Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 21/12/2023, 471189
Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 21/12/2023, 471189
Conseil d'État - 8ème - 3ème chambres réunies
- N° 471189
- ECLI:FR:CECHR:2023:471189.20231221
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
jeudi
21 décembre 2023
- Rapporteur
- Mme Ophélie Champeaux
- Avocat(s)
- SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET ; CABINET MUNIER-APAIRE
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. D... A..., la société civile immobilière (SCI) du Roussay et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la délibération du conseil municipal de Clomot (Côte-d'Or) du 16 octobre 2019 et la convention conclue le 22 janvier 2020 entre cette commune et la société Intervent, ainsi que la décision implicite du maire rejetant leur recours tendant au retrait de ces actes. Par une ordonnance n° 2000832 du 6 avril 2020, la magistrate déléguée par le président de ce tribunal a transmis la requête à la cour administrative d'appel de Lyon, en application des dispositions de l'article R. 351-3 et du 13° de l'article R. 311-5 du code de justice administrative. Par un arrêt n° 20LY01275 du 8 décembre 2022, la cour a rejeté cette requête.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire enregistrés les 8 février, 9 mai et 17 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur requête ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Clomot et de la société Intervent, solidairement, la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Munier-Apaire, avocat de M. A... et autres, et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Intervent ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par une délibération du 16 octobre 2019, le conseil municipal de Clomot (Côte d'or) a autorisé son maire à conclure avec la société Intervent une convention d'occupation et d'utilisation de plusieurs voies et chemins relevant du domaine public communal, pour les besoins d'un projet de création d'un parc éolien. La convention a été signée le même jour par le maire, et le 22 janvier 2020 par la société Intervent. M. A... et autres ont demandé au tribunal administratif de Dijon qui a transmis leur requête à la cour administrative de Lyon en application des dispositions du 13° de l'article R. 311-5 du code de justice administrative, l'annulation de cette délibération, de la convention ainsi que de la décision implicite du maire rejetant leur recours tendant au retrait de ces actes. Par un arrêt du 8 décembre 2022, contre lequel ils se pourvoient en cassation, cette cour a rejeté leur requête.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales " Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-21 du même code : " Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier : / 1° De conserver et d'administrer les propriétés de la commune et de faire, en conséquence, tous actes conservatoires de ses droits ; (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-22 du même code : " Le maire peut (...), par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (...) 5° de décider de la conclusion et de la révision du louage de choses pour une durée n'excédant pas douze ans ; / (...) ". Enfin, selon l'article R. 2241-1 du même code : " Les autorisations d'occupation ou d'utilisation du domaine public communal sont délivrées par le maire ".
3. D'autre part, l'article R. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques prévoit que " l'autorisation d'occupation ou d'utilisation du domaine public peut être consentie, à titre précaire et révocable, par la voie d'une décision unilatérale ou d'une convention ".
4. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le maire n'est compétent pour décider la conclusion de conventions d'occupation du domaine public que sur délégation du conseil municipal prise en application des dispositions précitées du 5° de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales et pour les conventions dont la durée n'excède pas douze ans et, d'autre part, que s'il appartient au conseil municipal de délibérer sur les conditions générales d'administration du domaine communal, le maire est seul compétent pour délivrer et retirer les autorisations unilatérales d'occuper temporairement ce domaine.
5. A l'appui de leur contestation de la validité de la convention mentionnée au point 1, les requérants se prévalaient de l'illégalité de la délibération du conseil municipal autorisant sa conclusion. Pour écarter cette argumentation, la cour s'est fondée sur ce que cette convention ayant pour objet l'occupation du domaine public, le maire était seul compétent pour la conclure en vertu des dispositions de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales, de sorte que la délibération contestée présentait un caractère superfétatoire. En statuant ainsi, sans rechercher si délégation avait été donnée au maire en application du 5° de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, ni quelle était la durée de cette convention, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, les requérants sont fondés à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Intervent, le versement de la somme globale de 3 000 euros aux requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge des requérants qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 8 décembre 2022 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : La société Intervent versera la somme globale de 3 000 euros à M. A..., à la société du Roussay et à M. C....
Article 4 : Les conclusions de la société Intervent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. D... A..., à la société civile immobilière du Roussay, à M. B... C..., à la commune de Clomot et à la société par actions simplifiée Intervent.
