CAA de DOUAI, 2ème chambre, 01/12/2023, 23DA00309, Inédit au recueil Lebon
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 01/12/2023, 23DA00309, Inédit au recueil Lebon
CAA de DOUAI - 2ème chambre
- N° 23DA00309
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
vendredi
01 décembre 2023
- Président
- M. Sorin
- Rapporteur
- M. Marc Baronnet
- Avocat(s)
- ZAIRI
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2022 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a décidé son expulsion du territoire français.
Par un jugement n° 2206390 du 19 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 février 2023 et 26 mars 2023, M. A... B..., représenté par Me Zouheir Zaïri, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté d'expulsion est insuffisamment motivé, notamment au regard de l'avis défavorable de la commission d'expulsion, et le préfet n'a pas pris en compte sa situation personnelle ;
- l'arrêté d'expulsion méconnaît les dispositions des articles L. 631-2 3° et L. 631-3 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il est arrivé en France à l'âge de trois ans ;
- l'arrêté d'expulsion méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de la présence de sa fille, de nationalité française ;
- l'arrêté d'expulsion est aussi entaché d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2023, le préfet du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable, sur le fondement de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, dès lors que le requérant se borne à reproduire ses écritures de première instance et ne critique pas le jugement ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés, et il s'en rapporte à ses écritures de première instance.
La caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B... a été constatée par décision du 4 mai 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., né le 8 janvier 1981, de nationalité surinamienne, déclare être entré en France à l'âge de trois ans. Par un arrêté du 12 juillet 2022, le préfet du Pas-de-Calais a prononcé à son encontre une mesure d'expulsion pour menace grave à l'ordre public. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annuler cet arrêté.
Sur la légalité externe :
2. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué qu'il comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles reposent les décisions en litige, alors même qu'il ne reprend pas tous les éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressé. Le préfet relève notamment la nature des faits commis, leur caractère répété, et un risque de récidive, ainsi que des éléments sur la situation personnelle et familiale de M. B..., et n'était pas tenu de motiver spécialement son arrêté au sujet de l'avis défavorable à l'expulsion émis par la commission prévue à l'article L. 632-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation de cet arrêté et du défaut d'examen de sa situation personnelle par le préfet doivent être écartés.
Sur la légalité interne :
3. Aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631-3 ". Aux termes de l'article L. 631-2 du même code : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion que si elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que l'article L. 631-3 n'y fasse pas obstacle : (...) 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été pendant toute cette période titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ; (...) Par dérogation au présent article, l'étranger mentionné aux 1° à 4° peut faire l'objet d'une décision d'expulsion en application de l'article L. 631-1 s'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans (...) ". Et aux termes de l'article L. 631-3 de ce code : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) ".
4. En premier lieu, il ressort des propres écritures de M. B... qu'il n'est plus en possession de titres de séjour depuis 2011. Il ne justifie pas de dix années de résidence régulière en France à la date de la décision contestée. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté, qui prononce son expulsion au motif que sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, est entaché d'une illégalité au regard des dispositions du 3° de l'article L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En deuxième lieu, si M. B..., qui soutient résider en France depuis l'âge de trois ans, produit des justificatifs de sa présence en France relatifs à la période de 2009 et 2022, un certificat datant de 2002, et en appel un certificat de scolarité en France de 1987 à 1993 établi en 2020, et a fait l'objet de condamnations pénales multiples pour des faits commis à compter de 2000, il n'établit pas, par les pièces qu'il produit, compte tenu du caractère discontinu et lacunaire des périodes auxquelles elles correspondent, qu'il réside habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté, qui prononce son expulsion au motif que sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, est entaché d'une illégalité au regard des dispositions du 1° de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième lieu, M. B... a fait entre 2001 et 2018 l'objet de huit condamnations par les juridictions pénales, notamment en 2008 à cinq ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis pour agression sexuelle, sursis révoqué en 2011, en 2012 à quatre ans d'emprisonnement pour vol aggravé, en 2013 à dix ans de réclusion criminelle pour viol, et a été incarcéré de 2011 à 2022. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'une expertise de 2020 indique que " les risques de récidive ne peuvent être éliminés ". La circonstance que la commission prévue à l'article L. 632-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont l'avis ne lie pas l'autorité qui prononce l'expulsion, ait émis un avis défavorable à l'expulsion du requérant est par elle-même sans influence sur la légalité de l'arrêté contesté. Eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, et en particulier à la gravité des agissements ayant motivé ces condamnations, à la durée sur laquelle elles s'étendent, à leur caractère répété et à leur gravité croissante, c'est sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation que le préfet du Pas-de-Calais a estimé que la présence en France de M. B... constitue une menace grave pour l'ordre public, de nature à justifier légalement une mesure d'expulsion sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Si M. B... fait valoir l'ancienneté de son séjour en France, où il soutient être entré à l'âge de trois ans et avoir été scolarisé de 1987 à 1993, où il a eu une fille de nationalité française née en 2003, où il soutient avoir bénéficié de titres de séjours jusqu'en 2011, et où sa présence est attestée à compter de l'année 2000 par les agissements qui lui ont valu huit condamnations pénales entre 2001 et 2018, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé ne justifie pas de son entrée alléguée à l'âge de trois ans sur le territoire, qu'il s'est séparé de la mère de sa fille lorsque celle-ci avait trois ans, que sa fille est majeure, que s'il soutient avoir maintenu un lien avec sa fille pendant son incarcération, il ne produit aucun justificatif d'une contribution à son éducation et à son entretien lorsqu'elle était mineure, ni même des liens qu'il aurait conservés avec elle. En outre, si M. B... indique avoir en France un cousin dont il est proche, il a au Suriname ses parents, deux frères et trois sœurs. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions de son séjour en France, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté porterait une atteinte manifestement disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par cet arrêté des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Pas-de-Calais, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille, qui a en toute hypothèse suffisamment motivé son jugement, a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions au titre des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Zouheir Zaïri.
Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Thierry Sorin, président de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2023.
Le président-rapporteur,
Signé : M. BaronnetLe président de chambre,
Signé : T. Sorin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Anne-Sophie Villette
2
N°23DA00309
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2022 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a décidé son expulsion du territoire français.
Par un jugement n° 2206390 du 19 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 février 2023 et 26 mars 2023, M. A... B..., représenté par Me Zouheir Zaïri, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté d'expulsion est insuffisamment motivé, notamment au regard de l'avis défavorable de la commission d'expulsion, et le préfet n'a pas pris en compte sa situation personnelle ;
- l'arrêté d'expulsion méconnaît les dispositions des articles L. 631-2 3° et L. 631-3 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il est arrivé en France à l'âge de trois ans ;
- l'arrêté d'expulsion méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de la présence de sa fille, de nationalité française ;
- l'arrêté d'expulsion est aussi entaché d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2023, le préfet du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable, sur le fondement de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, dès lors que le requérant se borne à reproduire ses écritures de première instance et ne critique pas le jugement ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés, et il s'en rapporte à ses écritures de première instance.
La caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B... a été constatée par décision du 4 mai 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., né le 8 janvier 1981, de nationalité surinamienne, déclare être entré en France à l'âge de trois ans. Par un arrêté du 12 juillet 2022, le préfet du Pas-de-Calais a prononcé à son encontre une mesure d'expulsion pour menace grave à l'ordre public. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annuler cet arrêté.
Sur la légalité externe :
2. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué qu'il comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles reposent les décisions en litige, alors même qu'il ne reprend pas tous les éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressé. Le préfet relève notamment la nature des faits commis, leur caractère répété, et un risque de récidive, ainsi que des éléments sur la situation personnelle et familiale de M. B..., et n'était pas tenu de motiver spécialement son arrêté au sujet de l'avis défavorable à l'expulsion émis par la commission prévue à l'article L. 632-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation de cet arrêté et du défaut d'examen de sa situation personnelle par le préfet doivent être écartés.
