CAA de BORDEAUX, 1ère chambre, 07/12/2023, 22BX02226, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. C... et B... A... ont demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la délibération du 21 janvier 2021 par laquelle le conseil municipal de la commune de La Trinité a approuvé la révision du plan local d'urbanisme, subsidiairement, d'annuler cette délibération en tant seulement qu'elle classe la parcelle cadastrée section V n° 450 en zone naturelle et en espace boisé.

Par un jugement n° 2100202 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 août 2022, MM. A..., représentés par Me Labetoule, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 9 juin 2022 ;

2°) d'annuler la délibération du 21 janvier 2021 par laquelle le conseil municipal de la commune de La Trinité a approuvé la révision du plan local d'urbanisme, subsidiairement, en tant seulement qu'elle classe la parcelle cadastrée section V n° 450 en zone naturelle et en espace boisé ;

3°) d'enjoindre à la commune de La Trinité de classer cette parcelle en zone U et subsidiairement de réexaminer son classement ;

4°) de mettre à la charge de la commune de La Trinité une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier faute d'avoir été signé conformément à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- il est insuffisamment motivé, les premiers juges ayant répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qui entache le classement de la parcelle en zone N mais pas en zone N1 ;
- la délibération du 21 janvier 2021 a été édictée en méconnaissance de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, la note de synthèse adressée aux conseillers municipaux ne comportant aucune explication quant aux partis retenus, au sens et à la portée du plan révisé, au sens de l'avis émis par le commissaire-enquêteur et à la portée des modifications apportées au projet à la suite de l'avis émis par ce-dernier et par les personnes publiques associées ;
- les modalités de concertation préalable à la révision déterminées dans la délibération du 30 novembre 2015 prescrivant la révision du plan local d'urbanisme n'ont pas été respectées ; en particulier, il n'est pas établi qu'un article relatif au plan local d'urbanisme arrêté a été inséré dans un bulletin municipal et que les deux " mini expositions " prévues ont bien été réalisées ;
- le rapport de présentation du plan local d'urbanisme est insuffisant au regard des exigences de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme ; il n'indique pas les raisons justifiant le classement de leur parcelle en zone N1, ni la modification du classement des parcelles, auparavant en zone N1, en zone U et ne contient aucune indication s'agissant des quartiers " La Crique " et " Habitation Saint-Joseph " ;
- le zonage retenu par la délibération litigieuse est en contradiction avec le projet d'aménagement et de développement durable qui retient notamment des objectifs de " redynamisation du bourg en reconquérant les parcelles non bâties ou en déshérence " et de " développement maitrisé de l'arrière-bourg ", idées figurant également dans les orientations d'aménagement et de programmation ; c'est à tort que les premiers juges ont retenu que ces objectifs ne concernent que le centre-bourg ;
- le classement de la parcelle en zone N1 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; la parcelle ne présente aucun intérêt écologique ou environnemental particulier ; le commissaire-enquêteur a estimé que les parcelles situées en périphérie d'une zone U devait y être intégrées ; le caractère urbain de la zone dans laquelle se situe la parcelle résulte du schéma d'aménagement régional de la Martinique ; des travaux diligentés par le conseil régional de la Martinique ont été réalisés sans autorisation sur la parcelle ce qui démontre son absence de qualité environnementale particulière et de caractère naturel ; les études géotechniques auxquelles ils ont fait procéder démontrent la constructibilité du terrain ;
- la classement de la parcelle en " espace boisé " est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; un tel classement n'est en toute hypothèse pas incompatible avec un classement en zone constructible ;
- le classement de la parcelle en cause méconnaît le principe d'égalité des citoyens devant la loi dès lors que des terrains voisins présentant des caractéristiques identiques ont été classés en zone constructible ;
- l'annulation de la délibération en tant qu'elle classe la parcelle en cause en zone N1 ne pourra avoir pour effet de remettre en vigueur le zonage antérieur identique prévu par le plan local d'urbanisme adopté en 2007, ni le zonage agricole prévu par le plan d'occupation des sols précédent ; il reviendra à la commune, en application du règlement national d'urbanisme, de classer la parcelle en zone U.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 janvier 2023, la commune de La Trinité, représentée par Me Nicolas, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de MM. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par MM. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Kolia Gallier,
- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,
- et les observations de Me Bouchet, représentant MM. A....

