Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 03/11/2023, 465818
Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 03/11/2023, 465818
Conseil d'État - 3ème - 8ème chambres réunies
- N° 465818
- ECLI:FR:CECHR:2023:465818.20231103
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
vendredi
03 novembre 2023
- Rapporteur
- Mme Rose-Marie Abel
- Avocat(s)
- SCP BUK LAMENT - ROBILLOT ; SCP GURY & MAITRE
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Mme B... A... a demandé, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de suspendre l'arrêté du 25 avril 2022 par lequel le maire de Saint-Laurent-de-la-Salanque a refusé de reconnaître imputable au service la rechute du 25 mai 2021, et l'a placée en congé maladie ordinaire du 25 mai 2021 au 6 mai 2022. Par une ordonnance n° 2202937 du 29 juin 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 et 22 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de suspension ;
3°) de mettre à la charge de la commune Saint-Laurent-de-la-Salanque la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de Mme B... A... et à la SCP Gury et Maître, avocat de la commune de Saint-Laurent-de-la-Salanque ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que Mme B... A..., puéricultrice hors classe, exerçant les fonctions de directrice de crèche au sein de la commune de Saint-Laurent-de-la-Salanque, a été victime d'un accident reconnu imputable au service le 29 novembre 2019, dont la date de consolidation a été fixée au 1er avril 2021. A compter du 25 mai 2021, Mme A... s'est vu délivrer de nouveaux arrêts de travail, renouvelés à plusieurs reprises, pour des troubles qu'elle impute à une rechute de cet accident du travail. Le maire de Saint-Laurent-de-la-Salanque, par un arrêté du 19 août 2021, a placé Mme A... en congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS) à compter du 31 juillet 2021, pour une durée initiale d'un mois, prolongée par plusieurs arrêtés successifs. Toutefois, à la suite d'un avis défavorable émis le 30 mars 2022 par le comité médical départemental sur l'imputabilité au service de l'arrêt de travail et des soins depuis le 25 mai 2021, le maire de Saint-Laurent-de-la-Salanque, par arrêté du 25 avril 2022, a refusé de reconnaître imputable au service la rechute, a retiré les arrêtés ayant placé Mme A... en congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter de cette date et a placé l'intéressée en congé de maladie ordinaire du 25 mai 2021 au 6 mai 2022. Mme A... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'arrêté du 25 avril 2022.
Sur le pourvoi :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 822-21 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à : / 1° Un accident reconnu imputable au service tel qu'il est défini à l'article L. 822-18 ; (...) ". Aux termes de l'article 37-5 du titre " VI bis : congé pour invalidité temporaire imputable au service " du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " Pour se prononcer sur l'imputabilité au service de l'accident ou de la maladie, l'autorité territoriale dispose d'un délai : / 1° En cas d'accident, d'un mois à compter de la date de réception de la déclaration prévue à l'article 37-2 ; / 2° En cas de maladie, de deux mois à compter de la date de réception de la déclaration prévue à l'article 37-2 et, le cas échéant, des résultats des examens complémentaires prescrits par les tableaux de maladies professionnelles. (...) / Au terme de ces délais, lorsque l'instruction par l'autorité territoriale n'est pas terminée, l'agent est placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire pour la durée d'incapacité de travail indiquée sur le certificat médical prévu au 2° de l'article 37-2 ou au dernier alinéa de l'article 37-9. Cette décision, notifiée au fonctionnaire, précise qu'elle peut être retirée dans les conditions prévues à l'article 37-9. ". Aux termes de l'article 37-9 du même décret : " Au terme de l'instruction, l'autorité territoriale se prononce sur l'imputabilité au service et, le cas échéant, place le fonctionnaire en congé pour invalidité temporaire imputable au service pour la durée de l'arrêt de travail. / Lorsque l'administration ne constate pas l'imputabilité au service, elle retire sa décision de placement à titre provisoire en congé pour invalidité temporaire imputable au service et procède aux mesures nécessaires au reversement des sommes indûment versées. (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ".
