CAA de VERSAILLES, 6ème chambre, 23/01/2024, 23VE01969, Inédit au recueil Lebon
CAA de VERSAILLES, 6ème chambre, 23/01/2024, 23VE01969, Inédit au recueil Lebon
CAA de VERSAILLES - 6ème chambre
- N° 23VE01969
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mardi
23 janvier 2024
- Président
- M. ALBERTINI
- Rapporteur
- M. Paul-Louis ALBERTINI
- Avocat(s)
- PIEROT
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2022 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle devait être renvoyée, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2208515 du 10 mars 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 août 2023, Mme B..., représentée par Me Pierot, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une carte de séjour, assortie d'une astreinte fixée à 200 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt ; à défaut, d'enjoindre au même préfet d'examiner à nouveau sa situation dans un délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt et de lui délivrer dans l'attente de la décision une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler, sous astreinte définitive de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées et procèdent d'un examen incomplet de sa situation personnelle ;
- la décision de refus de séjour n'a pas été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur sa situation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'elle repose sur une décision de refus de séjour elle-même illégale ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale dès lors qu'elle repose sur une décision portant obligation de quitter le territoire français elle-même illégale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2023, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 6 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Albertini a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née le 6 juin 1977, déclare être entrée en France au cours du mois de septembre 2012 et s'y maintenir depuis lors. Elle a bénéficié, entre le 4 décembre 2015 et le 3 décembre 2020, de titres de séjour en qualité de parent d'un enfant français, puis elle a présenté une demande de changement de statut, sollicitant la délivrance d'une carte de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 octobre 2022, le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle devait être renvoyée. Mme B... relève appel du jugement du 10 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. (...) ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droites libertés d'autrui ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : (...) 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1. ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du même code : " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. ". Il résulte de ces dispositions que la commission du titre de séjour doit être saisie par l'autorité administrative pour avis dès lors que cette dernière envisage de refuser l'octroi d'un titre de séjour à un ressortissant étranger qui justifie avoir résidé habituellement en France pendant plus de dix ans.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est mère d'un enfant prénommé Aimeris, né le 31 octobre 2012 à La Tronche (Isère), lequel a acquis la nationalité française à la suite d'une reconnaissance préalable de paternité effectuée à son profit le 4 octobre 2012 par un ressortissant français, ce qui corrobore ses allégations sur une entrée en France le 5 septembre 2012 et l'époque où elle y a rencontré celui qu'elle présente comme le père de son enfant. Il ressort également des pièces du dossier que, saisi d'une requête en contestation de paternité, le tribunal de grande instance de Grenoble, par un jugement du 7 novembre 2019, a annulé l'acte de reconnaissance de paternité effectué au profit de l'enfant de Mme B..., ce dont la Procureure de la République du tribunal de grande instance d'Evry a été informée, sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale. Le préfet de l'Essonne a conclu de cette situation que Mme B... a pu se maintenir en situation régulière sur le territoire français, entre 2015 et 2020, au moyen de titres de séjour qui lui ont été délivrés, en qualité de parent d'enfant français, à la suite de la reconnaissance de paternité consentie à son fils de manière frauduleuse, ce que la requérante ne conteste pas dans la présente instance. Il ressort aussi des pièces du dossier que Mme B... justifie être présente en France depuis l'année 2012, et y avoir exercé une activité professionnelle stable entre 2016 et 2022, sous couvert d'un contrat à durée indéterminée conclu auprès d'une entreprise spécialisée dans le domaine de la propreté. Dans ces conditions, eu égard au nombre, à la diversité, et à la nature des documents produits, Mme B... établit résider sur le territoire français depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué. Par suite, sa demande de renouvellement d'admission au séjour devait être soumise pour avis à la commission du titre de séjour mentionnée à l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par voie de conséquence, l'intéressée est fondée à soutenir que l'arrêté attaqué a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière et à demander, pour ce motif et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, son annulation.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 octobre 2022 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle devait être renvoyée.
Sur les conclusions à fins d'injonction et d'astreinte :
6. Le motif d'annulation retenu implique seulement, pour l'exécution du présent arrêt, que le préfet de l'Essonne réexamine la demande de titre de séjour formée par Mme B.... Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de l'Essonne de statuer à nouveau sur la demande de l'intéressée dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocate peut donc se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser au conseil de Mme B..., Me Pierot, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2208515 du 10 mars 2023 du tribunal administratif de Versailles et l'arrêté du 4 octobre 2022 du préfet de l'Essonne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme B... dans le délai de trois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Pierot la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Marianne Pierot, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024.
