CAA de NANTES, 4ème chambre, 19/01/2024, 22NT02651, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SELARL Athéna, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société ID Organisation, a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'ordonner la reprise des relations contractuelles s'agissant de la convention d'affermage et de location gérance pour l'exploitation du domaine de Trémelin et, d'autre part, de condamner Montfort communauté au versement d'une somme de 541 356 euros, au titre des préjudices subis par la société ID Organisation du fait de la délibération du 28 mars 2019 par laquelle le conseil communautaire de Montfort communauté a résilié la convention d'affermage et de location gérance pour la gestion du domaine de Trémelin dont elle était titulaire et de majorer la somme versée au titre des intérêts moratoires et composés.
Par un jugement nos 1902022, 1905389 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 août 2022 et 12 mai 2023, la SELARL Athéna, représentée par Me Plateaux, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 juin 2022 ;

2°) d'annuler la délibération du conseil communautaire du 28 mars 2019 portant résiliation pour motif d'intérêt général de la convention d'affermage et de location gérance pour la gestion du domaine de Trémelin ;

3°) de condamner Montfort Communauté à lui verser une somme de 541 356 euros en réparation des préjudices subis du fait de la résiliation de la convention d'affermage et de location gérance pour la gestion du domaine de Trémelin par la délibération du 28 mars 2019 ;

4°) de mettre à la charge de Montfort communauté la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
sur ses conclusions contestant la validité de la décision de résiliation :
- la décision litigieuse est irrégulière, pour violation des articles L. 2121-12 et L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales, en raison de l'information insuffisante des membres de l'organe délibérant ;
- Montfort communauté ne se prévaut d'aucun motif d'intérêt général de nature à justifier une résiliation du contrat, sans faute de la part de son cocontractant ;
- la décision de résiliation est entachée d'un détournement de procédure, dans la mesure où aucun manquement grave ne peut sérieusement être retenu par Montfort communauté, qui a reconnu expressément sa volonté de recourir à la résiliation unilatérale sans faute, pour contourner le formalisme requis par la procédure de résiliation pour faute du délégataire ;
sur ses conclusions à fin d'indemnisation :
- dans la mesure où l'exploitation du site n'était pas déficitaire, avant sa résiliation unilatérale par le délégant, son manque à gagner n'est pas sérieusement contestable et à supposer que la méthode d'évaluation du préjudice financier soit imprécise, il conviendrait d'ordonner une expertise avant-dire droit ;
- sa perte de recettes, pour la période 2020-2024, doit être indemnisée par ricochet de la requalification de la résiliation litigieuse en une mesure de résiliation irrégulière, pour faute du délégataire ;
- la restitution des acomptes versés constituait un préjudice indemnisable, qui pourra être évalué à la somme de 10 000 euros ;
- les créances déclarées par des tiers, auprès du tribunal de commerce, doivent être indemnisées, correspondant à la somme de 67 771,15 euros ;
- elle justifie d'un préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence à hauteur de 15 000 euros, du fait des propos tenus par les membres de l'organe délibérant de la collectivité, lors de l'adoption de la délibération valant résiliation du contrat, pour motif d'intérêt général ;
- elle doit être indemnisée d'un surcoût financier, inhérent à la présence d'un mandataire-liquidateur, à hauteur de 15 000 euros ;
- elle doit être indemnisée des frais de conseil, à hauteur de 6 000 euros ;
- elle justifie d'un préjudice, au titre de l'indemnisation de ses biens de retour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2023, Montfort communauté, représentée par Me Santos Pirès, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que soit mise à la charge de la SELARL Athéna une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
sur les conclusions contestant la validité de la décision de résiliation et à fin de reprise des relations contractuelles :
- à titre principal, il n'y a plus lieu d'y statuer dans la mesure où la société ID Organisation a été placée en liquidation judiciaire postérieurement à l'introduction de sa demande devant le tribunal administratif de Rennes ;
- à titre subsidiaire elles doivent être rejetées au fond dès lors qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé ;
sur les conclusions à fin d'indemnisation :
- le préjudice tiré du manque à gagner n'est pas établi et aucune mesure d'expertise n'avait donc à être ordonnée avant dire droit et en toutes hypothèses le manque à gagner ne constitue pas une dépense utile à la collectivité ;
- la perte de recettes n'a pas à être indemnisée en l'espèce, en l'absence de requalification de la résiliation en litige ;
- les acomptes sont insusceptibles de caractériser un préjudice indemnisable ;
- s'agissant des créances déclarées par des tiers, ces dépenses ne présentent aucune utilité pour la collectivité et n'ont pas de caractère certain ;
- le préjudice moral n'est pas établi et les éléments du dossier établissent la vérité des informations consignées dans la délibération de résiliation de la convention ;
- le préjudice lié au surcoût inhérent à la présence d'un mandataire-liquidateur n'est pas établi ;
- le préjudice lié aux biens de retour n'est pas établi.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de commerce ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,
- et les observations de Me Wistan Plateaux, substituant Me Antoine Plateaux pour la SELARL Athena, et de Me Donias substituant Me Santos Pirès pour la communauté d'agglomération de Montfort.