5. Il résulte des dispositions de l'article 37-9 du décret du 30 juillet 1987 citées au point 3 que lorsque l'administration décide de placer un agent en congé pour invalidité temporaire imputable au service, elle doit être regardée comme ayant, au terme de son instruction, reconnu l'imputabilité au service de l'accident ou de la maladie à l'origine de cette invalidité temporaire. Cette décision est créatrice de droits au profit de l'agent. Par suite, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande de l'agent, l'autorité territoriale ne peut retirer ou abroger un tel arrêté, s'il est illégal, que dans le délai de quatre mois suivant son adoption, et ne saurait ultérieurement, en l'absence de fraude, remettre en cause l'imputabilité au service ainsi reconnue. Tel n'est pas le cas, toutefois, lorsque cette autorité, en application des dispositions de l'article 37-5 du décret du 30 juillet 1987 citées au point 3, a entendu faire usage de la possibilité qui lui est offerte, lorsqu'elle n'est pas en mesure d'instruire la demande de l'agent dans les délais impartis, de le placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre seulement provisoire et que la décision précise qu'elle peut être retirée dans les conditions prévues à l'article 37-9 du décret du 30 juillet 1987, un tel placement en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire ne valant pas reconnaissance d'imputabilité, et pouvant être retiré si, au terme de l'instruction de la demande de l'agent, cette imputabilité n'est pas reconnue.
6. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que l'arrêté du 19 août 2021 plaçant Mme A... en congé pour invalidité temporaire imputable au service ne précise pas que cette décision pouvait être retirée dans les conditions prévues à l'article 37-9 du décret du 30 juillet 1987. Dès lors, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que cet arrêté ne peut être regardé comme ayant placé Mme A... en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre seulement provisoire, et doit être regardé comme reconnaissant l'imputabilité au service de sa rechute. Dès lors, le maire de Saint-Laurent-de-la-Salanque ne pouvait légalement, plus de quatre mois après cette décision créatrice de droits, remettre en cause l'imputabilité ainsi reconnue. Il ne pouvait donc légalement, par son arrêté du 25 avril 2022, retirer l'arrêté du 19 août 2021 plaçant Mme A... en congé pour invalidité temporaire imputable au service. Il ne pouvait davantage retirer, en tout état de cause, au seul motif que la commune refusait de reconnaître l'imputabilité au service de la rechute de Mme A..., les arrêtés ultérieurs ayant prolongé ce congé. Par suite, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a commis une erreur de droit en jugeant que le moyen tiré de la rétroactivité illégale de l'arrêté du 25 avril 2022 n'était pas de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que l'ordonnance attaquée doit être annulée.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
Sur la demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du 25 avril 2022 :
En ce qui concerne l'urgence :
9. La condition d'urgence à laquelle est subordonnée le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Eu égard aux effets pécuniaires sur le traitement de Mme A... de la décision dont la suspension est demandée, compte tenu de sa situation personnelle, et alors que la commune se borne à soutenir que l'arrêté n'emporte par lui-même remboursement du trop-perçu, la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme remplie.
En ce qui concerne les moyens propres à créer un doute sérieux :
10. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le moyen tiré de ce l'arrêté du 25 avril 2022 méconnaît le principe de non rétroactivité des actes administratifs est, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur sa légalité.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, fondée à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du maire de Saint-Laurent-de-la-Salanque du 25 avril 2022.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune Saint-Laurent-de-la-Salanque la somme de 4 500 euros à verser à Mme A..., pour l'ensemble de la procédure, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 29 juin 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulée.
Article 2 : L'exécution de l'arrêté du 25 avril 2022 du maire de Saint-Laurent-de-la-Salanque est suspendue jusqu'à ce que le tribunal administratif de Montpellier ait statué sur la requête de Mme A....
Article 3 : La commune de Saint-Laurent-de-la-Salanque versera à Mme A... une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Laurent-de-la-Salanque au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la commune de Saint-Laurent-de-la-Salanque.