Une note en délibéré, présentée pour MM. A..., a été enregistrée le 17 novembre 2023.


Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 21 janvier 2021, le conseil municipal de La Trinité a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune. MM. A..., propriétaires de la parcelle cadastrée section V n° 450 sur le territoire de cette commune, ont demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler cette délibération. Ils relèvent appel du jugement du 9 juin 2022 par lequel le tribunal a rejeté leur demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. "

3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et la greffière d'audience, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à MM. A... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

4. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".

5. Il ressort des écritures de MM. A... devant les premiers juges que ceux-ci ont entendu contester le classement de leur parcelle en zone N et plus spécifiquement en zone N1, rendant leur terrain inconstructible. Si les premiers juges ont visé le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qui entacherait le classement de la parcelle en cause en zone N et y ont répondu, le jugement ne comporte, ni dans ses visas, ni dans ses motifs, d'élément relatif à l'argumentation spécifique des demandeurs s'agissant du classement en zone N1 qui ne pouvait, eu égard à sa nature, être regardée comme venant simplement au soutien du moyen relatif au classement en zone N. Les requérants sont ainsi fondés à soutenir que les premiers juges ont omis de répondre à l'un des moyens soulevés devant eux. Par suite, le jugement attaqué est irrégulier dans cette mesure et doit être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions des demandeurs relatives au classement de leur parcelle en zone N1.

6. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions présentées par MM. A... relatives au classement de leur parcelle en zone N1 et de statuer, par la voie de l'effet dévolutif, sur les autres conclusions de la requête.

Sur les conclusions relatives au classement en zone N1 :

7. Aux termes de l'article R. 151-17 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite, sur le ou les documents graphiques, les zones urbaines, les zones à urbaniser, les zones agricoles, les zones naturelles et forestières. / Il fixe les règles applicables à l'intérieur de chacune de ces zones dans les conditions prévues par la présente section. " Aux termes de l'article R. 151-24 du même code : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; / 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; / 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues. "

8. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

9. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle V n° 450 se situe à environ un kilomètre de la zone densément urbanisée du littoral du nord de la commune de La Trinité et qu'elle est bordée, à l'est par une route nationale au-delà de laquelle se situe une zone peu densément urbanisée puis par quelques maisons et un complexe de soins entourés de végétation, sur sa courte portion sud par un quartier pavillonnaire, à l'ouest par quelques maisons encadrées d'espaces naturels et au nord par une parcelle presque entièrement naturelle. La parcelle des requérants, vaste de plus de 11 hectares, est quant à elle entièrement boisée et classée depuis l'élaboration du premier plan local d'urbanisme de 2007 en zone N1 espace boisé. Il ressort du projet d'aménagement et de développement durables et des orientations d'aménagement et de programmation que les auteurs du plan local d'urbanisme ont entendu développer de façon maitrisé l'arrière-bourg et rééquilibrer l'urbanisation de la commune vers le nord tout en prenant en compte les contraintes environnementales et en modérant la consommation des espaces naturels qui doivent être préservés. Les circonstances que le commissaire-enquêteur, dont l'avis ne contraint pas les auteurs du plan, ait mentionné de façon générale l'opportunité d'intégrer partiellement ou totalement en zone U les parcelles situées à leur périphérie et qu'un document graphique du schéma d'aménagement régional de la Martinique, qui ne fixe que des orientations générales en matière de développement durable, de mise en valeur du territoire et de protection de l'environnement, fasse apparaitre la parcelle des requérants en " zone d'urbanisation " sont sans incidence sur le classement de la parcelle en zone N. Sont également sans incidence sur l'appréciation portée par les auteurs du plan sur le classement de la parcelle en zone naturelle les circonstances que le conseil régional de la Martinique aurait fait procéder à des travaux de confortement de la route nationale en empiétant sur la parcelle et que des études géotechniques diligentées par les requérants établiraient son caractère constructible. Enfin, MM. A... ne peuvent utilement soutenir que leur parcelle ne pouvait faire l'objet d'un classement en zone N1 faute d'être située dans un " espace remarquable " au sens de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme, auquel le règlement du plan local d'urbanisme ne renvoie pas pour la définition de la zone N1, ni dans la zone littorale, dans une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique ou dans un site classé, les exemples d'espaces naturels à préserver mentionnés par le règlement du plan n'étant pas exhaustifs. Il ressort en outre de l'évaluation environnementale du rapport de présentation de la révision du plan local d'urbanisme que la parcelle de MM. A... se situe dans une zone identifiée comme un " réservoir de biodiversité terrestre " et qu'elle peut ainsi être regardée comme un " espace remarquable naturel à préserver " au sens du règlement du plan. Dans ces conditions, eu égard au parti d'urbanisme retenu et aux caractéristiques de la parcelle, le moyen tiré de ce que les auteurs du plan local d'urbanisme auraient entaché le classement en zone N1 de la parcelle en cause d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

