CAA de NANTES, 5ème chambre, 26/09/2023, 21NT02154, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANTES, 5ème chambre, 26/09/2023, 21NT02154, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANTES - 5ème chambre
- N° 21NT02154
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mardi
26 septembre 2023
- Président
- M. FRANCFORT
- Rapporteur
- Mme Cécile ODY
- Avocat(s)
- SELARL LE ROY GOURVENNEC PRIEUR
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... et Mme A... B... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Plestin-les-Grèves (Côtes d'Armor) à leur verser la somme de 21 578,47 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de renseignements erronés relativement à la constructibilité de la parcelle cadastrée section A n° 811, située au lieu-dit " Trevros ".
Par un jugement n° 1804160 du 23 juin 2021, le tribunal administratif de Rennes a condamné la commune de Plestin-les-Grèves à verser à M. et Mme C... la somme de 1 000 euros en réparation de leur préjudice moral (article 1er) et a rejeté le surplus de leur demande (article 3).
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 juillet 2021 et 26 juillet 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Ropars, demandent à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à leur demande ;
2°) de condamner la commune de Plestin-les-Grèves à leur verser la somme de 21 578,47 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Plestin-les-Grèves le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la commune de Plestin-les-Grèves a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en délivrant un certificat d'urbanisme positif le 26 juin 2002, lequel au demeurant ne mentionne pas la loi Littoral ;
- la faute de la commune de Plestin-les-Grèves a eu pour conséquence qu'ils ont acquis le terrain à un prix supérieur à sa valeur, pour un préjudice financier total évalué à 19 578,47 euros ;
- la faute de la commune leur a également causé un préjudice moral évalué à 2 000 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 juin et 9 août 2022 (ce dernier non communiqué), la commune de Plestin-les-Grèves, représentée par la société d'avocats Le Roy, Gourvennec et Prieur, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. et Mme C... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a commis aucune faute en délivrant le certificat d'urbanisme du 26 juin 2002 ;
- à titre subsidiaire les préjudices dont les époux C... demandent indemnisation sont sans lien de causalité avec la faute reprochée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ody,
- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,
- et les observations de Me Maccario, pour la commune de Plestin-les-Grèves.
Une note en délibéré, présentée pour la commune de Plestin-les-Grèves, a été enregistrée le 20 septembre 2023.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C... ont acquis, par acte notarié du 6 septembre 2002, un terrain cadastré section A n° 811 au lieu-dit " Trevros ", sur le territoire de la commune de Plestin-les-Grèves. Avant la signature de l'acte de vente, un certificat d'urbanisme dit " de simple information " avait été délivré par le maire de la commune le 26 juin 2002. Par un arrêté du 17 janvier 2017, le maire a délivré un certificat d'urbanisme dit " pré-opérationnel " négatif en vue de la construction d'une maison individuelle sur le terrain. Par un courrier du 15 juin 2018, les époux C... ont adressé à la commune de Plestin-les-Grèves une réclamation préalable, demeurée sans réponse, tendant à la réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de l'illégalité du certificat d'urbanisme du 26 juin 2002. Par un jugement du 23 juin 2021, le tribunal administratif de Rennes a condamné la commune de Plestin-les-Grèves à verser aux époux C... une somme de 1 000 euros en réparation de leur préjudice moral et a rejeté le surplus de leur demande. M. et Mme C... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande.
Sur la responsabilité de la commune de Plestin-les-Grèves :
2. L'illégalité d'une décision administrative est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration à l'égard de son destinataire s'il en est résulté pour lui un préjudice direct et certain.
3. Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de délivrance du certificat d'urbanisme du 26 juin 2002 : " Le certificat d'urbanisme indique les dispositions d'urbanisme et les limitations administratives au droit de propriété et le régime des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. / Lorsque la demande précise l'opération projetée, en indiquant notamment la destination des bâtiments projetés et leur superficie de plancher hors œuvre, le certificat d'urbanisme précise si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération. / Lorsque toute demande d'autorisation pourrait, du seul fait de la localisation du terrain, être refusée en fonction des dispositions d'urbanisme et, notamment, des règles générales d'urbanisme, la réponse à la demande de certificat d'urbanisme est négative. (...) ". Aux termes de l'article R. 410-12 du même code alors applicable à la date de délivrance du même certificat d'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme indique dans tous les cas : / Les dispositions d'urbanisme applicables au terrain ; / Les limitations administratives au droit de propriété affectant le terrain ; (...) ".
4. Aux termes de l'article L. 146-4 du code l'urbanisme, en vigueur à la date de délivrance des certificats d'urbanisme communiqués par la commune de Plestin-les-Grèves : " I - L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.
5. Il résulte de l'instruction que la parcelle en litige cadastrée section A n° 811 se situe au lieu-dit " Trevros ", lequel se situe à plus d'un kilomètre au nord du centre-bourg et compte moins d'une dizaine de constructions bâties le long de la rue de Trevros et de la venelle de Trevros. La parcelle en litige ne se situe dès lors pas en continuité avec une agglomération ou un village existants, au sens de l'article L. 146-4 précité, au sein de la commune littorale de Plestin-les-Grèves. En outre, en 2002 et en 2017, la parcelle était classée au plan local d'urbanisme de la commune approuvé le 21 juin 2001 en zone UC. Il est constant que le certificat d'urbanisme dit " de simple information " délivré le 26 juin 2002 ne fait référence ni à l'application de la loi Littoral sur le territoire de la commune ni à la circonstance que la mise en œuvre des dispositions correspondantes du code de l'urbanisme emportent une limitation de constructibilité sur la parcelle en litige. Par suite, et sans qu'aient d'incidence les difficultés d'application de cette loi ni les évolutions de la jurisprudence en la matière, l'absence d'information des requérants relativement à l'application de la loi Littoral et aux conséquences de sa mise en œuvre sur la parcelle en litige, dont le certificat rappelle dans le même temps le classement en zone UC constructible, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Plestin-les-Grèves.
Sur les préjudices :
6. L'indemnité susceptible d'être allouée à la victime d'un dommage causé par la faute de l'administration a pour seule vocation de replacer la victime, autant que faire se peut, dans la situation qui aurait été la sienne si le dommage ne s'était pas produit, c'est-à-dire, lorsque la faute résulte d'une décision illégale, si celle-ci n'était jamais intervenue.
En ce qui concerne l'évaluation du préjudice financier :
7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la circonstance que les époux C... n'aient pas été informés de ce que la parcelle en litige était soumise aux dispositions du code de l'urbanisme applicables aux communes littorales et que la mise en œuvre de ces dispositions limitait les possibilités de construction sur cette parcelle a conduit à une évaluation erronée de sa valeur en 2002 et, partant, à une acquisition du terrain à un prix supérieur à sa valeur réelle. Cette différence entre valeur réelle et valeur d'acquisition constitue un préjudice actuel en lien direct et certain avec la faute commise par la commune de Plestin-les-Grèves dans la délivrance du certificat d'urbanisme du 26 juin 2002, susceptible d'être indemnisé, sans qu'ait d'incidence ni la circonstance que les époux C... ne feraient pas état à ce jour d'un projet de vente, ni celle qu'ils n'aient pas fait état d'un projet de construction dans l'acte d'achat. Il résulte également de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la commune de Plestin-les-Grèves, la parcelle A 811 est séparée de la propriété des époux C..., sur laquelle est implantée leur maison d'habitation, par un chemin communal ouvert à la circulation du public et par un talus d'une hauteur d'environ 1,50 mètres. Par suite, la parcelle en litige et le surplus de la propriété des époux C... ne constituent pas ensemble un tènement, lequel aurait permis, le cas échéant, la construction d'une annexe ou d'une extension de la résidence principale des époux C.... Il résulte de l'instruction que l'acte de vente notarié du 6 septembre 2002 fixe à 15 245 euros la valeur de la parcelle d'une superficie de 3 356 m², soit une valeur de 1,37 euros par m². Quand bien même la parcelle était classée en 2002 en zone UC, la parcelle devait être valorisée en tant que terre agricole. Par suite, il y a lieu de se référer à l'arrêté du ministre chargé de l'agriculture du 28 juin 2018 portant fixation du barème indicatif de la valeur vénale moyenne des terres agricoles en 2017, lequel mentionne pour le littoral breton nord des Côtes-d'Armor une valeur dominante de 7 350 euros par hectare. Dans ces conditions il sera fait une exacte appréciation de la valeur vénale de la parcelle de M. et Mme C... en la fixant à la somme de 2 466 euros. Par suite, le préjudice financier subi par les intéressés, en raison de la différence entre le prix d'achat et le prix réel du terrain, lequel est directement en lien avec la faute commise par la commune de Plestin-les-Grèves, s'élève à 12 779 euros.
