CAA de BORDEAUX, 4ème chambre, 28/09/2023, 21BX04428, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 31 mars 2019, le 6 août 2019 et le 4 juillet 2021, la fédération SEPANSO Landes a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2018 par lequel le préfet des Landes a autorisé la société URBA 128 à défricher 53 ha, 03 a 60 ca de bois sur le territoire de la commune de Rion-des-Landes ainsi que la décision de la même autorité du 25 janvier 2019 rejetant le recours gracieux contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1900778 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 décembre 2021, et des mémoires complémentaires enregistrés les 10 février et 21 avril 2023, la fédération SEPANSO Landes, société pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le sud-ouest, représentée en dernier lieu par Me Ducourau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900778 du 7 octobre 2021 du tribunal administratif de Pau ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2018 par lequel le préfet des Landes a autorisé la société URBA 128 à défricher 53 ha 3 a 60 ca de bois sur le territoire de la commune de Rion-des-Landes ainsi que la décision de la même autorité du 25 janvier 2019 rejetant le recours gracieux contre cet arrêté ;

3°) d'enjoindre sous astreinte, solidairement à l'Etat, la commune de Rion-des-Landes et la société URBA 128 de procéder à l'enlèvement de la station photovoltaïque sur le site de Nabout et de reconstituer l'espace boisé dont le défrichement a été illégalement autorisé ;

4°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la société URBA 128 la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- l'étude d'impact est insuffisante :
- le dossier d'étude d'impact ne comporte aucune donnée relative aux autres projets de défrichement servant de base à des installations d'énergie renouvelable sur ce secteur, tant sur les impacts environnementaux de ceux-ci que les éventuelles dérogations obtenues sur ces projets et mesures compensatoires envisagées ;
- la décision contestée ne respecte pas le document de cadrage des services de l'Etat pour l'instruction des projets photovoltaïques en Aquitaine du 18 décembre 2009 ;
- l'étude n'aborde pas l'impact sur les sols, lié à l'ampleur du raccordement électrique ; le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- même si l'airial n'est pas considéré comme un site classé ou inscrit, sa seule qualité architecturale et patrimoniale et sa proximité avec l'installation en cause auraient justifié que l'étude d'impact le mentionne ;
- l'incidence du projet sur la santé et la sécurité n'a pas été analysée ; l'étude est lacunaire sur l'analyse du risque incendie et sa gestion en lien spécifiquement avec l'habitation enclavée dans l'emprise du projet ;
- les conclusions du commissaire enquêteur et la requalification en avis défavorable sont insuffisamment motivées ; à la date d'édiction de l'acte attaqué, les réserves n'avaient pas été levées de sorte que l'avis du commissaire enquêteur doit être qualifié d'avis défavorable ;
- la délibération du 4 juillet 2018 relative au PLU, ainsi que le justificatif de son accessibilité au public et de sa transmission au contrôle de légalité, n'ont été produits ni par le défendeur ni par la préfecture en première instance ;
- l'autorisation de défricher obtenue par une autre société est entachée d'une erreur de droit ; l'autorisation obtenue par la société Guintoli pour la même parcelle était aussi illégale que caduque et ne pouvait être transférée à la société URBA 128 dans le cadre d'un projet différent ;
- le projet est incompatible avec le PLU ; la législation d'urbanisme est applicable à une autorisation de défrichement ; il ne ressort pas du dossier qu'à la date de l'autorisation attaquée, le document d'urbanisme tant communal qu'intercommunal aurait modifié le zonage d'urbanisme sur les parcelles en cause pour le rendre compatible avec le projet de centrale solaire alors que lesdites parcelles étaient initialement situées en zone 1AUL ;
- il appartenait au seul conseil municipal de Rion-des-Landes d'adopter une délibération d'approbation de la déclaration de projet valant mise en compatibilité n° 2 du PLU ;
- la délibération du 2 mai 2018 est illégale ; M. A... en tant que maire de Rion-des-Landes, président du conseil communautaire de la communauté de communes du Pays Tarusate, rapporteur de séance, et directement intéressé au projet de centrale solaire, ne devait pas participer au vote pas plus qu'aux débats précédant l'adoption de la délibération ;
- l'illégalité de l'arrêté de dérogation, qui n'est pas une décision réglementaire, entache celle de l'arrêté de défrichement ; ces deux arrêtés forment une opération complexe ; il est possible de les attaquer par voie d'exception, peu importe leur ordre d'apparition et de signature ;
- la dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées et leurs habitats est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; la motivation de l'arrêté de dérogation est lacunaire quant à la démonstration de l'absence de solution alternative satisfaisante au sens de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ; l'impact sur la faune est important, voire fort ; l'atteinte aux habitats naturels est disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi par le projet ; les défrichements, notamment du site Nabout, ont un impact négatif sur le climat ; les mesures compensatoires sont insuffisantes et inefficaces ; il n'est pas possible de reboiser une parcelle déjà boisée ; il n'est pas justifié d'une " raison impérative d'intérêt public majeur " au sens de la directive " habitats, faune et flore " fondant la destruction des espèces animales, végétales et leur habitat sur le fonds à défricher ; le site de Platiet, moins impactant, aurait dû être retenu.