Une note en délibéré, présentée pour la SELARL Athena, a été enregistrée le 4 janvier 2024.

Une note en délibéré, présentée pour la SELARL Athena, a été enregistrée le 17 janvier 2024.



Considérant ce qui suit :
1. La communauté de communes Montfort communauté a confié à la société ID Organisation, par une convention d'affermage et de location gérance d'une durée de quinze ans, conclue le 28 février 2010, l'exploitation du domaine de Trémelin. Cette base de loisirs située sur le territoire de la commune d'Iffendic comprend 220 hectares de bois et forêts et 45 hectares de plan d'eau ainsi que des gîtes, un camping, des salles de réception et un restaurant. Par une délibération du 28 mars 2019, notifiée le 2 avril 2019 à la société, Montfort communauté a résilié cette convention pour motif d'intérêt général à compter du 30 septembre 2019. La SELARL Athéna, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société ID Organisation a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, l'annulation de la délibération du 28 mars 2019 et la reprise des relations contractuelles, d'autre part, la condamnation de Montfort communauté à lui verser la somme de 541 356 euros, au titre du préjudice découlant de cette résiliation. Par un jugement du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ces deux demandes. La SELARL Athéna fait appel de ce jugement.
Sur les conclusions contestant la validité de la décision de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles :
2. Il incombe au juge du contrat, saisi par une partie d'un recours de plein contentieux contestant la validité d'une mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles, lorsqu'il constate que cette mesure est entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien-fondé, de déterminer s'il y a lieu de faire droit, dans la mesure où elle n'est pas sans objet, à la demande de reprise des relations contractuelles, à compter d'une date qu'il fixe, ou de rejeter le recours, en jugeant que les vices constatés sont seulement susceptibles d'ouvrir, au profit du requérant, un droit à indemnité. Dans l'hypothèse où il fait droit à la demande de reprise des relations contractuelles, il peut décider, si des conclusions sont formulées en ce sens, que le requérant a droit à l'indemnisation du préjudice que lui a, le cas échéant, causé la résiliation, notamment du fait de la non-exécution du contrat entre la date de sa résiliation et la date fixée pour la reprise des relations contractuelles. Pour déterminer s'il y a lieu de faire droit à la demande de reprise des relations contractuelles, il incombe au juge du contrat d'apprécier, eu égard à la gravité des vices constatés et, le cas échéant, à celle des manquements du requérant à ses obligations contractuelles, ainsi qu'aux motifs de la résiliation, si une telle reprise n'est pas de nature à porter une atteinte excessive à l'intérêt général et, eu égard à la nature du contrat en cause, aux droits du titulaire d'un nouveau contrat dont la conclusion aurait été rendue nécessaire par la résiliation litigieuse. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel.
En ce qui concerne le non-lieu à statuer opposé par Montfort communauté :
3. Aux termes de l'article L. 641-11-1 du code de commerce : " I. - Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture ou du prononcé d'une liquidation judiciaire. (...) ". Il résulte des termes de ces dispositions que la continuation des contrats en cours, dans une procédure de liquidation judiciaire, est indépendante de toute poursuite provisoire d'activité. Par conséquent, la circonstance que la poursuite de l'activité de la société ID Organisation, qui faisait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, n'ait été autorisée que jusqu'au 29 septembre 2019 n'entraîne pas un non-lieu à statuer sur les conclusions contestant la validité de la décision de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles.
En ce qui concerne la validité de la décision de résiliation :
4. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, le moyen tiré de ce que la décision de résiliation litigieuse serait irrégulière, pour violation des articles L. 2121-12 et L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales, en raison de l'information insuffisante des membres de l'organe délibérant, moyen que la requérante reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales dont la substance est désormais reprise aux articles L. 3114-7 et L. 3114-8 du code de la commande publique : " Les conventions de délégation de service public doivent être limitées dans leur durée. Celle-ci est déterminée par la collectivité en fonction des prestations demandées au délégataire. Lorsque les installations sont à la charge du délégataire, la convention de délégation tient compte, pour la détermination de sa durée, de la nature et du montant de l'investissement à réaliser et ne peut dans ce cas dépasser la durée normale d'amortissement des installations mises en œuvre. Dans le domaine de l'eau potable, de l'assainissement, des ordures ménagères et autres déchets, les délégations de service public ne peuvent avoir une durée supérieure à vingt ans sauf examen préalable par le directeur départemental des finances publiques, à l'initiative de l'autorité délégante, des justificatifs de dépassement de cette durée. Les conclusions de cet examen sont communiquées aux membres de l'assemblée délibérante compétente avant toute délibération relative à la délégation ".