8. En deuxième lieu, les époux C... ont acquitté une taxe départementale, une taxe communale et une taxe de recouvrement pour un montant total de 746 euros. Il y a lieu d'indemniser ces dépenses, lesquelles n'auraient pas été exposées si les requérants avaient été informés de l'absence de constructibilité de leur terrain. Par suite, le préjudice financier subi par les époux C... au titre des taxes foncières, lequel est directement en lien avec la faute commise par la commune de Plestin-les-Grèves, est évalué à la somme de 746 euros.
9. En troisième lieu, les requérants demandent le remboursement de la provision pour frais d'acquisition, lesquels incluent les honoraires du notaire et les frais d'enregistrement, pour un montant de 2 650 euros. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue de la vente intervenue le 6 septembre 2002, les époux C... ont reçu, par courrier du notaire du 15 octobre 2023, un chèque de 83,27 euros correspondant au solde de leur compte. Dans ces conditions, le préjudice subi par les intéressés au titre des frais de vente, lequel est directement en lien avec la faute commise par la commune de Plestin-les-Grèves, s'établit à la somme de 2 566,73 euros.
10. En quatrième lieu, les requérants demandent le remboursement de l'acompte sur frais d'acte et du dépôt de garantie, lesquelles sont toutefois incluses dans les sommes correspondant aux frais d'acquisition et au prix de vente de la parcelle, et sont indemnisés à ce titre dans les conditions prévues au point 9.
11. En cinquième lieu, les requérants demandent l'indemnisation du coût du crédit qu'ils soutiennent avoir souscrit pour l'acquisition de la parcelle en litige. Il n'est toutefois pas établi par l'instruction, notamment par le tableau d'amortissement du prêt ou l'acte notarié du 6 septembre 2002, que le crédit ait été contracté pour l'acquisition de la parcelle et exclusivement pour cette acquisition. Par suite, la demande présentée au titre de ce préjudice financier par les époux C... doit être rejetée.
En ce qui concerne l'évaluation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence :
12. Il résulte de l'instruction que les époux C... n'auraient pas acheté le terrain s'ils avaient eu connaissance de son caractère inconstructible. En l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par les intéressés et des troubles dans leurs conditions d'existence du fait du manquement fautif imputable à la commune, en le fixant à la somme globale de 1 000 euros.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a limité la somme que la commune de Plestin-les-Grèves a été condamnée à leur verser, en réparation de leurs préjudices, à la somme de 1 000 euros. Cette somme doit être portée à un montant de 17 091,73 euros.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des époux C..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la commune de Plestin-les-Grèves de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Plestin-les-Grèves le versement à M. et Mme C... d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 juin 2021 est réformé comme suit : " La commune de Plestin-les-Grèves est condamnée à verser à M. et Mme C... la somme globale de 17 091,73 euros ".
Article 2 : La commune de Plestin-les-Grèves versera à M. et Mme C... la somme globale de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par la commune de Plestin-les-Grèves au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., Mme A... C... et à la commune de Plestin-les-Grèves.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2023.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
J. FRANCFORT Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT02154
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... et Mme A... B... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Plestin-les-Grèves (Côtes d'Armor) à leur verser la somme de 21 578,47 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de renseignements erronés relativement à la constructibilité de la parcelle cadastrée section A n° 811, située au lieu-dit " Trevros ".
Par un jugement n° 1804160 du 23 juin 2021, le tribunal administratif de Rennes a condamné la commune de Plestin-les-Grèves à verser à M. et Mme C... la somme de 1 000 euros en réparation de leur préjudice moral (article 1er) et a rejeté le surplus de leur demande (article 3).
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 juillet 2021 et 26 juillet 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Ropars, demandent à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à leur demande ;
2°) de condamner la commune de Plestin-les-Grèves à leur verser la somme de 21 578,47 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Plestin-les-Grèves le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la commune de Plestin-les-Grèves a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en délivrant un certificat d'urbanisme positif le 26 juin 2002, lequel au demeurant ne mentionne pas la loi Littoral ;
- la faute de la commune de Plestin-les-Grèves a eu pour conséquence qu'ils ont acquis le terrain à un prix supérieur à sa valeur, pour un préjudice financier total évalué à 19 578,47 euros ;
- la faute de la commune leur a également causé un préjudice moral évalué à 2 000 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 juin et 9 août 2022 (ce dernier non communiqué), la commune de Plestin-les-Grèves, représentée par la société d'avocats Le Roy, Gourvennec et Prieur, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. et Mme C... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a commis aucune faute en délivrant le certificat d'urbanisme du 26 juin 2002 ;
- à titre subsidiaire les préjudices dont les époux C... demandent indemnisation sont sans lien de causalité avec la faute reprochée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ody,
- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,
- et les observations de Me Maccario, pour la commune de Plestin-les-Grèves.
Une note en délibéré, présentée pour la commune de Plestin-les-Grèves, a été enregistrée le 20 septembre 2023.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C... ont acquis, par acte notarié du 6 septembre 2002, un terrain cadastré section A n° 811 au lieu-dit " Trevros ", sur le territoire de la commune de Plestin-les-Grèves. Avant la signature de l'acte de vente, un certificat d'urbanisme dit " de simple information " avait été délivré par le maire de la commune le 26 juin 2002. Par un arrêté du 17 janvier 2017, le maire a délivré un certificat d'urbanisme dit " pré-opérationnel " négatif en vue de la construction d'une maison individuelle sur le terrain. Par un courrier du 15 juin 2018, les époux C... ont adressé à la commune de Plestin-les-Grèves une réclamation préalable, demeurée sans réponse, tendant à la réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de l'illégalité du certificat d'urbanisme du 26 juin 2002. Par un jugement du 23 juin 2021, le tribunal administratif de Rennes a condamné la commune de Plestin-les-Grèves à verser aux époux C... une somme de 1 000 euros en réparation de leur préjudice moral et a rejeté le surplus de leur demande. M. et Mme C... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande.
Sur la responsabilité de la commune de Plestin-les-Grèves :
2. L'illégalité d'une décision administrative est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration à l'égard de son destinataire s'il en est résulté pour lui un préjudice direct et certain.
3. Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de délivrance du certificat d'urbanisme du 26 juin 2002 : " Le certificat d'urbanisme indique les dispositions d'urbanisme et les limitations administratives au droit de propriété et le régime des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. / Lorsque la demande précise l'opération projetée, en indiquant notamment la destination des bâtiments projetés et leur superficie de plancher hors œuvre, le certificat d'urbanisme précise si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération. / Lorsque toute demande d'autorisation pourrait, du seul fait de la localisation du terrain, être refusée en fonction des dispositions d'urbanisme et, notamment, des règles générales d'urbanisme, la réponse à la demande de certificat d'urbanisme est négative. (...) ". Aux termes de l'article R. 410-12 du même code alors applicable à la date de délivrance du même certificat d'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme indique dans tous les cas : / Les dispositions d'urbanisme applicables au terrain ; / Les limitations administratives au droit de propriété affectant le terrain ; (...) ".
