Conseil d'État, 5ème chambre, 27/12/2023, 475167, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, 5ème chambre, 27/12/2023, 475167, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - 5ème chambre
- N° 475167
- ECLI:FR:CECHS:2023:475167.20231227
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mercredi
27 décembre 2023
- Rapporteur
- M. Jean-Dominique Langlais
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 12 décembre 2022 par laquelle la commission de médiation du Doubs a refusé de la reconnaître comme prioritaire et devant être relogée en urgence, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux, et d'enjoindre au préfet du Doubs de lui faire des propositions de logement social dans un délai de trois mois. Par un jugement n° 2300122 du 17 avril 2023, le tribunal administratif a annulé la décision du 12 décembre 2022 et enjoint au préfet du Doubs de saisir dans un délai d'un mois la commission de médiation du Doubs pour qu'elle propose en urgence à Mme A... de nouveaux logements compatibles avec ses conditions de santé.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 juin et 15 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement en tant que, par son article 2, il prononce une injonction à l'égard du préfet du Doubs.
Le ministre soutient que le jugement du tribunal administratif de Besançon qu'il attaque est entaché d'une erreur de droit et d'une méconnaissance de son office par le juge en ce qu'il enjoint au préfet de saisir la commission de médiation pour qu'elle fasse des offres de relogement en urgence à l'intéressée alors que l'exécution d'une telle injonction n'entre ni dans les compétences du préfet ni dans celles de la commission de médiation.
Le pourvoi du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a été communiqué à Mme A..., qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation : " La commission de médiation peut être saisie par toute personne qui, satisfaisant aux conditions réglementaires d'accès à un logement locatif social, n'a reçu aucune proposition adaptée en réponse à sa demande de logement dans le délai fixé en application de l'article L. 441-1-4. / Elle peut être saisie sans condition de délai lorsque le demandeur, de bonne foi, est dépourvu de logement, menacé d'expulsion sans relogement, hébergé ou logé temporairement dans un établissement ou un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, logé dans des locaux impropres à l'habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux. Elle peut également être saisie, sans condition de délai, lorsque le demandeur est logé dans des locaux manifestement suroccupés ou ne présentant pas le caractère d'un logement décent, s'il a au moins un enfant mineur, s'il présente un handicap au sens de l'article L. 114 du code de l'action sociale et des familles ou s'il a au moins une personne à charge présentant un tel handicap. Elle peut aussi être saisie sans condition de délai lorsque le demandeur ou une personne à sa charge est logé dans un logement non adapté à son handicap, au sens du même article L. 114. (...) / Dans un délai fixé par décret, la commission de médiation désigne les demandeurs qu'elle reconnaît prioritaires et auxquels un logement doit être attribué en urgence. Elle détermine pour chaque demandeur, en tenant compte de ses besoins et de ses capacités, les caractéristiques de ce logement ... / La commission de médiation transmet au représentant de l'Etat dans le département la liste des demandeurs auxquels doit être attribué en urgence un logement. (...) / Le représentant de l'Etat dans le département ou, en Ile-de-France, le représentant de l'Etat dans la région désigne chaque demandeur à un organisme bailleur disposant de logements correspondant à la demande. (...) / En cas de refus de l'organisme de loger le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département qui l'a désigné procède à l'attribution d'un logement correspondant aux besoins et aux capacités du demandeur sur ses droits de réservation. (...) / (...) ".
2. Il ne résulte ni de ces dispositions ni d'aucun autre texte que la commission de médiation puisse être saisie par le représentant de l'Etat ni qu'il lui appartienne de proposer un logement au demandeur.
3. Il s'ensuit qu'en enjoignant au préfet du Doubs de saisir la commission de médiation du Doubs pour qu'elle propose de nouveaux logements à Mme A..., la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a commis une erreur de droit qui justifie l'annulation de son jugement en tant qu'il prononce une telle injonction.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
5. Par son jugement du 17 avril 2023, devenu définitif sur ce point, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du 12 décembre 2022 par laquelle la commission de médiation du Doubs avait refusé de reconnaître Mme A... comme prioritaire et devant être relogée en urgence au sens des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 431-2-3 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que la décision rejetant de son recours gracieux. Cette annulation implique seulement que la commission de médiation du Doubs réexamine, sur le fondement des mêmes dispositions, la demande de Mme A.... Il y a lieu de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Besançon du 17 avril 2023 est annulé.
Article 2 : Il est enjoint à la commission de médiation du Doubs de procéder au réexamen de la demande de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de Besançon est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à Mme B... A....
Délibéré à l'issue de la séance du 30 novembre 2023 où siégeaient : M. Jean Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 27 décembre 2023.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
Le rapporteur :
Signé : M. Jean-Dominique Langlais
La secrétaire :
Signé : Mme Anne-Lise Calvaire
ECLI:FR:CECHS:2023:475167.20231227
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 12 décembre 2022 par laquelle la commission de médiation du Doubs a refusé de la reconnaître comme prioritaire et devant être relogée en urgence, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux, et d'enjoindre au préfet du Doubs de lui faire des propositions de logement social dans un délai de trois mois. Par un jugement n° 2300122 du 17 avril 2023, le tribunal administratif a annulé la décision du 12 décembre 2022 et enjoint au préfet du Doubs de saisir dans un délai d'un mois la commission de médiation du Doubs pour qu'elle propose en urgence à Mme A... de nouveaux logements compatibles avec ses conditions de santé.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 juin et 15 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement en tant que, par son article 2, il prononce une injonction à l'égard du préfet du Doubs.
Le ministre soutient que le jugement du tribunal administratif de Besançon qu'il attaque est entaché d'une erreur de droit et d'une méconnaissance de son office par le juge en ce qu'il enjoint au préfet de saisir la commission de médiation pour qu'elle fasse des offres de relogement en urgence à l'intéressée alors que l'exécution d'une telle injonction n'entre ni dans les compétences du préfet ni dans celles de la commission de médiation.
Le pourvoi du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a été communiqué à Mme A..., qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation : " La commission de médiation peut être saisie par toute personne qui, satisfaisant aux conditions réglementaires d'accès à un logement locatif social, n'a reçu aucune proposition adaptée en réponse à sa demande de logement dans le délai fixé en application de l'article L. 441-1-4. / Elle peut être saisie sans condition de délai lorsque le demandeur, de bonne foi, est dépourvu de logement, menacé d'expulsion sans relogement, hébergé ou logé temporairement dans un établissement ou un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, logé dans des locaux impropres à l'habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux. Elle peut également être saisie, sans condition de délai, lorsque le demandeur est logé dans des locaux manifestement suroccupés ou ne présentant pas le caractère d'un logement décent, s'il a au moins un enfant mineur, s'il présente un handicap au sens de l'article L. 114 du code de l'action sociale et des familles ou s'il a au moins une personne à charge présentant un tel handicap. Elle peut aussi être saisie sans condition de délai lorsque le demandeur ou une personne à sa charge est logé dans un logement non adapté à son handicap, au sens du même article L. 114. (...) / Dans un délai fixé par décret, la commission de médiation désigne les demandeurs qu'elle reconnaît prioritaires et auxquels un logement doit être attribué en urgence. Elle détermine pour chaque demandeur, en tenant compte de ses besoins et de ses capacités, les caractéristiques de ce logement ... / La commission de médiation transmet au représentant de l'Etat dans le département la liste des demandeurs auxquels doit être attribué en urgence un logement. (...) / Le représentant de l'Etat dans le département ou, en Ile-de-France, le représentant de l'Etat dans la région désigne chaque demandeur à un organisme bailleur disposant de logements correspondant à la demande. (...) / En cas de refus de l'organisme de loger le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département qui l'a désigné procède à l'attribution d'un logement correspondant aux besoins et aux capacités du demandeur sur ses droits de réservation. (...) / (...) ".
2. Il ne résulte ni de ces dispositions ni d'aucun autre texte que la commission de médiation puisse être saisie par le représentant de l'Etat ni qu'il lui appartienne de proposer un logement au demandeur.
3. Il s'ensuit qu'en enjoignant au préfet du Doubs de saisir la commission de médiation du Doubs pour qu'elle propose de nouveaux logements à Mme A..., la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a commis une erreur de droit qui justifie l'annulation de son jugement en tant qu'il prononce une telle injonction.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
5. Par son jugement du 17 avril 2023, devenu définitif sur ce point, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du 12 décembre 2022 par laquelle la commission de médiation du Doubs avait refusé de reconnaître Mme A... comme prioritaire et devant être relogée en urgence au sens des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 431-2-3 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que la décision rejetant de son recours gracieux. Cette annulation implique seulement que la commission de médiation du Doubs réexamine, sur le fondement des mêmes dispositions, la demande de Mme A.... Il y a lieu de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Besançon du 17 avril 2023 est annulé.
Article 2 : Il est enjoint à la commission de médiation du Doubs de procéder au réexamen de la demande de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de Besançon est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à Mme B... A....
Délibéré à l'issue de la séance du 30 novembre 2023 où siégeaient : M. Jean Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 27 décembre 2023.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
Le rapporteur :
Signé : M. Jean-Dominique Langlais
La secrétaire :
Signé : Mme Anne-Lise Calvaire