6. Il résulte de l'instruction que la société ID Organisation a notamment entrepris des travaux non autorisés par la convention, remettait ses rapports d'activité tardivement et de manière incomplète, n'a pas remis, malgré les demandes de Montfort communauté, un projet global de gestion des loisirs sur le site de Tremelin, que les principaux investissements ont été réalisés et financés par Montfort Communauté, cette dernière reconnaissant que le contrat aurait dû être plus précis sur ce point, que plusieurs activités de loisirs ont été exploitées sans accord, que la prise en charge des frais de surveillance de la baignade dans le lac de Tremelin a donné lieu à des discussions dont le résultat semble n'avoir satisfait aucune des parties, que des retards de paiement des redevances dues par la société ID Organisation ont été constatés, que cette dernière a manifesté le souhait de ne plus s'investir dans les activités de loisirs affermées et a décidé unilatéralement, à compter du 27 mars 2019, de ne plus payer la redevance due au titre du contrat d'affermage. L'ensemble de ces éléments témoignent d'une profonde détérioration des relations contractuelles, née d'une perte de confiance entre les parties faisant obstacle à la poursuite du contrat, et ont justifié par suite la résiliation unilatérale, pour ce motif qui revêt à lui seul un caractère d'intérêt général, de la convention en cause. Par voie de conséquence, les moyens tirés de l'absence de motif d'intérêt général justifiant la résiliation et du détournement de procédure doivent être écartés.
7. Par conséquent, dans les conditions précisées aux points précédents, la mesure de résiliation de la convention du 28 février 2010 n'est pas entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien-fondé et les conclusions de la SELARL Athéna tendant à la reprise des relations contractuelles ne peuvent alors qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
8. Si le titulaire d'une convention résiliée unilatéralement pour motif d'intérêt général peut prétendre à être indemnisé de la perte subie, c'est-à-dire des frais exposés sans contrepartie, ainsi que de son manque à gagner, c'est-à-dire de la perte des bénéfices nets qu'il pouvait légitimement escompter, il lui appartient d'établir la réalité de ce préjudice.
9. En premier lieu, la SELARL Athéna a produit une attestation émanant d'un expert-comptable estimant, sur la base d'un " prévisionnel établi le 29 octobre 2013 ", la perte des bénéfices nets escomptés sur cinq ou six ans entre 406 455 euros et 487 746 euros et les comptes annuels de la société ID Organisation arrêtés au 31 décembre 2017, mentionnant un bénéfice de 19 408 euros pour l'année 2017 et 64 735 euros pour l'année 2016. Toutefois, ce prévisionnel n'a pas été produit au dossier et ne peut suffire à établir la réalité du préjudice tiré du manque à gagner allégué dès lors qu'il a été établi en 2013 alors que la résiliation est intervenue le 30 septembre 2019, les projections fixées étant dénuées de valeur probante. L'attestation de l'expert-comptable est également dépourvue des précisions nécessaires à établir l'existence d'un préjudice, ne mentionnant pas notamment la délégation de service public en cause ou la nature des dépenses financières engagées. S'agissant des comptes annuels arrêtés au 31 décembre 2017, Montfort communauté fait valoir sans être utilement contredite que la société ID Organisation n'intégrait pas la totalité de la redevance due dans ses données financières et prenait en compte des résultats issus de l'exploitation d'activités non autorisées ou de tarifs non approuvés. Enfin, le prévisionnel établi en 2013 et les comptes annuels arrêtés au 31 décembre 2017 font état de montants sensiblement différents. Ainsi, le manque à gagner invoqué par la SELARL Athéna présente un caractère purement éventuel.
10. En deuxième lieu, si la requérante soutient que la restitution des acomptes qu'elle avait perçus au titre de réservations de salle prévues pour la période postérieure au 30 septembre 2019, date d'effet de la résiliation, a entraîné une perte de trésorerie et un manque à gagner dès lors qu'en cas d'annulation ultérieure des réservations opérées, le maintien de l'acompte était acquis, il n'est ni établi ni même allégué que des annulations auraient eu lieu, la collectivité faisant d'ailleurs valoir sans être contestée que les événements qui avaient été programmés avant le 30 septembre 2019 pour se tenir après cette date se sont effectivement déroulés. En outre ces acomptes ne correspondent pas à une activité de la société requérante dont la perte serait susceptible d'être indemnisable dès lors qu'ils sont relatifs à des réservations pour des périodes postérieures à la résiliation.