4. Aux termes de l'article L. 146-4 du code l'urbanisme, en vigueur à la date de délivrance des certificats d'urbanisme communiqués par la commune de Plestin-les-Grèves : " I - L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.
5. Il résulte de l'instruction que la parcelle en litige cadastrée section A n° 811 se situe au lieu-dit " Trevros ", lequel se situe à plus d'un kilomètre au nord du centre-bourg et compte moins d'une dizaine de constructions bâties le long de la rue de Trevros et de la venelle de Trevros. La parcelle en litige ne se situe dès lors pas en continuité avec une agglomération ou un village existants, au sens de l'article L. 146-4 précité, au sein de la commune littorale de Plestin-les-Grèves. En outre, en 2002 et en 2017, la parcelle était classée au plan local d'urbanisme de la commune approuvé le 21 juin 2001 en zone UC. Il est constant que le certificat d'urbanisme dit " de simple information " délivré le 26 juin 2002 ne fait référence ni à l'application de la loi Littoral sur le territoire de la commune ni à la circonstance que la mise en œuvre des dispositions correspondantes du code de l'urbanisme emportent une limitation de constructibilité sur la parcelle en litige. Par suite, et sans qu'aient d'incidence les difficultés d'application de cette loi ni les évolutions de la jurisprudence en la matière, l'absence d'information des requérants relativement à l'application de la loi Littoral et aux conséquences de sa mise en œuvre sur la parcelle en litige, dont le certificat rappelle dans le même temps le classement en zone UC constructible, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Plestin-les-Grèves.
Sur les préjudices :
6. L'indemnité susceptible d'être allouée à la victime d'un dommage causé par la faute de l'administration a pour seule vocation de replacer la victime, autant que faire se peut, dans la situation qui aurait été la sienne si le dommage ne s'était pas produit, c'est-à-dire, lorsque la faute résulte d'une décision illégale, si celle-ci n'était jamais intervenue.
En ce qui concerne l'évaluation du préjudice financier :
7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la circonstance que les époux C... n'aient pas été informés de ce que la parcelle en litige était soumise aux dispositions du code de l'urbanisme applicables aux communes littorales et que la mise en œuvre de ces dispositions limitait les possibilités de construction sur cette parcelle a conduit à une évaluation erronée de sa valeur en 2002 et, partant, à une acquisition du terrain à un prix supérieur à sa valeur réelle. Cette différence entre valeur réelle et valeur d'acquisition constitue un préjudice actuel en lien direct et certain avec la faute commise par la commune de Plestin-les-Grèves dans la délivrance du certificat d'urbanisme du 26 juin 2002, susceptible d'être indemnisé, sans qu'ait d'incidence ni la circonstance que les époux C... ne feraient pas état à ce jour d'un projet de vente, ni celle qu'ils n'aient pas fait état d'un projet de construction dans l'acte d'achat. Il résulte également de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la commune de Plestin-les-Grèves, la parcelle A 811 est séparée de la propriété des époux C..., sur laquelle est implantée leur maison d'habitation, par un chemin communal ouvert à la circulation du public et par un talus d'une hauteur d'environ 1,50 mètres. Par suite, la parcelle en litige et le surplus de la propriété des époux C... ne constituent pas ensemble un tènement, lequel aurait permis, le cas échéant, la construction d'une annexe ou d'une extension de la résidence principale des époux C.... Il résulte de l'instruction que l'acte de vente notarié du 6 septembre 2002 fixe à 15 245 euros la valeur de la parcelle d'une superficie de 3 356 m², soit une valeur de 1,37 euros par m². Quand bien même la parcelle était classée en 2002 en zone UC, la parcelle devait être valorisée en tant que terre agricole. Par suite, il y a lieu de se référer à l'arrêté du ministre chargé de l'agriculture du 28 juin 2018 portant fixation du barème indicatif de la valeur vénale moyenne des terres agricoles en 2017, lequel mentionne pour le littoral breton nord des Côtes-d'Armor une valeur dominante de 7 350 euros par hectare. Dans ces conditions il sera fait une exacte appréciation de la valeur vénale de la parcelle de M. et Mme C... en la fixant à la somme de 2 466 euros. Par suite, le préjudice financier subi par les intéressés, en raison de la différence entre le prix d'achat et le prix réel du terrain, lequel est directement en lien avec la faute commise par la commune de Plestin-les-Grèves, s'élève à 12 779 euros.