Sur la légalité interne :
3. Aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631-3 ". Aux termes de l'article L. 631-2 du même code : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion que si elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que l'article L. 631-3 n'y fasse pas obstacle : (...) 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été pendant toute cette période titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ; (...) Par dérogation au présent article, l'étranger mentionné aux 1° à 4° peut faire l'objet d'une décision d'expulsion en application de l'article L. 631-1 s'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans (...) ". Et aux termes de l'article L. 631-3 de ce code : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) ".
4. En premier lieu, il ressort des propres écritures de M. B... qu'il n'est plus en possession de titres de séjour depuis 2011. Il ne justifie pas de dix années de résidence régulière en France à la date de la décision contestée. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté, qui prononce son expulsion au motif que sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, est entaché d'une illégalité au regard des dispositions du 3° de l'article L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En deuxième lieu, si M. B..., qui soutient résider en France depuis l'âge de trois ans, produit des justificatifs de sa présence en France relatifs à la période de 2009 et 2022, un certificat datant de 2002, et en appel un certificat de scolarité en France de 1987 à 1993 établi en 2020, et a fait l'objet de condamnations pénales multiples pour des faits commis à compter de 2000, il n'établit pas, par les pièces qu'il produit, compte tenu du caractère discontinu et lacunaire des périodes auxquelles elles correspondent, qu'il réside habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté, qui prononce son expulsion au motif que sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, est entaché d'une illégalité au regard des dispositions du 1° de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième lieu, M. B... a fait entre 2001 et 2018 l'objet de huit condamnations par les juridictions pénales, notamment en 2008 à cinq ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis pour agression sexuelle, sursis révoqué en 2011, en 2012 à quatre ans d'emprisonnement pour vol aggravé, en 2013 à dix ans de réclusion criminelle pour viol, et a été incarcéré de 2011 à 2022. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'une expertise de 2020 indique que " les risques de récidive ne peuvent être éliminés ". La circonstance que la commission prévue à l'article L. 632-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont l'avis ne lie pas l'autorité qui prononce l'expulsion, ait émis un avis défavorable à l'expulsion du requérant est par elle-même sans influence sur la légalité de l'arrêté contesté. Eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, et en particulier à la gravité des agissements ayant motivé ces condamnations, à la durée sur laquelle elles s'étendent, à leur caractère répété et à leur gravité croissante, c'est sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation que le préfet du Pas-de-Calais a estimé que la présence en France de M. B... constitue une menace grave pour l'ordre public, de nature à justifier légalement une mesure d'expulsion sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Si M. B... fait valoir l'ancienneté de son séjour en France, où il soutient être entré à l'âge de trois ans et avoir été scolarisé de 1987 à 1993, où il a eu une fille de nationalité française née en 2003, où il soutient avoir bénéficié de titres de séjours jusqu'en 2011, et où sa présence est attestée à compter de l'année 2000 par les agissements qui lui ont valu huit condamnations pénales entre 2001 et 2018, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé ne justifie pas de son entrée alléguée à l'âge de trois ans sur le territoire, qu'il s'est séparé de la mère de sa fille lorsque celle-ci avait trois ans, que sa fille est majeure, que s'il soutient avoir maintenu un lien avec sa fille pendant son incarcération, il ne produit aucun justificatif d'une contribution à son éducation et à son entretien lorsqu'elle était mineure, ni même des liens qu'il aurait conservés avec elle. En outre, si M. B... indique avoir en France un cousin dont il est proche, il a au Suriname ses parents, deux frères et trois sœurs. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions de son séjour en France, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté porterait une atteinte manifestement disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par cet arrêté des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Pas-de-Calais, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille, qui a en toute hypothèse suffisamment motivé son jugement, a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions au titre des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Zouheir Zaïri.
Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Thierry Sorin, président de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2023.
Le président-rapporteur,
Signé : M. BaronnetLe président de chambre,
Signé : T. Sorin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Anne-Sophie Villette
2
N°23DA00309