Par des mémoires en défense enregistrés les 17 mars 2022 et 31 mars 2023, la société URBA 128, représentée par Me Versini-Campinchi, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
- la requête présentée devant le tribunal administratif est irrecevable, en raison de sa tardiveté ;
- les moyens soulevés par la fédération requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 mars 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la fédération requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 25 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 19 mai 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code forestier ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Martin,
- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique,
- et les observations de Me Ducourau, représentant la fédération SEPANSO Landes et de Me Louis, représentant la société URBA 128.


Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée URBA 128 a demandé au préfet des Landes, le 12 février 2018, l'autorisation de défricher 54 hectares (ha) 30 ares (a) et 10 centiares (ca) de bois, en vue de la construction d'un complexe photovoltaïque au sol, situé sur le site de Nabout sur le territoire de la commune de Rion-des-Landes. Par un arrêté du 27 septembre 2018, le préfet des Landes a autorisé le défrichement d'une surface de 53 ha 3a 60 ca. La fédération SEPANSO Landes relève appel du jugement du 7 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'étude d'impact :

2. Aux termes de l'article R. 341-1 du code forestier, dans sa rédaction applicable au litige : " La demande d'autorisation de défrichement est adressée par tout moyen permettant d'établir date certaine au préfet du département où sont situés les terrains à défricher. /La demande est présentée soit par le propriétaire des terrains ou son mandataire, (...)/La demande est accompagnée d'un dossier comprenant les informations et documents suivants : /1° Les pièces justifiant que le demandeur a qualité pour présenter la demande (...) ;/ 3° Lorsque le demandeur est une personne morale, l'acte autorisant le représentant qualifié de cette personne morale à déposer la demande ; /4° La dénomination des terrains à défricher ; /5° Un plan de situation permettant de localiser la zone à défricher ;/6° Un extrait du plan cadastral ; / 7° L'indication de la superficie à défricher par parcelle cadastrale et du total de ces superficies ; /8° S'il y a lieu, l'étude d'impact définie à l'article R. 122-5 du code de l'environnement lorsqu'elle est requise en application des articles R. 122-2 et R. 122-3 du même code ; (...) ". Cet article prévoyait, dans sa version applicable en juin 2018, que les travaux, ouvrages ou aménagements relevant d'une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé sont soumis à une étude d'impact, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l'article L. 122-1, en fonction des critères précisés dans ce tableau. Ledit tableau dispose à la rubrique 47 que sont soumis de façon systématique à une étude d'impact les défrichements portant sur une superficie totale, même fragmentée, égale ou supérieure à 25 hectares.

3. L'autorisation de défrichement délivrée le 27 septembre 2018 portant sur une superficie de 53 ha 3a 60 ca, la demande était dès lors soumise à une étude d'impact. D'une part, l'article R. 122-5 du code de l'environnement définit le contenu de l'étude d'impact, qui doit être proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et à la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. D'autre part, les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'étude d'impact comporte, dans sa partie VI et en pièce 5, une évaluation des effets cumulés dans une aire d'étude autour du projet de centrale photovoltaïque d'un rayon de 5 km pour l'ensemble des projets et d'un rayon de 10 km pour les projets de création de centrale photovoltaïque. Elle a également évalué les impacts cumulés du projet sur le paysage et le milieu naturel, qu'il s'agisse des habitats naturels, des habitats d'espèces ou de la fonctionnalité biologique. Elle conclut à l'absence d'impact cumulé significatif, dès lors que d'une part, les projets tous situés sur des terrains à vocation sylvicole ont fait l'objet d'une demande de défrichement et d'une compensation sylvicole adaptées, d'autre part, que le contexte forestier dans lequel s'implantent les projets limite les visibilités.