8. En deuxième lieu, les époux C... ont acquitté une taxe départementale, une taxe communale et une taxe de recouvrement pour un montant total de 746 euros. Il y a lieu d'indemniser ces dépenses, lesquelles n'auraient pas été exposées si les requérants avaient été informés de l'absence de constructibilité de leur terrain. Par suite, le préjudice financier subi par les époux C... au titre des taxes foncières, lequel est directement en lien avec la faute commise par la commune de Plestin-les-Grèves, est évalué à la somme de 746 euros.
9. En troisième lieu, les requérants demandent le remboursement de la provision pour frais d'acquisition, lesquels incluent les honoraires du notaire et les frais d'enregistrement, pour un montant de 2 650 euros. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue de la vente intervenue le 6 septembre 2002, les époux C... ont reçu, par courrier du notaire du 15 octobre 2023, un chèque de 83,27 euros correspondant au solde de leur compte. Dans ces conditions, le préjudice subi par les intéressés au titre des frais de vente, lequel est directement en lien avec la faute commise par la commune de Plestin-les-Grèves, s'établit à la somme de 2 566,73 euros.
10. En quatrième lieu, les requérants demandent le remboursement de l'acompte sur frais d'acte et du dépôt de garantie, lesquelles sont toutefois incluses dans les sommes correspondant aux frais d'acquisition et au prix de vente de la parcelle, et sont indemnisés à ce titre dans les conditions prévues au point 9.
11. En cinquième lieu, les requérants demandent l'indemnisation du coût du crédit qu'ils soutiennent avoir souscrit pour l'acquisition de la parcelle en litige. Il n'est toutefois pas établi par l'instruction, notamment par le tableau d'amortissement du prêt ou l'acte notarié du 6 septembre 2002, que le crédit ait été contracté pour l'acquisition de la parcelle et exclusivement pour cette acquisition. Par suite, la demande présentée au titre de ce préjudice financier par les époux C... doit être rejetée.
En ce qui concerne l'évaluation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence :
12. Il résulte de l'instruction que les époux C... n'auraient pas acheté le terrain s'ils avaient eu connaissance de son caractère inconstructible. En l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par les intéressés et des troubles dans leurs conditions d'existence du fait du manquement fautif imputable à la commune, en le fixant à la somme globale de 1 000 euros.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a limité la somme que la commune de Plestin-les-Grèves a été condamnée à leur verser, en réparation de leurs préjudices, à la somme de 1 000 euros. Cette somme doit être portée à un montant de 17 091,73 euros.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des époux C..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la commune de Plestin-les-Grèves de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Plestin-les-Grèves le versement à M. et Mme C... d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 juin 2021 est réformé comme suit : " La commune de Plestin-les-Grèves est condamnée à verser à M. et Mme C... la somme globale de 17 091,73 euros ".
Article 2 : La commune de Plestin-les-Grèves versera à M. et Mme C... la somme globale de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par la commune de Plestin-les-Grèves au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., Mme A... C... et à la commune de Plestin-les-Grèves.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2023.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
J. FRANCFORT Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT02154