CAA de NANCY, 2ème chambre, 30/11/2023, 23NC01129, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANCY, 2ème chambre, 30/11/2023, 23NC01129, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANCY - 2ème chambre
- N° 23NC01129
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
30 novembre 2023
- Président
- M. MARTINEZ
- Rapporteur
- Mme Hélène BRODIER
- Avocat(s)
- BOHNER
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement no 2205883 du 16 septembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 avril 2023, M. B..., représenté par Me Bohner, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 septembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2022 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour ;
4°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de retirer la mention aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision en litige est entachée de défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'erreur de fait quant à sa nationalité ;
- elle méconnaît les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la légalité de la décision de refus d'un délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;
- elle est entachée d'une erreur de fait quant à la réalité de la remise de son passeport ;
- elle est entachée de défaut d'examen de sa situation ;
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est illégale compte tenu de l'illégalité du refus d'un délai de départ volontaire ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale compte tenu de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'erreur fait quant à sa nationalité.
La procédure a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 17 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brodier, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né en 1996, serait entré irrégulièrement sur le territoire français en 2014 selon ses déclarations. Une première mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 10 décembre 2018 a été annulée par jugement du tribunal administratif de Nancy. L'intéressé s'est alors vu remettre une autorisation provisoire de séjour le 12 mars 2019. Par un arrêté du 6 novembre 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire. Une deuxième demande de titre de séjour, en qualité de parent d'un enfant français, a été rejetée par un arrêté du 16 juillet 2021, rejet assorti d'une mesure d'éloignement. Interpelé le 7 septembre 2022 et placé en retenue administrative pour vérification de son droit au séjour, M. B... a fait l'objet, par un arrêté de la préfète du Bas-Rhin du même jour, d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, assortie d'une décision fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour sur le territoire pendant une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 16 septembre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, il ressort de la décision en litige, qui est fondée sur les dispositions des 1°, 2° et 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle indique que M. B... refuse de donner des renseignements relatifs à son entrée sur le territoire français, rappelle les deux mesures d'éloignement dont il a déjà fait l'objet et qu'il se maintient irrégulièrement en France et précise par ailleurs que son comportement constitue un trouble à l'ordre public. Il en ressort qu'il a été procédé à l'examen de la situation administrative et personnelle de l'intéressé en France. Si la décision indique qu'il est de nationalité algérienne au lieu de marocaine, cette circonstance est demeurée sans incidence sur l'examen auquel la préfète du Bas-Rhin s'est livrée. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation du requérant ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, eu égard aux motifs en vue desquels l'obligation de quitter le territoire français a été prise à l'encontre de M. B..., l'erreur de fait relative à sa nationalité est sans incidence sur sa légalité.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) ; 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ".
5. M. B... se prévaut de la présence en France de sa fille A..., née le 17 juillet 2019, qui réside dans le Tarn. Il ressort des pièces du dossier qu'alors qu'il avait reconnu son enfant à naître le 5 février 2019, il s'est ensuite séparé de la mère de l'enfant et ce n'est que le 30 décembre 2021 qu'il a obtenu la mention de cette reconnaissance anticipée de paternité sur l'acte de naissance de sa fille. Il a alors saisi le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Castres qui, par un jugement du 2 juin 2022, a confié l'exercice exclusif de l'autorité parentale à la mère de l'enfant, a fixé la résidence de celle-ci au domicile de la mère et dit que, sauf meilleur accord entre les parents, M. B... exercera un droit de visite sur l'enfant en lieu neutre à raison d'une fois par mois, à charge pour la mère d'y amener l'enfant et de le ramener. Le requérant, qui n'avait jusque-là vu sa fille qu'à une seule occasion depuis sa naissance, sans établir qu'il aurait été empêché de la voir plus régulièrement, ne justifie pas avoir entrepris de démarches auprès de l'UDAF du Tarn, qui l'avait contacté dès le 16 juin 2022 pour convenir d'un entretien téléphonique le 7 juillet, afin d'organiser une première rencontre médiatisée avec sa fille. M. B... ne peut ainsi être regardé comme contribuant, à la date de la mesure d'éloignement prise à son encontre, à l'éducation de sa fille. De même, les quelques achats vestimentaires réalisés en septembre 2019 et juillet 2020 de même que l'ouverture, en janvier 2022, d'un Livret A au nom de l'enfant et la souscription, en février 2022, d'un contrat individuel d'assurance décès et invalidité ne suffisent pas à le faire regarder comme contribuant effectivement à l'entretien de son enfant. