Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 25/10/2023, 472191

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n°1911228 du 2 décembre 2020, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21PA00573 du 16 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 16 mars, 16 juin et 6 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de renvoyer l'affaire à la cour administrative d'appel de Paris ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2006-1376 du 14 novembre 2006 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de M. A... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 octobre 2023, présentée par M. A... ;




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'estimant que M. A..., qui n'avait pas souscrit de déclaration de revenus en France au titre des années 2013 et 2014, était résident de France et tenu à ce titre à une obligation déclarative, l'administration a engagé à son égard un examen contradictoire de situation personnelle et l'a mis en demeure de souscrire des déclarations de revenu. L'intéressé n'ayant pas déféré à cette invitation, l'administration l'a assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales au titre de ces deux années par voie de taxation d'office. Il se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 16 novembre 2022 de la cour administrative d'appel de Paris rejetant l'appel qu'il avait formé contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 2 décembre 2020 rejetant sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : / 1° à l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus (...) sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 67 (...) ". Aux termes de l'article L. 67 du même livre : " (...) La procédure de taxation d'office prévue aux 1° et 4° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure (...) ".

3. Aux termes de l'article 6 du code général des impôts : " Chaque contribuable est imposable à l'impôt sur le revenu (...) les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge (...) cette imposition est établie aux noms des époux (...) Les époux font l'objet d'impositions distinctes : a. Lorsqu'ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit ; b. Lorsqu'étant en instance de séparation de corps ou de divorce, ils ont été autorisés à avoir des résidences séparées ; c. Lorsqu'en cas d'abandon du domicile conjugal par l'un ou l'autre des époux, chacun dispose de revenus distincts (...) ". Aux termes de l'article 170 du même code : " 1. En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, toute personne imposable audit impôt est tenue de souscrire et de faire parvenir à l'administration une déclaration détaillée de ses revenus et bénéfices, de ses charges de famille (...) 1 bis. Les époux doivent conjointement signer la déclaration d'ensemble des revenus de leur foyer (...) ". Aux termes de l'article 196 bis du même code : " La situation dont il doit être tenu compte est celle existant au 1er janvier de l'année de l'imposition. Toutefois, l'année de la réalisation ou de la cessation de l'un ou de plusieurs des évènements ou des conditions mentionnés aux 4 à 6 de l'article 6, il est tenu compte de la situation au 31 décembre de l'année d'imposition (...) ".

4. L'article 171-1 du code civil, issu de l'article 3 de la loi du 14 novembre 2006 relative au contrôle de la validité des mariages, dispose que : " Le mariage contracté en pays étranger entre Français, ou entre un Français et un étranger, est valable s'il a été célébré dans les formes usitées dans le pays de célébration et pourvu que le ou les Français n'aient point contrevenu aux dispositions contenues au chapitre Ier du présent titre (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 171-5 du même code : " Pour être opposable aux tiers en France, l'acte de mariage d'un Français célébré par une autorité étrangère doit être transcrit sur les registres de l'état civil français. En l'absence de transcription, le mariage d'un Français, valablement célébré par une autorité étrangère, produit ses effets civils en France à l'égard des époux et des enfants ".

5. Pour l'application des dispositions du code général des impôts relatives à l'imposition des époux, l'article 196 bis de ce code fait obstacle à ce que la transcription sur les registres de l'état civil français d'un acte de mariage contracté par un Français à l'étranger, requise par l'article 171-5 du code civil pour rendre le mariage opposable aux tiers en France, puisse avoir pour effet de soumettre les époux à une imposition commune au titre d'années antérieures à celle au cours de laquelle cette transcription est intervenue.

6. Par suite, après avoir relevé que M. A... s'était marié aux Etats-Unis d'Amérique en 2010 avec une ressortissante française et que l'acte de ce mariage, célébré par une autorité étrangère, n'avait été transcrit sur les registres de l'état civil français qu'en 2015, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les époux n'étaient pas soumis à une imposition commune au titre des années 2013 et 2014 et que les déclarations souscrites par l'épouse de M. A... au titre de ces années en qualité de " divorcée / séparée " ne pouvaient être regardées comme l'ayant été au nom des deux époux. Elle a pu en déduire, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, que l'administration fiscale avait pu régulièrement mettre en œuvre à l'égard de M. A... une procédure de taxation d'office pour défaut de souscription d'une déclaration de revenus dans les trente jours de la mise en demeure qui lui avait été adressée à cette fin pour chacune des années en cause, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que l'administration fiscale aurait eu connaissance de la transcription du mariage à la date à laquelle elle lui a adressé ces mises en demeure.

7. En second lieu, en se fondant, pour juger que l'administration fiscale avait pu, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, s'abstenir de communiquer au contribuable deux procès-verbaux de gendarmerie établis les 27 septembre et 15 octobre 2015 et obtenus de l'autorité judiciaire par exercice du droit de communication, sur ce que les éléments contenus dans ces procès-verbaux n'avaient pas été utilisés pour établir les impositions, la cour a porté sur ces faits une appréciation souveraine qui n'est pas entachée de dénaturation.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. A... doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 11 octobre 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, M. Stéphane Verclytte, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Jean-Claude Hassan, conseillers d'Etat et M. Jean-Marc Anton, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 25 octobre 2023.

Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Jean-Marc Anton
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle

ECLI:FR:CECHR:2023:472191.20231025
Retourner en haut de la page