Le président-assesseur,
J.-E. PILVENLe président-rapporteur,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE01969 2
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2022 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle devait être renvoyée, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2208515 du 10 mars 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 août 2023, Mme B..., représentée par Me Pierot, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une carte de séjour, assortie d'une astreinte fixée à 200 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt ; à défaut, d'enjoindre au même préfet d'examiner à nouveau sa situation dans un délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt et de lui délivrer dans l'attente de la décision une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler, sous astreinte définitive de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées et procèdent d'un examen incomplet de sa situation personnelle ;
- la décision de refus de séjour n'a pas été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur sa situation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'elle repose sur une décision de refus de séjour elle-même illégale ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale dès lors qu'elle repose sur une décision portant obligation de quitter le territoire français elle-même illégale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2023, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 6 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Albertini a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née le 6 juin 1977, déclare être entrée en France au cours du mois de septembre 2012 et s'y maintenir depuis lors. Elle a bénéficié, entre le 4 décembre 2015 et le 3 décembre 2020, de titres de séjour en qualité de parent d'un enfant français, puis elle a présenté une demande de changement de statut, sollicitant la délivrance d'une carte de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 octobre 2022, le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle devait être renvoyée. Mme B... relève appel du jugement du 10 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. (...) ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droites libertés d'autrui ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : (...) 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1. ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du même code : " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. ". Il résulte de ces dispositions que la commission du titre de séjour doit être saisie par l'autorité administrative pour avis dès lors que cette dernière envisage de refuser l'octroi d'un titre de séjour à un ressortissant étranger qui justifie avoir résidé habituellement en France pendant plus de dix ans.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est mère d'un enfant prénommé Aimeris, né le 31 octobre 2012 à La Tronche (Isère), lequel a acquis la nationalité française à la suite d'une reconnaissance préalable de paternité effectuée à son profit le 4 octobre 2012 par un ressortissant français, ce qui corrobore ses allégations sur une entrée en France le 5 septembre 2012 et l'époque où elle y a rencontré celui qu'elle présente comme le père de son enfant. Il ressort également des pièces du dossier que, saisi d'une requête en contestation de paternité, le tribunal de grande instance de Grenoble, par un jugement du 7 novembre 2019, a annulé l'acte de reconnaissance de paternité effectué au profit de l'enfant de Mme B..., ce dont la Procureure de la République du tribunal de grande instance d'Evry a été informée, sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale. Le préfet de l'Essonne a conclu de cette situation que Mme B... a pu se maintenir en situation régulière sur le territoire français, entre 2015 et 2020, au moyen de titres de séjour qui lui ont été délivrés, en qualité de parent d'enfant français, à la suite de la reconnaissance de paternité consentie à son fils de manière frauduleuse, ce que la requérante ne conteste pas dans la présente instance. Il ressort aussi des pièces du dossier que Mme B... justifie être présente en France depuis l'année 2012, et y avoir exercé une activité professionnelle stable entre 2016 et 2022, sous couvert d'un contrat à durée indéterminée conclu auprès d'une entreprise spécialisée dans le domaine de la propreté. Dans ces conditions, eu égard au nombre, à la diversité, et à la nature des documents produits, Mme B... établit résider sur le territoire français depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué. Par suite, sa demande de renouvellement d'admission au séjour devait être soumise pour avis à la commission du titre de séjour mentionnée à l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par voie de conséquence, l'intéressée est fondée à soutenir que l'arrêté attaqué a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière et à demander, pour ce motif et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, son annulation.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 octobre 2022 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle devait être renvoyée.
Sur les conclusions à fins d'injonction et d'astreinte :
6. Le motif d'annulation retenu implique seulement, pour l'exécution du présent arrêt, que le préfet de l'Essonne réexamine la demande de titre de séjour formée par Mme B.... Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de l'Essonne de statuer à nouveau sur la demande de l'intéressée dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocate peut donc se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser au conseil de Mme B..., Me Pierot, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2208515 du 10 mars 2023 du tribunal administratif de Versailles et l'arrêté du 4 octobre 2022 du préfet de l'Essonne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme B... dans le délai de trois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Pierot la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Marianne Pierot, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024.
Le président-assesseur,
J.-E. PILVENLe président-rapporteur,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE01969 2