10. Pour les mêmes motifs, le classement de la parcelle en zone N1 n'apparaît pas, compte tenu de ses effets, comme apportant à l'exercice du droit de propriété des requérants une limite qui serait disproportionnée au regard du but d'intérêt général poursuivi par la délibération contestée.

Sur les autres conclusions de la requête :

11. Aux termes de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I. Font l'objet d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées : / 1° L'élaboration ou la révision (...) du plan local d'urbanisme (...) / II. Les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation sont précisés par : / (...) 2° L'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement public dans les autres cas (...) IV. Les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux I, II et III bis ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies au présent article et par la décision ou la délibération prévue au II ont été respectées. (...) ".

12. Il résulte de ces dispositions que l'adoption ou la révision du plan local d'urbanisme doit être précédée d'une concertation associant les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées. Le conseil municipal doit, avant que ne soit engagée la concertation, délibérer, d'une part, et au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la commune en projetant d'élaborer ou de réviser ce document d'urbanisme, et, d'autre part, sur les modalités de la concertation. Ainsi que le prévoit l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, les irrégularités ayant affecté le déroulement de la concertation au regard des modalités définies par la délibération prescrivant l'élaboration ou la révision du document d'urbanisme sont invocables à l'occasion d'un recours contre le plan local d'urbanisme approuvé.

13. La délibération du 30 novembre 2015 prescrivant la révision du plan local d'urbanisme de la commune de La Trinité prévoit que la concertation visée à l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme sera mise en œuvre par " l'insertion dans le bulletin municipal (" Bay Nouvel ") de deux articles, l'un sur la procédure et les objectifs de la révision du plan local d'urbanisme, l'autre sur le plan local d'urbanisme arrêté ", la " confection de deux mini-expositions, l'une présentant le diagnostic du territoire et ses enjeux, l'autre présentant le projet de plan local d'urbanisme arrêté ", ainsi qu'une réunion publique d'information. Il ressort des éléments produits par la commune, notamment du bilan de la concertation auquel a procédé le maire le 23 juillet 2018, qu'ont été insérés dans les numéros 23 et 24 du bulletin municipal deux articles relatifs, pour l'un, à la procédure et aux objectifs de la révision du plan local d'urbanisme et, pour l'autre, à l'actualité de la révision en cours. Ont également été organisés trois réunions de concertation avec la population les 4 et 5 juillet 2016 et le 12 octobre 2017, deux mini-expositions y ayant été présentées. La commune ajoute qu'un registre destiné à recevoir les observations de la population a été mis à disposition du public ainsi que l'établit l'article paru le 1er octobre 2020 dans le journal Antilla. S'il est vrai qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un article ait été diffusé dans le bulletin municipal sur le plan local d'urbanisme arrêté, cette circonstance ne peut être regardée, eu égard aux autres modalités de concertation mises en œuvre, comme ayant nui à l'information du public ou exercé une influence sur le sens de la décision prise. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de concertation doit être écarté.

14. Aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal (...) ". Aux termes de l'article L. 2121-13 du même code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. ".

15. Il résulte de ces dispositions que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour. Le défaut d'envoi de cette note ou son insuffisance entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n'ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n'impose toutefois pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés, à qui il est au demeurant loisible de solliciter des précisions ou explications conformément à l'article L. 2121-13 du même code, une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.

16. La commune de La Trinité a produit devant les premiers juges la note explicative de synthèse adressée aux conseillers municipaux en prévision de la séance du conseil municipal du 21 janvier 2021 dont l'ordre du jour qui y était joint indiquait qu'y serait notamment examiné l'approbation du projet de plan local d'urbanisme. Contrairement à ce que soutiennent MM. A..., cette note précise le sens de l'avis favorable émis par le commissaire-enquêteur, explique les partis retenus pour la révision du plan et détaille les différentes modifications apportées au projet après la prise en compte des avis des personnes publiques consultées et des résultats de l'enquête publique. Elle satisfait ainsi aux exigences rappelées au point précédent. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ne peut, par suite, qu'être écarté.

17. Aux termes de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable à l'espèce : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement. (...) ". L'article R. 151-1 du même code alors applicable prévoit : " Pour l'application de l'article L. 151-4, le rapport de présentation : (...) / 2° Analyse les capacités de densification et de mutation des espaces bâtis identifiés par le schéma de cohérence territoriale en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 141-3 ainsi que des autres espaces bâtis identifiés par le rapport lui-même en vertu du troisième alinéa de l'article L. 151-4 ; / 3° Analyse l'état initial de l'environnement, expose la manière dont le plan prend en compte le souci de la préservation et de la mise en valeur de l'environnement ainsi que les effets et incidences attendus de sa mise en œuvre sur celui-ci. "

18. Il ressort des pièces du dossier que le rapport de présentation de la révision du plan local d'urbanisme de La Trinité comprend un volet " justification des choix effectués " expliquant en détail les différentes modifications apportées et les options prises par la commune notamment pour la préservation des zones naturelles. Ce rapport, qui justifie des choix opérés de façon proportionnée aux modifications apportées, n'avait pas à contenir des explications détaillées par parcelle ni à examiner un à un l'ensemble des différents quartiers de la commune. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance du rapport de présentation soulevé par MM. A..., dont le classement de la parcelle n'a d'ailleurs pas été modifié à l'occasion de la révision du plan local d'urbanisme, ne peut qu'être écarté.

19. L'article L. 151-2 du code de l'urbanisme dispose : " Le plan local d'urbanisme comprend : / 1° Un rapport de présentation ; / 2° Un projet d'aménagement et de développement durables ; / 3° Des orientations d'aménagement et de programmation ; / 4° Un règlement ; / 5° Des annexes. / Chacun de ces éléments peut comprendre un ou plusieurs documents graphiques. Ces documents graphiques peuvent contenir des indications relatives au relief des espaces auxquels il s'applique. " Aux termes de l'article L. 151-5 du même code, dans sa version applicable au litige : " Le projet d'aménagement et de développement durables définit : / 1° Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ; / 2° Les orientations générales concernant l'habitat, les transports et les déplacements, les réseaux d'énergie, le développement des communications numériques, l'équipement commercial, le développement économique et les loisirs, retenues pour l'ensemble de l'établissement public de coopération intercommunale ou de la commune. / Il fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain. (...) ". L'article L. 151-8 du même code prévoit : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. "

20. Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

21. Il ressort du projet d'aménagement et de développement durables, éclairé par le rapport de présentation du plan local d'urbanisme, que les auteurs de ce dernier ont souhaité redynamiser le bourg en reconquérant les parcelles non bâties ou en déshérence, permettre le développement maitrisé de l'arrière-bourg en lien avec le développement du bourg et rééquilibrer le développement de la ville vers le nord. Le document graphique qui y figure délimite deux larges zones, l'une beige dans laquelle se situe la parcelle des requérants, correspondant au secteur dans lequel les zones urbaines existantes ont vocation à être développées, l'autre verte, correspondant au secteur dans lequel doivent être préservés les espaces agricoles, naturels et littoraux. Toutefois, il ressort des mêmes éléments que ces objectifs doivent être conciliés avec la préservation des espaces naturels et la modération de la consommation de tels espaces. De la même manière, il ressort du rapport de présentation de la révision du plan que l'orientation d'aménagement et de programmation de redynamisation du bourg en permettant notamment la réalisation de nouveaux logements à travers la reconquête du bâti dégradé doit être articulée avec la préservation des espaces naturels et boisés et intégrer les contraintes environnementales. Dans ces conditions, alors que la parcelle des requérants entièrement boisée participe d'un vaste espace naturel dans le nord de la commune ayant vocation à être préservé, le zonage litigieux ne présente d'incohérence ni avec le projet d'aménagement et de développement durables ni avec les orientations d'aménagement et de programmation. Le moyen doit, par suite, être écarté.

22. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 ci-dessus, le moyen tiré de ce que les auteurs du plan local d'urbanisme auraient entaché le classement de la parcelle en cause en zone N d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

23. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies ou des plantations d'alignements. " Aux termes de l'article L. 121-27 du même code : " Le plan local d'urbanisme classe en espaces boisés, au titre de l'article L. 113-1, les parcs et ensembles boisés existants les plus significatifs de la commune ou du groupement de communes, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. " Les dispositions précitées ne subordonnent pas le classement d'un terrain comme espace boisé à la condition qu'il possède tous les caractères d'un bois, d'une forêt ou d'un parc à la date d'établissement du plan local d'urbanisme, lequel, en vertu des dispositions des articles L. 151-1 et L. 151-8 du même code, exprime des prévisions et détermine les zones d'affectation des sols selon l'usage principal qui devra en être fait à l'avenir.

24. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle de MM. A... est constituée d'un bois dense et vieux d'une trentaine d'années. La circonstance que les arbres Mahogany dont il est constitué principalement ne présenteraient pas d'intérêt particulier sur le plan écologique, à la supposer établie, ne faisait pas obstacle au classement en " espace boisé classé " de la parcelle. De même, sont sans incidence les circonstances que des travaux auraient été réalisés sur une portion limitée de la parcelle pour procéder à des travaux de confortement de la route nationale et que d'autres parcelles présentant une végétation identique n'auraient pas fait l'objet d'un même classement. Par suite, le moyen tiré de ce que le classement en espace boisé classé de la parcelle des appelants serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

25. Enfin, il est de la nature de toute réglementation d'urbanisme de distinguer des zones où les possibilités de construire sont différentes, ainsi que des zones inconstructibles. Dès lors que cette délimitation ne repose pas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, sur une appréciation manifestement erronée, elle ne porte pas d'atteinte illégale au principe d'égalité des citoyens devant la loi.

26. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune devant les premiers juges, que MM. A... ne sont pas fondés à demander l'annulation de la délibération du 21 janvier 2021 par laquelle le conseil municipal de la commune de La Trinité a approuvé la révision du plan local d'urbanisme en tant qu'elle classe leur parcelle en zone N1, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté le surplus de leur conclusions tendant à l'annulation de cette délibération. Leur demande et leurs conclusions d'appel ne peuvent par suite qu'être rejetées dans leur ensemble. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de MM. A... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de La Trinité au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :


Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 9 juin 2022 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions relatives au classement en zone N1.
Article 2 : Les conclusions présentées par MM. A... devant le tribunal administratif de la Martinique relatives au classement de leur parcelle en zone N1 sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : MM. A... verseront à la commune de La Trinité la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à M. B... A... et à la commune de La Trinité.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2023.

La rapporteure,




Kolia GallierLe président,




Jean-Claude Pauziès
La greffière,




Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22BX02226 2



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