5. Ainsi que l'admet la requérante, le document de cadrage des services de l'Etat pour l'instruction des projets photovoltaïques en Aquitaine en date du 18 décembre 2009, émis par la préfecture de la région Aquitaine, est dépourvu de portée réglementaire. Dès lors, l'absence de conformité de l'étude d'impact aux préconisations contenues dans ce document n'est pas, en soi, de nature à l'entacher d'irrégularité.

6. Contrairement à ce que soutient la fédération requérante, les dispositions de l'article R. 122-5 du code de l'environnement n'imposent pas au pétitionnaire, au surplus dans le cadre d'une demande d'autorisation de défrichement, de préciser les modalités de raccordement des installations projetées au réseau électrique qui incombent aux gestionnaires de transport de distribution et de transport d'électricité de ces réseaux et qui relèvent d'une autorisation distincte. Dès lors, la fédération appelante ne peut utilement soutenir que l'étude d'impact, faute de comporter des indications relatives aux modalités de raccordement envisagées, serait entachée d'insuffisances. Au demeurant, l'étude d'impact présentée par la société URBA 128 précise en son point III.3.2 les modalités procédurales à mettre en œuvre pour le raccordement du parc photovoltaïque au réseau d'électricité, et en ses points II.1-4 et II.2.4.1 les impacts " faibles " et négligeables des incidences liées au transport de l'électricité compte tenu de l'enfouissement des lignes électriques de raccordement, qui emprunteront des tracés longeant des voies de circulation ou des limites parcellaires.

7. Contrairement à ce que soutient la fédération appelante, l'étude d'impact mentionne au point IV.2.1 la présence, à l'ouest et à 120 mètres du site de Nabout, d'un quartier d'habitations composé d'un airial, urbanisation typique des landes de Gascogne, lequel ne fait d'ailleurs l'objet d'aucune protection, mais dont la sensibilité a toutefois été prise en considération par la diminution de l'emprise du projet, et par l'implantation d'une haie bocagère en limite extérieure ouest.

8. L'étude d'impact identifie un aléa " feu de forêt " comme fort au sein de la forêt des Landes et qualifie de " faible " la propagation du feu au sein d'une centrale photovoltaïque, dont les causes de démarrage sont extérieures. Les mesures préventives tiennent compte des recommandations du SDIS, émises le 20 septembre 2016, permettant la mise en place de l'ensemble des moyens préventifs et curatifs nécessaires pour limiter ce risque. L'impact du projet sur la santé fait l'objet d'une analyse aux points II.2-4 et suivants qui conclut que cet impact est globalement positif compte tenu d'un système de production permettant d'éviter l'émission de nombreux polluants nocifs et de substituer l'énergie renouvelable aux combustibles traditionnels.

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 8 que le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact doit être écarté dans toutes ses branches.

En ce qui concerne les conclusions du commissaire enquêteur :

10. Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le commissaire enquêteur doit, d'une part, établir un rapport relatant le déroulement de l'enquête et procéder à un examen des observations recueillies lors de celle-ci, en résumant leur contenu. Il doit, d'autre part, indiquer dans un document séparé, ses conclusions motivées sur l'opération, en tenant compte de ces observations mais sans être tenu de répondre à chacune d'elles.

11. Il ressort des pièces du dossier que si le commissaire-enquêteur , après avoir rappelé les mesures prises par le pétitionnaire suite au refus opposé à la demande par le préfet des Landes le 1er août 2017, et avoir pris connaissance de l'ensemble des observations, a émis, le 25 août 2018, un avis favorable à l'autorisation de défrichement au lieu-dit Nabout, il a assorti son avis de deux réserves, l'une portant sur la nécessité d'obtenir une dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées, l'autre sur l'opposabilité de la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de Rion-des-Landes et d'une recommandation de se rapprocher de la famille B... pour favoriser l'acceptabilité du projet. Pour lever ces réserves, d'une part, la communauté de communes du Pays Tarusate a, par une délibération du 4 juillet 2018, approuvé la mise en compatibilité n° 2 du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Rion-des-Landes. Cette délibération a été reçue en préfecture le 6 juillet 2018, produite au dossier, affichée au siège de la communauté de communes du Pays Tarusate et en mairie de Rion-des-Landes durant un mois, et publiée dans un journal diffusé dans le département. Si la fédération SEPANSO Landes conteste les modalités de publicité de cette délibération, cette dernière, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, était accessible tant au juge qu'aux parties sur le site internet https://www.pays-tarusate.fr, et exécutoire depuis le 6 août 2018, en vertu des dispositions de l'article L. 153-24 du code de l'urbanisme, soit antérieurement à l'édiction de l'arrêté attaqué. D'autre part, le préfet des Landes a, par un arrêté du 24 septembre 2019, autorisé la société URBA 128 à déroger aux interdictions de destruction accidentelle, perturbation des spécimens et altération d'habitats de repos ou de reproduction de plusieurs espèces animales, dont la liste a été précisée. Dans ces conditions, alors même qu'une des réserves n'était pas totalement levée mais était en cours de traitement à la date de l'arrêté d'autorisation de défrichement, lequel rappelait la nécessité d'obtenir une dérogation à l'interdiction de destructions d'espèces protégées avant le démarrage des travaux, c'est à juste titre que le tribunal administratif a rappelé que l'avis du commissaire-enquêteur ne liait pas l'autorité compétente et que la SEPANSO n'était pas fondée à soutenir que cet avis devait être regardé comme défavorable. Le moyen doit donc être écarté.

