CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 18/01/2024, 23MA01778, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 26 avril 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2205020 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2023, M. B... A..., représenté par Me Almairac, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 16 mars 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2022 en litige ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer le titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;
- le préfet des Alpes-Maritimes s'est fondé sur des faits matériellement inexacts en ne retenant que partiellement les justificatifs qu'il a produits ;
- le préfet des Alpes-Maritimes a commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 422-23, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de mémoire.

La demande d'aide juridictionnelle de M. A... a été rejetée par une décision du 26 mai 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Claudé-Mougel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité bangladaise, demande l'annulation du jugement du 16 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 26 avril 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Sur le bien-fondé du jugement et les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française. "

3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé, appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le juge de l'excès de pouvoir exerce sur cette appréciation un entier contrôle.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du Var avant l'âge de seize ans. Accompagné par la mission locale Nice Côte d'Azur, il a entamé un apprentissage dans le domaine de la restauration au cours du mois de juillet 2020, qu'il a poursuivi en étant inscrit, à compter du mois de novembre 2020, au centre de formation des apprentis (CFA) régional de l'académie de Nice en vue de l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) cuisine. Si ses bulletins de notes des premier et deuxième trimestres 2020 font état respectivement de 24 heures et de 19 heures d'absence injustifiées, les appréciations de ses formateurs soulignent son sérieux et sa rapide intégration, son bon voire son excellent travail, ainsi que son attitude volontaire, même si ces difficultés d'apprentissage de la langue française y sont également mentionnées. Le compte-rendu de l'accompagnement socio-éducatif établi par le directeur du pôle hébergement de l'association Montjoye du 6 octobre 2021, s'il mentionne ces mêmes difficultés et la faible autonomie qui en découle dans ses démarches administratives, confirme son indépendance dans sa vie quotidienne, le fait qu'il se montre volontaire pour réussir son parcours d'insertion en France et, par ailleurs, qu'il n'a jamais eu de problème de comportement, en étant très respectueux avec le personnel et les règles de fonctionnement de l'établissement. Ce rapport fait également état de ce que M. A... n'a plus aucun contact avec sa famille restée au Bangladesh. Au regard de l'ensemble de ces éléments, en refusant de délivrer le titre de séjour que ce dernier sollicitait, le préfet des Alpes-Maritimes a fait une inexacte application des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens qu'il invoque, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande, et à demander l'annulation de son jugement du 22 septembre 2022, celle de la décision du préfet des Alpes-Maritimes du 26 avril 2022 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, celle des autres décisions contenues dans l'arrêté contesté.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans les circonstances de droit ou de fait y ferait obstacle, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Alpes-Maritimes délivre à M. A... la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " qu'il a sollicité sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai d'un mois à compter de sa notification, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais d'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... d'une somme de 1 500 euros.

D É C I D E

Article 1er : Le jugement n° 2205020 du 16 mars 2023 du tribunal administratif de Nice et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 26 avril 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Almairac.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.

Délibéré après l'audience du 4 janvier 2024, où siégeaient :

- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président-assesseur,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 janvier 2024
N° 23MA01778 2




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