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement méconnaîtrait, à la date à laquelle elle est intervenue, les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 eu code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Si M. B... prétend résider sur le territoire français depuis 2014, il ne produit aucune pièce pour établir l'ancienneté de son séjour. Compte tenu de la date de naissance de sa fille, il peut être tenu pour établi qu'il résidait en France depuis quatre ans à la date de la décision en litige. En dehors de la présence de son enfant, qu'il n'a vue qu'à une seule occasion ainsi qu'il ressort des mentions du jugement du juge aux affaires familiales, et dont il ne justifie pas qu'il aurait cherché à la revoir en exerçant son droit de visite médiatisée, il n'établit pas disposer d'autres attaches familiales sur le territoire. Par ailleurs, la seule circonstance qu'il a travaillé deux semaines pour une entreprise de maçonnerie en juillet 2019 et que, inscrit en CAP cuisine en alternance à partir de septembre 2020, il a donné satisfaction à son employeur jusqu'à ce qu'une précédente mesure d'éloignement ne mette un terme à sa formation, n'est pas de nature à établir une insertion particulière dans la société française ni au demeurant qu'il aurait désormais ancré en France l'essentiel de sa vie privée. Il n'est par ailleurs pas contesté qu'il a été condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de violence commis le 8 février 2020 sur une précédente compagne. Dans ces conditions, la décision en litige, qui est la troisième mesure d'éloignement adoptée à son encontre depuis 2019, ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vertu desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. En cinquième lieu, un ressortissant étranger ne peut faire l'objet d'une mesure prescrivant à son égard une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour.
9. Compte tenu de ce qui a été dit au point 7 du présent arrêt, M. B... ne justifie pas remplir les conditions pour se voir délivrer le titre de séjour prévu par les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes duquel : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine ". Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'une obligation de quitter le territoire en litige ne pouvait pas être adoptée à son encontre.
10. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 5 et 7 du présent arrêt, la décision portant obligation à de quitter le territoire français n'est, eu égard notamment à la durée et aux conditions du séjour de M. B... sur le territoire français, pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité du refus de délai de départ volontaire :
11. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) ; 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ; 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".
12. La décision en litige est notamment motivée par la circonstance que M. B... n'a pu présenter ni justificatif de domicile ni document d'identité. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le passeport de l'intéressé est en possession des services de la police aux frontières de Strasbourg depuis avril 2022 tandis que le requérant justifie être locataire de l'appartement dont il avait donné l'adresse lors de son audition du 7 septembre 2022. La préfète du Bas-Rhin ne pouvait, par suite, pas retenir l'absence de garanties de représentation suffisantes pour fonder son refus d'accorder un délai de départ volontaire à M. B....
13. En revanche, la préfète du Bas-Rhin a également motivé la décision en litige par l'existence d'un risque que M. B... se soustraie à la mesure d'éloignement prise à son encontre au motif qu'il était entré et se maintenait irrégulièrement sur le territoire français et qu'il s'était déjà soustrait à de précédentes mesures d'éloignement. Il n'est pas contesté que le requérant s'est maintenu en France en dépit des obligations de quitter le territoire français prises à son encontre les 6 novembre 2019 et 16 juillet 2021. Ce motif suffit à justifier le refus de lui accorder un délai de départ volontaire. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Bas-Rhin aurait fait une inexacte application des dispositions précitées en lui refusant un délai de départ volontaire.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
15. En second lieu, aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, (...) ". Aux termes de l'article L. 721-4 du même code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. (...) ".