En ce qui concerne le respect du PLU :

12. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale. Or l'autorisation de défrichement en litige n'est pas un acte pris pour l'application de la délibération du 4 juillet 2018 du conseil communautaire de la communauté de communes du Pays Tarusate approuvant la déclaration de projet valant mise en compatibilité n° 2 du PLU de Rion-des-Landes, pour la création d'une centrale photovoltaïque au sol, laquelle ne constitue pas davantage sa base légale. Ainsi, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du PLU aux motifs de l'incompétence du conseil communautaire pour le modifier et de l'absence de changement de zonage des parcelles destinées à recevoir l'implantation du parc photovoltaïque ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité de la délibération du 2 mai 2018 :

13. Aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté, rendu applicable aux établissements publics de coopération intercommunale par l'article L. 5211-3 du même code : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ". Il résulte de ces dispositions que la participation au vote permettant l'adoption d'une délibération d'un conseiller municipal intéressé à l'affaire qui fait l'objet de cette délibération, c'est-à-dire y ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune, est de nature à entraîner son illégalité. De même, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l'adoption d'une telle délibération est susceptible de vicier sa légalité, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d'une participation à son vote, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d'exercer une influence sur la délibération.

14. La circonstance que M. A..., maire de Rion-des-Landes a présidé la séance du 2 mai 2018 du conseil communautaire de la communauté de communes du pays Tarusate au cours de laquelle a été adopté, sur son rapport, l'avis favorable à l'autorisation de défrichement en litige est sans incidence sur la légalité de cette délibération, dès lors que si le projet de la société Urba 128 est situé sur le territoire de la commune de Rion-des-Landes, il n'en résulte pas que M. A... était personnellement intéressé à sa réalisation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne le transfert de l'autorisation de défrichement de la société Guintoli à la société URBA 128 :

15. Faute pour la fédération requérante d'apporter en appel des éléments nouveaux ou complémentaires permettant à la cour de censurer, sur ce point, l'appréciation portée par le tribunal administratif, le moyen tiré de ce que serait entaché d'erreur de droit le transfert de l'autorisation de défrichement de la société Guintoli à la société URBA 128 ne peut qu'être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 12 du jugement.

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'arrêté de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées :

16. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte réglementaire, une telle exception peut être formée à toute époque, même après l'expiration du délai du recours contentieux contre cet acte. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est, en revanche, recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte.

17. L'autorisation de défrichement du 27 septembre 2018 n'ayant pas été prise pour l'application de l'arrêté de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées, intervenu postérieurement le 24 septembre 2019, qui n'en constitue pas la base légale, la fédération SEPANSO Landes ne peut exciper de l'illégalité de cet arrêté à l'appui de ses conclusions en annulation. Ces deux décisions ne constituent pas davantage les éléments d'une même opération complexe. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la fédération SEPANSO Landes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la société URBA 128, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme demandée par la fédération SEPANSO Landes au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la fédération appelante une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société URBA 128 et non compris dans les dépens.

DECIDE :
Article 1er : La requête de la fédération SEPANSO Landes est rejetée.

Article 2 : La fédération SEPANSO Landes versera une somme de 1 500 euros à la société URBA 128.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la fédération SEPANSO Landes, au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société URBA 128.
Copie en sera communiquée au préfet des Landes.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 septembre 2023.

La rapporteure,
Bénédicte MartinLa présidente,
Evelyne BalzamoLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX04428



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