Délibéré à l'issue de la séance du 18 octobre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, président de chambre ; M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Géraud Sajust de Bergues, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 3 novembre 2023.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Rose-Marie Abel
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin
ECLI:FR:CECHR:2023:465818.20231103
Mme B... A... a demandé, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de suspendre l'arrêté du 25 avril 2022 par lequel le maire de Saint-Laurent-de-la-Salanque a refusé de reconnaître imputable au service la rechute du 25 mai 2021, et l'a placée en congé maladie ordinaire du 25 mai 2021 au 6 mai 2022. Par une ordonnance n° 2202937 du 29 juin 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 et 22 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de suspension ;
3°) de mettre à la charge de la commune Saint-Laurent-de-la-Salanque la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de Mme B... A... et à la SCP Gury et Maître, avocat de la commune de Saint-Laurent-de-la-Salanque ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que Mme B... A..., puéricultrice hors classe, exerçant les fonctions de directrice de crèche au sein de la commune de Saint-Laurent-de-la-Salanque, a été victime d'un accident reconnu imputable au service le 29 novembre 2019, dont la date de consolidation a été fixée au 1er avril 2021. A compter du 25 mai 2021, Mme A... s'est vu délivrer de nouveaux arrêts de travail, renouvelés à plusieurs reprises, pour des troubles qu'elle impute à une rechute de cet accident du travail. Le maire de Saint-Laurent-de-la-Salanque, par un arrêté du 19 août 2021, a placé Mme A... en congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS) à compter du 31 juillet 2021, pour une durée initiale d'un mois, prolongée par plusieurs arrêtés successifs. Toutefois, à la suite d'un avis défavorable émis le 30 mars 2022 par le comité médical départemental sur l'imputabilité au service de l'arrêt de travail et des soins depuis le 25 mai 2021, le maire de Saint-Laurent-de-la-Salanque, par arrêté du 25 avril 2022, a refusé de reconnaître imputable au service la rechute, a retiré les arrêtés ayant placé Mme A... en congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter de cette date et a placé l'intéressée en congé de maladie ordinaire du 25 mai 2021 au 6 mai 2022. Mme A... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'arrêté du 25 avril 2022.
Sur le pourvoi :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 822-21 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à : / 1° Un accident reconnu imputable au service tel qu'il est défini à l'article L. 822-18 ; (...) ". Aux termes de l'article 37-5 du titre " VI bis : congé pour invalidité temporaire imputable au service " du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " Pour se prononcer sur l'imputabilité au service de l'accident ou de la maladie, l'autorité territoriale dispose d'un délai : / 1° En cas d'accident, d'un mois à compter de la date de réception de la déclaration prévue à l'article 37-2 ; / 2° En cas de maladie, de deux mois à compter de la date de réception de la déclaration prévue à l'article 37-2 et, le cas échéant, des résultats des examens complémentaires prescrits par les tableaux de maladies professionnelles. (...) / Au terme de ces délais, lorsque l'instruction par l'autorité territoriale n'est pas terminée, l'agent est placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire pour la durée d'incapacité de travail indiquée sur le certificat médical prévu au 2° de l'article 37-2 ou au dernier alinéa de l'article 37-9. Cette décision, notifiée au fonctionnaire, précise qu'elle peut être retirée dans les conditions prévues à l'article 37-9. ". Aux termes de l'article 37-9 du même décret : " Au terme de l'instruction, l'autorité territoriale se prononce sur l'imputabilité au service et, le cas échéant, place le fonctionnaire en congé pour invalidité temporaire imputable au service pour la durée de l'arrêt de travail. / Lorsque l'administration ne constate pas l'imputabilité au service, elle retire sa décision de placement à titre provisoire en congé pour invalidité temporaire imputable au service et procède aux mesures nécessaires au reversement des sommes indûment versées. (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ".
5. Il résulte des dispositions de l'article 37-9 du décret du 30 juillet 1987 citées au point 3 que lorsque l'administration décide de placer un agent en congé pour invalidité temporaire imputable au service, elle doit être regardée comme ayant, au terme de son instruction, reconnu l'imputabilité au service de l'accident ou de la maladie à l'origine de cette invalidité temporaire. Cette décision est créatrice de droits au profit de l'agent. Par suite, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande de l'agent, l'autorité territoriale ne peut retirer ou abroger un tel arrêté, s'il est illégal, que dans le délai de quatre mois suivant son adoption, et ne saurait ultérieurement, en l'absence de fraude, remettre en cause l'imputabilité au service ainsi reconnue. Tel n'est pas le cas, toutefois, lorsque cette autorité, en application des dispositions de l'article 37-5 du décret du 30 juillet 1987 citées au point 3, a entendu faire usage de la possibilité qui lui est offerte, lorsqu'elle n'est pas en mesure d'instruire la demande de l'agent dans les délais impartis, de le placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre seulement provisoire et que la décision précise qu'elle peut être retirée dans les conditions prévues à l'article 37-9 du décret du 30 juillet 1987, un tel placement en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire ne valant pas reconnaissance d'imputabilité, et pouvant être retiré si, au terme de l'instruction de la demande de l'agent, cette imputabilité n'est pas reconnue.
6. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que l'arrêté du 19 août 2021 plaçant Mme A... en congé pour invalidité temporaire imputable au service ne précise pas que cette décision pouvait être retirée dans les conditions prévues à l'article 37-9 du décret du 30 juillet 1987. Dès lors, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que cet arrêté ne peut être regardé comme ayant placé Mme A... en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre seulement provisoire, et doit être regardé comme reconnaissant l'imputabilité au service de sa rechute. Dès lors, le maire de Saint-Laurent-de-la-Salanque ne pouvait légalement, plus de quatre mois après cette décision créatrice de droits, remettre en cause l'imputabilité ainsi reconnue. Il ne pouvait donc légalement, par son arrêté du 25 avril 2022, retirer l'arrêté du 19 août 2021 plaçant Mme A... en congé pour invalidité temporaire imputable au service. Il ne pouvait davantage retirer, en tout état de cause, au seul motif que la commune refusait de reconnaître l'imputabilité au service de la rechute de Mme A..., les arrêtés ultérieurs ayant prolongé ce congé. Par suite, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a commis une erreur de droit en jugeant que le moyen tiré de la rétroactivité illégale de l'arrêté du 25 avril 2022 n'était pas de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que l'ordonnance attaquée doit être annulée.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
Sur la demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du 25 avril 2022 :
En ce qui concerne l'urgence :
9. La condition d'urgence à laquelle est subordonnée le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Eu égard aux effets pécuniaires sur le traitement de Mme A... de la décision dont la suspension est demandée, compte tenu de sa situation personnelle, et alors que la commune se borne à soutenir que l'arrêté n'emporte par lui-même remboursement du trop-perçu, la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme remplie.
En ce qui concerne les moyens propres à créer un doute sérieux :
10. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le moyen tiré de ce l'arrêté du 25 avril 2022 méconnaît le principe de non rétroactivité des actes administratifs est, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur sa légalité.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, fondée à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du maire de Saint-Laurent-de-la-Salanque du 25 avril 2022.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune Saint-Laurent-de-la-Salanque la somme de 4 500 euros à verser à Mme A..., pour l'ensemble de la procédure, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 29 juin 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulée.
Article 2 : L'exécution de l'arrêté du 25 avril 2022 du maire de Saint-Laurent-de-la-Salanque est suspendue jusqu'à ce que le tribunal administratif de Montpellier ait statué sur la requête de Mme A....
Article 3 : La commune de Saint-Laurent-de-la-Salanque versera à Mme A... une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Laurent-de-la-Salanque au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la commune de Saint-Laurent-de-la-Salanque.
Délibéré à l'issue de la séance du 18 octobre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, président de chambre ; M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Géraud Sajust de Bergues, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 3 novembre 2023.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Rose-Marie Abel
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin