Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 29/09/2023, 471235

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1905274 du 14 avril 2021, ce tribunal a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 21NT01518 du 23 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Nantes, statuant sur appel de M. et Mme A..., a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance et a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu demeurant à leur charge au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un pourvoi, enregistré le 9 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 2 à 4 de cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter l'appel de M. et Mme A....



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Alianore Descours, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de M. et Mme A... ;




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a assujetti M. et Mme A... à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013 à raison de l'imposition d'une plus-value d'apport de titres d'un montant de 492 500 euros dont le report d'imposition, en application de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, avait pris fin au cours de cette année. Par un jugement du 14 avril 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 décembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du tribunal administratif et accordé à M. et Mme A... la décharge des impositions en litige.

2. L'article 150-0 B ter du code général des impôts prévoit, sous certaines conditions, un mécanisme de report d'imposition de plein droit des plus-values réalisées lors d'opérations d'apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés, contrôlée par l'apporteur. Ces dispositions ont pour seul effet de permettre, par dérogation à la règle selon laquelle le fait générateur de l'imposition d'une plus-value est constitué au cours de l'année de sa réalisation, de constater et de calculer la plus-value d'échange l'année de sa réalisation et de l'imposer l'année au cours de laquelle intervient l'événement qui met fin au report d'imposition, qui peut notamment être l'annulation des titres apportés.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A... ont apporté à la société holding Catts, de façon devenue définitive le 28 novembre 2012, des titres de la société à responsabilité limitée (SARL) Avalou Douar dans des conditions rendant ces époux éligibles à la mise en report d'imposition de la plus-value d'apport de ces titres et que l'assemblée générale de cette dernière société a, le 1er aout 2013, prononcé sa dissolution, entraînant l'annulation de ses titres et ainsi la fin du report de l'imposition. En jugeant que l'intervention le 4 juin 2021, postérieurement à l'année au cours de laquelle est survenu l'évènement ayant mis fin au report d'imposition, lequel a, au demeurant, entraîné la perception par les intéressés d'un boni de liquidation, d'un jugement du tribunal de commerce de Nîmes prononçant la nullité de cette décision de dissolution était de nature à remettre rétroactivement en cause l'imposition contestée, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, que le ministre est fondé à demander l'annulation des articles de l'arrêt qu'il attaque.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 2 à 4 de l'arrêt du 23 décembre 2022 de la cour administrative d'appel de Nantes sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : Les conclusions de M. et Mme A... présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. C... et Mme B... A....
Délibéré à l'issue de la séance du 18 septembre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, M. Stéphane Verclytte, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat et Mme Alianore Descours, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 29 septembre 2023.

Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Alianore Descours
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle


ECLI:FR:CECHR:2023:471235.20230929
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