16. Il ressort de l'article 2 de la décision en litige que M. B... pourra être reconduit à destination du pays dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité ou encore à destination de tout pays dans lequel il sera légalement admissible. Si l'arrêté en litige mentionne, à tort, ainsi qu'il a été dit, que le requérant serait de nationalité algérienne, cette erreur de fait est sans incidence sur la légalité de la décision fixant les pays vers lesquels il pourrait être reconduit d'office, parmi lesquels le pays dont il a la nationalité. Par suite, le moyen tiré d'une erreur de fait doit être écarté.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
17. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".
18. Il ressort du jugement rendu par le juge aux affaires familiales de Castres le 2 juin 2022 que, alors que la mère de son enfant ne s'opposait pas à la reprise des liens, M. B... s'est vu reconnaître un droit de visite médiatisé avec sa fille alors âgée de presque 3 ans. Si le requérant ne justifiait pas avoir, à la date de la décision en litige, exercé ce droit de visite, l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an emporte, dans les circonstances particulières de l'espèce, des conséquences excessives sur sa situation personnelle. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé, M. B... est fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur d'appréciation.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 septembre 2022 lui faisant interdiction de retour sur le territoire français.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
20. Le présent arrêt, qui se borne à annuler l'interdiction de retour sur le territoire français, n'implique pas qu'il soit enjoint à la préfète du Bas-Rhin de procéder au réexamen de la situation de M. B.... Il implique, en revanche, l'effacement sans délai du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen résultant de cette décision. Il est par suite enjoint à la préfète du Bas-Rhin de prendre toute mesure pour initier la procédure d'effacement du signalement de M. B... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Il y a lieu d'accorder un délai d'un mois à la préfète du Bas-Rhin pour y procéder.
Sur les frais de l'instance :
21. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel, une somme au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2205883 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 16 septembre 2022 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 septembre 2022 lui faisant interdiction de retour sur le territoire français.
Article 2 : L'arrêté du 7 septembre 2022 est annulé en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de prendre toute mesure, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, pour initier la procédure d'effacement du signalement de M. B... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me Bohner et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2023.
La rapporteure,
Signé : H. BrodierLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
2
No 23NC01129
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement no 2205883 du 16 septembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 avril 2023, M. B..., représenté par Me Bohner, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 septembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2022 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour ;
4°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de retirer la mention aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision en litige est entachée de défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'erreur de fait quant à sa nationalité ;
- elle méconnaît les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la légalité de la décision de refus d'un délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;
- elle est entachée d'une erreur de fait quant à la réalité de la remise de son passeport ;
- elle est entachée de défaut d'examen de sa situation ;
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est illégale compte tenu de l'illégalité du refus d'un délai de départ volontaire ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale compte tenu de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'erreur fait quant à sa nationalité.
La procédure a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 17 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brodier, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né en 1996, serait entré irrégulièrement sur le territoire français en 2014 selon ses déclarations. Une première mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 10 décembre 2018 a été annulée par jugement du tribunal administratif de Nancy. L'intéressé s'est alors vu remettre une autorisation provisoire de séjour le 12 mars 2019. Par un arrêté du 6 novembre 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire. Une deuxième demande de titre de séjour, en qualité de parent d'un enfant français, a été rejetée par un arrêté du 16 juillet 2021, rejet assorti d'une mesure d'éloignement. Interpelé le 7 septembre 2022 et placé en retenue administrative pour vérification de son droit au séjour, M. B... a fait l'objet, par un arrêté de la préfète du Bas-Rhin du même jour, d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, assortie d'une décision fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour sur le territoire pendant une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 16 septembre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, il ressort de la décision en litige, qui est fondée sur les dispositions des 1°, 2° et 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle indique que M. B... refuse de donner des renseignements relatifs à son entrée sur le territoire français, rappelle les deux mesures d'éloignement dont il a déjà fait l'objet et qu'il se maintient irrégulièrement en France et précise par ailleurs que son comportement constitue un trouble à l'ordre public. Il en ressort qu'il a été procédé à l'examen de la situation administrative et personnelle de l'intéressé en France. Si la décision indique qu'il est de nationalité algérienne au lieu de marocaine, cette circonstance est demeurée sans incidence sur l'examen auquel la préfète du Bas-Rhin s'est livrée. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation du requérant ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, eu égard aux motifs en vue desquels l'obligation de quitter le territoire français a été prise à l'encontre de M. B..., l'erreur de fait relative à sa nationalité est sans incidence sur sa légalité.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) ; 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ".
5. M. B... se prévaut de la présence en France de sa fille A..., née le 17 juillet 2019, qui réside dans le Tarn. Il ressort des pièces du dossier qu'alors qu'il avait reconnu son enfant à naître le 5 février 2019, il s'est ensuite séparé de la mère de l'enfant et ce n'est que le 30 décembre 2021 qu'il a obtenu la mention de cette reconnaissance anticipée de paternité sur l'acte de naissance de sa fille. Il a alors saisi le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Castres qui, par un jugement du 2 juin 2022, a confié l'exercice exclusif de l'autorité parentale à la mère de l'enfant, a fixé la résidence de celle-ci au domicile de la mère et dit que, sauf meilleur accord entre les parents, M. B... exercera un droit de visite sur l'enfant en lieu neutre à raison d'une fois par mois, à charge pour la mère d'y amener l'enfant et de le ramener. Le requérant, qui n'avait jusque-là vu sa fille qu'à une seule occasion depuis sa naissance, sans établir qu'il aurait été empêché de la voir plus régulièrement, ne justifie pas avoir entrepris de démarches auprès de l'UDAF du Tarn, qui l'avait contacté dès le 16 juin 2022 pour convenir d'un entretien téléphonique le 7 juillet, afin d'organiser une première rencontre médiatisée avec sa fille. M. B... ne peut ainsi être regardé comme contribuant, à la date de la mesure d'éloignement prise à son encontre, à l'éducation de sa fille. De même, les quelques achats vestimentaires réalisés en septembre 2019 et juillet 2020 de même que l'ouverture, en janvier 2022, d'un Livret A au nom de l'enfant et la souscription, en février 2022, d'un contrat individuel d'assurance décès et invalidité ne suffisent pas à le faire regarder comme contribuant effectivement à l'entretien de son enfant. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement méconnaîtrait, à la date à laquelle elle est intervenue, les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 eu code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Si M. B... prétend résider sur le territoire français depuis 2014, il ne produit aucune pièce pour établir l'ancienneté de son séjour. Compte tenu de la date de naissance de sa fille, il peut être tenu pour établi qu'il résidait en France depuis quatre ans à la date de la décision en litige. En dehors de la présence de son enfant, qu'il n'a vue qu'à une seule occasion ainsi qu'il ressort des mentions du jugement du juge aux affaires familiales, et dont il ne justifie pas qu'il aurait cherché à la revoir en exerçant son droit de visite médiatisée, il n'établit pas disposer d'autres attaches familiales sur le territoire. Par ailleurs, la seule circonstance qu'il a travaillé deux semaines pour une entreprise de maçonnerie en juillet 2019 et que, inscrit en CAP cuisine en alternance à partir de septembre 2020, il a donné satisfaction à son employeur jusqu'à ce qu'une précédente mesure d'éloignement ne mette un terme à sa formation, n'est pas de nature à établir une insertion particulière dans la société française ni au demeurant qu'il aurait désormais ancré en France l'essentiel de sa vie privée. Il n'est par ailleurs pas contesté qu'il a été condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de violence commis le 8 février 2020 sur une précédente compagne. Dans ces conditions, la décision en litige, qui est la troisième mesure d'éloignement adoptée à son encontre depuis 2019, ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vertu desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. En cinquième lieu, un ressortissant étranger ne peut faire l'objet d'une mesure prescrivant à son égard une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour.
