CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 28/11/2023, 23BX01002, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. K... J... I... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 3 juin 2020 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2100217 du 27 octobre 2022, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 avril 2023, M. J... I..., représenté par Me Barriquault, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 27 octobre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Guyane du 3 juin 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté est entaché d'incompétence de son auteur ;
- la décision de refus de séjour comporte des erreurs de fait ; il réside en France depuis 2012, et non pas 2014 ; il réside bien avec son fils, titulaire d'une carte de séjour ;
- il remplit les conditions de délivrance de plein droit d'un titre de séjour posées par le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision repose sur une erreur manifeste d'appréciation ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ordonnance du 3 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 20 juin 2023 à 12h00.

M. J... I... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

Le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy a été entendu au cours de l'audience publique.


Considérant ce qui suit :

1. M. J... I..., ressortissant dominicain né en 1965, est être entré sur le territoire français en 2012 selon ses déclarations. Il a sollicité le 7 mai 2019 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 juin 2020, le préfet de la Guyane a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. J... I... relève appel du jugement du 27 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.


Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Par un arrêté du 31 décembre 2019 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 2 janvier 2020, le préfet de la Guyane a donné délégation à M. E... F..., directeur général de la sécurité, de la réglementation et des contrôles, à l'effet de signer les actes en matière d'accueil au séjour des étrangers, d'instruction des titres de séjour, d'éloignement et de contentieux. Par ce même arrêté, M. F... a été autorisé, sur ce point, à subdéléguer sa signature aux agents placés sous son autorité. Par un arrêté du 18 mars 2020, publié le 19 mars 2020 au recueil des actes administratifs de la préfecture de Guyane, M. F... a donné délégation à M. A... H..., chef du bureau de l'éloignement et du contentieux, signataire de l'arrêté attaqué, pour signer en cas d'absence ou d'empêchement de M. C... G..., directeur général adjoint de la sécurité, de la réglementation et des contrôles et directeur de l'immigration et de la citoyenneté, les décisions en matière d'éloignement et de contentieux. Ce même arrêté donne compétence à M. B... D..., chef du bureau et de l'accueil séjour et asile pour signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M. C... G..., les décisions en matière d'accueil au séjour des étrangers et en matière d'asile. Il suit de là que M. H... n'était pas compétent pour signer la décision du 3 juin 2020 par laquelle il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. J... I....

3. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, et en raison des effets qui s'attachent à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de refus de titre de séjour, que M. J... I... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juin 2020.


Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Eu égard au motif d'annulation retenu, et seul susceptible de l'être en l'état du dossier, le présent arrêt implique seulement que le préfet de la Guyane procède au réexamen de la situation de M. J... I.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Guyane de procéder à ce réexamen dans le délai de deux mois suivant la date de notification du présent arrêt et, dans l'attente, de le munir sans délai d'une autorisation provisoire de séjour.


Sur les frais liés au litige :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Barriquault, avocat de M. J... I..., d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.


DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guyane n° 2100217 du 27 octobre 2022 et l'arrêté du préfet de la Guyane du 3 juin 2020 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Guyane de procéder au réexamen de la situation de M. J... I... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'État versera à Me Barriquault une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. K... J... I..., à Me Barriquault, au préfet de la Guyane et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.


La rapporteure,
Marie-Pierre Beuve-Dupuy
Le président,
Laurent Pouget
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX01002



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