune carence fautive n'est imputable à l'administration, qui ne s'est pas davantage abstenue de le placer dans une position régulière. C'est, dès lors, à bon droit qu'elle a interrompu le versement de la rémunération de M. B... pour absence de service fait.
10. Il résulte de tout ce qui précède que l'administration n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité en interrompant le versement de son traitement entre le 6 juin 2018 et le 5 juillet 2019. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande indemnitaire. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 2 février 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Fombeur, présidente de la Cour,
- M. Carrère, président de chambre,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 27 février 2024.
La rapporteure,
C. LORIN
La présidente,
P. FOMBEUR La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA01342