CAA de NANTES, 3ème chambre, 26/01/2024, 23NT00720, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C..., agissant en son nom propre et en tant que représentante légale de son fils A... B..., a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de ... à l'indemniser à hauteur de 28 121 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en lien avec l'accident dont a été victime l'enfant A... B..., le 25 mai 2018.


Par un jugement n°1910246 du 28 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 mars 2023 et le 23 août 2023, Mme D... C..., représenté par Me Plateaux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de ... à lui verser la somme totale de 28 121 euros, majorée des intérêts moratoires et composés, en réparation des préjudices subis en lien avec l'accident dont a été victime l'enfant A... B..., le 25 mai 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de ... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elle soutient que :

- la minute du jugement attaqué n'est pas signée ; compte tenu de cette irrégularité, le jugement doit être annulé ;
- la responsabilité de la commune de ... est engagée pour défaut d'entretien normal d'un ouvrage public en raison du défaut de fixation au mur d'un radiateur ;
- le défaut d'entretien de l'ouvrage est certain et la preuve d'un entretien normal, qui incombe au maître d'ouvrage, n'est pas rapportée ;
- aucune faute d'imprudence susceptible d'atténuer la responsabilité communale ne peut être retenue à l'encontre A... ;
- la chute sur l'enfant d'un radiateur lui a causé une double fracture ayant nécessité la pose de broches, un traumatisme crânien, et les préjudices se traduisant par le besoin d'une assistance par tierce personne, un déficit fonctionnel temporaire total et partiel, des souffrances endurées, des préjudices esthétiques temporaires, un déficit fonctionnel permanent, un préjudice d'agrément et un préjudice moral, ainsi que des troubles dans ses conditions d'existence ;
elle-même est également fondée à être indemnisée de préjudices qui lui sont propres tenant à des troubles dans ses conditions d'existence et à un préjudice professionnel ;
- les préjudices dont elle est fondée à être indemnisée s'élèvent à la somme totale de 28 121 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés le 1er juin 2023 et le 13 septembre 2023, la commune de ... conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de la
Loire-Atlantique qui n'a pas produit d'observations.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vergne,
- les conclusions de M. Berthon,
- les observations de Me Plateaux, représentant Mme C..., et de Me Maury, représentant la commune de ....

Une note en délibéré a été présentée le 12 janvier 2024 par Mme C....


Considérant ce qui suit :

1. Le jeune A... B..., alors âgé de 9 ans et scolarisé en classe de CM1 à l'école publique de E..., a été victime d'un accident vers 10h45 le 25 mai 2018 au sein de cet établissement. A la suite d'un violent coup de pied que cet enfant a donné sur un radiateur mural métallique, cet équipement de chauffage de 220 cm de haut sur 60 cm de large s'est dégagé de ses fixations murales en partie haute et, pivotant sur les attaches sur lesquelles il reposait en partie basse, a basculé sur l'enfant. Celui-ci a été pris en charge pour un traumatisme crânien bénin et une double fracture tibia-péroné ayant nécessité la pose de broches. Mme C..., représentante légale de l'enfant, a recherché en vain devant le tribunal administratif de Nantes l'engagement de la responsabilité de la commune de ... sur le fondement du défaut d'entretien normal d'un ouvrage public. Elle relève appel du jugement du 28 février 2023 par lequel cette juridiction a rejeté sa requête indemnitaire.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort du jugement attaqué qu'il comporte l'ensemble des signatures prévues par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, aucune disposition n'imposant, par ailleurs, que l'expédition notifiée aux parties comporte ces signatures. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article, et, par suite, de l'irrégularité du jugement attaqué doit donc être écarté.

Sur la responsabilité de la commune de ... :

4. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit de l'imputabilité du dommage à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.

5. En premier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'élément d'ouvrage public en cause, un radiateur métallique, raccordé à une conduite d'eau du réseau de chauffage incorporée dans un mur en voile béton, reposant sur deux fixations basses en plastique rainuré et maintenu en partie haute par deux pattes de type ressort, aurait été installé en méconnaissance des prescriptions du fabricant. Sur ce point, l'allégation de la requérante selon laquelle, à la date de l'accident, l'équipement ne reposait pas sur les quatre points de fixation ou de maintien prévus par la documentation technique du fabricant n'est pas avérée. D'autre part, le choix, pour ce radiateur, d'une " fixation par rail vertical " consistant en une fixation par repos sur deux fixations situées en bas et par des crochets à ressorts en haut n'apparaît pas inadapté, alors au surplus qu'aucune norme ou recommandation de sécurité ne prévoit des précautions particulières à prendre pour ce type d'équipement de manière générale ou au sein d'un établissement scolaire. Ni la circonstance que la notice de montage fournie prévoit également un second mode de fixation, " par clips latéraux ", ni celle que la commune de ..., après l'accident, a modifié le système de pose du radiateur ne permettent d'établir le défaut d'aménagement ou d'entretien normal de cet élément d'ouvrage public.

6. En second lieu, alors que le radiateur ne présentait ni défaut de conception ni caractère dangereux pour des personnes qui en auraient fait un usage conforme à sa destination, il résulte de l'instruction que cet équipement n'a pu être désolidarisé de ses fixations qu'en raison de la violence du coup porté de bas en haut sur l'appareil par la victime. Une telle action, qui est à l'origine des dommages dont est demandée la réparation, ne constitue pas un usage normal de l'équipement en cause, même dans un milieu scolaire. Ainsi, l'accident dont cet enfant a été victime a eu pour cause déterminante son comportement et non un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public de nature à engager la responsabilité de la commune de ... sur ce terrain. Par suite, et sans qu'il soit besoin de s'interroger sur la question de savoir si le dommage principal dont est demandée la réparation des conséquences, soit la double fracture dont a été victime le jeune A..., a été causée par la chute sur son corps du radiateur mentionné ci-dessus ou par la force du coup de pied porté à ce matériel, Mme C... n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de la commune de ....

7. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices dont elle demande réparation.

Sur les frais liés au litige :

8. D'une part, en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par Mme C... doivent dès lors être rejetées. D'autre part, il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de ... fondées sur les mêmes dispositions.


D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de ... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme D... C... et à la commune de ....


Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,
- M Vergne, président-assesseur,
- Mme Lellouch, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2024.



Le rapporteur,





G.-V. VERGNE
La présidente,





C. BRISSON


Le greffier,



R. MAGEAU



La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique, en ce qui le concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23NT00720



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