9. Compte tenu de ce qui a été dit au point 7 du présent arrêt, M. B... ne justifie pas remplir les conditions pour se voir délivrer le titre de séjour prévu par les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes duquel : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine ". Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'une obligation de quitter le territoire en litige ne pouvait pas être adoptée à son encontre.
10. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 5 et 7 du présent arrêt, la décision portant obligation à de quitter le territoire français n'est, eu égard notamment à la durée et aux conditions du séjour de M. B... sur le territoire français, pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité du refus de délai de départ volontaire :
11. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) ; 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ; 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".
12. La décision en litige est notamment motivée par la circonstance que M. B... n'a pu présenter ni justificatif de domicile ni document d'identité. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le passeport de l'intéressé est en possession des services de la police aux frontières de Strasbourg depuis avril 2022 tandis que le requérant justifie être locataire de l'appartement dont il avait donné l'adresse lors de son audition du 7 septembre 2022. La préfète du Bas-Rhin ne pouvait, par suite, pas retenir l'absence de garanties de représentation suffisantes pour fonder son refus d'accorder un délai de départ volontaire à M. B....
13. En revanche, la préfète du Bas-Rhin a également motivé la décision en litige par l'existence d'un risque que M. B... se soustraie à la mesure d'éloignement prise à son encontre au motif qu'il était entré et se maintenait irrégulièrement sur le territoire français et qu'il s'était déjà soustrait à de précédentes mesures d'éloignement. Il n'est pas contesté que le requérant s'est maintenu en France en dépit des obligations de quitter le territoire français prises à son encontre les 6 novembre 2019 et 16 juillet 2021. Ce motif suffit à justifier le refus de lui accorder un délai de départ volontaire. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Bas-Rhin aurait fait une inexacte application des dispositions précitées en lui refusant un délai de départ volontaire.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
15. En second lieu, aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, (...) ". Aux termes de l'article L. 721-4 du même code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. (...) ".
16. Il ressort de l'article 2 de la décision en litige que M. B... pourra être reconduit à destination du pays dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité ou encore à destination de tout pays dans lequel il sera légalement admissible. Si l'arrêté en litige mentionne, à tort, ainsi qu'il a été dit, que le requérant serait de nationalité algérienne, cette erreur de fait est sans incidence sur la légalité de la décision fixant les pays vers lesquels il pourrait être reconduit d'office, parmi lesquels le pays dont il a la nationalité. Par suite, le moyen tiré d'une erreur de fait doit être écarté.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
17. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".
18. Il ressort du jugement rendu par le juge aux affaires familiales de Castres le 2 juin 2022 que, alors que la mère de son enfant ne s'opposait pas à la reprise des liens, M. B... s'est vu reconnaître un droit de visite médiatisé avec sa fille alors âgée de presque 3 ans. Si le requérant ne justifiait pas avoir, à la date de la décision en litige, exercé ce droit de visite, l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an emporte, dans les circonstances particulières de l'espèce, des conséquences excessives sur sa situation personnelle. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé, M. B... est fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur d'appréciation.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 septembre 2022 lui faisant interdiction de retour sur le territoire français.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
20. Le présent arrêt, qui se borne à annuler l'interdiction de retour sur le territoire français, n'implique pas qu'il soit enjoint à la préfète du Bas-Rhin de procéder au réexamen de la situation de M. B.... Il implique, en revanche, l'effacement sans délai du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen résultant de cette décision. Il est par suite enjoint à la préfète du Bas-Rhin de prendre toute mesure pour initier la procédure d'effacement du signalement de M. B... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Il y a lieu d'accorder un délai d'un mois à la préfète du Bas-Rhin pour y procéder.
Sur les frais de l'instance :
21. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel, une somme au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2205883 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 16 septembre 2022 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 septembre 2022 lui faisant interdiction de retour sur le territoire français.
Article 2 : L'arrêté du 7 septembre 2022 est annulé en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de prendre toute mesure, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, pour initier la procédure d'effacement du signalement de M. B... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me Bohner et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2023.
La rapporteure,
Signé : H. BrodierLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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No 23NC01129