11. En troisième lieu, la SELARL Athena demande à être indemnisée du montant de trois créances déclarées après le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société ID Organisation, d'une part, par la société SGB Finances pour un montant de 16 271,04 euros, au titre de l'indemnité de résiliation du contrat de location de deux " maisons habitat légères Coco sweet ", et, d'autre part, par la société Heineken Entreprise, pour des montants de 598,94 euros et 50 901,17 euros, correspondant à des sommes dues au titre d'un prêt d'un montant initial de 30 150 euros. Toutefois, la seule production du jugement de liquidation judiciaire et des déclarations de créances ne suffit pas à établir que ces créances auraient été définitivement admises au passif de la liquidation et constitueraient une dépense certaine indemnisable comme ayant la nature d'une perte exposée pour les besoins de l'activité exercée dans le cadre du contrat régulièrement résilié pour motif d'intérêt général.
12. En quatrième lieu, la seule circonstance qu'un article de presse ait relaté les éléments reprochés par Montfort communauté à la société ID Organisation ne suffit pas à établir un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence de cette dernière.
13. En cinquième lieu, si la société requérante soutient qu'elle doit être indemnisée d'un surcoût financier, inhérent à la présence d'un mandataire-liquidateur, à hauteur de 15 000 euros, elle n'apporte aucun élément pour justifier cette somme, qui est afférente à la seule procédure de liquidation judiciaire et ne constitue pas une perte exposée pour les besoins de l'exécution du contrat en cause. De plus, il ne résulte pas de l'instruction que la liquidation judiciaire de la société ID Organisation serait imputable uniquement à la mesure de résiliation.
14. En sixième lieu, si la société requérante demande l'indemnisation du versement " des frais de conseil ", qui auraient été engagés en lien avec la mesure de résiliation, elle n'établit pas qu'il s'agirait d'un préjudice indemnisable indépendamment de l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dès lors sa demande d'indemnisation des frais de conseil doit être rejetée.
15. En septième et dernier lieu, la fixation des modalités d'indemnisation de la part non amortie des biens de retour dans un contrat de concession obéit, compte tenu de la nature d'un tel préjudice, à des règles spécifiques. Lorsqu'une personne publique résilie une concession avant son terme normal, le concessionnaire est fondé à demander l'indemnisation du préjudice qu'il subit à raison du retour anticipé des biens à titre gratuit dans le patrimoine de la collectivité publique, dès lors qu'ils n'ont pu être totalement amortis. Lorsque l'amortissement de ces biens a été calculé sur la base d'une durée d'utilisation inférieure à la durée du contrat, cette indemnité est égale à leur valeur nette comptable inscrite au bilan. Dans le cas où leur durée d'utilisation était supérieure à la durée du contrat, l'indemnité est égale à la valeur nette comptable qui résulterait de l'amortissement de ces biens sur la durée du contrat. En l'espèce, le contrat résilié par la délibération du 28 mars 2019, qualifié par les parties de " contrat d'affermage et de location gérance libre ", s'il envisageait la possibilité d'investissements par le cocontractant de Montfort Communauté, n'imposait pas explicitement à celui-ci la prise en charge d'investissements précis.
16. En particulier, la société requérante ne saurait utilement se prévaloir des stipulations de l'article 29 de la convention de délégation de service public litigieuse, qui ne sont pas relatives aux biens de retour. Si elle se prévaut des stipulations de l'article 28-2 de cette convention, relatives aux ouvrages éventuellement financés par le délégataire, elle ne produit aucune pièce de nature à justifier de la nature et du montant de ses investissements et à établir l'existence d'un préjudice indemnisable au titre de la valeur des biens de retour.
17. Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Athéna n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Montfort communauté, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SELARL Athéna demande à ce titre. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés en appel par Montfort communauté et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SELARL Athéna est rejetée.
Article 2 : La SELARL Athéna versera à Montfort communauté la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Athéna, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ID Organisation, et à la communauté de communes Montfort communauté.
Délibéré après l'audience du 2 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.


Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2024.


La rapporteure
P. PICQUET
Le président
L. LAINÉLe greffier

C. WOLF

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 22NT02651



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