Délibéré à l'issue de la séance du 6 décembre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Philippe Ranquet, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes-rapporteure ;
Rendu le 21 décembre 2023.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Ophélie Champeaux
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle
ECLI:FR:CECHR:2023:471189.20231221
M. D... A..., la société civile immobilière (SCI) du Roussay et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la délibération du conseil municipal de Clomot (Côte-d'Or) du 16 octobre 2019 et la convention conclue le 22 janvier 2020 entre cette commune et la société Intervent, ainsi que la décision implicite du maire rejetant leur recours tendant au retrait de ces actes. Par une ordonnance n° 2000832 du 6 avril 2020, la magistrate déléguée par le président de ce tribunal a transmis la requête à la cour administrative d'appel de Lyon, en application des dispositions de l'article R. 351-3 et du 13° de l'article R. 311-5 du code de justice administrative. Par un arrêt n° 20LY01275 du 8 décembre 2022, la cour a rejeté cette requête.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire enregistrés les 8 février, 9 mai et 17 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur requête ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Clomot et de la société Intervent, solidairement, la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Munier-Apaire, avocat de M. A... et autres, et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Intervent ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par une délibération du 16 octobre 2019, le conseil municipal de Clomot (Côte d'or) a autorisé son maire à conclure avec la société Intervent une convention d'occupation et d'utilisation de plusieurs voies et chemins relevant du domaine public communal, pour les besoins d'un projet de création d'un parc éolien. La convention a été signée le même jour par le maire, et le 22 janvier 2020 par la société Intervent. M. A... et autres ont demandé au tribunal administratif de Dijon qui a transmis leur requête à la cour administrative de Lyon en application des dispositions du 13° de l'article R. 311-5 du code de justice administrative, l'annulation de cette délibération, de la convention ainsi que de la décision implicite du maire rejetant leur recours tendant au retrait de ces actes. Par un arrêt du 8 décembre 2022, contre lequel ils se pourvoient en cassation, cette cour a rejeté leur requête.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales " Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-21 du même code : " Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier : / 1° De conserver et d'administrer les propriétés de la commune et de faire, en conséquence, tous actes conservatoires de ses droits ; (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-22 du même code : " Le maire peut (...), par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (...) 5° de décider de la conclusion et de la révision du louage de choses pour une durée n'excédant pas douze ans ; / (...) ". Enfin, selon l'article R. 2241-1 du même code : " Les autorisations d'occupation ou d'utilisation du domaine public communal sont délivrées par le maire ".
3. D'autre part, l'article R. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques prévoit que " l'autorisation d'occupation ou d'utilisation du domaine public peut être consentie, à titre précaire et révocable, par la voie d'une décision unilatérale ou d'une convention ".
4. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le maire n'est compétent pour décider la conclusion de conventions d'occupation du domaine public que sur délégation du conseil municipal prise en application des dispositions précitées du 5° de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales et pour les conventions dont la durée n'excède pas douze ans et, d'autre part, que s'il appartient au conseil municipal de délibérer sur les conditions générales d'administration du domaine communal, le maire est seul compétent pour délivrer et retirer les autorisations unilatérales d'occuper temporairement ce domaine.
5. A l'appui de leur contestation de la validité de la convention mentionnée au point 1, les requérants se prévalaient de l'illégalité de la délibération du conseil municipal autorisant sa conclusion. Pour écarter cette argumentation, la cour s'est fondée sur ce que cette convention ayant pour objet l'occupation du domaine public, le maire était seul compétent pour la conclure en vertu des dispositions de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales, de sorte que la délibération contestée présentait un caractère superfétatoire. En statuant ainsi, sans rechercher si délégation avait été donnée au maire en application du 5° de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, ni quelle était la durée de cette convention, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, les requérants sont fondés à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Intervent, le versement de la somme globale de 3 000 euros aux requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge des requérants qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 8 décembre 2022 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : La société Intervent versera la somme globale de 3 000 euros à M. A..., à la société du Roussay et à M. C....
Article 4 : Les conclusions de la société Intervent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. D... A..., à la société civile immobilière du Roussay, à M. B... C..., à la commune de Clomot et à la société par actions simplifiée Intervent.
Délibéré à l'issue de la séance du 6 décembre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Philippe Ranquet, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes-rapporteure ;
Rendu le 21 décembre 2023.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Ophélie Champeaux
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle