Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 29/09/2023, 473972
Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 29/09/2023, 473972
Conseil d'État - 8ème - 3ème chambres réunies
- N° 473972
- ECLI:FR:CECHR:2023:473972.20230929
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
vendredi
29 septembre 2023
- Rapporteur
- M. Vincent Mahé
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 10 mai, 26 juillet et 4 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a opposée à sa demande en date du 23 janvier 2023 tendant à l'abrogation du paragraphe n° 15 des commentaires administratifs publiés le 21 décembre 2021 au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 en tant que ces commentaires précisent que sont exclues du bénéfice du régime institué par l'article 787 B du code général des impôts " les activités de location de locaux meublés à usage d'habitation " ;
2°) d'annuler dans la même mesure les commentaires contestés ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Sous réserve du respect des conditions qu'il fixe, l'article 787 B du code général des impôts exonère de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les " parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (...) ". L'article 787 C du même code prévoit, sous des conditions de même nature, l'exonération, dans la même mesure, des biens meubles ou immeubles, corporels ou incorporels qui sont " affectés à l'exploitation d'une entreprise individuelle ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (...) ". Le pourvoi de M. B... doit être regardé comme demandant au Conseil d'Etat d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a refusé d'abroger le paragraphe n° 15 des commentaires administratifs publiés le 21 décembre 2021 au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 en tant que ces commentaires indiquent que sont exclues du bénéfice de l'exonération prévue par l'article 787 B les parts ou action de société exerçant une activité de location de locaux meublés à usage d'habitation, ainsi que d'annuler ces commentaires.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre :
2. M. B... exploite une entreprise individuelle exerçant une activité de loueur en meublé. Par l'effet d'un renvoi explicite opéré par les commentaires administratifs publiés sous la référence BOI-ENR-DMTG-10-20-40-40, l'interprétation contenue dans les commentaires litigieux s'étend aux dispositions de l'article 787 C du code général des impôts, applicable à sa situation. M. B... justifie ainsi d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la décision refusant d'abroger les commentaires contestés, qui interprètent la loi comme excluant l'activité qu'il exerce du bénéfice d'un avantage fiscal, et que l'administration lui oppose, d'ailleurs, pour le calcul des rappels d'impôt qui lui ont été notifiés à raison de la succession de son père. Il en résulte que la fin de non-recevoir opposée par le ministre doit être écartée.
Sur la légalité de la décision refusant l'abrogation des commentaires contestés :
3. Le paragraphe n° 15 des commentaires contestés énonce que : " Seules sont susceptibles d'ouvrir droit à l'exonération les parts ou actions d'une société qui exerce une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l'exclusion des activités de nature civile. Pour l'appréciation de la nature de l'activité, il est admis de se reporter aux indications données dans la documentation afférente à la détermination de l'assiette de l'impôt sur la fortune immobilière (BOI-PAT-IFI-20-20-20-30)./ Ainsi, pour l'application de l'article 787 B du code général des impôts, sont considérées comme activités commerciales les activités mentionnées à l'article 34 du code général des impôts et à l'article 35 du code général des impôts, à l'exclusion des activités de gestion par une société de son propre patrimoine immobilier./ Les activités de construction-vente d'immeubles ou de marchand de biens sont par exemple éligibles./ Sont en revanche exclues : ... les activités de location de locaux meublés à usage d'habitation ".
4. D'une part, le fait de donner habituellement en location des locaux d'habitation garnis de meubles ne saurait être systématiquement regardé, pour l'application de la loi fiscale, comme une activité civile dépourvue de caractère commercial. D'autre part, si le législateur a précisé que, pour l'application des dispositions relatives à l'impôt sur la fortune immobilière, comme du reste pour d'autres régimes fiscaux, une activité de gestion de son propre patrimoine immobilier n'est pas considérée comme une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, aucune disposition de portée similaire ne permet, en revanche, de dénier de manière générale à la location de locaux meublés à usage d'habitation le caractère d'activité commerciale au sens des articles 787 B et 787 C du code général des impôts.
5. M. B... est donc fondé à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a refusé d'abroger le paragraphe n° 15 des commentaires administratifs cité plus haut en ce qu'il précise que les activités de location de locaux meublés à usage d'habitation sont exclues du bénéfice du régime institué par l'article 787 B et, par renvoi, par l'article 787 C du code général des impôts.
6. Les commentaires en litige ayant été mis en ligne sur le site " bofip.impots.gouv.fr " le 21 décembre 2021, les conclusions de M. B... tendant à leur annulation, fût-ce par voie de conséquence de l'annulation de la décision attaquée, sont en revanche tardives et, par suite, irrecevables.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à ce titre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, à verser à M. B....
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le refus du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique d'abroger le paragraphe n°15 des commentaires administratifs publiés au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 en ce qu'il exclut les activités de location de locaux meublés à usage d'habitation du bénéfice du régime institué par l'article 787 B du code général des impôts, est annulé.
Article 2 : L'Etat versera à M. A... B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 18 septembre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, M. Stéphane Verclytte, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat et M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 29 septembre 2023.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Vincent Mahé
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle
ECLI:FR:CECHR:2023:473972.20230929
Par une requête et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 10 mai, 26 juillet et 4 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a opposée à sa demande en date du 23 janvier 2023 tendant à l'abrogation du paragraphe n° 15 des commentaires administratifs publiés le 21 décembre 2021 au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 en tant que ces commentaires précisent que sont exclues du bénéfice du régime institué par l'article 787 B du code général des impôts " les activités de location de locaux meublés à usage d'habitation " ;
2°) d'annuler dans la même mesure les commentaires contestés ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Sous réserve du respect des conditions qu'il fixe, l'article 787 B du code général des impôts exonère de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les " parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (...) ". L'article 787 C du même code prévoit, sous des conditions de même nature, l'exonération, dans la même mesure, des biens meubles ou immeubles, corporels ou incorporels qui sont " affectés à l'exploitation d'une entreprise individuelle ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (...) ". Le pourvoi de M. B... doit être regardé comme demandant au Conseil d'Etat d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a refusé d'abroger le paragraphe n° 15 des commentaires administratifs publiés le 21 décembre 2021 au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 en tant que ces commentaires indiquent que sont exclues du bénéfice de l'exonération prévue par l'article 787 B les parts ou action de société exerçant une activité de location de locaux meublés à usage d'habitation, ainsi que d'annuler ces commentaires.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre :
2. M. B... exploite une entreprise individuelle exerçant une activité de loueur en meublé. Par l'effet d'un renvoi explicite opéré par les commentaires administratifs publiés sous la référence BOI-ENR-DMTG-10-20-40-40, l'interprétation contenue dans les commentaires litigieux s'étend aux dispositions de l'article 787 C du code général des impôts, applicable à sa situation. M. B... justifie ainsi d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la décision refusant d'abroger les commentaires contestés, qui interprètent la loi comme excluant l'activité qu'il exerce du bénéfice d'un avantage fiscal, et que l'administration lui oppose, d'ailleurs, pour le calcul des rappels d'impôt qui lui ont été notifiés à raison de la succession de son père. Il en résulte que la fin de non-recevoir opposée par le ministre doit être écartée.
Sur la légalité de la décision refusant l'abrogation des commentaires contestés :
3. Le paragraphe n° 15 des commentaires contestés énonce que : " Seules sont susceptibles d'ouvrir droit à l'exonération les parts ou actions d'une société qui exerce une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l'exclusion des activités de nature civile. Pour l'appréciation de la nature de l'activité, il est admis de se reporter aux indications données dans la documentation afférente à la détermination de l'assiette de l'impôt sur la fortune immobilière (BOI-PAT-IFI-20-20-20-30)./ Ainsi, pour l'application de l'article 787 B du code général des impôts, sont considérées comme activités commerciales les activités mentionnées à l'article 34 du code général des impôts et à l'article 35 du code général des impôts, à l'exclusion des activités de gestion par une société de son propre patrimoine immobilier./ Les activités de construction-vente d'immeubles ou de marchand de biens sont par exemple éligibles./ Sont en revanche exclues : ... les activités de location de locaux meublés à usage d'habitation ".
4. D'une part, le fait de donner habituellement en location des locaux d'habitation garnis de meubles ne saurait être systématiquement regardé, pour l'application de la loi fiscale, comme une activité civile dépourvue de caractère commercial. D'autre part, si le législateur a précisé que, pour l'application des dispositions relatives à l'impôt sur la fortune immobilière, comme du reste pour d'autres régimes fiscaux, une activité de gestion de son propre patrimoine immobilier n'est pas considérée comme une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, aucune disposition de portée similaire ne permet, en revanche, de dénier de manière générale à la location de locaux meublés à usage d'habitation le caractère d'activité commerciale au sens des articles 787 B et 787 C du code général des impôts.
5. M. B... est donc fondé à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a refusé d'abroger le paragraphe n° 15 des commentaires administratifs cité plus haut en ce qu'il précise que les activités de location de locaux meublés à usage d'habitation sont exclues du bénéfice du régime institué par l'article 787 B et, par renvoi, par l'article 787 C du code général des impôts.
6. Les commentaires en litige ayant été mis en ligne sur le site " bofip.impots.gouv.fr " le 21 décembre 2021, les conclusions de M. B... tendant à leur annulation, fût-ce par voie de conséquence de l'annulation de la décision attaquée, sont en revanche tardives et, par suite, irrecevables.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à ce titre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, à verser à M. B....
D E C I D E :
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Article 1er : Le refus du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique d'abroger le paragraphe n°15 des commentaires administratifs publiés au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 en ce qu'il exclut les activités de location de locaux meublés à usage d'habitation du bénéfice du régime institué par l'article 787 B du code général des impôts, est annulé.
Article 2 : L'Etat versera à M. A... B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 18 septembre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, M. Stéphane Verclytte, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat et M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 29 septembre 2023.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Vincent Mahé
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle